Sommaire

Présidence de Mme Bariza Khiari

Secrétaires :

M. Jacques Gillot, Mme Odette Herviaux.

1. Procès-verbal

2. Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite) : MM. Philippe Bas, Alain Richard, Mme Marie-Christine Blandin.

Clôture de la discussion générale.

Rappel au règlement

M. Guy Fischer, Mme la présidente, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Exception d’irrecevabilité

Motion no 1 de M. Jean-Pierre Chevènement. – MM. Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Sueur, François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Pierre-Yves Collombat, Jean-Claude Lenoir. – Rejet.

Question préalable

Motion no 2 de M. Michel Billout. – MM. Michel Billout, Jean-Yves Leconte, le rapporteur général, Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; André Gattolin. – Rejet.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 3 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

3. Questions d’actualité au Gouvernement

énergies renouvelables

M. Raymond Vall, Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

grand paris

MM. Christian Favier, Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

violences scolaires

Mme Marie-Annick Duchêne, M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale.

grand paris

MM. Yves Pozzo di Borgo, Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

conditions d’obtention de la nationalité française par naturalisation

Mme Kalliopi Ango Ela, M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur.

logement étudiant

M. Michel Berson, Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

financement d’équipements à strasbourg

Mme Fabienne Keller, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes.

bilan de la conférence environnementale

Mmes Laurence Rossignol, Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

disparition d’ibni oumar mahamat saleh

M. Gaëtan Gorce, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.

préjudice écologique

M. Bruno Retailleau, Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

4. Désignation d’une sénatrice en mission

5. Saisines du Conseil constitutionnel

6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Croatie

7. Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission

Demande de renvoi à la commission (suite)

Motion no 3 (suite) de M. Éric Bocquet. – MM. Philippe Kaltenbach, François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. – Rejet.

Article unique

Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Joël Guerriau, Pierre-Yves Collombat.

Explications de vote

Mme Leila Aïchi, MM. Jean-Vincent Placé, Robert Hue, Jean Bizet, Richard Yung, Mme Éliane Assassi, MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Claude Requier, Jean-Yves Leconte.

Adoption définitive, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jacques Gillot,

Mme Odette Herviaux.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Discussion générale (suite)

Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Rappel au règlement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (projet n° 21, texte de la commission n° 23, rapport n° 22).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’autorisation de ratifier le pacte budgétaire européen est le seul moment constitutionnel où le Parlement ait son mot à dire. Mais ce mot est déterminant. Il nous place face à des responsabilités essentielles.

Le peuple français n’est pas appelé à se prononcer directement comme il le fit en 1992 et en 2005 avec François Mitterrand et Jacques Chirac. L’un et l’autre ont fait preuve de courage politique. Depuis lors, quand il s’agit d’Europe, les présidents pratiquent une autre vertu : la prudence !

Il nous revient donc de parler pour la Nation, comme le prévoit notre Constitution.

Nous le ferons bien sûr sous le regard des Français, et non pas dans leur dos, même s’il ne fait guère de doute qu’ils auraient voulu décider eux-mêmes, ce qui aurait été l’occasion d’un moment de vérité.

Si nous disons « oui » au Traité européen, il ne se passera rien qui ne nous soit de toute façon imposé par les réalités économiques et financières, puisqu’il ne saurait en aucun cas être question de laisser filer nos déficits et s’accroître notre dette.

La nouveauté du Traité réside essentiellement dans l’obligation d’atteindre l’équilibre structurel à une échéance prenant en compte le montant actuel de nos déficits. Elle tient aussi au renforcement des mécanismes de sanctions financières. Elle n’est pas dans la sévérité des contraintes budgétaires.

Pas plus que vous, nous ne pourrions d’ailleurs admettre qu’un corset nous empêche à tout jamais de réagir de manière coordonnée à une récession grave, par des politiques de soutien à l’économie qui impliqueraient une augmentation temporaire des déficits, comme ce fut le cas en 2009, ce que vous semblez d’ailleurs reprocher à la majorité de l’époque tout en revendiquant de pouvoir le faire à votre tour demain.

Mais, heureusement, ce traité, que vous avez naguère diabolisé pour aujourd’hui le minorer, distingue clairement déficit structurel et déficit conjoncturel, plus clairement et précisément encore que le pacte de stabilité et de croissance de 1997, qui le faisait déjà.

Et, comme le traité de Maastricht, il prévoit la prise en compte de circonstances exceptionnelles pour épargner des sanctions à un État déficitaire quand son déficit est justifié du point de vue européen.

Nous nous inscrivons ainsi dans la tradition européenne ; ce n’est pas une révolution.

Cependant, vous omettez trop souvent de rappeler que cette faculté n’est pas laissée à la discrétion des gouvernements. Elle passe par une appréciation communautaire qui s’impose à eux. N’y voyez donc pas un moyen de vous affranchir de la règle commune. Vos partenaires du Front de gauche ont eu raison de le rappeler.

Une discipline budgétaire de longue haleine nous permettra de reconstituer nos marges de manœuvre. Il s’agit de démontrer notre volonté de faire, sans nous tromper sur les moyens. C’est là que les choix politiques nationaux peuvent s’exprimer. Et, sur ce point, j’y reviendrai, les vôtres sont bien évidemment différents des nôtres.

Si, au contraire nous disions « non » à ce traité, il faudrait de toute façon maintenir le cap de la rigueur, mais dans un contexte politique et financier dégradé qui en aggraverait l’ampleur.

Dire « non », ce serait jeter le doute sur notre détermination à lutter contre les déficits, ce serait donner des raisons à l’Allemagne de ne pas être financièrement solidaire, ce serait isoler la France parmi les États de la zone euro et ce serait nous rendre plus vulnérables face à nos prêteurs.

Un « non » de la France au Traité budgétaire appellerait en réalité d’autres « non », qui compliqueraient notre tâche : le « non » des investisseurs, le « non » des marchés financiers, de nos prêteurs, au maintien du financement de la dette française et des autres dettes européennes aux conditions actuelles.

Il faudrait alors redoubler de rigueur et d’austérité pour convaincre et pour rétablir la confiance. Ce n’est pas ce que nous voulons. Le crédit de la France reste solide, il nous appartient de le conserver.

Il est vrai qu’il y a sans doute une part d’injustice dans la situation de la zone euro. Après tout, pour excessives qu’elles soient, notre dette et celle de nos partenaires sont contenues dans des limites presque enviables si on les compare à celles des États-Unis et du Japon, qui dépassent respectivement 100 % et 200 % de leur produit intérieur brut. Or, jusqu’à présent, ces pays ont réussi à financer leur dette publique dans des conditions satisfaisantes.

On pourrait donc attendre des marchés des anticipations plus favorables à la zone euro. Il n’en est rien malheureusement, et il y a là un paradoxe.

Si la dette des États de l’Union européenne est un tel problème pour nous tous, ce n’est pas seulement parce qu’elle est trop élevée, c’est parce qu’il s’agit non pas d’une dette européenne, comme il y a une dette américaine ou japonaise, mais d’une multitude de dettes inégales dans leur montant, d’un grand nombre de pays inégaux dans leurs capacités de remboursement et qui continuent largement à concevoir leur avenir séparément.

La cause principale de la suspicion des prêteurs est donc politique. Chacun spécule partout dans le monde sur les faiblesses politiques de l’Europe, sur son irréductible division en États jaloux de prérogatives qu’ils peinent à exercer et dont la solidarité mutuelle reste limitée malgré le traité instituant un mécanisme de solidarité financière européen, traité que vous avez à l’époque rejeté.

Certains, parmi ces États, rêvent encore de tirer leur épingle du jeu aux dépens des autres ; d’autres, à l’inverse, craignent d’être solidaires à leurs propres dépens.

