M. Jean-Pierre Caffet. Si la Hongrie, la Roumanie ou la Bulgarie connaissent une convergence salariale vers l’Allemagne et la France, c’est plutôt un progrès.

En revanche, comme la Cour des comptes le souligne en filigrane – ne lui faites pas dire ce qu’elle n’a pas dit, madame Jouanno ! –, si les coûts salariaux français continuaient d’augmenter plus vite que les coûts salariaux allemands à l’avenir – dans les cinq ans qui viennent, par exemple –, alors oui, nous pourrions alors avoir un problème de compétitivité-prix. Mais, je le répète, ce n’est pas le cas aujourd’hui !

Je mets au défi quiconque, y compris dans la zone des Vingt-sept, de contester ce constat.

De toute façon, nous devrons avoir ce débat sur la compétitivité-prix.

Hier, M. le ministre a démontré à l’envi que votre mesure ne résolvait aucun problème de manière structurelle, pour la raison très simple que la baisse des cotisations sociales aboutissait à une diminution du coût salarial de 2 % en moyenne. Compte tenu du poids des salaires dans la production d’un produit fini, cela représentait entre 0,4 % et 0,8 % de diminution du prix hors taxe. Un surcroît de compétitivité qui se fonde sur une diminution si faible du prix, c’est du pipeau !

En tout état de cause, cet avantage aurait été bien vite absorbé par les gains de productivité réalisés de l’autre côté du Rhin. Car l’Allemagne, de son côté, mène une tout autre politique. Pendant qu’on essaye de baisser les coûts salariaux, et donc, inévitablement, les salaires, les Allemands ont recours à la réduction du temps de travail, au chômage partiel et discutent avec les partenaires sociaux. C’est de cela qu’il s’agit.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quel manque de lucidité !

M. Jean-Pierre Caffet. Car, mes chers amis, la compétitivité n’est pas seulement un problème de compétitivité-prix. C’est aussi un problème de dialogue social et de relations avec les partenaires sociaux.

Nous avons commencé à nous atteler à cette question avec la Conférence sociale, et nous avons bien l’intention de continuer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Le fait d’avoir voté et appelé à voter pour un Président de la République qui a promis, entre autres choses, de supprimer la TVA sociale suffirait à expliquer mon vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Vous oubliez l’augmentation à venir de la CSG !

M. Claude Domeizel. Vous pourriez, mes chers collègues, respecter le vote des Français ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous représentons aussi les Français !

M. Henri de Raincourt. Vous les enfumez, les Français !

M. Claude Domeizel. Je vais toutefois essayer de vous expliquer pourquoi je suis foncièrement contre la TVA sociale.

M. Francis Delattre. Ce n’est pas la peine !

M. Claude Domeizel. C’est même un problème fondamental lié à l’organisation de la sécurité sociale dans notre pays.

En effet, à sa création, la sécurité sociale était assise sur deux notions, la gestion paritaire et le détachement de son budget de celui de la Nation.

Plusieurs sénateurs de l’UCR. Voilà !

M. Claude Domeizel. C’est notamment pour cette raison que votre majorité a créé, en 1996, le dispositif qui a obligé le Parlement à voter chaque année une loi, non pas de finances, mais de financement de la sécurité sociale – la différence est de taille.

C’est la raison pour laquelle je continue, et je continuerai toujours, pour ma part, à militer pour que ces deux piliers de la sécurité sociale soient préservés.

La seule protection sociale qui soit fiscalisée dans notre pays – il n’y en a qu’une ! –, ce sont les pensions de retraite des fonctionnaires d’État, et ce pour une raison que l’on a un peu oubliée : les fonctionnaires sont inscrits au Grand-Livre de la dette publique, une vieille notion.

Même si cela peut choquer certains – mes propos n’engagent que moi ! –, je fais partie de ceux qui souhaitent que les fonctionnaires d’État aient un jour un régime propre, ce qui permettrait de clarifier la situation. On aurait alors un système fondé sur la même base : une gestion paritaire et un financement détaché du budget de la nation.

C'est la raison pour laquelle je voterai contre l’amendement de suppression présenté par M. Gaudin. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai présentés hier sur ce sujet. Toutefois, je souhaite répondre à l’interpellation de Mme Des Esgaulx.

Certes, le jeu des citations est facile, mais il n’est pas sans intérêt ! Vous avez raison de dire qu’un dispositif économique ne peut être séparé de son contexte.

