M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’éducation nationale, mes chers collègues, cet article 2 porte sur la création d’emplois d’avenir professeur.

Il s’agit – je cite le rapport pour avis de notre collègue Françoise Cartron – de « revivifier le recrutement des enseignants en sécurisant les parcours universitaires des étudiants se destinant au professorat, en intensifiant leur professionnalisation et en préservant la diversité d’origine sociale du corps enseignant. »

Je souscris à la nécessité d’avoir un vivier d’enseignants qui reflète la diversité du corps social de notre pays. Il est vrai que la réforme dite de la mastérisation a eu un effet financier « couperet » pour un certain nombre d’étudiants.

Je partage également l’analyse sur la crise de recrutement que connaît l’éducation nationale. Cette question avait même guidé ma réflexion de rapporteur tout au long des travaux de la mission d’information sur le métier d’enseignant et elle figurait en bonne place dans le rapport publié en juin dernier.

Mais ces deux constats n’auraient-ils pas nécessité justement d’engager, dès cette rentrée, un véritable processus de pré-recrutement statutaire. Le rapport précité proposait ainsi des pistes pour un pré-recrutement, pré-recrutement dont notre école a besoin de toute urgence si l’on veut assurer l’ambition de faire réussir tous les élèves.

D’ailleurs, cette question du pré-recrutement revient avec force à l’occasion des débats menés dans le cadre de la concertation « Refondons l’école » auxquels j’ai pu participer.

Le dispositif que nous examinons ici est une mesure d’urgence ; il ne s’agit pas de pré-recrutements. Cela a bien été rappelé lors de nos débats en commission. Mais je m’interroge quant à son potentiel en matière de « sécurisation des parcours universitaires ». En effet, nous connaissons tous – les études sur ce point ne manquent pas – la difficulté de concilier études et emploi, et le taux d’échec qui en résulte. Ce dispositif sera-t-il donc en mesure d’assurer la réussite de ces futurs jeunes professeurs, c’est-à-dire de leur permettre de passer et de réussir le concours ?

Cette mesure d’urgence s’appliquera, d’ici trois ans, à près de 18 000 étudiants ; elle doit donc faire l’objet de toute notre attention.

C’est le sens des amendements que nous avons déposés afin que des garanties aient force de loi et que tout ne relève pas du seul domaine réglementaire.

Le premier de ces amendements vise à inscrire explicitement dans la loi, comme plusieurs d’entre nous l’ont souhaité, que ces emplois d’avenir n’ont pas vocation à remplacer des professeurs absents ou à pourvoir des postes restés vacants.

Le texte est en effet insuffisamment précis quant aux activités qu’auront à réaliser, à mi-temps, ces étudiants en emploi d’avenir professeur. Il n’y est fait mention que d’« une activité d’appui éducatif compatible, pour l’étudiant bénéficiaire, avec la poursuite de ses études universitaires ou la préparation aux concours ».

En revanche, l’étude d’impact et les différents rapports parlementaires détaillent cette activité et son évolution. Cela va de fonctions très proches de celles des assistants d’éducation jusqu’à des pratiques d’enseignement accompagnées, comparable au stage de master.

Cela mériterait d’être éclairci dans la mesure où le projet de loi ne prévoit pas de cahier des charges national qui permettrait aux étudiants de distinguer précisément ce qui relève de l’emploi et ce qui relève de la formation.

De plus, ce dispositif n’est pas piloté par la formation. C’est le deuxième point sur lequel je souhaite m’arrêter.

« Intensifier la professionnalisation des étudiants se destinant au professorat » est l’un des buts affichés de ce dispositif. Or comment le faire sans impliquer le formateur, à savoir l’université ?

Autre interrogation : puisque nous sommes dans le cadre de l’éducation nationale, pourquoi avoir fait le choix de contrats de droit privé – source d’insécurité juridique pour les établissements s’il en est ! – et non de droit public comme pour les contrats d’assistant d’éducation ?