Ainsi, la méfiance des marchés se nourrit d’abord de la méfiance des Européens entre eux. Les marchés ont les yeux ouverts sur nos propres limites, qui sont béantes. Ils posent à nos gouvernements des questions pertinentes pour les années à venir : « Êtes-vous oui ou non capables de faire l’union politique entre vous au point que nous pourrons être certains de votre solidarité financière, et donc être assurés que la dette européenne sera remboursée dans toutes ses composantes nationales et que, pour cela, des politiques budgétaires harmonisées seront appliquées afin d’éviter les divergences financières et que l’euro pourra être maintenu sur tous les territoires où il a cours légal, puis étendu à d’autres ? »

En somme, les marchés nous disent une chose simple : « Soyez forts et nous nous inclinerons ! »

Ces questions, nous ne devrions pas avoir besoin d’eux pour nous les poser.

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. Philippe Bas. Il est plus que temps de dire que l’union politique de l’Europe, à commencer par le gouvernement économique, est la seule voie possible pour l’accomplissement des ambitions nationales de chacun de nos pays. L’Europe seule détient les clés d’une puissance retrouvée pour rétablir des capacités d’action que nous avons perdues.

Or, face à l’enjeu de l’union politique, l’extrême prudence du Président de la République quand il s’agit d’aborder la question cruciale du gouvernement économique de l’Europe, sa réticence à exprimer la vision nécessaire d’un avenir européen fondé sur l’union politique dans une fédération d’États nations donnent malheureusement l’impression que vous avancez vers l’Europe à reculons, comme si la ratification du pacte budgétaire marquait la limite extrême de ce que vous pouvez accepter après l’avoir si violemment rejeté.

Cette impression, vous l’avez hélas ! confirmée hier, monsieur le ministre, en vous bornant à raisonner à cadre institutionnel constant.

En réalité, vous avez désormais l’Europe frileuse, je dirais presque pusillanime.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est votre Europe, cela !

M. Philippe Bas. Nous en connaissons la raison : votre difficulté à convaincre vos partenaires communistes et écologistes ainsi que les divisions profondes du parti socialiste sur ces questions.

J’entends au Front de gauche, au sein de la Gauche socialiste et chez les Verts, comme d’ailleurs au Front national, des raisonnements étranges. Les uns et les autres semblent croire qu’il y aurait pour la France une chance de salut par le repli derrière ses frontières, en s’émancipant des exigences européennes et en niant les contraintes financières. C’est une forme d’utopie particulièrement régressive. La France ne peut se permettre de faire cavalier seul. C’est en exerçant en commun notre souveraineté, et non pas en nous repliant sur l’Hexagone avec les moyens d’une puissance moyenne, que nous retrouverons une capacité à agir sur le cours des événements.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Qu’avez-vous fait depuis dix ans ?

M. Philippe Bas. Il ne suffit pas de graver de nouvelles règles budgétaires dans le marbre d’un traité pour suppléer aux intermittences et aux défaillances de la volonté politique européenne. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Richard Yung s’exclament.) Ce nouveau pacte n’est et ne peut être qu’une étape. Vous devez dès maintenant préparer les suivantes, dire quelle Europe vous voulez et avec qui vous comptez la faire.

M. Alain Richard. Vous aussi, vous devez le dire !

M. Philippe Bas. En ne vous donnant que des ambitions trop limitées, vous ne pourrez obtenir que des résultats médiocres !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ces résultats, ce sont surtout les vôtres !

M. Philippe Bas. Mais il y a encore une question, non moins grave, à laquelle il ne semble pas que vous soyez prêts à répondre.

M. Richard Yung. Attendez ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Bas. Le pacte budgétaire ne vaudra que par la politique que vous mettrez en œuvre pour le faire réussir. La rigueur sans la réforme économique, la rigueur sans la compétitivité, la rigueur sans le soutien aux entreprises, c’est le marasme, la récession et le déclin.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout ce que vous avez fait !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est la situation que nous avons trouvée !

M. Philippe Bas. Tel n’est pas ce que les uns et les autres nous voulons pour notre pays. Mais les bonnes intentions ne suffisent pas. Seuls les actes comptent !

Or vous avez rétabli le système des 35 heures dans toute sa rigidité en pénalisant les heures supplémentaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Vous avez supprimé la réforme du financement de la protection sociale votée en début d’année ; vous avez prélevé 7 milliards d’euros d’impôts nouveaux dans le collectif de juillet (Mme Odette Herviaux s’exclame.) ; vous allez prélever encore 20 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2013 et 5 milliards d’euros en loi de financement de la sécurité sociale ; vous accablez donc les entreprises de charges nouvelles au moment ou leur taux de marge atteint un plancher historique.

Vous avez aussi multiplié les dépenses d’affichage dont l’effet sur le pouvoir d’achat est dérisoire.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Parce que la TVA sociale, c’était une mesure sociale ?

M. Philippe Bas. Vous recrutez massivement, mais inutilement des enseignants en surnombre sans vous préoccuper sérieusement de leur niveau de qualification. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela vous va bien !

M. Jacques Chiron. C’est vous qui avez supprimé les IUFM ! C’est incroyable !

M. Philippe Bas. Vous ne diminuez pas les dépenses publiques. Et voilà que la nécessité de réformer le financement de la protection sociale resurgit, mais dans les pires conditions, avec le recours envisagé à la CSG, qui ponctionnerait directement le pouvoir d’achat des Français (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), y compris les plus modestes, sans faire participer les importations.

M. Gérard Longuet. Exactement !

Mme Hélène Lipietz. Donneur de leçons !

M. Philippe Bas. Le Conseil européen des 28 et 29 juin dernier a bien sûr adopté un « pacte pour la croissance et l’emploi ».

Mme Hélène Lipietz. Où est la croissance ?

M. Philippe Bas. Nous nous en réjouissons.

M. Philippe Bas. Et s’il s’agissait d’un traité et non pas d’un simple relevé de conclusions regroupant des décisions et des orientations pour une bonne partie déjà arrêtées, nous serions heureux d’en autoriser aussi la ratification.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et Sarkozy, qu’a-t-il fait ?

M. Philippe Bas. Par respect pour l’intelligence de nos concitoyens, il importe cependant de ne pas faire de ce document utile l’équivalent d’un traité répondant à l’engagement de renégociation pris par M. Hollande devant les Français.

J’ajouterai deux observations.

D’une part, la mobilisation, étalée sur cinq années, de 120 milliards d’euros pour le financement de l’économie se fait sans réel effort supplémentaire du budget de l’Union.

D’autre part, le montant de ces crédits, de l’ordre de 1% du PIB de l’Union, n’est pas de nature à stimuler fortement la croissance. Rappelons que le plan de relance de l’administration Obama en 2009 était de plus de 1 000 milliards de dollars.

Enfin, vous semblez oublier que le Conseil européen de juin dernier a aussi réclamé des réformes de compétitivité auxquelles vous tournez le dos : réduction résolue des dépenses publiques, approfondissement de la réforme des retraites, réforme du marché du travail, mise en œuvre de la TVA sociale. Ces réformes, où sont-elles ?

M. Jean-Claude Lenoir. Rappel utile !

M. Philippe Bas. Le Pacte vous engage, il nous engage. Ce n’est pas un menu à la carte dans lequel vous faites votre choix. Il n’est pas possible de vous en prévaloir quand cela vous arrange, en lui donnant d’ailleurs une portée qu’il n’a pas, et de l’oublier quand il vous gêne, en ignorant vos engagements européens, qui sont désormais ceux de la France.

Monsieur le ministre, nous connaissons votre compétence, même si nous attendons aussi de votre part l’humilité que ne doivent pas manquer de vous inspirer les nombreuses difficultés et impasses auxquelles vous êtes objectivement confronté. Nous sommes heureux que vous ayez contribué à ramener une grande partie de votre majorité à la raison, même si votre pédagogie doit encore se déployer pour atteindre les mêmes résultats au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, chacun le sait.

