M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains orateurs convoquent les philosophes de la Grèce antique ou un grand poète comme Victor Hugo à l’appui de leur plaidoyer en faveur du TSCG.

Plus modestement, en ma qualité de citoyen qui a combattu, en d’autres temps, le traité de Maastricht et le traité établissant une Constitution pour l’Europe, je vais vous proposer une lecture peut-être plus terre-à-terre, mais plus fidèle me semble-t-il, du texte.

Approuver la ratification de ce traité portant sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne ne permettra pas, à mon avis, d’ouvrir de nouvelles perspectives à la construction européenne et de la réorienter dans le sens du progrès social et de la transition écologique. En l’état actuel des choses, ce serait, bien au contraire, franchir une nouvelle étape sur la voie de la soumission des pays européens aux marchés financiers, qui sont les principaux responsables de la crise que nous subissons depuis quatre ans.

J’ai été pourtant très attentif, hier et ce matin encore, aux arguments avancés par les défenseurs de la ratification, de droite comme de gauche. J’avoue avoir été davantage convaincu par les orateurs de l’UMP et de l’UCR. Ils ont raison d’approuver massivement la ratification, car, incontestablement, ce traité est le leur. Il est en totale conformité avec la politique conduite lorsque la droite était au gouvernement dans notre pays.

En revanche, je continue à m’interroger sur ce qui pousse la majorité de la gauche à trouver aujourd’hui à ce traité autant de qualités. J’ai entendu beaucoup de choses ces dernières heures, des arguments très sérieux, mais également des éléments plus troublants.

Par exemple, j’ai entendu affirmer que ce traité ne serait pas « récessionniste », qu’il porterait même en lui certains mécanismes de croissance, qu’il serait déjà dépassé – alors à quoi bon en débattre ? – et que même si nous ne le ratifiions pas, cela ne modifierait rien à la situation car tous les mécanismes ont déjà été mis en place à Bruxelles. Pis, si nous ne le ratifiions pas, nous nous exposerions à des sanctions financières terribles !

Pour votre part, monsieur le ministre, vous avez tenu en substance les propos suivants : « ce traité, nous ne l’aurions pas écrit, nous ne l’aurions pas signé, mais nous pouvons en faire une autre lecture ». Au dire de notre collègue Christian Bourquin, il est même vraiment dommage que ce ne soit pas la gauche qui l’ait rédigé, tant il est paré de vertus ! Je suis presque désolé de ne pas partager un tel enthousiasme…

Plus sérieusement, par le biais de la présentation de cette motion, je vais m’efforcer – humblement ! – de montrer toute la nocivité du pacte budgétaire européen, que ce soit pour l’Europe ou pour notre pays. Mais je veux d’abord récuser certaines accusations portées contre tous ceux qui, comme nous, s’opposent à la ratification du traité. Ils sont pourtant nombreux, en France et en Europe, notamment à gauche, dans les organisations syndicales, dans les associations et même chez les économistes. Je ne saurais d’ailleurs trop vous recommander la lecture du communiqué du collectif des économistes atterrés : leur analyse est édifiante.

Voulons-nous que la France manque à sa parole, affaiblir le Président de la République auprès de nos partenaires européens ? Puisqu’il n’y aurait pas d’autres solutions crédibles, aucun « plan B » pour sauver l’euro et les économies européennes, sommes-nous irresponsables et animés de la volonté de détruire la construction européenne et de sortir de la monnaie unique ? Non, bien sûr ! Ce sont là de simples arguments d’autorité utilisés contre nous, à l’instar de la dramatisation d’un rejet du traité, qui, paraît-il, déchaînerait automatiquement une spéculation effrénée des marchés contre la France, au prétexte que nous aurions refusé non pas le sérieux budgétaire, mais les mesures d’asphyxie de l’économie et de baisse des ressources fiscales qu’implique toute politique d’austérité.

C’est aussi vouloir faire peur à l’opinion publique que de menacer, en avertissant que seuls les pays ayant ratifié le traité pourront bénéficier, le cas échéant, des mécanismes de solidarité.

Refuser d’approuver ce traité en l’état, ce serait manquer à la parole de la France et aux engagements pris par le précédent Président de la République ? Il faut se souvenir qu’au début de cette année, au plus fort de la crise de la dette publique, et devant l’absence de volonté politique des États membres de se défendre contre les attaques spéculatives des marchés financiers, ce sont nos partenaires et amis Allemands qui ont réussi à faire prévaloir leur vision des choses, en faisant d’abord accepter par les États des règles budgétaires draconiennes, avant la mise en place de tout mécanisme de solidarité.

Pourquoi, dans ce cas, avoir considéré, en mars, lorsqu’il a été signé – le Royaume-Uni et la République tchèque s’y sont d’ailleurs refusés –, que ce traité était mauvais et dangereux et avoir fait de sa renégociation un argument majeur de la campagne présidentielle ? J’avoue ne pas bien comprendre !