Comme il s’agit d’un contrat de douze mois, renouvelable dans la limite de trente-six mois, et que le jeune titulaire d’un emploi d’avenir professeur pourra être mis à disposition de plusieurs établissements en même temps, comment, dans ces conditions, pourra-t-il réussir à concilier temps d’exercice de l’emploi d’avenir, temps d’études et temps de formation dans le cadre du master ?

Sur ce point, les auditions d’étudiants de master en alternance par la mission d’information sur le métier d’enseignant nous ont éclairés quant aux difficultés rencontrées par ces étudiants volontaires dont les lieux d’études et de stage se trouvaient éloignés, même s’il ne s’agissait parfois que d’une dizaine de kilomètres. La question du temps de transport ne doit pas être ignorée, singulièrement en région parisienne.

Pour terminer, je voudrais vous faire part d’une inquiétude. Ce projet de loi, dans sa globalité, s’adresse à des jeunes hommes et jeunes femmes déjà confrontés à des parcours de vie difficiles, et dont l’origine sociale doit être prise en compte. Cela pose la question de savoir quelle ambition nous nourrissons pour ces jeunes et, de fait, pour toute la jeunesse dans sa globalité. À travers eux, nous nous posons également la question de savoir dans quelle société nous voulons vivre.

Alors, vers quel type d’emplois nous projetons-nous en ce début de mandature pour progresser vers l’émancipation de tous et toutes, pour en faire des citoyens ? Cela, je le pense, implique des ruptures.

M. le président. Je vous prie de conclure, ma chère collègue !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mais je suis persuadée que nos échanges, nos confrontations positives, même s’ils sont vivifiants, à propos du changement, du débat alternatif, nous feront évoluer. Les discussions que nous allons avoir aujourd'hui, bien sûr, mais plus largement celles que nous aurons dans les prochaines semaines vont nous y aider.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l'article.

Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier soir et aujourd'hui, du côté droit de cet hémicycle, nous nous sommes beaucoup battus – en vain, je dois l’admettre – pour ouvrir davantage le dispositif des emplois dits d’avenir au secteur marchand, et ce sans attendre les contrats de génération.

Néanmoins, l’éducation nationale est probablement, selon nous, la sphère dans laquelle ces emplois d’avenir semblent faire le plus de sens.

L’intention qui sous-tend cet article est de renforcer les vocations, de familiariser les jeunes aux métiers de l’éducation et de les soutenir financièrement au cours de leurs études afin qu’ils ne soient pas dans la quasi-obligation de décrocher en milieu de cursus pour des raisons pécuniaires.

Toutefois, plusieurs points suscitent notre interrogation et nous sommes heureux de pouvoir en débattre avec vous, monsieur le ministre de l’éducation nationale, puisque les conditions d’examen de cet article ne vous ont pas permis d’être présent en commission.

Notre première interrogation porte sur le financement de ce dispositif. Vous avez indiqué que le coût serait pris en charge à 75 % par le ministère du travail et de l’emploi, et à 25% par le ministère de l’éducation nationale, pour une somme de 40 millions d’euros pour 2013.

Comment assurerez-vous ce financement sur la durée et sur quelles lignes allez-vous faire des arbitrages au sein des deux ministères ? Vous nous demandez aujourd'hui de nous prononcer sur un dispositif dont le financement sera prévu dans le prochain projet de loi de finances, que nous n’avons pas encore étudié. Dans une période où les choix budgétaires sont déterminants, nous ne disposons en tant que parlementaires que de peu de précision.

Seconde remarque, peut-être un peu plus légère, quoique… : l’expression d’« emploi d’avenir professeur » laisse perplexe ainsi que la notion de « pré-recrutement », que vous avez employée. Cette dénomination donne une fausse image de ces emplois, puisque ces derniers ne procurent pas une formation d’enseignant stricto sensu:

Je profite de cette occasion pour vous demander, comme notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, des clarifications sur les missions de ces emplois dits d’avenir, ainsi que sur le tutorat et ses modalités.