M. Jean-Claude Lenoir. Ce sera difficile !

M. Philippe Bas. Ce n’est évidemment pas seulement par sympathie que nous apporterons un soutien massif à ce texte (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) ; c’est parce que l’intérêt national nous paraît l’exiger.

En ratifiant ce traité négocié et signé par son prédécesseur, le Président Hollande associera son nom pour l’histoire à celui de Nicolas Sarkozy, et c’est bien ainsi.

Le gouvernement auquel vous appartenez, que je ne soutiens pas, aura alors fait aboutir l’œuvre d’un gouvernement que vous ne souteniez pas.

M. Philippe Bas. C’est un assez bel exemple de continuité, même s’il a manqué de spontanéité et de franchise.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Philippe Bas. Je regretterais qu’il ne soit pas suivi de beaucoup d’autres ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je développerai devant vous quelques réflexions sur les termes et les conséquences du traité qu’il nous est demandé de ratifier.

Ce faisant, je m’adresserai à tous les membres de la Haute Assemblée, dans le respect des convictions de chacun, mais aussi dans le souci de la compréhension des intérêts collectifs qui nous dépassent. Ces termes et conséquences du traité, je crois indispensable de les mettre en relation avec les objectifs et les impératifs de politique budgétaire et financière que nous devons suivre dans notre propre intérêt.

J’interviendrai dans un esprit de dialogue, en échangeant des arguments avec ceux qui expriment des désaccords soit sur le traité, soit sur la politique financière à laquelle je viens de faire allusion.

Ce traité établit une définition de l’objectif recherché d’équilibre financier des pays de la zone euro et organise les procédures par lesquelles les États se garantissent mutuellement qu’ils agissent loyalement pour atteindre ce résultat.

Afin de nous prononcer rationnellement sur cette ratification, nous devons nous interroger sur quatre questions : l’objectif d’équilibre budgétaire partagé est-il justifié ? Sa réalisation est-elle conforme à l’intérêt économique de la France ? Cet objectif vient-il limiter notre souveraineté et notre pouvoir de décision ? Le durcissement de l’obligation d’équilibre par rapport au texte antérieur est-il justifié ?

Première question, l’objectif d’équilibre budgétaire partagé est-il justifié ? Devrions-nous tendre vers un objectif de déséquilibre budgétaire ? Les pays de l’Union européenne progresseraient-ils vers la croissance s’ils poursuivaient, année après année, une politique de lourds déficits publics ? Nous avons au moins deux raisons de répondre par la négative.

La première raison, c’est la réalité de l’endettement cumulatif. Les deux tiers des budgets des États de l’Union sont menacés par l’accumulation des dettes et par l’alourdissement de la charge de leurs emprunts, qui rétrécit leur marge de manœuvre pour l’ensemble des autres objectifs publics.

La seconde raison, c’est que nous avons délibérément choisi d’adopter une monnaie commune, et pas n’importe laquelle : une monnaie internationale équilibrant l’influence du dollar et des devises des grands pays émergents.

Pour créer cette situation, qui a quelques implications économiques et géopolitiques, cette nouvelle monnaie doit être crédible. Si les États qui ont cette monnaie en commun la sapent eux-mêmes par une politique de déficits de plus en plus difficiles à financer,…

M. Alain Richard. … assortis de taux d’intérêts qui étouffent la croissance, la monnaie se dévaluera, le pouvoir d’achat des Européens ainsi que leur confiance mutuelle diminueront, et on aboutira au rétablissement du dialogue entre le dollar, d’un côté, et les monnaies des grands pays émergeants, de l’autre.

Les déficits seraient-ils un tremplin pour la croissance ? Toute l’expérience des dernières décennies, dans des États développés et ouverts aux échanges mondiaux, démontre le contraire. C’est le creusement des déficits qui étouffe la croissance, pour des raisons bien connues de tous et malheureusement vérifiées : l’effet d’éviction sur les marchés financiers des emprunts publics de plus en plus importants ; le réflexe d’épargne de précaution dans tous les milieux sociaux, et pas seulement les plus aisés, lorsque la menace résultant de l’incertitude économique augmente.

Au regard de cet objectif d’équilibre budgétaire partagé, que je crois raisonnable, la différence entre ce traité et les précédents – plusieurs orateurs l’ont exprimé de façon tout à fait convaincante – est l’entrée en jeu de la notion de déficits structurels qui évitent la rigidité et permettent de tendre vers un équilibre sain des finances publiques en s’adaptant aux variations entre périodes de forte et de faible croissance.

Sur ce sujet, sans prétendre à l’érudition, il me semble que l’on a tendance, un peu tactiquement, à exagérer les incertitudes autour de cette notion de déficits structurels. L’existence de discussions entre économistes et statisticiens pour analyser la courbe théorique de la croissance potentielle est tout à fait naturelle, mais reconnaissons lucidement que les écarts dont nous parlons sont peut-être de 0,2 % ou 0,3 % de PIB sur une période donnée. Par conséquent, ne nous réfugions pas derrière l’idée selon laquelle le déficit structurel serait une notion incertaine pour penser que nous prenons un engagement vide.

Deuxième question, la réduction des déficits est-elle contraire à l’intérêt du pays ?

Le raisonnement que je viens d’esquisser s’applique très fortement à la France. Nous avons accumulé des déficits croissants depuis dix ans, bien avant le déclenchement de la crise. Cela ne nous a apporté aucune croissance, bien au contraire. Un bilan s’impose : laisser filer les déficits sans traiter les autres problèmes, notamment le premier d’entre eux, celui de la compétitivité extérieure, dont la situation s’est constamment dégradée depuis dix ans, a débouché sur le résultat suivant : la plus faible des croissances que nous ayons connues en trente ans.

La politique engagée par le Président de la République et la nouvelle majorité est une politique de « redressement dans la justice ». Cela signifie clairement ne plus laisser l’accumulation de dettes éliminer toute liberté budgétaire, mais au contraire retrouver des marges de manœuvre pour investir et pour renforcer le service public et la solidarité.

Si cette politique semble perçue par certains comme impopulaire, je considère pour ma part qu’elle est souhaitée par une large majorité de Français, de toutes opinions politiques. Ceux-ci savent intuitivement que la dérive de l’endettement menace leurs intérêts fondamentaux, indépendamment du niveau de leurs revenus et de la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent, et comprennent très bien que, depuis des années, des emprunts servent à payer nos enseignants et nos policiers à partir du 15 septembre, nos hôpitaux et nos retraites à partir du 15 novembre. Cette situation a perduré jusqu'au mois de mai dernier ; il faut en sortir !

Ce choix politique lucide est une bien meilleure garantie pour notre évolution économique et sociale qu’une fixation de la démarche au niveau constitutionnel. Il y avait quelque chose de déroutant pour nos partenaires à vouloir transformer en règle constitutionnelle formelle un solde budgétaire englobant non seulement l’État, mais aussi les comptes sociaux et les comptes des collectivités locales. Il était peu lisible – ou trop lisible ! – d’imposer cette exigence constitutionnelle à la toute fin d’une mandature, après avoir pratiqué une politique financière exactement inverse pendant quatre ans et demi.

Mes chers collègues, il n’y a pas de « règle d’or » ; j’aimerais que nous méditions brièvement sur le caractère infantilisant de cette expression. Aucun commandement surnaturel ne peut expliquer le bien-fondé d’une politique financière. Aucune formule juridique unique ne peut définir l’équilibre budgétaire. Le traité nous donne au contraire un cadre, fournit des éléments de mesure et laisse une marge d’appréciation.