Les avancées très discutables obtenues par le Président de la République lors du Conseil européen du mois de juin dernier ne changent en rien la nature même du traité. Il reste fondamentalement sous-tendu par la même logique d’orthodoxie budgétaire libérale, totalement étrangère aux réalités économiques et à la vie des sociétés.

Le traité et lesdites « avancées » forment en fait deux blocs différents. Le pacte de croissance, par exemple, dont l’obtention de haute lutte a été revendiquée par le Président de la République, est un accord politique résultant du compromis négocié lors de la réunion du Conseil européen des chefs d’État et de Gouvernement des 28 et 29 juin. En effet, d’un point de vue formel, il n’est pas juridiquement lié au traité, qui n’en fait d’ailleurs aucune mention. Par ailleurs, il convient vraiment de relativiser ce que le Président Hollande avait présenté comme des concessions faites par l’Allemagne. Je me souviens que, à l’époque, un éditorialiste de la presse régionale avait commenté cet épisode en disant, en substance : « nous avons donné notre montre à Mme Merkel, elle nous a donné l’heure ».

Je rappelle que notre groupe avait mis l’accent sur cette réalité dès le débat organisé dans cet hémicycle après la tenue du fameux sommet de juin. Nous ne partagions pas la satisfaction et l’optimisme du Gouvernement, qui nous présentait l’obtention de ces résultats comme un tournant très positif dans la construction européenne. Répétons que les 120 milliards d’euros consacrés à de nouveaux investissements joueront certainement un rôle dans la relance économique, mais que cet effort, s’il ne doit pas être sous-estimé, reste relativement modeste : cela ne représente en effet que 1 % du PIB de l’Union européenne.

Nous le savons tous, ce pacte reprend en grande partie des propositions que la Commission européenne avait jusque-là du mal à imposer. Il repose, pour l’essentiel, sur l’utilisation de fonds existants, qui financeront des projets innovants dans les domaines de l’efficacité énergétique et des infrastructures stratégiques, ainsi que les PME.

Pour autant, les effets de ce train de mesures, dont l’augmentation des capacités de prêt de la Banque européenne d’investissement, demeurent incertains. Dans les jours suivant leur annonce, les analystes jugeaient déjà presque toutes ces dispositions très insuffisantes au regard des besoins économiques et sociaux. Avec l’adoption du pacte de croissance, François Hollande a sans doute obtenu une victoire politique et symbolique en faisant en partie partager ses conceptions par une majorité d’États membres, mais, sur le fond, c’est bien parce qu’il a accepté que le pacte budgétaire signé par son prédécesseur sorte intact de ce sommet que quelques concessions mineures lui ont été faites par la Chancelière allemande. En cédant, il a renoncé à faire valoir auprès de nos partenaires européens certains de ses engagements de campagne.

La ratification du traité budgétaire sans aucune modification, même s’il est flanqué de quelques mesures aux effets incertains sur la croissance, permettra avant tout d’appliquer des politiques d’austérité dans tous les pays.

Je l’admets tout à fait, le contexte a évolué, avec la décision de la BCE de mieux s’impliquer dans le sauvetage de l’euro et le « feu vert » de la Cour constitutionnelle allemande au Mécanisme européen de solidarité. Mais ces dispositifs sont des mesures d’accompagnement, un placebo pour atténuer les ravages des politiques d’austérité menées par tous les gouvernements européens, dont ils ne contrebalanceront pas efficacement les graves effets.

Mes chers collègues, ce n’est pas sur le pacte de croissance, ni sur la taxe sur les transactions financières, ni sur la supervision bancaire que vous êtes appelés à vous prononcer aujourd’hui, mais bel et bien sur le traité signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Ainsi, contrairement à ce que prétendent le Premier ministre et les membres du Gouvernement, si le contexte général a peut-être légèrement évolué en Europe, le traité lui-même n’a pas changé depuis sa signature, en mars dernier. Son application sera très néfaste pour les peuples et les pays européens.

Serait-ce prendre le risque d’ouvrir une crise politique en Europe que de ne pas ratifier ce traité en l’état ? Après tout, au plan juridique, si la France ne le ratifie pas, il pourra néanmoins entrer en vigueur le 1er janvier 2013 dès lors que douze des dix-sept pays de la zone euro l’auront ratifié. Par ailleurs, s’il s’agit de respecter des règles budgétaires, de donner des gages de sérieux à nos amis Allemands pour qu’ils acceptent les mécanismes de solidarité et de rassurer les marchés financiers, il existe déjà le fameux six-pack, qui a considérablement durci le pacte de stabilité et renforcé la surveillance macroéconomique des États membres.