Enfin et surtout, je ne peux adhérer au dispositif de l’article 2 lorsqu’il crée une inégalité de traitement entre les étudiants boursiers souhaitant accéder à ces emplois.

Vous choisissez ces jeunes boursiers en fonction du lieu où ils résident. J’ai entendu vos explications ainsi que celles qu’a données M. Sapin concernant ces zones sensibles, où le taux de chômage est particulièrement important. Mais je continue à penser qu’il serait plus logique d’aider les jeunes ayant des difficultés financières, quel que soit leur attachement territorial. Sinon, nous créerons un sentiment d’injustice, et je sais combien vous êtes attaché à la justice.

Enfin, j’attire votre attention sur la nécessité de renforcer l’engagement moral entre les jeunes et l’État. En cas de renoncement du jeune à suivre les deux obligations qui lui sont fixées – finir sa formation et se présenter à un concours de recrutement d’enseignement –, il nous paraîtrait normal que, bien sûr après examen de sa situation personnelle et des raisons du renoncement, soit envisagé le remboursement des sommes engagées par l’État au titre de ce dispositif ; ces sommes auraient en effet pu être mobilisées pour un autre étudiant. Le seul engagement moral nous semble donc quelque peu fragile et susceptible d’ouvrir la porte à des abus, que nous combattons tous.

Mon premier amendement, qui vise à la suppression de l’article 2, nous permettra donc, monsieur le ministre, de débattre de tous ces points.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l'article.

Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rétrécissement du vivier de recrutement des candidats au métier d’enseignant, la crise des vocations liée aux représentations du métier, à ses conditions d’exercice, à l’allongement de la durée des études requises – la mastérisation ! – touchent dramatiquement les jeunes des milieux les moins favorisés, qui doivent se lancer précocement dans la vie active par manque de ressources. Ces jeunes, dont les familles ne maîtrisent pas les codes d’accès à l’enseignement supérieur, gardent peut-être même un souvenir peu valorisant, sinon traumatisant, des liens enseignants-enseignés qu’ils ont connus.

Le secteur de l’éducation nationale est actuellement sinistré – les constats sont sans appel –, cause de fracture sociale et de désespérance de la jeunesse, qui ne peut plus croire en un avenir meilleur.

Il est essentiel de rouvrir cette voie de promotion sociale que fut l’accès des enfants du peuple au noble métier d’enseignant.

Il faut offrir à l’éducation nationale, à travers ces emplois d’avenir professeur, des enseignants issus des quartiers difficiles, qui ont connu, enfants, des difficultés qu’ils ont surmontées, avec le soutien de la nation. Des professeurs qui ont connu cette stigmatisation sociale, cette forme de relégation, sauront développer une pédagogie propre à conduire les enfants qui leur ressemblent vers la réussite.

Pour cela, à l’intérieur du dispositif général des emplois d’avenir destiné à des jeunes peu ou pas qualifiés, les emplois dits d’avenir professeur sont réservés à des étudiants boursiers de l’enseignement supérieur inscrits en licence voire en master.

Ces étudiants bénéficieront d’une priorité d’accès aux emplois d’avenir professeur lorsqu’ils effectueront leurs études dans une académie déficitaire pour autant qu’ils aient résidé dans une zone sensible, dans une zone de revitalisation rurale ou un département d’outre-mer, ou bien qu’ils aient effectué leurs études secondaires dans un établissement situé dans une zone d’éducation prioritaire.

Voilà le cadre d’un ciblage efficient des jeunes actuellement trop souvent écartés des études supérieures et a fortiori des métiers de l’enseignement.

Dans le cadre du contrat d’emploi qui sera proposé à ces jeunes boursiers, seront décrits le contenu du poste proposé, sa position dans l’organisation de l’établissement d’affectation, distincte de toute mission de remplacement d’enseignant absent, ainsi que les compétences visées à l’issue du contrat.

Ce cadre mentionnera obligatoirement la formation dans laquelle l’étudiant concerné sera inscrit.