Il est temps de se rappeler qu’il existe actuellement, à la fin de l’article 34 de la Constitution telle qu’elle résulte de la réforme de 2008, une expression énonçant un principe sage : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». Y a-t-il quelque chose à ajouter ? Ceux qui ont réclamé pendant des mois, à une période un peu spécifique, l’introduction de ces notions dans la Constitution auraient peut-être gagné du temps en relisant cette dernière.

Troisième question, ce nouveau traité entraîne-t-il une limitation de souveraineté ?

La réponse se trouve dans l’analyse que je viens de présenter. Si nous voulions accumuler des déficits de 4 % ou 5 % du PIB par an en période de croissance, nous ne pourrions pas le faire. Je ne connais aucune personne ayant le sens des réalités et de la préparation de l’avenir collectif qui souhaiterait s’engager dans une telle voie. Le traité prévoit seulement ce qui ne dépasse pas les marges du souhaitable et du possible pour une majorité politique ou une autre dans notre pays.

Sur le plan des règles, l’analyse est facile. Voilà vingt ans, lors de la conclusion du traité de Maastricht, la France a décidé de contribuer volontairement avec d’autres à la création de cette nouvelle monnaie qui permettait à l’Europe de gagner en force et en stabilité. Repensons-y quand nous avons des débats sur la situation actuelle. Si nous devons procéder à ces réglages difficiles et conflictuels, à chaud malheureusement, c’est parce que nous avons une monnaie unique. Si nous détruisions cette dernière par division ou par indécision, nous retrouverions nos anciennes dévaluations dirigées les unes contre les autres. Quel beau succès ! Ce serait particulièrement périlleux pour une France déficitaire et en perte de compétitivité…

M. Philippe Bas. Très bien !

M. Alain Richard. Des mouvements politiques extrêmes demandent le retour au franc ; laissons-les plaider leur cause. Mais tous les autres considèrent qu’il faut prendre les moyens de consolider l’euro plutôt que de le fragiliser.

Dès lors que l’euro est le support des biens de tous, il est logique que nous nous engagions formellement, par traité, à exercer une politique financière assurant sa viabilité. L’engagement de retenues sur les déficits est en vigueur depuis vingt ans, et nous devons le respecter.

Le Conseil constitutionnel a donné son interprétation au regard de la souveraineté : il a rappelé que ce traité s’insère dans une chaîne de traités déjà conclus et dont les obligations sont inscrites dans la Constitution, mais il ne s’appesantit pas sur l’existence de sanctions financières plus précises en cas d’inobservation des États. Ce faisant, il a raison, me semble-t-il, car, de toute façon, un État crédible qui a contracté des engagements par traité se doit de tenir ces derniers. Le fait que ces mêmes engagements soient assortis de sanctions ne constitue pas une nouveauté. C’étaient de toute façon des engagements. Par conséquent, la limitation de souveraineté était déjà acceptée.

J’en viens à ma quatrième et dernière interrogation : que devons-nous penser du durcissement des obligations que ce traité introduit par rapport aux précédents traités ? Est-ce une lubie de juristes « hors sol » ou de monétaristes monomaniaques ?

La seule observation que je veux faire à ce sujet est de pure politique. Dans un grand projet comme la construction européenne, l’interaction entre les États et leurs dirigeants est le premier des supports de la construction. Il est d’autres composantes essentielles, transnationales : la Commission, le Parlement, la Cour de justice de l’Union européenne. Mais elles ont comme partenaires des États ayant mis en commun une grande partie de leur souveraineté et pouvant légitimement l’exercer ensemble.

L’Union européenne n’est pas uniquement intergouvernementale – et heureusement ! –, mais elle n’en a pas moins besoin d’une convergence entre les gouvernements nationaux pour travailler et pour avancer.

Dans ce cadre, je souhaite que nous posions rationnellement cette question : comment la France est-elle perçue et entendue au sein de l’Union ? Qu’entendent nos partenaires, dans ce que nous déclarons et ce que nous proposons ?

Notre démarche financière – je le dirai sobrement – n’inspire pas une confiance sans limite. La France n’est pas une chambre sourde. Tous nos partenaires lisent et entendent nos débats intérieurs, comme nous-mêmes nous nous intéressons aux débats de nos voisins et amis : ainsi, tout le monde sait que, chez nous, la lutte contre les déficits excessifs est très fréquemment critiquée et détournée, tandis que ceux qui s’en réclament se heurtent à un petit problème de passage à l’acte. (M. le ministre délégué sourit.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ne faut pas se forcer non plus !

M. Alain Richard. Tout le monde comprend que, chez nous, dès lors qu’il est question d’un engagement d’équilibre financier en soutien à la monnaie commune, une grande partie des discussions, dans le monde politique comme dans la sphère intellectuelle, se porte soit sur l’inanité de cet engagement, soit sur des raisonnements tous très créatifs et ingénieux, destinés à contourner habilement ce dernier.

Cette observation sur le spectacle que nous donnons et sur les facteurs de perte de confiance que nous créons nous-mêmes…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas vrai !

M. Alain Richard. … n’a pas un sens économique ; elle a une signification politique, celle de notre participation à l’Europe. Les décisions qui se prennent en commun au sein de l’Union nous engagent, et, si elles nous posent problème, mieux vaut les traiter ex ante, lors du débat avec les autres États, plutôt que de chercher à se dégager ex post des engagements conclus.

Nous ne pourrons jouer un rôle moteur en Europe – mission que nombre de partenaires sont malgré tout prêts à nous confier – que si nous posons, par nos actes, les bases d’une véritable confiance.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Qu’ils le fassent aussi !

M. Alain Richard. Ma chère collègue, vous avez bien compris que cette question n’est pas indifférente à notre dialogue. Il me semble même avoir visé juste !

Nous avons choisi l’euro,…

M. Jean-Pierre Chevènement. À 1 % de majorité !

M. Alain Richard. … et, progressivement – quoiqu’un peu tard, à mon sens –, nous en mesurons toutes les implications.

Je rappelle que, depuis vingt ans, la France n’a cessé de prêcher en faveur de l’Europe, en défendant l’idée d’un gouvernement économique.

M. Alain Richard. Eh bien, nous sommes en train d’y entrer,…

M. Alain Richard. … et non de la manière la plus agréable.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement économique de l’Europe ne peut pas avoir le moindre fondement si les politiques de gestion des déficits divergent massivement entre les États.

Notre monnaie commune présentait des faiblesses sérieuses que nous, politiques, avons tardé à identifier et à traiter. (M. le ministre délégué acquiesce.) Je me sens aussi humble que les autres sur ce sujet : nous avons manqué de vigilance. La crise a braqué le projecteur sur ces trois faiblesses qu’elle nous a contraints de traiter à chaud : premièrement, il n’y avait pas de prêteur en dernier ressort ; deuxièmement, nous n’avions pas de système commun de contrôle et de régulation des établissements financiers ;…

M. Alain Richard. … troisièmement, nous n’avions pas de gestion commune, ou à tout le moins coordonnée, de nos dettes publiques.

Aujourd’hui, ces trois sujets sont débloqués, avec toutes les difficultés qu’implique la résolution de problèmes aussi délicats en situation de crise, avec vingt-sept gouvernements procédant quasiment tous de coalitions et soumis, de surcroît, à la pression démocratique : on ne s’en sort donc que laborieusement.

À cet égard, le Conseil de juin a opéré une avancée, avec l’accord sur l’union bancaire, avec la taxe sur les transactions financières, avec les premiers emprunts communs et avec des outils en faveur de l’investissement et de l’innovation.

Aux critiques qui dénaturent ce paquet « croissance » en le réduisant à presque rien, je réponds que celui-ci représente environ la moitié des crédits que regroupait chaque année le plan Marshall, à la grande époque de la renaissance européenne.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !

M. Alain Richard. Ce n’est donc pas dérisoire.

M. Pierre-Yves Collombat. La moitié de ces crédits restent dans des tiroirs !

M. Alain Richard. Du reste, nul n’a affirmé que cette mesure ne serait mise en œuvre qu’une seule fois en cinq ans. À mes yeux, il est même de l’intérêt de plusieurs États européens – et je sais que le Gouvernement y travaillera – que plusieurs paquets « croissance » succèdent à celui-ci.

Bref, ces problèmes sont débloqués.

La coordination fiscale reste un sujet important : nous n’avons guère avancé dans ce domaine au cours des dernières années, mais le Gouvernement est déterminé à se consacrer à la question.

La querelle formaliste portant sur la réécriture éventuelle de certaines clauses du traité qui, par elles-mêmes, ne sont pas contraires à nos intérêts et à notre souveraineté est secondaire, et nous devrions la surmonter. L’essentiel, c’est que nous assumions notre place en Europe, celle d’un pays qui croit à l’avenir de l’Union européenne et qui y travaille, qui apporte ses propositions et démontre qu’il tient ses positions de manière aussi fiable que ses partenaires les plus fiables : c’est l’intérêt de l’Europe, qui est notre projet commun ; c’est également notre intérêt national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, si le vote sur le projet de loi autorisant la ratification du TSCG donne lieu à des différences d’appréciation, il ne doit pas masquer pour autant le désir d’Europe qui nous rassemble.

Fidèles à leurs électrices et électeurs, les écologistes sont attentifs à tous les efforts allant vers la construction d’une Europe désirable.

Certes, la comptabilité des « oui » et des « non » fait davantage de bruit que la nature de l’Europe que nous appelons de nos vœux : une Europe politique, fédérale, socialement juste, responsable sur le plan environnemental et démocratique. (Mme Hélène Lipietz applaudit.)

Sur une planète très peuplée, aux ressources rares, dans un monde en tension, dont certains dirigeants sont plus prompts à brandir les armes qu’à construire la paix, même dans la crise et surtout dans la crise, nous avons besoin de construire un continent d’éthique, de dialogue et de respect, riche de sa diversité et de sa mémoire collective, attentif aux besoins des femmes et des hommes, sécurisant les missions d’intérêt général et le service public hors du dumping social et environnemental de la concurrence ; une Europe qui, de plus, ne construirait pas sa prospérité sur l’exploitation du Sud. (Mme Hélène Lipietz acquiesce.)

Fidèle à l’expression des représentants de leur parti – le nom de ce dernier ne commence-t-il pas par Europe ? –, les écologistes souhaitent également relayer les appels des plus pauvres, qui ne veulent ni ne peuvent accomplir davantage d’efforts, avec la fermeté de ceux qui savent le prix de la présence des services publics sur tout le territoire.

Nous mesurons les efforts diplomatiques accomplis par la France. (M. Jean-Vincent Placé acquiesce.) Ils vont dans le bon sens, même si la moisson est pour l’instant modeste. Toutefois, les contraintes imposées aux pays du sud de l’Europe sont un très mauvais présage.

Fédéralistes, nous n’avons pas de problème avec le principe d’une règle qui s’édicterait de Bruxelles : l’Union européenne n’a-t-elle pas joué un rôle moteur, via ses directives, par exemple en faveur de la protection accrue de l’eau ? Les effets de ces dispositions ne furent que bénéfiques, et nous ferions des économies en les respectant plus vite.

Encore faut-il que le Parlement européen trouve toute sa place : de fait, la souveraineté des États ne peut s’effacer que devant des institutions démocratiques.

Écologistes, nous ne serions pas choqués qu’un effort obligatoire soit imposé en matière de déficits : ne sommes-nous pas pour la sobriété et pour l’arrêt de la gabegie des investissements polluants, dont les séquelles exigent des réparations qui plombent chaque année un peu plus nos finances ?

Et si l’on arrêtait de bétonner la France, de construire des coquilles vides dont plus personne ne veut assumer les frais de fonctionnement, de jeter l’argent par les fenêtres avec l’European pressurized reactor, l’EPR, ou Notre-Dame-des-Landes,…

Mme Hélène Lipietz. Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin. … qui menacent la biodiversité et les conditions de vie des générations futures ?

Et si l’on créait de l’emploi autrement, avec la transition écologique ?

Et si l’on requalifiait nos recettes, en renversant une fiscalité détruisant la nature, comme le soutien aux investissements de coupes forestières outre-mer ou aux lotissements sur les rivages ? On ferait des économies !

Oui, une sobriété heureuse de ce type ne nous ferait pas peur : on ne peut tout de même pas continuer à détruire la planète en produisant n’importe quoi n’importe comment, et en reportant la facture sur les générations futures.

Ex-présidente d’une région pauvre dévastée par les investissements irresponsables d’hier – comme Eternit ou Metaleurop, qui ont englouti l’argent public –, je sais le prix des mauvais choix stratégiques. Je sais le prix d’un productivisme externalisant ses dégâts et ses coûts.

Mais le bât blesse : en Espagne, au Portugal, en Grèce, c’est sur les comptes sociaux des plus modestes que se porte l’austérité. Tandis que le dialogue européen ne débouche pas sur une véritable maîtrise des banques, et que l’on retarde l’entrée en vigueur d’outils comme les eurobonds, vous souhaitez, monsieur le ministre, rassurer en garantissant un pacte de croissance. Il y a quelques instants, Alain Richard évaluait celui-ci à la moitié du plan Marshall.

M. Pierre-Yves Collombat. Mais ce n’est pas vrai !

Mme Marie-Christine Blandin. Néanmoins, nous restons dubitatifs sur la nature de cette croissance.

Nous ne sommes pas de ceux qui assimilent toute croissance au bonheur.

À nos yeux, l’intelligence du redressement industriel ne passe pas, par exemple, par le soutien à la filière diesel, ou au paradoxal et inexportable hybride diesel, renfloué à grand renfort de primes démesurées !

Nous voudrions un texte de construction européenne, pour dire « oui » à la sobriété heureuse et « non » à la punition.

Ce vote piégé sur un traité signé en mars 2012 est insatisfaisant.

Nous voudrions être certains que les économies ne pèseront pas sur la qualité du service public, sur les moyens des plus pauvres, ou sur un redressement écologiquement responsable : or ce traité n’apporte aucune garantie en la matière.

Sur le plan politique, nous avons voté et appelé à voter en faveur de François Hollande, et nous voterons le budget en décembre. Ce budget est certes difficile, mais les mesures de justice fiscale comme l’effort résolu en faveur de l’école prouvent que le cap est maintenu. Cependant, dans l’intervalle, nous devrions sortir le carton rouge ou applaudir ? Eh bien, ceux d’entre nous qui s’abstiendront – nous sommes cinq au sein de notre groupe, entre deux camarades qui se porteront sans doute sur le « oui » et cinq autres sur le « non » – ne se plient pas à ce choix clivant.

M. François Rebsamen. Et le vote blanc ? (Sourires.)

Mme Marie-Christine Blandin. Unis dans la diversité, face à la crise, nous n’entraverons pas la capacité du Gouvernement à suivre sa route européenne et à construire le véritable pilotage politique fédéral qu’il dit ambitionner. Néanmoins, nous n’apporterons pas notre caution inconditionnelle à ce traité d’application pluriannuelle, compte tenu de l’incertitude des cibles qui seront choisies pour réduire le déficit public. (Applaudissements sur certaines travées du groupe écologiste, du groupe socialiste. – M. Robert Hue applaudit également.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Rappel au règlement

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai, en premier lieu, l’organisation de nos travaux. Nous le savons, mille chantiers sont actuellement en cours, et nous ne pouvons bien sûr pas prendre part à chacun de ceux qui s’imposent à nous. Par exemple, je suis actuellement dans l’hémicycle alors que se déroule en ce moment-même l’audition de M. le ministre du budget, consacrée au budget de la sécurité sociale.