Si nous avions vraiment obtenu des avancées aussi importantes qu’on nous l’affirme, ne serait-ce pas au contraire l’occasion d’élargir la brèche, de profiter d’un contexte plus favorable aux positions de la France ? N’est-il pas temps de rassembler un plus grand nombre de pays autour de nos propositions et de notre conception de la construction européenne ?

Politiquement, un « non » français pèserait d’un grand poids en Europe. Il permettrait certainement au Président de la République de remettre sur le tapis sa proposition de renégociation du traité, sur la base d’un nouveau rapport de force en Europe. Cela permettrait, j’en suis persuadé, d’aller plus loin que ce que les Allemands ont accepté de M. Draghi et d’obtenir, par exemple, un accord sur la question centrale de la modification du rôle de la BCE. Nous aurions un certain nombre d’alliés, et serions certainement en position plus favorable pour refuser d’inscrire l’austérité dans le marbre des textes et trouver au contraire un accord temporaire sur un gouvernement économique de la zone euro, qui ouvrirait la voie à l’harmonisation sociale et fiscale de nos économies européennes. Ce serait cela, refonder l’Europe dans le sens du progrès social et démocratique !

Mes chers collègues, je souhaite à présent évoquer les aspects les plus néfastes du traité.

Le raisonnement qui fonde sa logique est que la crise traversée par nos économies européennes est due à la dette publique. Ce dogme, nous le refusons, parce que nous en contestons la vérité. C’est pour cette raison que nous considérons que l’obsession du Président de la République et du Gouvernement de réduire à tout prix les déficits publics nous entraînera inévitablement à appliquer des remèdes pires que le mal.

La montée des déficits publics est une conséquence de la chute des recettes fiscales, due en partie aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, à l’aide publique accordée aux banques commerciales et au recours aux marchés financiers pour emprunter à des taux d’intérêt élevés. La crise est aussi entretenue par la Banque centrale européenne, qui appuie sans condition les banques privées, mais exige à présent des États une « stricte conditionnalité » d’austérité, lorsqu’il s’agit de jouer le rôle de « prêteur en dernier ressort ». La mise en œuvre du traité ne changera rien en la matière.

D’un strict point de vue économique, ce traité est une aberration. C’est pourtant au nom de la rationalité économique que l’on introduit la fameuse « règle d’or », dont l’application interdirait l’engagement de dépenses publiques d’avenir et conduirait à mettre en place un programme drastique de réduction de l’ensemble des politiques publiques, à l’échelon tant national que local.

En limitant plus que jamais la capacité des pays à relancer leurs économies et en leur imposant d’équilibrer leurs comptes publics, le traité est bien sous-tendu, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, par une logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels.

Les budgets publics seront peut-être en équilibre, mais par quelles ressources et quelles activités économiques seront-ils alimentés ?

Par ailleurs, la prétendue « solidarité européenne » acceptée par l’Allemagne est une supercherie. Outre qu’elle est conditionnée à la mise en œuvre de mesures qui étranglent littéralement les sociétés, il faut bien comprendre qu’il s’agit surtout d’organiser la garantie, par les États, des grands patrimoines financiers des banques privées.

Enfin, nous dénonçons vigoureusement la façon dont le traité bafoue les souverainetés nationales en matière budgétaire. En effet, il impose aux représentants des peuples des mesures d’austérité automatiques, en contraignant leurs décisions budgétaires, dictées et contrôlées par des instances non élues. La règle d’équilibre budgétaire, qui n’est certes pas nouvelle, se trouve en effet considérablement durcie, par la fixation d’un plafond de déficit structurel de 0,5 % du PIB.

Plus grave encore, le traité instaure aussi un contrôle permanent et coercitif de la Commission européenne sur l’effort de réduction des déficits budgétaires des États membres. Sa mission est modifiée : désormais, elle surveille et sanctionne.

Très concrètement, en cas de déficit trop important, un mécanisme de correction automatique s’appliquerait à l’État concerné, qui devrait alors présenter à la Commission et au Conseil, pour approbation, un programme de réformes structurelles. La Commission aurait ainsi toute liberté d’imposer, comme c’est aujourd’hui le cas pour la Grèce, des réformes structurelles désastreuses : programmes de privatisations, de flexibilisation du marché du travail ou de baisse des dépenses sociales, notamment.

De plus, comme cela est très explicitement précisé à l’article 7 du traité, chaque État devrait soutenir les mesures antisociales imposées par la Commission à un État voisin. Avec un tel carcan, que reste-t-il de la liberté des relations bilatérales entre États ? En cas de non-respect de la discipline budgétaire ou de transposition insuffisante des dispositions du traité, les États vertueux auraient la possibilité de poursuivre en justice les États en difficulté afin que leur soient infligées de lourdes sanctions. Il s’agit en fait d’instaurer une forme de délation entre États souverains, au risque de provoquer de dangereuses tensions entre les pays et les peuples et, à terme, d’ébranler toute forme de solidarité européenne ! Et dire que le texte du traité qualifie ce processus de « partenariat budgétaire et économique », alors qu’il s’agit purement et simplement d’une mise au pas, s’ajoutant aux dispositions du pacte de stabilité et de croissance et du six-pack !

