Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. J’en ai fini, madame la présidente.

C’est pour y remédier, autant que faire se peut, que notre groupe participera à la discussion de ce collectif budgétaire.

Il y a, dans notre pays, mes chers collègues, des attentes sociales, des inquiétudes, des aspirations jusqu’ici réprimées qu’il nous faut entendre, prendre en compte et que nous devons traduire dans notre travail législatif.

Quatre millions de chômeurs, plus d’un million de mal-logés, des millions de salariés peu ou mal rémunérés, des parents inquiets pour le devenir professionnel de leurs enfants encore scolarisés, des élus locaux courageux mais par trop démunis pour répondre aux attentes sociales de leurs administrés, tous attendent des signes forts de la nouvelle majorité parlementaire, dans sa pluralité et sa diversité.

Et c’est à la lumière des avancées réalisées quant au contenu du texte issu des travaux du Sénat, qui, nous n’en doutons aucunement, seront précis, sérieux et argumentés, que nous apporterons un soutien vigilant au présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste et sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Delebarre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, messieurs les ministres, à l’occasion du deuxième projet de loi de finances rectificative pour l’année 2012, je me réjouis pour ma part des grandes orientations retenues par le nouveau Gouvernement, qui met la justice fiscale au centre de sa stratégie de redressement des comptes publics ; toutefois, je ne peux que constater également que la situation économique, tout comme celle de nos finances publiques, est tout aussi délicate qu’il y a quelques mois.

En effet, mes chers collègues, nous vivons des instants difficiles et le risque de l’emballement de la dette nous oblige plus que jamais à ériger en priorité absolue l’assainissement de nos comptes publics et le retour à l’équilibre pour l’horizon 2017. La réduction du déficit est primordiale. C’est désormais une question qui touche au fondement même de notre souveraineté.

Au regard du contenu du présent texte, je voudrais insister principalement, messieurs les ministres, sur trois sujets qui tiennent à cœur aussi bien aux membres du RDSE qu’aux radicaux de gauche, ma famille politique : il s’agit d’abord de l’abrogation de la TVA sociale, ensuite de la taxe sur les transactions financières et, enfin, de la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales.

Je tiens tout d’abord à souligner l’importance de l’article 1er, qui vise à abroger la TVA sociale.

Cette mesure qui nous avait été présentée, souvenons-nous-en, comme un tournant décisif en faveur de la compétitivité et de l’emploi aurait eu, en réalité, un impact très limité, pour ne pas dire nul, sur la compétitivité de nos entreprises. En effet, comme de très nombreux économistes l’ont souligné, les 13,2 milliards d’euros de baisse de cotisations familiales, dont, il faut le rappeler, seulement un quart concernait le secteur industriel, n’étaient pas en mesure d’exercer un quelconque effet positif sur notre compétitivité.

M. Yvon Collin. D’ailleurs, le coût du travail, certes élevé dans notre pays, n’est pas la principale cause de notre retard sur ce plan ; c’est la compétitivité hors prix qui nous fait défaut et qu’il faut encourager en soutenant d’abord et avant tout l’innovation si nous souhaitons un jour, monsieur le ministre, jouer à armes égales avec des pays comme l’Allemagne. Je rappelle ici, mes chers collègues, que les exportations de l’Allemagne continuent de prospérer tandis que notre déficit commercial bat chaque année de nouveaux et tristes records puisqu’il s’élevait à près de 70 milliards d’euros pour l’année 2011.

Mais la baisse des charges sociales compensées par une hausse de la TVA et de la taxation des produits du capital ne constituait ni une TVA compétitivité ni une TVA anti-délocalisation. Car la répercussion de cette mesure sur les prix des produits français, censés baisser par rapport à ceux des produits importés, était incertaine quant à ses effets, et ce pour plusieurs raisons.

Et d’abord parce que les entreprises auraient très bien pu augmenter leurs marges plutôt que de répercuter cette diminution du coût de production sur le prix des produits.

Même si elle s’était réalisée, cette baisse des prix aurait été minime, de l’ordre de 0,4 % à 0,8 %. Il semble donc bien difficile, avec toute la bonne volonté du monde, de croire qu’une telle mesure aurait permis de lutter contre les délocalisations.