Toutefois, mon rappel au règlement porte sur un point précis de notre débat.

Hier, alors que nous commencions l’examen du présent projet de loi, un site d’informations en ligne bien connu révélait que la Commission européenne avait élaboré un projet de directive prévoyant ni plus ni moins que de soumettre les organismes de sécurité sociale obligatoires – je souligne cette précision – aux mécanismes applicables dans le cadre des marchés publics, c'est-à-dire aux appels d’offres.

M. Guy Fischer. Que l’on entende bien : cette disposition ne concernerait pas simplement les achats en matériels, comme on pourrait le croire a priori : c’est la sécurité sociale elle-même qui serait contrainte de répondre à des appels d’offres. Il s’agirait, pour la France, de rompre le monopole légitime dont bénéficie la sécurité sociale, pour placer celle-ci en concurrence avec des organismes privés à but lucratif.

Ainsi, les pouvoirs publics seraient contraints de sélectionner, parmi les candidats, ceux qui seraient considérés comme les meilleurs, c'est-à-dire les moins chers, les moins-disants, mêmes si ces derniers sont synonymes de moins-disant social.

Ce projet de directive nous inquiète car il acte, selon nous, la mort de la sécurité sociale telle qu’elle existe, telle que nous la connaissons et que l’ont imaginée les membres du Conseil national de la Résistance.

Il nous alarme d’autant plus qu’en ce moment même nous débattons d’un projet de loi dont la vocation est de réduire à tout prix les dépenses publiques, partant les déficits publics et les dépenses sociales, comme si ces dernières n’étaient pas pertinentes en cette période de crise.

Monsieur le ministre, comment ne pas faire le lien entre le TSCG, la règle d’or et ce projet de directive qui assimile, au total, les régimes obligatoires de sécurité sociale à des organismes marchands, à qui l’on devrait appliquer la règle trop connue de la libre concurrence ?

Nous le savons tous, le secteur de la sécurité sociale est aujourd’hui le seul filet de protection des plus faibles et des plus pauvres de nos concitoyens : à l’heure actuelle, on évalue à 15 millions le nombre de Français confrontés à des difficultés extrêmes.

M. Guy Fischer. Dès lors, comment ne pas croire que cette généralisation du libre échange en la matière ne serait pas une conséquence directe de l’adoption probable du TSCG ?

Monsieur le ministre, vous devez nous indiquer la position du Gouvernement sur ce projet de directive. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, votre question fait référence à une disposition annexée à une directive de 2011, qui, toutefois, peut avoir une portée juridique.

Cette directive est relative aux marchés publics, et l’élément annexé auquel vous faites référence concerne les régimes de sécurité sociale.

La Commission a considéré que, dans un certain nombre de pays, les dispositifs de sécurité sociale n’avaient pas le caractère public résultant de dispositions législatives qui prévaut en France, et que la directive relative aux marchés publics devait s’appliquer à ces systèmes de sécurité sociale ayant une dimension contractuelle privée.

Nous avons indiqué que cette disposition ne devait nourrir aucune ambiguïté, et la Commission nous a donné toutes assurances sur le fait que nos dispositifs, qui résultaient de la mise en place de dispositions législatives, n’étaient pas concernés par cette disposition.

Malgré cela, et pour clarifier définitivement les choses, nous avons demandé à la Commission l’insertion dans le texte de la directive d’une disposition en vue d’évacuer définitivement cette ambiguïté.

Monsieur le sénateur, la position du Gouvernement français est extrêmement claire sur le sujet : nous n’accepterons jamais qu’il puisse y avoir la moindre ambiguïté sur une question qui renvoie au pacte républicain et à notre modèle social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Guy Fischer. Merci, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Nous passons à la discussion des motions.

Exception d’irrecevabilité

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Question préalable

Mme la présidente. Je suis saisi, par MM. Chevènement et Collombat, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (n° 23, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, auteur de la motion.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, hier, dans deux discours brillants, vous nous avez incités à « dépasser le traité » et à le « contextualiser », pour en faire l’instrument d’une autre politique. Et vous nous avez fait entrevoir des perspectives enchanteresses. Vous avez parfaitement réussi à dissimuler, avec le concours de nombreux orateurs, que le Sénat, s’il vote ce traité, entérinera une dépossession sans précédent du Parlement de ses prérogatives budgétaires. Parmi les orateurs qui se sont succédé à la tribune, peu nombreux sont ceux qui semblent l’avoir mesuré.

Si ce n’est pas un suicide du Parlement, cela y ressemble beaucoup, dans une sorte d’indifférence assez molle que j’ai moi-même quelques scrupules à troubler. Je vous prie par avance de bien vouloir m’en excuser, mes chers collègues, mais je vais essayer de vous réveiller ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Rassurez-vous, nous ne dormons pas !

M. Jean-Pierre Chevènement. Voilà vingt ans, je m’apprêtais à m’abstenir sur le traité de Maastricht. Puis je l’ai lu et, ce faisant, j’ai décidé de voter contre. Le Président de la République a organisé un référendum, je l’ai combattu et le reste s’est ensuivi.

J’ai également lu le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et j’aimerais le résumer pour ceux qui l’ont parcouru un peu trop rapidement.

Ce traité pose, dans son article 3, le principe selon lequel la situation budgétaire des administrations publiques doit être en équilibre ou en excédent. C’est la Commission européenne qui, de Bruxelles, propose le calendrier imposant à chaque pays une convergence rapide vers l’OMT, l’objectif à moyen terme. Soyez sûrs, mes chers collègues, que vous entendrez reparler de cet OMT, qui ne saurait excéder un « déficit structurel » durci à 0,5 % du PIB.

Mais ce n’est pas seulement un traité disciplinaire, c’est aussi un traité correctionnel.

Chaque État devra en effet garantir un mécanisme de correction automatique que tout autre État membre pourra contester devant la Cour de justice de l’Union européenne si la Commission ou lui-même estime que les garanties données ne sont pas suffisantes. N’importe quel État contractant pourra demander à la Cour d’infliger des amendes dans les limites de 0,1 % du PIB, soit 2 milliards d’euros pour la France – ce n’est rien, nous sommes riches…

Enfin, les États contractants s’engagent, en cas de déficit excessif – c’est-à-dire de déficit équivalent à 3 % ; nous n’y sommes pas ! – à mettre en place avec la Commission un programme dit de « partenariat budgétaire et économique ». Mais à la moindre récession – nous y sommes ! –, les recettes fiscales fléchissent et le risque de déficit excessif apparaît.

Ce partenariat budgétaire et économique devra contenir une description détaillée des réformes structurelles à mettre en œuvre : privatisations et déréglementations de toute sorte, à commencer sans doute par celle du marché du travail.

Cerise sur le gâteau, chaque État s’engage à soutenir les propositions de la Commission contre un autre État censé avoir manqué à ses obligations, sauf si une majorité d’États s’y oppose. C’est ainsi que la règle de la majorité inversée s’imposera en matière de discipline budgétaire. Jusqu’à présent, la démocratie supposait la loi de la majorité. Avec l’Europe disciplinaire, c’est le contraire : l’absence de majorité en sens contraire élargit démesurément le pouvoir des institutions européennes.

Si ce n’est pas une mise en tutelle des États et des parlements nationaux, je ne sais pas ce que parler veut dire. Certes, le traité n’impose pas l’inscription de la règle d’or – en fait règle d’airain – dans la Constitution, mais il ouvre une fausse fenêtre, en autorisant une procédure de garantie autre que constitutionnelle, en l’occurrence une loi organique sur laquelle le traité prévoit un contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne.