Ainsi, l’élaboration du budget de la France sera en permanence placée sous l’étroite surveillance de la Commission européenne, dont le rôle sera renforcé pour en faire un véritable directoire du capitalisme financier à l’échelle de l’Europe.

En amont, les orientations budgétaires des États devront être validées, en mai et juin, par les instances européennes ; en aval, les projets de loi de finances jugés trop dépensiers pourront être attaqués et dénaturés selon les critères de l’orthodoxie budgétaire libérale.

Mes chers collègues, mesurez bien qu’en autorisant la ratification de ce traité, vous franchiriez un nouveau pas vers un fédéralisme européen autoritaire, dont les bases seront jetées dès le prochain Conseil européen des 18 et 19 octobre. Pour notre part, nous refusons de nous engager sur ce chemin. Il est encore temps d’écarter cette perspective en rejetant la ratification du traité.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Pierre Chevènement applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, contre la motion.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la motion tendant à opposer la question préalable déposée par les membres du groupe CRC vient d’être défendue avec talent par M. Billout.

Rien ne serait pire, sur le plan économique et social, que la remise en cause de la zone euro. La désintégration inévitable de celle-ci qu’engendrerait la sortie d’un seul pays serait dramatique et signerait la fin de la solidarité européenne, avec un effet dominos destructeur : il ne peut y avoir de sortie de la zone euro en douceur.

Les spéculateurs n’attendent qu’un signe de faiblesse pour revenir à la charge et faire tomber l’euro, afin de rouvrir un espace de jeu dont ils sont aujourd’hui privés, celui des fluctuations entre les monnaies européennes.

Aujourd’hui, soyons-en convaincus, les acteurs de l’économie réelle en Europe sont trop intégrés pour être en mesure de faire face à une telle éventualité sans casse économique et sociale.

Il faut donc tout faire pour éviter d’en arriver à cette situation.

Refuser de se doter d’un outil propre à répondre, malgré tout les défauts du TSCG, aux attaques spéculatives, c’est livrer les Européens à une boucherie sociale – j’insiste sur ce mot ! – comme nous n’en avons plus connu depuis la fin des années quarante.

Mme Éliane Assassi. C’est déjà le cas, ce qui prouve que la politique menée ne fonctionne pas !

M. Jean-Yves Leconte. Je ne pense pas que nous en soyons là, madame Assassi. Les difficultés rencontrées aujourd'hui par le Portugal, l’Espagne, l’Italie ou même la Grèce ne sont pas comparables à ce qu’a connu l’Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il faut garder le sens de la mesure !

Mme Éliane Assassi. Pourquoi en arriverions-nous là ?

M. Jean-Yves Leconte. C’est précisément ce qui nous menace en cas de désintégration de la zone euro, ma chère collègue ! Nous ne pouvons pas prendre un tel risque. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que nous demandons ! Ne déformez pas nos propos.

M. Jean-Yves Leconte. Dans un tel cas, le PIB ne diminuerait pas de 2 % ou de 3 %, mais de 15 % ou de 20 %. Ce serait dramatique !

Mme Éliane Assassi. Vous continuez à faire peur !

M. Jean-Yves Leconte. C’est ce qui a été constaté au cours des vingt dernières années dans les espaces économiques qui ont explosé. Les conséquences sociales ont été dramatiques, sans commune mesure avec ce que l’on peut observer aujourd'hui en Europe.

Mme Éliane Assassi. Allez le dire aux Grecs et aux Espagnols !

M. Jean-Yves Leconte. Je le répète, nous ne pouvons prendre une telle responsabilité, c’est pourquoi il convient de repousser cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Nous aurons gagné lorsqu’il deviendra aussi incongru et aussi risqué pour les marchés d’envisager la sortie de la Grèce de la zone euro que celle de la Californie de la zone dollar… (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Vous mélangez tout !

M. Thierry Foucaud. Il fallait le dire en mars dernier !

M. Pierre-Yves Collombat. Aux États-Unis, la FED intervient ! Cela change tout.

M. Jean-Yves Leconte. Tel est l’enjeu.

Certaines des réserves exprimées sur le traité peuvent se justifier, mais il serait erroné de porter sur ce dernier une appréciation statique, sans prendre en compte le nouveau leadership des idées de gauche sur la réorientation de l’Europe que permet l’élection à la Présidence de la République de François Hollande et dont nous constatons les premiers résultats. Ne pas prendre la mesure de la dynamique engagée depuis mai dernier pour évaluer l’opportunité de la ratification de ce traité correspond, j’ose le mot, à un renoncement.