Enfin, nous savons bien que les produits importés ne peuvent pas parfaitement, monsieur le ministre, se substituer aux produits français.

L’accroissement de 1,6 point du taux normal de TVA aurait donc conduit à une augmentation considérable du coût du panier des ménages, en particulier des plus modestes.

Il était par conséquent essentiel d’abroger cette mesure avant même son entrée en vigueur, afin de ne pas affecter davantage le pouvoir d’achat des ménages, déjà en berne. Les derniers chiffres de l’INSEE font état d’un recul de 0,1 % en 2011 et prévoient pour 2012 la plus forte chute du pouvoir d’achat depuis 1984, de l’ordre de 1,2 %. C’est précisément cette chute que nous devons enrayer avec ce premier train de mesures, et tel est bien votre objectif, monsieur le ministre.

Quant au prétendu « matraquage des classes moyennes » évoquées comme un slogan par nos collègues de l’opposition, faut-il leur rappeler que les mesures qu’ils ont soutenues et adoptées, à commencer par cette TVA sociale, ont ou auraient eu sur les ménages de notre pays un impact beaucoup plus grave, en particulier sur les plus modestes ? Or ces derniers ne sont pas touchés par les dispositions du présent collectif, et nous nous vous en donnons acte, monsieur le ministre.

Cependant, qu’il me soit permis de vous suggérer, pour couper court à toute critique, d’être plus précis sur la définition de la notion de « classes moyennes ». Qui sont les Français et les ménages qui en font partie et combien sont-ils ? En effet, le flou sur cette notion profite toujours à l’opposant.

Je voudrais à présent revenir sur la taxe sur les transactions financières adoptée sous la précédente législature et dont le présent projet de loi de finances rectificative prévoit de doubler le taux.

Comme vous le savez, mes chers collègues, je suis un défenseur de la première heure d’une telle taxation puisque j’avais déposé, avec les membres de mon groupe, une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, texte que mon groupe avait fait inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée il y a déjà plus de deux ans, le 23 juin 2010.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Yvon Collin. Merci, monsieur le rapporteur général !

Plus récemment, la nouvelle majorité sénatoriale à laquelle j’appartiens avait introduit dans le projet de loi de finances pour 2012 une autre taxe sur les transactions financières, plus ambitieuse que celle qui avait été finalement retenue par le gouvernement Fillon avec le soutien de sa majorité à l’Assemblée nationale, devenue depuis l’opposition.

Et puisque ce collectif budgétaire ne remet pas en cause cette version de la taxe sur les transactions financières, je tiens à réitérer les inquiétudes formulées par notre excellent rapporteur général de l’époque Nicole Bricq, qui est désormais une non moins excellente ministre. Elle soulignait que le dispositif « peu ambitieux » de la taxe française, lequel ne visait que les transactions sur actions, était « le plus petit commun dénominateur entre tous les États membres » et pourrait bien se révéler « contre-productif ».

En effet, plutôt que de suivre la proposition de la Commission européenne, les États membres pourraient bien se contenter d’une taxe « a minima », sur le modèle du fameux « droit de timbre britannique », mais dans une version affaiblie, comme celle qui a été adoptée par la France, dont « le seul but serait le rendement budgétaire au détriment d’objectifs de régulation ».

C’est pourquoi, monsieur le ministre, il me paraît essentiel de ne pas perdre de vue l’objectif d’instaurer une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse et véritablement efficace, avec une assiette large et un taux faible. C’est ce type de taxe que nous devons mettre en place en France et dans les autres pays européens pour dissuader la spéculation et stabiliser les marchés financiers. C’est dans cet esprit que plusieurs membres de mon groupe et moi-même vous proposerons un amendement sur cette question.

Enfin, je dirai quelques mots de l’esprit des articles 11 à 15, dont l’objet est de lutter contre les pratiques abusives d’optimisation fiscale de certaines grandes entreprises qui ont pour conséquence directe des pertes de recettes non négligeables pour l’État.