Dans le cadre de lois de programmation triennale, un conseil budgétaire indépendant, dit « Haut conseil des finances publiques », largement adossé à la Cour des Comptes, vérifiera les prévisions, les trajectoires, les planchers de recettes ou les plafonds de dépenses, les soldes et leur ventilation. Gardien de la règle d’airain, ce « chien renifleur » permettra de justifier les ingérences de la Commission dans la procédure budgétaire – vous m’excuserez de cette comparaison, qui me vient sans doute de mon expérience d’ancien ministre de l’intérieur… (Sourires.)

Que restera-t-il, dans ces conditions, du rôle du Parlement et de ses commissions, du droit d’initiative et de proposition des parlementaires ?

Mes chers collègues, nous serons tous entraînés comme des particules dans un anneau de collision. Vous ne l’avez pas encore mesuré, parce que le six-pack et toutes les procédures que vous évoquez ne se sont pas encore appliquées. Mais vous allez bientôt voir ce qu’elles signifient du point de vue des pouvoirs du Parlement. Vous allez vous instruire !

Au fond, le Gouvernement, que j’ai bien écouté, ne défend pas vraiment ce traité ; il défend ce qu’il y a autour, ce qui viendra après. Il le contextualise, comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre. Je ne méconnais pas les résultats obtenus de haute lutte par le Président de la République, mais, à mes yeux, ils restent objectivement modestes.

Le Gouvernement décore ainsi une annexe non contraignante d’une appellation « pacte de croissance », entre nous quelque peu surfaite. Vous savez bien qu’une injection de crédits de 1 % du PIB de l’Union européenne à vingt-sept, de surcroît étalée sur trois ans, ne va pas compenser des ponctions sur la demande égales chaque année à plusieurs points de PIB – 1,5 point en France. Un cheval, une alouette ! Le compte n’y est pas !

Le Gouvernement défend surtout des avancées, certes souhaitables, mais encore souvent problématiques. Je mets à part la taxe sur les transactions financières. Je me réjouis que onze pays, semble-t-il, soient prêts à l’accepter. Même si l’on n’en connaît pour l’instant ni le taux, ni l’assiette, ni l’affectation, c’est une réelle avancée.

Pour le reste, monsieur le ministre, le docteur Coué, pharmacien lorrain dont je veux défendre la mémoire – cette référence fera plaisir à M. Reiner –, avait inventé une méthode pour guérir les malades : il leur faisait répéter qu’ils iraient mieux demain qu’aujourd’hui. C’est précisément ce que fait le Gouvernement.

On parle de supervision bancaire par la BCE, elle-même émanation des banques centrales nationales, qui vivent en étroite symbiose avec leurs banques. Au mieux, ce sera un autocontrôle de la finance par la finance. Mais cela nous garantira-t-il contre la spéculation ?

On parle de garantie des dépôts… Fort bien, mais le FMI vient de signaler que 296 milliards d’euros avaient quitté l’Espagne en l’espace d’un an, et 235 milliards d’euros l’Italie. Comment apporter une garantie dans ces conditions ? Et quelles règles de vote prévaudront au sein de la banque centrale européenne ? J’aimerais que vous puissiez nous éclairer sur ces points, monsieur le ministre.

Vous évoquez encore, monsieur le ministre, les étapes à venir et les progrès d’une mutualisation des dettes et des emprunts d’un fonds de rédemption. Vous avez cité les Sages allemands – ce sont des experts ! –, mais Mme Merkel a balayé leur avis. En tout cas, elle ne s’est pas ralliée aux euro-obligations.

Toujours dans ces perspectives enchanteresses que j’évoquais tout à l’heure, vous avez évoqué l’harmonisation fiscale. Mais rappelez-vous que, en 2011, on a cherché à obtenir une harmonisation fiscale de l’Irlande. Il fallait alors renflouer ce pays, et c’était l’occasion ! Je constate pourtant que le taux de l’impôt sur les sociétés dans ce pays est toujours à 12 % ! Où trouverez-vous maintenant la force politique pour amener l’Irlande à changer de cap ? C’est une question que je vous pose, monsieur le ministre.

Le Président de la République a introduit à juste titre dans l’équation européenne la thématique de la croissance, pour contrarier la logique de l’austérité. Cette inflexion est positive, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Certes, je peux très bien comprendre que les marges de manœuvre du Président de la République soient étroites. Nous sommes prêts à l’aider à les élargir. Mais la meilleure manière de le soutenir, c’est de le faire « les yeux ouverts ». La vérité est que le traité est resté tel qu’il était quand il a été signé, et je ne crois pas qu’il soit possible, comme l’a dit hier le Premier ministre M. Jean-Marc Ayrault, de changer l’esprit dans lequel sera appliqué un traité signé à vingt-cinq, et dont le texte est inchangé.

Soyons lucides : en vingt ans, l’abandon de la souveraineté monétaire nous a conduits à abandonner la souveraineté budgétaire, quels que soient les artifices de langage employés pour dissimuler cette réalité.

Comme parlementaire, libre de mes analyses, solide sur mes convictions – je parle également au nom de mon collègue du RDSE Pierre-Yves Collombat –, je ne renie rien de mes propos et de mes convictions.

Je m’étais exprimé à cette tribune avant l’élection présidentielle. Inacceptable au printemps, ce traité le reste à l’automne, quel que soit le désir du Gouvernement d’en inverser un jour la logique, pour faire, comme l’a dit M. le Premier ministre, « bouger les lignes ». S’il veut faire bouger les lignes, nous serons là. Notre soutien lui est acquis d’avance.

Si ce traité devait entrer en vigueur, tous les pouvoirs budgétaires seraient transférés à une technocratie bruxelloise ou parisienne. Nous prendrions alors le chemin de cette « Europe post-démocratique », dont ont parlé Hubert Védrine en France et Jürgen Habermas en Allemagne. Cela découle de la lecture du traité ou, en tout état de cause, des dispositions qui ont été prises dont vous nous avez parlé – six-pack, two-pack, pacte euro-plus et que sais-je encore, autant de termes qui raisonnent comme un cliquetis de chaînes, et dont personne ne s’était vraiment préoccupé jusqu’à présent. Mais vous allez voir à présent ce qu’ils signifient !

J’aimerais vous rappeler ce qu’a déclaré le tribunal constitutionnel de Karlsruhe : la loi fondamentale, combinée au principe de démocratie, exige que la décision sur les recettes et les dépenses publiques, laquelle constitue un aspect fondamental de la capacité d’autodétermination démocratique de l’État constitutionnel, demeure de la compétence du Bundestag allemand. Même dans un système de gouvernance intergouvernementale, les députés, en tant que représentants élus du peuple, doivent garder la possibilité de contrôler les décisions fondamentales de la politique budgétaire de l’État.

Je n’ai rien lu de tel sous la plume du Conseil constitutionnel français, qui a préféré détourner le regard en ne retenant qu’une phrase du traité.

Je ne sais pas comment le Conseil constitutionnel a pu juger que le TSCG ne portait pas atteinte aux conditions d’exercice de la souveraineté nationale… C’est jouer sur les mots ! C’est pourquoi je demande au Sénat, avec mon collègue du RDSE Pierre-Yves Collombat, de déclarer ce projet de loi irrecevable.

Je dirai maintenant quelques mots sur la perspective européenne.

Le TSCG donne peut-être une visibilité à des dispositions qui existent déjà, mais le fond de l’affaire, c’est qu’il nous entraîne dans une spirale récessionniste dont nous ne sortirons que par une crise politique et sociale de grande ampleur. C’est inévitable ! Comment peut-on fixer pour objectif la réduction du déficit structurel à 0,5 % du PIB sans enclencher une logique cumulative, monsieur le ministre ? Le déficit budgétaire sera ramené à 3 %, je l’espère, l’année prochaine, puis il faudra l’annuler en 2017, comme s’y est engagé le Président Hollande. Après trois ans de rémission, nous devrons, à partir de 2016, sortir de nouveau chaque année 1,5 point de PIB, soit plus de 30 milliards d’euros, jusqu’en 2036. Voilà le traité ! Je défie que l’on me prouve le contraire. C’est un coup terrible pour la protection sociale et les services publics, c’est aussi la dépression assurée, et pour longtemps ! La Constitution définit la République comme une « république sociale », mais qu’en restera-t-il ?

