Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif au harcèlement sexuel
Article 4

Article 3 bis

L’article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits :

« a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

« b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. » ;

1° bis Après le mot : « fonctionnaire », la fin du premier alinéa est supprimée ;

2° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Parce qu’il a subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas, y compris, dans le cas mentionné au a, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés ; »

3° Au 2°, les mots : « Le fait qu’il a » sont remplacés par les mots : « Parce qu’il a » et le mot : « agissements » est remplacé par le mot : « faits » ;



4° Au 3°, les mots : « le fait qu’il a » sont remplacés par les mots : « parce qu’il a » et le mot : « agissements » est remplacé par le mot : « faits » ;



5° Après le mot : « aux », la fin de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas. »

Article 3 bis
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Article 5

Article 4

Le code du travail applicable à Mayotte est ainsi modifié :

1° Le titre V du livre préliminaire est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

bis) À l’article L. 052-2, après le mot : « salarié », sont insérés les mots : « , aucune personne en formation ou en stage » ;

ter) (nouveau) L’article L. 052-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le texte de l’article 222-33-2 du code pénal est affiché dans les lieux de travail. »

b) Le chapitre III est ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Harcèlement sexuel



« Art. L. 053-1. – Aucun salarié ne doit subir des faits :



« a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;



« b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.



« Art. L. 053-2. – Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article L. 053-1, y compris, dans le cas mentionné au a du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés.



« Art. L. 053-3. – Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.



« Art. L. 053-4. – Toute disposition ou tout acte contraire aux articles L. 053-1 à L. 053-3 est nul.



« Art. L. 053-5. – L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel.



« Le texte de l’article 222-33 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche.



« Art. L. 053-6. – Tout salarié ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire. » ;



c) Le chapitre IV est ainsi modifié :



– au premier alinéa de l’article L. 054-1, après la référence : « L. 052-3 », sont insérées les références : « et L. 053-1 à L. 053-4 » ;



– le premier alinéa de l’article L. 054-2 est complété par les références : « et L. 053-1 à L. 053--4 » ;



d) Le chapitre V est ainsi modifié :



– le premier alinéa de l’article L. 055-2 est ainsi rédigé :



« Sont punis d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d’un harcèlement moral ou sexuel définis aux articles L. 052-2, L. 053-2 et L. 053-3 du présent code. » ;



– les articles L. 055-3 et L. 055-4 sont abrogés ;



1° bis À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 432-2, après le mot : « résulter », sont insérés les mots : « de faits de harcèlement sexuel ou moral ou » ;



2° La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 610-1 est complétée par les mots : « et les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus, dans le cadre des relations de travail, par les articles 222-33 et 222-33-2 du même code ».

Article 4
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Article 6

Article 5

Les articles 1er à quater de la présente loi sont applicables à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Article 5
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Article 7

Article 6

La loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d’outre-mer est ainsi modifiée :

1° Le titre Ier est complété par des articles 2 bis à 2 quater ainsi rédigés :

« Art. 2 bis. – I. – Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

« II. – Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

« III. – Toute disposition ou tout acte contraire aux I et II est nul.

« IV. – L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

« Le texte de l’article 222-33-2 du code pénal est affiché dans les lieux de travail.

« V. – Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire.

« Art. 2 ter– I. – Aucun salarié ne doit subir des faits :



« a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;



« b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.



« II. – Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis au I, y compris, dans le cas mentionné au a du même I, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés.



« III. – Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.



« IV. – Toute disposition ou tout acte contraire aux I à III est nul.



« V. – L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel.



« Le texte de l’article 222-33 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche.



« VI. – Tout salarié ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire.



« Art. 2 quater. – Sont punis d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d’un harcèlement moral ou sexuel définis au II de l’article 2 bis et aux II et III de l’article 2 ter. » ;



2° Après le cinquième alinéa de l’article 145, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :



« Constate les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus par les articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal ; ».

Article 7

Lorsque, en raison de l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal résultant de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels constate l’extinction de l’action publique, la juridiction demeure compétente, sur la demande de la partie civile formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite ainsi que le paiement d’une somme qu’elle détermine au titre des frais exposés par la partie civile et non payés par l’État.

Articles 1er à 6

M. le président. Sur les articles 1er à 6, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Article 7

Article 6
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les dispositions du présent article sont applicables à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il s’agit d’un aménagement technique destiné à remédier à une omission.

L’article 7, qui a été introduit dans le texte par la commission des lois de l’Assemblée nationale et modifié substantiellement par la commission mixte paritaire, vise à faciliter le recours à l’action publique pour les victimes dont l’action s’est éteinte dans le cours du processus pénal. L’amendement du Gouvernement tend à étendre le champ de cette disposition aux justiciables des collectivités d’outre-mer dans lesquelles ne s’appliquent pas automatiquement les lois de la République, à savoir Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je n’ai pas jugé nécessaire de réunir la commission des lois pour examiner cet amendement, étant persuadé que ses membres n’accepteraient en aucun cas que cette disposition ne s’appliquât point à Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 7, modifié, est réservé.