Le dernier rapport de la Cour des comptes souligne le risque important de moins-values en recettes lié à la faiblesse du produit de l’impôt sur les sociétés. La crise explique certainement en partie ce faible rendement, mais son effet est aggravé par le comportement de certaines entreprises qui « contournent » la loi pour réduire le montant de l’impôt dû. Cela n’est plus acceptable ! Et il nous appartient, en tant que parlementaires, de réagir et d’y mettre un terme. Les mesures proposées par le Gouvernement, dont certaines ont été remaniées lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale pour renforcer leur sécurité juridique et accroître leur portée, vont dans le bon sens.

Il faudra cependant poursuivre cet effort, au regard notamment des travaux de notre commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, à laquelle j’appartiens, et qui vient tout juste, aujourd'hui même, de rendre public son rapport, dont il convient de saluer la qualité.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif budgétaire constitue, dans l’ensemble, un bon « début » sur le chemin du redressement de nos finances publiques. Même si, selon nous, le projet de loi de finances rectificative peut encore être amélioré par les travaux du Sénat, et je pense à certains de nos amendements, la grande majorité des membres du RDSE apportera son soutien à ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. (Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la présidente, je regrette que M. le ministre du budget s’absente juste au moment où l’opposition vient à parler. Mais c’est bien sûr un hasard…

Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui revêt une importance toute particulière.

Premier grand projet de loi du quinquennat de François Hollande, il est, dans le contexte de grave crise que nous connaissons, le texte qui met en œuvre les premières mesures budgétaires et fiscales décidées par la nouvelle majorité présidentielle et parlementaire.

Il va donner le « la » du quinquennat. Eh bien, force est de constater que ce « la » est dissonant. La gamme de mesures proposée par le nouveau chef d’orchestre Ayrault est en disharmonie totale avec les belles paroles du compositeur Hollande pendant la campagne électorale. Gageons que cette mise en musique quelque peu disharmonieuse ne saurait trouver grâce aux oreilles du public le plus averti.

Le changement de tonalité date du 14 juillet dernier, lorsque le Président de la République a pour la première fois clairement parlé des efforts que devront supporter les Français.

Il avait pourtant fondé toute sa campagne sur un leitmotiv, celui de la justice fiscale, et il avait fait croire aux Français que seuls la finance et ceux qu’il appelle « les riches » seraient davantage mis à contribution.

Mais la réalité est tout autre.

La réforme fiscale que vous proposez, monsieur le ministre, impactera fortement le pouvoir d’achat des classes moyennes et même des classes populaires, avec la suppression des exonérations fiscale et sociale des heures supplémentaires, la remise en cause de la participation via la hausse du forfait social ou encore la baisse de la franchise d’impôts sur les successions.

Vous stigmatisiez Nicolas Sarkozy en le qualifiant de président des riches, mais François Hollande, c’est le président des impôts, et des impôts pour tous ! (M. Jacques-Bernard Magner s’exclame.)

Mme Françoise Cartron. C’est caricatural !

M. David Assouline. Vingt-cinq nouvelles taxes créées sous Sarkozy !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’impôt est le seul moyen que vous avez trouvé pour réduire nos déficits. C’est la solution de facilité ! Le vrai courage aurait résidé dans les coupes budgétaires, les réductions de dépenses, les économies.

Certes, vous prévoyez qu’en 2017 l’effort aura porté à hauteur de 50 % sur les dépenses et 50 % sur les recettes.

M. David Assouline. La droite, c’est la taxe !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais comment vous croire, monsieur le ministre ? En effet, jusqu’en 2014, il n’y a pratiquement aucune économie de dépenses ! Et, en 2012, vous portez atteinte au pouvoir d’achat des ménages et à la compétitivité des entreprises en prévoyant d’augmenter comme jamais le niveau de leur taxation.

Monsieur le ministre, que ferez-vous en 2013 lorsqu’il s’agira de trouver plus de 30 milliards d’euros ? Et, question primordiale, la trajectoire de ce collectif sera-t-elle poursuivie l’année prochaine ?