Par ailleurs, l’étudiant bénéficiera d’un tutorat au sein de l’établissement dans lequel il exercera.

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, chers collègues, voilà des dispositions qui contribueront à sécuriser les parcours universitaires de jeunes issus des quartiers cibles se destinant au professorat, à soutenir leur professionnalisation et à renouveler la diversité sociale du corps enseignant.

J’ai bien perçu que ces emplois d’avenir professeur ne seront proposés que par des établissements publics d’enseignement. J’aurais apprécié qu’ils soient ouverts aux collectivités locales ou aux associations d’éducation populaire organisant des activités éducatives périscolaires.

En effet, l’initiation aux métiers de l’éducation et de l’enseignement serait ainsi plus complète et fournirait, dans le cadre de la refondation de l’école et de l’aménagement des temps de l’enfant, les pistes souhaitables.

Je souhaite avoir votre avis, monsieur le ministre, sur cette évolution du champ de recrutement et sur l’élargissement de l’expérience professionnelle que les emplois d’avenir professeur pourront permettre.

Nonobstant, je soutiens sans réserve cet article 2 : il tend à créer un outil majeur de promotion sociale grâce à l’approche empirique des métiers, qui permet de lever les a priori négatifs que certains jeunes peuvent avoir sur le métier d’enseignant. Le ciblage sur les étudiants boursiers permet de briser le plafond de verre et les mécanismes d’autocensure qui peuvent conduire les jeunes issus des classes modestes à ne plus se diriger vers les carrières de l’enseignement.

De plus, quel que soit le parcours du jeune, le dispositif favorise son insertion professionnelle car, même en cas d’échec au concours, il lui sera possible de valoriser l’expérience qu’il aura acquise, alors qu’il est souvent difficile pour ces jeunes issus de territoires cibles de trouver des stages.

C’est, quoi qu’il arrive, un premier pas vers l’emploi, la reconnaissance de leurs aptitudes et la promotion sociale. Il s’agit non pas d’un pré-recrutement, mais bien d’une opportunité d’insertion professionnelle tournée vers l’éducation. En d’autres termes, c’est une main tendue de la Nation, qui renoue avec la promotion républicaine, à laquelle nous sommes viscéralement attachés, pour construire la société de demain.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l'article.

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’institution des emplois d’avenir en général, des emplois d’avenir professeur en particulier, restera non seulement un bel exemple de volontarisme politique, à un moment où la gravité de la crise économique et l’ampleur du chômage l’exigent, mais aussi l’expression marquante d’une vigoureuse volonté de progrès social, par et pour l’emploi.

Elle est l’illustration de la combinaison de deux priorités nationales : l’éducation, d’une part, l’emploi de la jeunesse, d’autre part. Il ne s’agira nullement d’emplois artificiels, car ils ont un objectif clair et concret : l’enseignement.

Elle rappelle les 320 000 emplois jeunes du gouvernement Jospin, mesure qui avait fait baisser très fortement le chômage des jeunes et contribué à établir un climat de confiance essentiel pour la reprise économique. Beaucoup, filles et garçons, ont pu se resocialiser en remplissant des fonctions au service de la collectivité. Ces emplois leur ont redonné le sens de l’utilité sociale, tout en étant ce marchepied facilitateur de leur entrée dans la vie professionnelle.

Même si, bien sûr, toute action s’inscrit dans la durée, les débuts d’un mandat présidentiel sont les moments où l’on pose les fondations et où s’engagent les réformes. Les emplois d’avenir y occupent une place essentielle.

Dans le cadre de ces 150 000 emplois d’avenir, la mise en place des emplois d’avenir professeur vise notamment à susciter de nouvelles vocations. Ils sont à relier, bien sûr, à la future loi d’orientation et de programmation sur la refondation de l’école, qui concrétisera l’engagement de recruter 60 000 enseignants sur cinq ans.