Vote sur l'ensemble

Article 7
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement précédemment adopté par le Sénat, je donne .la parole à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Le groupe du RDSE votera ce texte avec conviction.

En abrogeant l’article 222-33 du code pénal, dans le cadre d’une réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a opportunément rappelé, tant au Gouvernement qu’au législateur, un principe général fondamental, celui de légalité des délits et des peines.

En effet, en considérant que, dans cet article 222-33, le délit était punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis, le Conseil constitutionnel a souligné une chose évidente, qu’il est nécessaire d’avoir à l’esprit constamment.

J’estime qu’il a eu raison : au lieu d’accumuler les lois, souvent pour des motivations avant tout d’ordre médiatique, mieux vaut légiférer peu, mais bien, selon des termes précis, en laissant aux tribunaux le soin d’appliquer la loi en considération de la personnalité de ceux qui sont poursuivis, mais en évitant la possibilité de multiples interprétations parfois contradictoires.

Nous sommes une nation qui a construit son système juridique sur la primauté de la loi et non sur celle de la jurisprudence. Dans cette unanimité dont nous nous réjouissons, peut-être est-il bon de souligner encore une fois qu’une justice équilibrée, donc tout simplement la justice, doit permettre de protéger à la fois les droits des victimes et ceux des présumés innocents.

Par conséquent, nous voterons ce texte sans réticence, avec conviction, parce qu’il constitue une amélioration de la législation, un moyen de protéger celles qui sont le plus souvent en position de faiblesse. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Avec ce texte, la loi répondra mieux aux exigences des victimes et des associations féministes. Le débat de fond serein et extrêmement constructif que nous avons eu au Sénat, au-delà de nos différences politiques, y a contribué. Il a également révélé l’ampleur des chantiers à poursuivre : je pense notamment aux discriminations dont sont victimes les personnes transsexuelles dans le monde du travail, sur le plan familial ou au regard de leur statut de citoyenne ou de citoyen. En tant que parlementaires, nous devrons contribuer à faire bouger les mentalités non seulement en soulignant les obstacles et les souffrances que rencontrent au quotidien ces femmes et ces hommes, mais également en légiférant en conséquence, particulièrement en matière d’état civil.

Pour le groupe CRC, il apparaît essentiel de veiller à ce que l’observatoire national des violences envers les femmes ait les moyens d’accomplir ses missions. Cela peut paraître anodin, mais, dans une période où une crise violente affecte la majorité de nos concitoyens et où les urgences sociales sont très nombreuses, la tentation peut être forte de ne prendre, sous le prétexte d’accorder tous les moyens à la sphère économique, que des mesures symboliques, même si les symboles sont importants dans ce domaine. Ce serait vraiment une lourde erreur !

Toute avancée vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes repose sur quatre piliers : l’indépendance économique des femmes au travers de l’égalité professionnelle, leur liberté de disposer de leur corps, l’exercice plein et entier par elles de responsabilités électives, lié à la question de la parité, et enfin le respect de leur dignité, supposant l’éradication de toutes les violences.

Telle est la raison pour laquelle notre groupe soutient l’élaboration d’une loi-cadre contre les violences. Mesdames les ministres, je sais que vous êtes sensibles à cette préoccupation. Il me semble essentiel de souligner le travail important accompli par les associations féministes, notamment le Collectif national pour les droits des femmes : en s’appuyant sur ce travail, on pourra aboutir assez rapidement à la promulgation d’une telle loi.

Notre société est gangrénée par le sexisme ordinaire et institutionnel. Il incombe aux parlementaires que nous sommes de fournir des outils pour éliminer ce fléau. En effet, toute avancée des droits des femmes prend appui sur des lois dont l’élaboration résulte le plus souvent de la mobilisation des féministes et de leurs associations. Geneviève Fraisse l’exprime plus directement dans son livre intitulé La fabrique du féminisme : « L’égalité, cela s’impose par des rapports de forces, par des voies, par des issues à des conflits, etc., mais de toute façon cela s’impose. »

Le groupe CRC continuera de prendre toute sa part dans ce combat de longue haleine contre le patriarcat, notamment avec la présentation d’une proposition de loi antisexiste extrêmement importante.

Aujourd’hui, nous sommes heureux de soutenir ce texte, premier pas vers d’autres lois. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement précédemment adopté par le Sénat.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le texte a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir m’excuser de n’avoir pu assister au début de cette discussion, ayant été retenue à l’Assemblée nationale pour évoquer les chantiers prioritaires de mon ministère.