Le TSCG est certes l’héritage d’un quinquennat qui a couté 600 milliards d’euros au pays et pendant lequel le service des intérêts de la dette est devenu du même ordre de grandeur que les recettes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, notre économie ne parvenant plus à être stimulée par la dette publique : en 2009, cette dernière a augmenté de 10 points de PIB, mais nous avons connu une récession de 3 % ; en 2012, la dette s’est accrue de 8 points, et la croissance n’a été que de 1,7 %...

M. Pierre-Yves Collombat. Mais où est passée cette dette ? Dans les caisses des banques !

M. Jean-Yves Leconte. Cette dette, monsieur Collombat, tous nos concitoyens la remboursent aujourd'hui ; il faut éviter de l’alourdir encore. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Elle a servi à sauver les banques !

M. Jean-Yves Leconte. Il est important de corriger les erreurs qui ont été commises, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! Nous ne devons pas livrer toute l’Europe à une crise dont la gravité serait sans aucune commune mesure avec les difficultés déjà si grandes que nous vivons aujourd'hui.

L’expérience des dernières années montre que si les idées de Keynes sont indispensables à la conception d’une politique économique, elles ne constituent pas pour autant une solution miracle. Cette observation vaut d’ailleurs pour l’ensemble des pays de l’ancien G7 des années soixante-dix : le Japon, la Grande-Bretagne ou les États-Unis ne se portent pas mieux que nous ; pis encore, leur situation très critique les incite à mettre en évidence notre manque de coordination politique, pour mieux dévier le regard des marchés de leurs propres faiblesses. Nous devons y être très attentifs.

Cette crise est bien plus qu’une crise conjoncturelle qui se traiterait exclusivement avec des outils contracycliques. C’est celle d’un modèle économique et social, d’un modèle de gouvernance économique, de la gouvernance des entreprises, de l’appréhension des risques dans la vie économique.

Ce n’est pas en réinventant des souverainetés factices grâce à des monnaies redevenues nationales ou en revenant sur des transferts de souveraineté dont les principes ont été acceptés, pour ce qui concerne le peuple français, lors du référendum sur le traité de Maastricht que nous trouverons le salut. À cet égard, nous ne remercierons jamais assez François Mitterrand d’avoir pris la responsabilité de poser cette question fondamentale à l’ensemble des Français,…

M. Michel Billout. Il aurait été bien de la reposer aujourd'hui !

M. Jean-Yves Leconte. … avec le soutien, à l’époque, de Jean-Luc Mélenchon.

Il est d’ailleurs étonnant de trouver parmi vous, chers camarades qui avez déposé cette motion, des tenants des outils des politiques monétaires menées à Londres, à Washington ou à Tokyo. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)

Notre responsabilité, aujourd’hui, est d’ouvrir un nouveau chemin permettant aux pays de l’Union européenne de trouver toute leur place dans une planète aux équilibres économiques, sociaux et environnementaux nouveaux.

Il n’y a aucun modèle à suivre : ce serait trop simple. Nous devons nous écouter les uns et les autres, appréhender le monde nouveau qui émerge, faire preuve d’audace et de courage pour dépasser nos réflexes issus des États nations du xixe siècle.

Si nous pouvons aujourd’hui soutenir le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, c’est bien parce que ce texte, issu d’un accord asymétrique franco-allemand imposé dans l’urgence à vingt-trois de nos partenaires européens en mars 2012, a été complété lors du sommet de juin dernier par une négociation plus équilibrée et respectueuse de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Il s’est vu principalement enrichi, d'une part, par un pacte pour la croissance et l’emploi doté d’un potentiel initial de 120 milliards d’euros, et, d’autre part, par l’affirmation de la nécessité de mettre en œuvre une union bancaire, condition essentielle pour instituer la supervision bancaire européenne sous la tutelle de la BCE qui nous manque dramatiquement.

Il était indispensable de mettre fin à l’irresponsabilité de la BCE en matière de supervision bancaire découlant des traités en vigueur, qui a suscité un laxisme dans ce domaine en Irlande ou en Espagne, notamment, avec des conséquences sociales tragiques dans ces deux pays et d’immenses coûts pour l’ensemble des Européens.

Il est important, monsieur le ministre, que cette union bancaire se formalise rapidement et que l’on dépasse les réticences se manifestant actuellement sur cette question, en particulier en Allemagne. Cela est essentiel pour équilibrer le vote positif qui sera probablement émis sur la ratification du TSCG et éviter de continuer à faire peser sur les comptes des États de la zone euro les conséquences des défaillances des banques privées.