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. C’est précisément parce que nous avons analysé la conjoncture de notre pays que nous estimons que l’instauration de la TVA sociale serait aujourd'hui la mesure la plus absurde qui pourrait être prise. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) En effet, cela a été rappelé hier à plusieurs reprises, elle pèserait sur la consommation des ménages, qui, elle, pèse à hauteur de 60 % dans la croissance. Ce ne serait pas une bonne mesure pour notre économie. C’est non pas un point de vue idéologique, mais une analyse économique.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On verra en 2013 !

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Car la gauche, elle aussi, est capable de conduire des analyses économiques !

Enfin, je veux rappeler une fois de plus qu’il existe une différence importante entre nous : nous pensons, nous n’avons de cesse de le répéter, que l’augmentation de la TVA n’est pas une mesure susceptible d’instaurer plus de justice fiscale. C’est la raison pour laquelle nous n’y sommes pas favorables.

Tels sont les deux éléments que je souhaitais verser au débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. François Fortassin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la cause est entendue ! Les dés sont jetés ! Ce petit enfant fragile, cette petite TVA sociale, dont l’accouchement a été si tardif, …

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Dix ans !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … est à peine né que déjà vous allez le tuer !

Cependant, je crois pouvoir dire que l’initiative que nous avons prise au mois de mars dernier a été particulièrement utile, et ce pour plusieurs raisons.

Tous nos collègues du groupe de l’UCR et du groupe UMP, à la seule exception de notre collègue Philippe Dominati, représentant la composante la plus libérale, viennent unanimement de défendre le principe de cette expérimentation. Or, jusqu’au mois de mars dernier, nous étions encore bien loin de cette unanimité, tant les divergences de vues sur ce sujet étaient grandes.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est, me semble-t-il, une leçon utile de l’alternance : nous avons perçu l’importance de mener une réflexion structurelle et stratégique, en matière de fiscalité, sur les prélèvements obligatoires et le financement de la protection sociale.

Plusieurs de nos collègues – Chantal Jouanno, Philippe Bas, Claude Domeizel et Jean-Pierre Caffet de manière très intéressante – ont parlé du financement de la protection sociale. Tel est, à la vérité, l’enjeu ! Demandons-nous comment nous pouvons concevoir, pour l’avenir, de manière stratégique, le financement de la protection sociale afin d’assurer sa continuité.

Toutefois, la question de fond est la suivante : la sécurité sociale est-elle, oui ou non, en train de changer de nature ?

Elle était, il est vrai, contributive ; elle le demeure, mais à 70 % seulement. L’ensemble de la fiscalité qui y est affecté, vous le savez fort bien, cher collègue rapporteur général de la commission des affaires sociales, représente aujourd'hui, en y intégrant la CSG, 30 % des ressources de la sécurité sociale. Il serait bien entendu impossible de concevoir une sécurité sociale sans cet apport fiscal.

M. Jean-Pierre Caffet. Vous êtes donc pour la CSG !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Permettez-moi d’aller au bout de mon raisonnement.

La sécurité sociale, qui est notre ciment social, est en train de changer de nature. Chaque année – et ce sera avec vous pour un petit moment ! (Sourires.) –, nous examinons et adoptons deux lois financières, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Il est vrai que les règles du jeu sont quelque peu différentes, mais la symétrie entre les deux lois est de plus en plus grande.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le Gouvernement auquel vous appartenez a indiqué, je l’ai noté avec plaisir, car cette question avait fait débat au cours des dernières années, que toute initiative en matière de prélèvements obligatoires devra être prise dans le cadre de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Claude Domeizel. Tout à fait !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est le monopole des lois financières, que nos engagements européens nous incitent à consolider.

Il est bien légitime que l’on s’interroge, comme le fait de façon si tenace et si persévérante depuis de longues années notre collègue Jean Arthuis (M. Jean Arthuis opine.), sur l’évolution des modes de financement de la sécurité sociale.

Regardons d’ailleurs ce qui se passe dans les pays voisins. La plupart d’entre eux votent au sein d’une même loi la dépense sociale et la dépense budgétaire. La question des charges du financement de la protection sociale et des différents risques se pose partout.

Monsieur le ministre, ce pauvre petit enfant est pour l’instant condamné. Mais je souhaiterais vivement que l’on engage dès que possible, de manière ouverte, un vrai débat sur le sujet, car il s’agit d’une question stratégique nationale, d’intérêt général. En effet, c’est la cohésion sociale de notre pays qui est en jeu. Nous déplorons les uns et les autres l’absence d’un tel débat. Menons-le de manière constructive et transparente. Certes, il sera forcément empreint d’une certaine passion, mais c’est la vie politique qui veut qu’il en soit ainsi !