Je tiens à saluer très chaleureusement à mon tour le travail qui a été accompli à la Haute Assemblée, en amont et au cours de débats en séance publique qui ont été riches et ont indéniablement permis d’améliorer le texte. Ce travail a été tout à fait exemplaire, de même que celui qui a été mené à l’Assemblée nationale. Il a montré que nos institutions sont capables de répondre à l’urgence : réussir, en moins de trois mois, à élaborer un texte qui rétablit le délit de harcèlement sexuel, qui le précise et qui renforce la protection des victimes était une gageure, mais nous avons relevé le défi !

Cette urgence s’est imposée à nous. Ici comme à l’Assemblée nationale, beaucoup a été dit quant aux conditions de l’abrogation du délit, aux risques liés à la question prioritaire de constitutionnalité. À cet égard, Mme la garde des sceaux a annoncé qu’elle fera en sorte qu’il soit procédé à un examen systématique des crimes et délits en vue de mesurer leur exposition à un risque de question prioritaire de constitutionnalité. Je m’associerai bien entendu à ce travail pour ce qui concerne les violences envers les femmes, qui méritent toute notre attention.

Je qualifierai le texte que vous venez d’adopter de juridiquement nécessaire et de moralement indispensable, car il n’était pas possible de laisser perdurer la situation d’impunité prévalant depuis le 4 mai dernier. En adoptant ce texte à l’unanimité, vous avez de surcroît envoyé un signal extrêmement fort à la société, car la loi réprimera les actes de harcèlement sexuel non seulement pour ce qu’ils sont et pour les dommages qu’ils créent, mais aussi pour l’atteinte qu’ils portent à un projet de société que nous partageons tous, fondé sur la justice et l’égalité.

Votre vote unanime est un acte politique essentiel pour les victimes, passées et à venir, qui ont été au cœur de nos débats. Avec ce texte, nous leur offrons un véritable outil de protection.

Vous envoyez également un message fort aux juridictions, qui seront éclairées par nos débats.

Exemplaire, ce texte l’est aussi par son mode d’élaboration, marqué par une collaboration étroite entre le Gouvernement et le Parlement. Je salue la mobilisation des commissions, de la Délégation aux droits des femmes : le travail considérable accompli nous a permis de vraiment progresser.

Après le vote de la loi viendra le temps de sa promulgation et de son application. Nous y serons vigilantes et prendrons les mesures complémentaires qui s’imposent : pour ce qui me concerne, je pense notamment à la campagne de sensibilisation, ainsi qu’à la réforme des procédures disciplinaires à l’université, sur laquelle nous sommes d’ores et déjà en train de travailler avec ma collègue Geneviève Fioraso. Nous y reviendrons prochainement. Soyez certains que je garderai la même détermination pour lutter contre l’ensemble des violences envers les femmes ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je voudrais remercier les deux ministres pour deux annonces importantes.

Madame la ministre des droits des femmes, vous nous avez confirmé la création d’un observatoire national des violences envers les femmes et indiqué que vous prendriez toutes dispositions nécessaires pour bien évaluer, mois après mois, année après année, les conséquences de la mise en œuvre de la présente loi. Vous le savez, le Sénat est très attaché au suivi de l'application des lois. Je vois donc dans vos propos le présage d'une coopération, très nécessaire, sur ce thème.

Madame la garde des sceaux, vous avez bien voulu annoncer à cette tribune que la circulaire d'application de la loi paraîtrait le jour même de la promulgation de celle-ci. Je tenais à relever ce fait, car si, à l'avenir, il pouvait en aller de même pour tous les textes de loi relevant de votre compétence, nous serions comblés !

Nous avons, en tout cas, été très heureux de coopérer avec vous, mesdames les ministres, pour élaborer cette loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président de la commission des lois, je le confirme, la circulaire d'application sera bien publiée le même jour que la loi. En ce qui concerne les décrets d'application, cela ne peut être aussi rapide, mais je prends devant vous l'engagement formel que, pour tous les textes relevant de ma compétence, ils seront publiés, et ce dans des délais raisonnables. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Ainsi, concernant la loi pénitentiaire, texte adopté voilà trois ans et dont je sais qu’il préoccupe la Haute Assemblée, je puis vous dire que les services de la Chancellerie et mon cabinet travaillent déjà à l’élaboration d’un certain nombre de décrets d'application nécessaires. C’est une question d’efficacité.

Je me réjouis vivement de la qualité de notre travail commun et de nos échanges sur ce texte. Je crois que nous avons tous bien travaillé et que nous pouvons nous féliciter de l’œuvre accomplie.