Le Gouvernement se donne les moyens d’agir. Il a la volonté de bâtir, pour des publics particuliers, des programmes situés à la charnière du système éducatif et de la formation professionnelle, et concernant des zones de solidarité prioritaires. Ne doit pas être sous-estimé l’effet de diffusion de l’espoir dans les milieux les plus démunis.

Avec l’article 2, est en jeu la rénovation de l’école, une école maltraitée au cours de ces cinq dernières années, avec l’application dogmatique de la RGPP et la suppression de près de 80 000 postes. La réforme de la mastérisation, dénoncée par la Cour des Comptes en 2010, a produit une accumulation de conséquences négatives : baisse de l’attrait des métiers de l’enseignement, mise à l’écart des étudiants issus des milieux les plus modestes, qualité de la formation en baisse.

Lorsqu’on sait que 44 % d’étudiants en licence sont boursiers, alors qu’ils ne sont que 33 % en master, on se rend compte que, sans doute, la précarité financière a obligé beaucoup de ces jeunes gens à stopper leurs études. C’est à ces personnes, souvent issues de milieux modestes et défavorisés, qu’il faut envoyer un signal fort.

L’article 2 du projet de loi propose de remettre en marche l’ascenseur social. Les emplois d’avenir professeur pourront être proposés par les établissements publics locaux d’enseignement, collèges et lycées, les établissements privés conventionnés, ainsi que les établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricoles.

Priorité sera donnée aux étudiants effectuant leurs études dans une académie ou dans une discipline qui connaît des besoins de recrutement particuliers, et qui ont résidé ou effectué leurs études secondaires dans une zone urbaine sensible, une zone de revitalisation rurale, un département ou une collectivité d’outre-mer ou un établissement de l’éducation prioritaire.

Je me félicite du vote, par nos collègues à l’Assemblée nationale, d’un amendement qui a intégré les ZRR dans le dispositif. En effet, exclusions sociale et territoriale vont souvent de pair. À partir du 1er novembre 2012, les jeunes issus des zones concernées pourront d’abord accomplir des tâches péri-éducatives dans des établissements, puis, petit à petit, des activités qui les formeront à l’enseignement. Un tuteur les accompagnera. Le revenu qu’ils recevront viendra compléter leur bourse, ce qui leur permettra de se concentrer sur l’étude et la pratique du métier d’enseignant. L’étudiant sélectionné s’engagera à poursuivre sa formation supérieure et à se présenter aux concours de recrutement du premier ou du second degré.

Je note avec satisfaction que l’âge limite de vingt-cinq ans pour bénéficier du dispositif est porté à trente ans pour certaines personnes en situation de handicap. Je souhaiterais d’ailleurs que vous me précisiez, monsieur le ministre, si des étudiants ayant connu un cursus difficile à la suite d’une maladie grave pourront, eux aussi, bénéficier de cette dérogation. J’estime que serait justice eu égard aux efforts qu’ont dû accomplir ces jeunes gens et les épreuves qu’ils ont traversées.

En définitive, nous devons redonner à nos jeunes la fierté d’être enseignant et la vision d’une école de la République méritocratique et diverse. Il est regrettable de constater que ce sont majoritairement des personnes issues des classes moyennes et supérieures qui ont réussi les concours depuis la réforme de la mastérisation. Bien sûr, je ne remets pas en cause de leur capacité à s’occuper d’une classe, mais le fait est qu’il existe un écart de plus en plus important entre les origines sociales des enseignants et la composition de la société. Or la promotion sociale ne peut véritablement fonctionner que lorsqu’il y a adéquation entre la structure du corps enseignant et celle de la société française.

Nous en sommes ici à la première étape d’une réforme de grande ampleur. Nous devrons ensuite aller vers le rétablissement de la formation initiale, qui se fera autour des « écoles supérieures du professorat et de l’éducation ». Professionnalisation et progressivité de l’entrée dans le métier seront les deux principes à suivre.