Monsieur le ministre, quelles sont vos intentions et quelles options avez-vous pour les mois à venir ?

La CSG est si pratique : …

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … la base est large et le taux est encore relativement modéré.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il n’y a pas si longtemps, nos amis présidents de conseils généraux nous faisaient remarquer les déséquilibres stratégiques de leurs comptes. La disproportion entre l’évolution des ressources des collectivités et les prestations qu’elles doivent verser, telles l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, ou la prestation de compensation du handicap, est telle que la seule solution consiste à équilibrer la dépense sociale des départements avec un peu de CSG. Qui ne l’a dit ? Qui ne l’a pensé, mes chers collègues ?

Nous entendons aussi celles et ceux qui, à juste titre, se préoccupent du risque de dépendance ou de la création d’une branche consacrée à garantir l’autonomie des personnes âgées autant qu’il est possible. Là encore, la ministre chargée de ce dossier, Mme Michèle Delaunay, a indiqué – et c’est compréhensible – qu’il faudrait un peu de CSG. Vous-même, monsieur le ministre, avec d’autres membres du Gouvernement, avez évoqué, en substitut à cette pauvre petite TVA sociale, un peu de CSG.

Par ailleurs, nous le savons, parmi les engagements présidentiels figure une fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu.

Personnellement, je ne considère pas cette option comme le diable. Mais il faut être clair : elle doit s’inscrire dans une démarche structurée et stratégique, reposant sur une comparaison avec nos principaux partenaires, afin que nous comprenions bien vers quel modèle fiscal, et donc vers quel modèle social, nous nous dirigeons.

Aussi souhaiterais-je, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur tous ces points.

L’engagement présidentiel pris quant à la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu est-il, oui ou non, toujours d’actualité ? Êtes-vous toujours sur cette ligne ? Où en êtes-vous de vos réflexions et des débats internes sur le fond ? Car tout le reste en dépend.

M. Jean-Pierre Caffet. Vous vouliez en arriver là !

M. Francis Delattre. Eh oui ! Le reste n’est qu’effet de manche !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À la rentrée, lorsque nous en viendrons enfin aux choses sérieuses, dans un contexte global qui, probablement, ne se sera pas amélioré par rapport à aujourd'hui – Dieu sait que je ne le souhaite pas, mais je fais preuve de réalisme ! –, nous devrons entrer dans le débat, le vrai, car celui-ci n’est qu’un petit zakouski, qui fait plaisir à nos collègues de la majorité et attriste les autres, qui font là en quelque sorte leur deuil.

La page sera vite tournée. Monsieur le ministre, quelle stratégie nous proposerez-vous pour la CSG, pour l’impôt sur le revenu, pour notre fiscalité, pour la TVA, pour la compétitivité, pour le financement de la protection sociale ?

Voilà ce que nous avons voulu, les uns et les autres, vous dire en multipliant nos interventions. Certes, nous n’en abuserons pas, mais il est de notre responsabilité – et c’est le cœur du rôle du Parlement – de vous demander des compléments d’information. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Excellent !

(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 119 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 139
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 144 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, de Montesquiou, Dubois, J. Boyer, Delahaye, Marseille et Amoudry, Mme Morin-Desailly, MM. Roche, Capo-Canellas, Détraigne et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 241-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 9° Une compensation à due concurrence du produit de la taxe sur la valeur ajoutée nette correspondant aux montants de cette taxe enregistrés au titre de l’année par les comptables publics, déduction faite des remboursements et restitutions effectués pour la même période par les comptables assignataires, et affectée au compte de concours financier « Financement des organismes de sécurité sociale ».

2° L’article L. 241-6 est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « ces cotisations sont intégralement à la charge de l’employeur » sont supprimés ;

b) Au 9°, le taux : « 6,70 % » est remplacé par le taux : « 12 % ».

II. – Au troisième alinéa du 1 de l'article 1er du décret n° 67-804 du 20 septembre 1967 portant fixation des taux des cotisations d'assurances sociales dues au titre de l'emploi des salaries placés sous le régime général pour une partie des risques, le taux : « 12,80 % » est remplacé par le taux : « 9,80 % ».

III. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, la compensation à la Caisse nationale des allocations familiales et à la Caisse nationale d’assurance maladie de la réduction des cotisations patronales prévue au 2° du I, et de la diminution des taux visés au II du présent article, s’effectue au moyen des ressources mentionnées aux 9° des articles L. 241-2 et L. 241-6 du même code.

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de la suppression des charges patronales familiales et d’une fraction des charges patronales d’assurance maladie, prévues au I, sont compensées à due concurrence par les dispositions du V et du VI du présent article.

V. – Il est ouvert un compte de concours financiers intitulé : « Financement des organismes de sécurité sociale ».

Ce compte retrace, respectivement en dépenses et en recettes, les versements à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale et les remboursements des avances sur le montant des impositions affectées par l’État aux régimes de sécurité sociale.

Le compte de concours financiers intitulé « Financement des organismes de sécurité sociale » est abondé par l’affectation d’une fraction de 5,4 % du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.

VI. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° À l’article 278, le taux : « 21,20 % » est remplacé par le taux : « 25 % » ;

2° Au premier alinéa de l’article 278 bis, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

3° À l’article 278 ter, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

4° À l’article 278 quater, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

5° Au premier alinéa et au II de l’article 278 sexies, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

6° Au premier alinéa de l’article 278 septies, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

7° Au premier alinéa et à la seconde phrase du b du 1° du A de l’article 278-0 bis, le taux : « 5,5 % » est remplacé par le taux : « 7 % ».

VII. – Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le Gouvernement remet au Parlement, annuellement, et au plus tard le 15 octobre, un rapport établissant l’évaluation du dispositif de TVA sociale et ses effets sur la compétitivité de l’économie française.

L'amendement n° 96, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Remplacer le taux :

19,60 %

par le taux :

23 %

Cet amendement n'est pas soutenu.

La parole est à M. Jean Arthuis, pour défendre l'amendement n° 144 rectifié bis.

M. Jean Arthuis. J’ai exposé à plusieurs reprises notre philosophie et nos convictions en matière de compétitivité. Je n’ai jamais dit que celle-ci dépendait exclusivement des charges patronales pesant sur les salaires. Nous avons évidemment besoin d’innovation, d’investissement et de recherche, et il nous faut bien entendu soutenir les PME, mais il faut également prendre en compte le facteur travail.

Nous sommes au cœur d’un vrai débat sur notre stratégie fiscale. La référence à 1789 est naturellement fondamentale. Mais dites-moi, mes chers collègues, quel était le niveau des prélèvements sociaux en 1789 ?

À la Libération., il a été décidé que les salaires constitueraient l’assiette du financement de la sécurité sociale. Est-ce encore un principe de justice aujourd'hui, dans une économie mondialisée ? Le citoyen qui ne consomme que des produits venus de l’étranger ne participe pas au financement de sa protection sociale parce que le prix qu’il paie ne contribue en aucune façon à ce financement ; en revanche, ceux d’entre nous qui consomment des produits et services issus du travail français participent, à travers le prix qu’ils paient, au financement de leur protection sociale. Dites-moi où sont la justice et l’injustice !

Je vous en prie, sortons de nos schémas traditionnels ! C’est formidable de penser que les salaires doivent rester l’assiette des cotisations sociales, mais, comme l’a rappelé Philippe Marini, nous transférons chaque année des impôts d’État pour financer la sécurité sociale… Les salaires s’estompent, en quelque sorte. Ce sont les représentant des syndicats qui gèrent les caisses, mais nombre d’entre eux représentent plutôt la sphère publique que la sphère privée concurrentielle ; permettez-moi de le souligner.

Je voudrais aussi combattre l’idée que les salaires pèsent peu dans la valeur ajoutée des entreprises. Comme je l’ai dit hier, le prix que paient les entreprises pour s’approprier des sous-ensembles et des ensembles qu’elles transforment ou manufacturent – je pense notamment aux prestations extérieures et aux fournitures – est largement déterminé par des salaires versés en amont. Le poids des salaires est donc considérable !

Au demeurant, si nous voulons avoir un impact décisif, il ne faut pas nous en tenir à une hausse de 1,6 point de TVA, mais prévoir le basculement de 50 milliards d'euros. Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais me livrer à une petite démonstration.

Avec le basculement de 50 milliards d'euros que je propose, un produit actuellement vendu à 100 euros hors taxes pourrait être mis sur le marché à 95 euros hors taxes. Si l’on applique une TVA de 19,6 % à un prix de 100 euros, le consommateur paie 119,60 euros ; si l’on applique une TVA de 25 % à un prix de 95 euros, le consommateur paie 118,75 euros, c'est-à-dire moins que 119,60 euros.