Néanmoins, vous l’avez dit, madame Dini, il reste beaucoup à faire,…

M. Alain Gournac. Beaucoup !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … car la question traitée a des ramifications dans d'autres domaines.

Nous nous sommes engagés sur un certain nombre de points. Vous avez évoqué le sujet de la prescription pour le harcèlement, ainsi que pour d'autres délits punis par le code pénal. J'ai bien entendu votre préoccupation, qui est fondée. Nous cherchons la voie la plus efficace. Le Sénat prendra certainement l'initiative d'ouvrir un espace d'échanges afin que nous puissions déterminer s’il est nécessaire et urgent de traiter cette question.

En ce qui concerne l'échelle des peines, il s’agit d’un chantier lourd, sur lequel le Gouvernement s'engagera très prochainement.

Mme Benbassa nous a fait part de ses réticences quant à l'affichage. Je crois, pour ma part, qu’il est nécessaire, même si j'entends bien votre préoccupation, madame la sénatrice. Cela n'exclut pas que, à l'occasion de la signature du contrat de travail, une information spécifique soit délivrée.

J'ai beaucoup aimé votre propos sur la modestie dont nous devons faire preuve devant les mots. Je le relie à celui de M. Mézard sur l'injonction contenue dans la décision du Conseil constitutionnel : il est rappelé au législateur que la loi est une affaire extrêmement sérieuse, que c’est la règle commune ; chaque mot peut avoir un effet bénéfique ou néfaste pour les justiciables et, plus généralement, pour les citoyens. Nous assumons une très lourde responsabilité lorsque nous écrivons la loi, et notre rédaction doit être la plus précise possible. C’est ainsi que l’on pourra répondre aux angoisses suscitées par les risques liés aux questions prioritaires de constitutionnalité. Le recours à cette procédure ne doit pas mener à un « détricotage » de tout notre droit. Jusqu'à présent, elle avait surtout servi les victimes, mais la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’incrimination de harcèlement sexuel les a pénalisées. Nous devons donc avoir une conscience aiguë de la responsabilité qui est la nôtre lorsque nous élaborons la loi.

Je confirme d’ailleurs que, en collaboration avec les deux chambres du Parlement, nous allons mener un travail de prospection pour identifier les textes de loi présentant des éléments de fragilité.

En ce qui concerne la reprise dans le code du travail, les usagers de ce dernier ont fait valoir qu’il était préférable de lui redonner une autonomie en y réintroduisant in extenso la définition de l'incrimination.

Quant à la cinquième circonstance aggravante, à savoir la vulnérabilité économique et sociale, il était nécessaire de l'introduire dans le texte. Si cela doit conduire, à l'avenir, à la reprendre pour d’autres délits, nous aurons fait progresser le droit.

S’agissant du fait unique, vous avez beaucoup insisté sur le risque de déqualification. Je vous ai donné des assurances sur ce point : la circulaire d'application traitera de la question. Le Gouvernement avait préparé un amendement visant à supprimer les mots « menaces et contraintes », car il s’agit d’éléments de définition de l’agression sexuelle, mais la commission des lois de l'Assemblée nationale s’est chargée d’opérer elle-même cette suppression, ce dont nous nous réjouissons. Ainsi, la référence au fait unique permettra d'inclure dans le champ de l’incrimination de harcèlement sexuel des faits qui, jusque-là, n'étaient pas punis, sans risquer pour autant une déqualification de faits plus graves, tels qu’une tentative d'agression sexuelle ou une tentative de viol.

Je tiens à redire tout le plaisir que j'ai eu à travailler avec vous sur ce texte, à la fois en tant que garde des sceaux et en tant qu'ancienne parlementaire. J'ai le goût du travail parlementaire : l’expérience montre que la navette permet une véritable maturation des textes. Bien entendu, sur un projet de loi aussi important, nous aurions tous aimé pouvoir peser chaque mot au trébuchet, mais une contrainte de temps s’imposait à nous. Il se trouve que le génie des deux assemblées – et un peu aussi celui du Gouvernement ! (Sourires.) – nous a permis d’accomplir, dans des délais extrêmement resserrés, une œuvre législative de très grande qualité, dont se félicite l’ancienne parlementaire que je suis. Même si, pour ma part, je persiste à m’interroger sur quelques points, en particulier à propos de la distinction faite, au titre des circonstances aggravantes, entre la minorité de 15 ans et celle de 18 ans, je ne suis pas certaine qu'une double lecture nous aurait permis de progresser davantage.

Enfin, vous n'avez pas hésité à aborder des sujets connexes avec pertinence et précision, sans essayer pour autant de tout traiter : vous avez su éviter le risque de trop embrasser et mal étreindre. Je vous en remercie vivement ! (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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