Permettez-moi à présent d’exprimer certaines préoccupations à l’égard de ce que nous observons actuellement en Europe, où chaque pays tente de rétablir ses comptes publics en faisant preuve d’une certaine créativité fiscale…

Il est impératif d’être vigilant sur la cohérence et la lisibilité de ces nouveaux impôts. Lorsque l’on conjugue, par exemple, le nouvel assujettissement à la CSG et à la CRDS des revenus fonciers des non-résidents avec les nouveaux impôts décidés par M. Monti en Italie, ne sanctionne-t-on pas, par ce biais, la mobilité intra-européenne ? La question mérite d’être posée. La coordination budgétaire impose aussi que soit rapidement mise en place une coordination fiscale.

Cette coordination fiscale est incontournable si l’on veut avoir la possibilité de recourir, à l’avenir, aux fameux eurobonds dont nous appelons de nos vœux l’émission : une dette commune impose des recettes communes, une responsabilité commune, une fiscalité commune, bref, in fine, un gouvernement économique commun, dont les engagements seraient financés par un impôt s’appliquant à chaque citoyen, à chaque personne morale de la même manière sur l’ensemble de la zone. Ainsi, parler de fédéralisme ne doit plus être tabou : il s'agit du constat d’un impératif, dès lors que l’on a la préoccupation d’adosser aux politiques communes un contrôle démocratique.

En tant que socialistes, nous souhaitons transformer l’ordre économique et social. De quoi dépend aujourd’hui celui-ci ? Du cadre européen et de la solidarité qui s’y exerce : c’est dans cet espace qu’il se définit, c’est par l’organisation de cet espace que nous pouvons peser sur l’ordre économique mondial. Dès lors, n’ayons pas peur de placer le débat politique au niveau où il peut vraiment changer les choses, c’est-à-dire au niveau européen.

Il faudra commencer dès la prochaine période budgétaire 2014-2020, dès les prochaines élections européennes. Ces deux exercices ne peuvent être séparés, sinon l’un sera non démocratique, et l’autre trop factice. D’ailleurs, pourquoi la période budgétaire est-elle de six ans, tandis que le mandat parlementaire européen est de cinq ans ? Ne faudrait-il pas revoir cela ?

C’est à ces conditions, en acceptant avec confiance un débat politique à l'échelon européen, que l’on pourra réorienter notre politique commerciale, défendre les services publics en Europe, mettre enfin en place cette politique industrielle européenne qui nous manque tellement. En bref, il faut démontrer que l’Europe, ce n’est pas le problème, c’est la solution. J’observe d'ailleurs que ceux qui souffrent aujourd'hui, en Grèce, en Italie ou au Portugal, s’étonnent de l’euroscepticisme qui s’exprime en France. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)

C’est à ces conditions que les 120 milliards d’euros aujourd’hui mis sur la table pourront être la source d’une croissance nouvelle. En 2011, nous avons pu constater que deux des symboles les plus visibles de la construction européenne, à savoir la monnaie unique, d’une part, l’espace Schengen, d’autre part, n’étaient pas des acquis irréversibles : la monnaie unique, parce que depuis sa mise en place les imperfections pourtant identifiées n’ont pas été corrigées et risquent aujourd’hui d’entraîner sa chute ; l’espace de liberté et de circulation que représente la zone Schengen, parce qu’elle fut prise en otage par Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi au prétexte des « printemps arabes ».

Ces symboles d’une construction européenne fondée sur les cendres des tragédies européennes du XXe siècle pouvaient être remis en cause ! Dans l’état actuel du monde, de nos pays, marqué par des misères sociales, des revendications identitaires, quel danger, quelle menace pour nous tous !

N’opposons pas les concepts d’élargissement et d’approfondissement : ils sont complémentaires. L’esprit européen, les valeurs européennes imposent de mettre en œuvre les deux. Constatons d’ailleurs qu’aucune des causes de la crise actuelle n’est liée aux derniers élargissements.

N’opposons pas les membres de la zone euro aux autres pays de l’Union européenne qui veulent y adhérer à l'occasion des négociations de la prochaine période budgétaire. N’opposons pas le sud de l’Europe à l’Allemagne : la zone de solidarité qui existe est commune. Faire le bonheur des uns sur le dos des autres n’est tout simplement pas possible : l’interdépendance est totale. Chacun doit écouter et comprendre l’autre.

N’opposons pas l’est de l’Europe et le sud de la Méditerranée. L’Europe ne sera elle-même que si elle trouve la force de faire de la Méditerranée, où de formidables espoirs se sont levés depuis 2011, un espace de développement et de valeurs partagées, et non plus une frontière.

Souvenons-nous de ce qui a été fait à partir de 1989 sous l’impulsion de François Mitterrand, d’Helmut Kohl et de Jacques Delors, dont les efforts ont abouti à une nouvelle étape de la construction d’une Europe démocratique.