Je ne parle même pas de nos compatriotes les plus fortunés, qui, sans plus aucun système de plafonnement, vont se voir pour certains taxés de manière totalement confiscatoire, au-delà de leurs revenus disponibles, c’est-à-dire à plus de 100 % ! Cela soulève immanquablement un problème de constitutionnalité.

Le niveau des prélèvements obligatoires en 2013 atteindra plus de 46 % du PIB, un record ! Nous serons à plus de dix points au-dessus du niveau de prélèvements des Allemands ! Alors quid de la convergence fiscale franco-allemande ? Il faudra bien répondre à cette question et, de mon point de vue, il y a urgence.

L’effort sur les dépenses ne sera engagé qu’à partir de 2014. Pourquoi donc attendre, monsieur le ministre ? La dégradation de la conjoncture économique dans les prochaines années n’est pas une hypothèse irréaliste. La Cour des comptes, dirigée par le socialiste Didier Migaud, vous l’a portant clairement indiqué : l’effort doit porter autant sur la dépense que sur la recette.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas le cas ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non, ce n’est pas le cas !

Non seulement vous n’en tenez pas compte, mais, mieux encore, vous augmentez certaines dépenses !

Vos premières semaines d’exercice du pouvoir me font penser à la fable La cigale et la fourmi de La Fontaine : vous dépensez, ne faites aucune économie, en nous disant qu’il sera toujours temps d’en faire plus tard, à partir de 2014.

Mme Françoise Cartron. On fait les économies que vous n’avez pas su faire !

M. David Assouline. Six cents milliards d’euros de dette en plus sous Sarkozy !

M. Jean-Pierre Caffet. Et avec vous, c’est la fable Le loup et l’agneau ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. J’ai bien peur que, si la crise dure encore quelques années, les Français ne se trouvent fort dépourvus ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Vous proposez la hausse du SMIC, de l’allocation de rentrée scolaire, des effectifs de la justice, de l’intérieur et de l’éducation nationale, avec la création des premiers postes dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Vous souhaitez procéder à des extensions incompréhensibles de niches fiscales avec la réduction de la TVA sur le livre et le spectacle vivant. (Même mouvement.)

M. David Assouline. Pour vous, l’exception culturelle, c’est une niche ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. À cette liste non exhaustive, nous pouvons ajouter par exemple les 30 millions d’euros attribués au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, qui n’en a vraiment pas besoin, le recrutement de personnel pour Pôle emploi ou les 150 000 emplois d’avenir, qui, à eux seuls, vont coûter plus de l milliard d’euros, selon certains chiffrages.

Et pourtant, vous affirmez, monsieur le ministre, que vous allez respecter les normes « zéro volume » et « zéro valeur ». C’est de l’affichage !

Vous proposez des équations insolubles : maintien de la masse salariale, maintien des effectifs, maintien du pouvoir d’achat des fonctionnaires (Mme Christiane Demontès s’exclame.) ; François Marc, notre rapporteur général, l’a réaffirmé dans la présentation de son rapport en commission. Là encore, j’aimerais que vous m’expliquiez comment vous allez procéder.

Le Premier président de la Cour des comptes, le socialiste Didier Migaud, a pourtant clairement insisté sur ce point lors de son audition en commission des finances le 4 juillet dernier : soit on maintient le point d’indice et on baisse les effectifs, soit on maintient les effectifs et on touche à l’avancement des fonctionnaires. C’est lui qui l’a dit !

Quant à baisser la TVA dans certains secteurs, c’est ouvrir la boîte de Pandore ! Expliquez-moi en quoi le secteur du livre ou celui du spectacle vivant ont une utilité économique supérieure à ceux de l’hôtellerie-restauration ou du bâtiment, dont vous souhaitez augmenter le taux de TVA dans les prochains mois. (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.) Même si les montants en jeu ne sont pas les mêmes, c’est une question de principe !

La réponse est claire : vous voulez privilégier votre électorat !

M. Joël Billard. Voilà ! La malice !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Fonctionnaires, artistes, enseignants, intellectuels de gauche : quand il s’agit de leur faire plaisir, la discipline budgétaire s’évapore ! (M. David Assouline proteste.)