À nos collègues de l’opposition, qui s’inquiètent de la dépense induite par ces 18 000 emplois d’avenir professeur d’ici à 2015, nous répondons simplement : cessez de voir l’éducation comme une dépense contraignante ! C’est bien au contraire un engagement fort en faveur de notre jeunesse et, partant, de l’avenir de la France.

Aussi, j’appelle tous mes collègues, par-delà les clivages partisans, à soutenir cette réforme, portée par un dispositif rapidement opérationnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. René Teulade, sur l'article.

M. René Teulade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons, la jeunesse est la priorité du présent quinquennat, ce qui ne signifie pas pour autant que les autres citoyens soient des citoyens de seconde zone.

En disant cela, je pense notamment aux seniors, qui ont subi une double épreuve.

D’une part, ils ont été frappés par l’allongement de la durée de cotisation lié à la réforme des retraites de 2010, dont l’iniquité a été en partie corrigée par le Gouvernement grâce à la publication du décret du 2 juillet dernier, lequel ouvre le droit à la retraite à soixante ans pour les carrières longues.

D’autre part, ils ont été victimes de la détérioration de l’emploi. En effet, les seniors restent, à l’instar des jeunes, désespérément plongés dans l’obscurité du chômage. Autrement dit, il a été demandé aux plus de cinquante-cinq ans de « travailler plus », sans même réfléchir aux mécanismes propres à favoriser leur employabilité, mécanismes qui sont devenus indispensables. S’il ne s’agit que de prolonger leur période de chômage, et donc de renforcer leur précarité, il est inutile et même contre-productif d’imposer aux seniors de prendre leur retraite plus tardivement.

Par conséquent, il est urgent de répondre à la problématique de l’emploi des seniors. À cet égard, nous ne pouvons que nous réjouir puisque ce sera l’un des objectifs du contrat de génération, qui sera prochainement présenté par le Gouvernement.

Après ce bref préambule qui me semblait nécessaire, plutôt que de me pencher sur le dispositif même des emplois d’avenir professeur, j’aimerais me concentrer sur leur philosophie.

Ces emplois ne permettent pas seulement de corriger une situation inacceptable, source d’indignation, à savoir le fait que, même si les étudiants boursiers réussissent statistiquement mieux que les étudiants non boursiers, ils sont, faute de moyens financiers, moins nombreux à accéder au niveau master.

En outre, ces emplois ne sont pas uniquement un moyen pour l’État de répondre au problème soulevé par l’éventuel manque de candidats aux épreuves d’admissibilité aux concours de l’enseignement, près de 40 000 enseignants devant être recrutés d’ici à 2013.

Au-delà des faits et des chiffres, point une idée, qui transcende cette mesure : la jeunesse que l’on aide aujourd’hui à esquisser son avenir sera celle qui esquissera l’avenir de la jeunesse future, au travers de la transmission d’un savoir. Cette idée de la transmission du savoir, que nous retrouverons dans le contrat de génération, prend davantage d’envergure avec les emplois d’avenir professeur. Pourquoi ?

Tout d’abord, ils s’adressent prioritairement aux étudiants boursiers ayant résidé ou effectué leurs études dans des zones défavorisées, zone urbaine sensible, zone de revitalisation rurale ou collectivité d’outre-mer. Or, si nous en sommes arrivés à des situations dramatiques dans certains territoires de notre pays, avec la disparition des services publics, l’émergence de zones de non-droit et d’un sentiment d’abandon ressenti par les populations, c’est précisément parce que nous avons oublié de transmettre ce savoir, et, partant, de le partager. En d’autres termes, nous avons tout simplement délaissé ces habitants, les abandonnant à leurs tribulations et tourments.

Alors, au fond, quoi de plus juste que d’accorder une chance et un avenir à celles et ceux que le destin a d’emblée oubliés et que nous-mêmes aurions peut-être fini par oublier si n’étaient pas prises des mesures telles que celle-ci et d’autres qui sont annoncées ?