A contrario, souvenons-nous aussi de la tragédie vécue, à la même période, par les peuples de l’ex-Yougoslavie, lorsque les pays d’Europe, la France et l’Allemagne en particulier, n’ont pu s’accorder sur une attitude commune. Cette tragédie vite arrivée, au cœur de l’Europe, reste une honte pour notre continent. Cela doit nous rappeler que tout est précaire. Cet avertissement est encore valable.

C’est pourquoi le combat ne s’arrête jamais. La lutte démocratique exige aujourd’hui l’ouverture de nouveaux fronts. L’avenir, l’intérêt, les valeurs de l’Europe nous imposent de nous en montrer dignes.

Mes chers collègues, chers camarades auteurs de cette motion, voilà pourquoi l’Europe doit se doter des outils qui permettront son redressement.

Voilà pourquoi il faut aller de l’avant. Les avancées obtenues en juin dernier permettent de tracer de nouvelles perspectives, que notre vote d’aujourd’hui doit rendre possibles. C’est ainsi que nous remettrons la France au cœur de la construction européenne.

Voilà pourquoi il faut rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.

Sans grande originalité, je terminerai à mon tour mon intervention par une citation.

Mme Esther Benbassa. Nous aimons beaucoup les citations !

M. Jean-Yves Leconte. « On éprouve quelque stupeur quand on constate quels sont dans le monde d’aujourd’hui les tenants acharnés du dogme de la souveraineté sans limite et sans appel. Le socialisme, lui, est international. Il reste fidèle à sa tradition, à sa raison d’être, quand il affirme : “la souveraineté doit être réduite à la limite de l’indépendance. Elle doit être soumise à l’appel de la volonté collective – européenne aujourd’hui, universelle demain.” » Ainsi s’exprimait Léon Blum en 1948 ; ces propos n’ont pas pris une ride.

Mes chers collègues, chers camarades, allons de l’avant, n’ayons pas peur de mettre la politique au cœur de la construction européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, vous le savez, aux termes de l’article 44, alinéa 3, du règlement, la question préalable a pour objet de « faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération ».

Or, comme vous avez pu le constater depuis hier, une majorité semble se dégager pour adopter ce projet de loi, tandis que le débat se révèle d’une grande richesse. Je considère donc qu’il y a lieu de poursuivre la discussion, d’autant que la non-ratification du traité serait très préjudiciable à la zone euro, et en premier lieu à la France.

En effet, convenons que les processus en cours vont se poursuivre. L’Europe est en train de passer à l’étape suivante : un Conseil européen se tiendra les 18 et 19 octobre prochain et il importe de remédier à un certain nombre de dysfonctionnements. Nous devons être attentifs à ne pas affaiblir l’influence de la France dans ces discussions.

Je suis d’accord avec l’auteur de la motion lorsqu’il dit qu’un « non » français serait d’un grand poids. Je renverse l’argument : le « oui » français renforcera grandement notre capacité d’action en vue du règlement des dysfonctionnements constatés aujourd’hui en Europe.

Si le traité bafouait notre souveraineté budgétaire, le Conseil constitutionnel n’aurait pas manqué de demander une révision de la Constitution, de même que la Cour constitutionnelle fédérale allemande. Dans ces conditions, je ne crois pas que nous soyons en passe d’être mis sous tutelle et j’invite le Sénat, au nom de la commission des finances, à rejeter cette motion.

Néanmoins, je rejoins notre collègue Michel Billout sur un point : il est important que les décisions soient prises de manière transparente et lisible.

M. Guy Fischer. Il y a beaucoup à faire !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. De ce point de vue, il est vrai qu’il y a des progrès à faire. C’est d’ailleurs l’enjeu des discussions menées sur la base de la feuille de route établie par Herman Van Rompuy et de la mise en place de la conférence nationale des parlements nationaux prévue à l’article 13 du traité. Il est de notre intérêt de nous pencher sur ce sujet, tant il est vrai que, aujourd’hui, ce qui se passe à Bruxelles n’est pas suffisamment pris en considération dans la politique intérieure française.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. M. Billout a soulevé un certain nombre d’interrogations partagées par le Gouvernement, même si nous n’y apportons pas nécessairement les mêmes réponses.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement est, comme vous, très préoccupé par la situation de crise qui s’enkyste en Europe, l’aggravation du chômage, les conséquences potentielles du dérèglement des comptes publics sur la situation économique des États et les difficultés que rencontre l’Union européenne pour apporter au bon moment, dans l’urgence, les réponses adéquates.

Tout au long de ce débat, je n’ai pas senti qu’il y avait entre nous de divergences fondamentales quant aux objectifs. En revanche, nous sommes en désaccord sur la stratégie à adopter. C’est sur ce point que je voudrais m’attarder.

Nous souhaitons nous aussi épargner l’austérité aux peuples d’Europe. Pour ce faire, il faut que des conditions très concrètes soient remplies rapidement.