Mme Christiane Demontès. Et vous, qu’avez-vous fait pendant ces dix dernières années ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En tout cas, l’idéologie prime la responsabilité et l’intérêt général.

Ce début de quinquennat me fait penser au début des années Mitterrand. Cela a duré deux ans avant le tournant de la rigueur. Mais, dans le contexte de crise actuel, tout va beaucoup plus vite, les mesures ne peuvent attendre ; aussi, j’ai bien peur que le tournant de la rigueur ne se répète, et ce dès le budget de cet automne.

M. David Assouline. Nous devons trouver 33 milliards d’euros !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Supprimer l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, c’est inciter au renoncement à ces heures supplémentaires et c’est donc un retour aux 35 heures que nous avions cherché à assouplir. Vous ne démordez toujours pas de votre idée de partage du travail, qui, nous l’avons constaté, ne fonctionne pourtant pas, ni en France, ni ailleurs. Personne n’applique un tel système !

Mme Christiane Demontès. Travailler plus pour gagner plus, cela a drôlement bien fonctionné…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est également encore par pure idéologie que, dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinons, vous détricotez ce qu’a fait le précédent gouvernement, même si vous reconnaissez qu’il fallait le faire !

Nous allions baisser les charges sur les entreprises à partir du 1er octobre. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. François Rebsamen. Ils allaient le faire…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous supprimez cette mesure tout en reconnaissant, pour la première fois, que la compétitivité est liée au coût du travail.

François Hollande prône davantage de soutien à la croissance quand il est hors de France, mais le gouvernement qu’il a nommé renonce à des mesures qui indéniablement vont dans ce sens.

Vos premières semaines de pilotage de nos finances publiques et vos premières mesures me font penser à une course automobile : François Hollande serait le patron de l’écurie France, avec Jean-Marc Ayrault comme pilote dans une dure compétition internationale.

La voiture grecque serait au bord de la sortie de route – disons les choses clairement ! –, la voiture espagnole est en feu, au propre comme au figuré, et la voiture italienne est en très grande difficulté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Germain. Fillon dans le fossé !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Notre principal concurrent serait la voiture allemande, plus puissante, mieux réglée mécaniquement et plus légère,…

M. David Assouline. Et la prime à la casse ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … la voiture française étant, elle, alourdie par le poids de ses charges sociales et de ses prélèvements obligatoires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

La ligne d’arrivée est connue : c’est l’équilibre des comptes publics. La question est la suivante : toutes les voitures réussiront-elles à la franchir, et ce dans les temps impartis ? (M. François Rebsamen s’exclame.)

M. Jean Germain. Avec Fillon, on a vu !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quant aux étapes de la course, elles sont connues : 4,4 % de déficit public en 2012, 3 % en 2013, une ligne d’arrivée qui devrait être franchie en 2017 – pour notre part, nous avions d'ailleurs préféré 2016.

Ces étapes sont spécifiées par le règlement de course,…

M. David Assouline. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … en l’occurrence la loi de programmation des finances publiques, conformément au souhait de la « fédération automobile internationale », située à Bruxelles.

Mais le problème spécifique de la voiture française, c’est qu’elle a un nouveau pilote, qui suit les indications parfois contradictoires de son patron d’écurie, lequel semble ne pas avoir de stratégie très claire. Dès le début de son parcours, le pilote a adopté un style de conduite pour le moins erratique, fait de virages, de zigzags, de reculs (M. François Rebsamen s’exclame.), voire de contresens et de sens interdits. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Les commissaires de la course, que sont la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances et la Commission européenne, ont beau agiter le drapeau et lui indiquer la bonne route, rien n’y fait : le pilote ne la suit pas. Le doute s’installe maintenant sur la capacité de ce dernier à franchir les étapes dans le temps imparti et les agences de notation, en gendarmes vigilants, pourraient le rappeler sévèrement à l’ordre s’il prenait trop de sens interdits ou de contresens dangereux !

D'ailleurs, les reculs sont extrêmement nombreux.