Comme l’a écrit un célèbre auteur grec du XXsiècle, « les meilleurs professeurs sont ceux qui savent se transformer en ponts et qui invitent leurs élèves à les franchir ». L’idée de transmission est inhérente au métier d’enseignant, et nous sommes un certain nombre ici à le savoir. Elle prend d’autant plus de grandeur et de majesté qu’il s’agit de transmettre à la jeunesse ce besoin de prendre part à l’avenir.

Par conséquent, je ne peux que soutenir activement les dispositions de l’article 2, car, au-delà de sa logique économique, j’en retiens l’esprit, qui met en lumière une valeur longtemps effacée au bénéfice d’un individualisme peu éclairé et peu éclairant. Cette valeur, c’est celle du partage.

Faisons en sorte que la jeunesse, notre jeunesse, reste un symbole d’espérance qui illuminera notre société. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l'article.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ces temps de crise sans précédent – faut-il le rappeler que nous avons passé la barre historique des 3 millions de chômeurs ? –, notre pays est au plus bas, chacun s’accorde à le dire.

Ce projet de loi est un plan d’urgence face à cette dure réalité, mais est-il suffisamment réformateur ? Voilà toute la question qui sous-tend ce débat.

Je tenais cependant à saluer quelques avancées réalisées sur différents points à l’Assemblée nationale : le dispositif des contrats d’avenir professeur est désormais ouvert aux étudiants préparant les concours de l’enseignement agricole ; il est élargi aux étudiants boursiers en deuxième année de licence et en première année de master ; les établissements privés sous contrat pourront également recourir à ces emplois.

Les établissements privés sous contrat d’association de l’enseignement agricole participant pleinement à la mission d’éducation de nos jeunes, il aurait été illogique, et surtout contre-productif de les exclure.

Se pose également le problème de la formation, point crucial pour les jeunes les moins qualifiés qui ne trouvent pas de travail. Je me réjouis d’ailleurs que mes collègues du groupe UDI de l’Assemblée nationale aient pu renforcer ce volet, de manière malheureusement insuffisante : la systématisation de la validation des acquis de l’expérience à l’issue des contrats, l’anticipation des bilans de fin de contrat, la mise en place de l’ingénierie d’accompagnement sont, entre beaucoup d’autres, des mesures tout aussi nécessaires.

Par ailleurs, le texte tend à réserver des emplois d’avenir professeur à des étudiants boursiers de l’enseignement supérieur, à ceux qui effectuent leurs études dans une académie ou dans une discipline connaissant des besoins particuliers de recrutement et qui ont résidé dans une ZUS, étudié dans un établissement situé en ZUS ou relevant de l’éducation prioritaire. Permettez-moi d’émettre des doutes sur la priorité donnée à ce zonage, en l’état.

Au-delà de ces spécificités, il faut bien avoir à l’esprit que ce sont nos jeunes qui sont, en partie, le plus durement touchés par cette situation. Ils représentent malheureusement toujours la population la plus fragile sur le marché du travail et nombre d’entre eux s’en voient interdire l’entrée.

Face à ce constat, l’urgence est de mise, nous sommes tous d’accord sur ce point. Je rappellerai quelques chiffres, déjà évoqués de nombreuses fois par mes collègues, mais qui sont tout à fait significatifs de la situation dramatique à laquelle nous devons faire face : aujourd’hui, plus de 22 % des jeunes actifs de seize à vingt-cinq ans sont au chômage, soit deux fois plus que la moyenne nationale ! Et ce taux grimpe à 45 % pour les jeunes non diplômés !

En regard de la dégradation du contexte économique et de l’explosion du chômage, la création de 150 000 contrats aidés semble séduisante. Ce mécanisme a d’ailleurs maintes et maintes fois été utilisé dans le passé par divers gouvernements, il faut bien le dire, afin de tenter d’enrayer le chômage. Mais qu’en est-il de la pérennité de ces emplois ? Cette question ne peut éternellement rester sans réponse !

C’est pourquoi je regrette que le texte qui nous réunit aujourd’hui ne soit pas l’occasion de la mise en place d’une politique globale de l’emploi véritablement dédiée à notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)