En premier lieu, au-delà du plan pour la croissance et pour l’emploi, doté de 120 milliards d’euros, il faut prendre d’autres initiatives pour la croissance.

Ces initiatives, quelles sont-elles ? D’abord, il faut un bon budget pour l’Union européenne. Nous sommes actuellement en négociation avec nos partenaires européens pour définir ce que seront les orientations du budget de l’Europe pour la période 2014-2020.

Il s’agit d’une enveloppe de 1 000 milliards d’euros. Nos prédécesseurs voulaient l’amputer de 200 milliards d’euros et prétendaient qu’une telle orientation permettrait à la fois de mener une politique de cohésion favorisant la croissance dans tous les pays de l’Union européenne et d’assurer un bon niveau d’aides directes au titre de la politique agricole commune. Nous ne nous inscrivons pas dans une telle stratégie, car nous n’entendons pas aborder le débat sur les perspectives financières pour la période 2014-2020 selon une approche comptable : nous ne serons pas parmi les plus pingres.

Si nous nous battons pour que soit mise en œuvre, dans le cadre d’une coopération renforcée, la taxe sur les transactions financières, c’est parce que nous pensons que cela peut permettre, à terme, de doter l’Union européenne de ressources propres et, partant, des moyens budgétaires de stimuler la croissance.

Par ailleurs, nous voulons aller plus loin en matière de réciprocité dans les échanges commerciaux. En effet, nos marchés publics ne doivent pas être ouverts à des acteurs économiques issus de pays dont les marchés publics seraient fermés à nos entreprises. La réciprocité, c’est non pas le protectionnisme, mais la mise en place de règles garantissant que les échanges commerciaux internationaux profiteront à l’ensemble des pays impliqués.

Enfin, nous voulons une politique industrielle européenne. Par exemple, nous sommes confrontés aujourd’hui à une crise de l’automobile. Le ministre du redressement productif a souhaité que nous engagions avec les Allemands un travail sur l’électromobilité. Nous avons adressé une lettre à tous les ministres de l’industrie des pays de l’Union européenne en vue de créer une vraie dynamique en faveur de la mise en place d’une politique industrielle à l’échelle européenne. Il convient en effet d’enclencher la réindustrialisation de l’Union européenne, laquelle a perdu beaucoup d’emplois industriels.

Cela ne suffira pas : il faut aussi remettre la finance en ordre et promouvoir la solidarité monétaire et financière. C’est sur ce point que porte le désaccord entre nous, monsieur Billout.

Finalement, devons-nous risquer d’ouvrir une nouvelle crise en ne ratifiant pas ce traité, alors que nous avons engagé la réorientation de l’Europe ? Devons-nous, en suivant une telle stratégie, prendre le risque d’un blocage du fonctionnement de l’Union européenne, dont les conséquences seraient payées par les peuples, ou devons-nous ratifier le traité pour aller plus loin dans la discussion avec nos partenaires, afin de créer les conditions de l’émergence de l’Europe que nous souhaitons et qui est, je vous le confirme, très différente de celle que nous avons trouvée en arrivant au pouvoir ? Nous avons fait le choix stratégique d’opter pour la seconde branche de cette alternative.

Ce traité n’est pas celui que nous aurions soumis au Parlement si nous avions été au pouvoir à l’époque de son élaboration. Il a été imposé au gouvernement précédent, qui s’était montré incapable de maintenir les comptes publics en équilibre et avait demandé à la Commission européenne l’autorisation de ne pas respecter les critères de convergence budgétaire fixés par les traités antérieurs. Ce traité, nous ne l’aurions pas rédigé ainsi, mais il existe. Dès lors que nous avons engagé sa réorientation, nous proposons pragmatiquement d’éviter qu’une crise ne s’ouvre en Europe, par le blocage du mécanisme de recapitalisation des banques par le MES et du dispositif d’intervention du FESF sur le marché secondaire des dettes souveraines. Les États en difficulté seraient alors obligés de procéder eux-mêmes à la recapitalisation de leurs banques en empruntant sur les marchés, à des conditions de taux très défavorables qu’ils répercuteraient sur les peuples que vous et nous souhaitons épargner. Ce risque-là, nous ne voulons pas le prendre.

Je respecte la position de ceux qui, comme vous-même, monsieur Billout, s’interrogent sur l’opportunité de ratifier le traité, mais je les invite à être très attentifs aux risques attachés à un blocage du fonctionnement de l’Union européenne, dès lors que notre objectif commun est d’éviter aux peuples une austérité sans fin.

C’est cette analyse pragmatique, fondée sur la réalité à laquelle nous sommes confrontés, qui nous a conduits à faire le choix stratégique que j’évoquais. Monsieur le sénateur, nous ne pouvons donc pas approuver la motion que vous avez soumise à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.