Le candidat François Hollande nous avait bien promis de mettre l’Allemagne au pas de la France, de renégocier le traité budgétaire. Au final, le Président de la République, une fois élu, a rapidement reculé sur les eurobonds. On n’en parle plus !

M. David Assouline. Et les europrojects ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a en outre accepté d’adopter le pacte budgétaire européen contenant la règle d’or. Pourtant, la proposition n° 11 du programme présidentiel spécifiait explicitement : «Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 […] ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’était vite dit !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le Président de la République a beau se défendre en prétendant avoir relancé la politique de croissance en Europe, la réalité est bien moins triomphale.

Les quelque 55 milliards d’euros supplémentaires qui seront consacrés à des mesures destinées à dynamiser la croissance – sur les 120 milliards d’euros, en fait déjà décidés depuis six mois ; tous ceux qui suivent les affaires européennes le savent – seront vraisemblablement saupoudrés sur l’ensemble de l’Union européenne et la France ne devrait quasiment rien récupérer au final.

Ces 55 milliards d’euros sont aussi à mettre en regard des 39 milliards d’euros du plan de relance français de 2009. À l’époque, la gauche avait pourtant jugé ce montant bien trop faible pour permettre un redémarrage de la croissance. Il représentait quand même 2 % du PIB, soit le double du total des mesures annoncées par l’Union européenne dans le pacte de croissance.

Alors que le projet de loi de finances rectificative devrait décliner le programme fiscal de François Hollande, force est de constater que l’exercice de la réalité a déjà obligé ce dernier à reculer sur un certain nombre des promesses les plus emblématiques de sa campagne.

Ces mesures, comme la taxation à 75 % des ménages les plus fortunés, sont repoussées à l’automne, voire à plus tard encore – je pense en particulier au doublement du plafond du livret A, qui ne bénéficierait qu’aux 9 % de détenteurs les plus fortunés. Certaines mesures sont même abandonnées : c’est notamment le cas de la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, permettez-moi de faire plusieurs remarques pour conclure.

Premièrement, si vous avez appelé au changement dans votre programme présidentiel, vous l’avez fait sur la base de mensonges. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Frécon. C’est Nicolas Sarkozy qui a proféré des mensonges !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Avec ce collectif budgétaire, vous nous présentez la première facture. Je le dis très clairement aux Français : il y en aura d’autres ! En tout état de cause, celle-là est particulièrement salée pour les classes populaires et pour les classes moyennes.

M. François Rebsamen. Vous nous avez laissé une facture de 7 milliards d’euros !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Deuxièmement, ce collectif budgétaire comporte beaucoup de zones d’ombre. Certaines ont été levées lors de la discussion à l’Assemblée nationale, comme sur les heures supplémentaires.

Sur les cotisations sociales ou patronales, vos projets n’étaient vraiment pas clairs. Vous ne nous disiez pas la vérité !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vrai. La question de la date d’entrée en vigueur de la mesure et de son éventuelle rétroactivité en témoigne.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Néanmoins, d’autres zones d’ombre subsistent, que nous tâcherons de lever ici.

Troisièmement, en l’état, ce collectif budgétaire n’est franchement pas nécessaire.

M. Jean-Pierre Caffet. La France doit respecter ses engagements !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je le dis très clairement : il n’apporte rien aux conditions essentielles de l’équilibre financier. (MM. Jean-Claude Frécon et François Rebsamen s’exclament.) Au contraire, l’idéologie vous pousse à modifier cet équilibre sans en considérer les conséquences. Je répète ici ce que j’ai dit en commission des finances : l’étude d’impact de ce collectif budgétaire, c’est le degré zéro des études d’impact !

Quatrièmement, enfin, à un mécanisme vertueux de récompense et de partage que la précédente majorité avait instauré, vous avez préféré le matraquage fiscal. Vous découragez le mérite et l’effort. C’est un signal dévastateur envoyé aux marchés financiers (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et, surtout, à tous ceux qui pensent que la France a plutôt mieux résisté à la crise que les autres pays.

Vous êtes en train de sacrifier quatre ans d’efforts sur l’autel de votre idéologie ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)