J’affirme qu’une hausse de la TVA associée à un allégement des cotisations sociales dans une proportion significative n’entraînerait pas d’augmentation des produits issus du travail français. Il n’y aurait donc aucune injustice !

Il est vrai que les produits importés seraient mis sur le marché à un prix plus élevé mais, dans la mesure où ceux qui importent sont aussi ceux qui réalisent les marges les plus considérables, ils ne répercuteraient pas l’intégralité de la hausse de TVA, de sorte que l’inflation serait inférieure à cette hausse. En revanche, notre gain de compétitivité à l’export serait total puisque nous exportons hors TVA.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous conseille de garder la CSG pour financer la prise en charge de la dépendance lorsque vous serez en mesure de nous présenter un projet crédible !

J’ajoute que, si nous allégions les cotisations sociales, nous les allégerions pour tous les employeurs, y compris les employeurs publics. Les salaires des trois fonctions publiques représentent à peu près 250 milliards d'euros chaque année ; l’allègement des cotisations sociales se traduirait donc par un allègement significatif des charges que supportent les collectivités territoriales, les hôpitaux, les établissements sanitaires et l’État employeur.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous associer à l’amendement que je présente au nom du groupe de l’Union centriste et républicaine. (Applaudissements sur les travées de l'UCR ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La position de la commission des finances est très simple : dans la mesure où elle s’est prononcée en faveur de la suppression de la TVA sociale, elle ne peut qu’être défavorable à cet amendement qui vise à instaurer une TVA sociale encore plus forte.

Je voudrais apporter un élément complémentaire. Certes, on peut supposer que l’impact sur l’emploi d’une TVA sociale renforcée serait bien plus puissant que celui qu’on attendait de la « petite » TVA sociale qu’avait instaurée le précédent gouvernement : selon la commission des finances, 150 000 à 160 000 emplois pourraient être créés. En revanche – il me semble important d’apporter cette précision –, l’impact sur l’inflation serait très significatif.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Certains ont soutenu que l’on ne pouvait pas dire qu’une augmentation de la TVA entraînerait forcément de l’inflation. Toutefois, plusieurs économistes ont apporté des éléments précis qui infirment cette hypothèse. Je pense notamment à l’étude de la Bundesbank sur les effets de la hausse de trois points de la TVA en Allemagne en 2007, qui montre que la hausse de la TVA s’est répercutée presque intégralement sur les prix ; l’effet inflationniste a donc été manifeste. Cet exemple est d’autant plus parlant qu’il concerne un pays proche du nôtre. Par conséquent, on ne peut affirmer de manière péremptoire qu’une augmentation de la TVA en France n’aurait pas d’effet inflationniste. Pour ma part, je pense qu’il y en aurait un.

Je suis en désaccord avec le fond même de l’argumentation développée par Jean Arthuis. Une hausse de la TVA pourrait avoir certains effets redoutables : plus d’inflation, c’est aussi plus d’injustice. Pour cette raison également, il me paraît important de ne pas donner suite à la proposition de Jean Arthuis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je souhaiterais prolonger le débat avec Jean Arthuis. Nous sommes en désaccord sur les conséquences qu’aurait une augmentation de la TVA sur la formation des prix. Certains pensent que ceux-ci ne seraient pas modifiés et qu’aucune atteinte ne serait donc portée au pouvoir d'achat ; d’autres estiment au contraire que les prix seraient déformés et augmenteraient.

Je reprends à mon compte l’étude de la Bundesbank qu’a citée le rapporteur général. Selon cette étude, je le rappelle, l’augmentation de trois points de la TVA décidée par le gouvernement Schröder a entraîné une inflation de 2,6 %. On peut contester la méthodologie de la Bundesbank mais pas le chiffre qu’elle a obtenu.

Les conclusions de la Bundesbank se comprennent d'ailleurs assez bien. Examinons les conséquences d’une hausse de la TVA sur les produits importés et les produits fabriqués en France. Les produits importés voient nécessairement leurs prix augmenter, puisque la TVA sociale constitue une forme de dévaluation compétitive ; c’est d'ailleurs tout l’intérêt de cette mesure, et il est donc difficilement compréhensible que ses partisans le nient. Sachant que les produits importés représentent un tiers des biens consommés dans notre pays, comment peut-on imaginer qu’une augmentation incontestable de leurs prix n’ait pas d’incidence sur l’inflation, au moins dans ce secteur ?