On nous parle de « souplesses », au travers des notions de « déficit structurel », de « circonstances exceptionnelles ». Si ces souplesses existaient vraiment, il serait temps de les faire jouer pour mettre en œuvre ces politiques keynésiennes auxquelles, monsieur le ministre, vous avez fait référence dans votre propos liminaire, que je me bornerai à qualifier d’« optimiste », pour ne pas faire référence à un célèbre pharmacien lorrain… (Sourires.)

Nous nous laissons imposer ce traité : c’est la contrepartie, exigée par l’Allemagne, à la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité. Cela avait d’ailleurs conduit le groupe socialiste – je parle sous le contrôle de son président, M. Rebsamen – à une abstention remarquée le 22 février dernier…

M. Jean Bizet. Eh oui, on s’en souvient !

M. Jean-Claude Lenoir. Rappel intéressant !

M. Jean-Pierre Chevènement. Je salue les efforts du Président de la République, qui a su trouver des appuis à Washington, à Madrid et à Rome, mais il a sans doute considéré qu’un mauvais accord valait mieux que pas d’accord du tout. Le Conseil européen des 28 et 29 juin était pourtant une occasion à saisir, au lendemain des élections législatives en France, pour faire bouger l’Allemagne. Peut-être le temps a-t-il manqué, nous verrons bien…

M. le ministre des affaires étrangères a fait valoir les risques d’une non-ratification : la France n’aurait pas accès aux concours du MES, elle se mettrait à la merci de la spéculation. Ces arguments sont connus et rebattus, M. Sarkozy les employait déjà. Il faut créer, en amont, une autre configuration de forces. On ne peut pas construire l’Europe sans la France. En outre, la France n’est pas seule : à l’échelle du monde, les États-Unis, la Chine, d’autres puissances encore ont intérêt à ce que l’Europe ne s’enfonce pas dans la décroissance. Nous avons donc des alliés potentiels.

Enfin, l’attitude des investisseurs étrangers dépend plus de notre propre rigueur que de la ratification d’un traité qui se révélera vite inapplicable. Les parlementaires du MRC se sont déjà engagés, à cet égard, à voter le budget pour 2013, dont nous savons qu’il sera sévère mais qui ne nous engage que pour un an, et pas pour l’éternité. Nous comprenons que le Gouvernement a besoin de temps, mais comment pourrions-nous réorienter l’Europe, monsieur le ministre, si nous devions avancer avec un pistolet sur la tempe ?

L’instauration de la monnaie unique a été, je le crois, une erreur grave, dont il vous est difficile de vous apercevoir puisque vous y avez prêté la main, il y a vingt ans. Elle a méconnu la spécificité des nations et l’hétérogénéité de leurs structures. La crise de l’euro n’est que superficiellement une crise de la dette, monsieur Richard : ce qui mine la zone euro, ce sont les écarts de compétitivité, qui existaient déjà, certes, à l’origine, mais qui n’ont cessé de se creuser ensuite,…

M. Jean-Pierre Chevènement. … comme l’indiquent les déficits commerciaux abyssaux des uns et les excédents colossaux des autres.

Peut-on résorber ces déficits par la mise en place de plans de déflation internes ? Je ne le crois pas. Un économiste allemand très célèbre, M. Hans-Werner Sinn, a reconnu qu’il y avait une autre manière de faire, qu’il vaudrait peut-être mieux procéder à des réajustements monétaires négociés entre pays partenaires, de façon à faire l’économie d’une crise prolongée et à renouer avec une croissance équilibrée. Pour cela, il faudrait soit envisager la création d’un euro du Nord et d’un euro du Sud, soit revenir à l’idée d’un euro monnaie commune, avec des parités négociées à l’intérieur d’un SME bis.

L’Europe doit se faire, mes chers collègues, à partir de grands projets concrets.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Chevènement. Je m’achemine vers ma conclusion, madame la présidente. (Rires.)

L’Europe ne doit pas se faire à partir d’une construction monétaire abstraite, qui ressemble de plus en plus au tonneau des Danaïdes.

Les moyens du MES ne sont pas à la hauteur du problème. Faisons un rapide calcul : l’engagement de l’Allemagne est plafonné à 190 milliards d’euros, celui de la France atteint 142 milliards d’euros, comme on l’ignore généralement de ce côté-ci du Rhin, tandis que, en regard, les encours de dette des pays en difficulté s’élèvent à 3 000 milliards d’euros…

S’agissant de la « mesure Draghi », l’opinion s’est arrêtée aux mots « engagement illimité ». En réalité, la Banque centrale européenne n’interviendra que sur un créneau limité – celui des obligations à trois ans, sur le seul marché de la revente –, selon une stricte conditionnalité, à travers la souscription de plans d’ajustement structurels et moyennant la stérilisation des achats d’effets publics par la revente d’effets privés, afin de ne pas faire gonfler la masse monétaire. « L’Europe avance », nous a dit M. Marini. En réalité, la BCE souhaite avoir son mot à dire sur les plans d’ajustement structurels. Les achats de dette théoriquement illimités de la BCE s’intègrent dans une stratégie coercitive globale, au service des créanciers et au détriment des contribuables et des salariés.

L’euphorie qui a suivi l’annonce de la « mesure Draghi » est retombée. Aujourd’hui, l’Espagne emprunte à dix ans à un taux d’intérêt voisin de 6 %. Ce sont là des observations de fond !

Peut-on sauver l’euro en tant que monnaie unique ?

Vous avez évoqué à cet égard une seule disposition, monsieur le ministre : l’adossement du MES à la Banque centrale européenne. Mais vous savez bien que l’Allemagne n’en veut pas, parce que cela mènerait à la monétisation de la dette. Certes, cela permettrait d’aligner le rôle de la Banque centrale européenne sur celui des autres banques centrales dans le monde. On pourra un jour peut-être l’obtenir de Mme Merkel. Cela suppose que l’on exploite la contradiction dans laquelle se trouve l’Allemagne, qui veut être compétitive pour exporter sur les marchés émergents, mais réalise 60 % de ses excédents commerciaux dans la zone euro. Rappelons-lui l’exhortation de Thomas Mann : « plutôt une Allemagne européenne qu’une Europe allemande ».

M. Jean-Pierre Chevènement. Mme Merkel dit « non », sauf à ce que l’on avance sur la voie de l’union politique. Mais vous l’avez dit, monsieur le ministre, on ne peut pas poser un préalable institutionnel à la mise en œuvre de plans économiques pragmatiques au service des peuples. (M. le ministre délégué acquiesce.)

Les deux propositions qui sont faites à cet égard ne sont pas sérieuses.

S’agissant de l’élection au suffrage universel du président de la Commission européenne, le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe lui-même reconnaît qu’il n’y a pas « un peuple européen » qui pourrait la légitimer.

Quant à la proposition de M. Schaüble d’instituer un « ministre des finances européen » doté d’un droit de veto en matière budgétaire, elle a au moins l’avantage d’être plus claire que l’« usine à gaz » que l’on nous propose de mettre en place.

La question de la démocratie en Europe se trouve ainsi posée. Je ne crois pas du tout à l’idée d’instituer une conférence interparlementaire évoquée par M. Sutour. C’est une feuille de vigne (Sourires.) destinée à masquer le transfert du pouvoir budgétaire des parlements nationaux à une technostructure irresponsable. Plutôt que de poser rustine après rustine sur un système dont on se refuse à voir le vice constitutif, mieux vaudrait faire un effort d’intelligence pour réconcilier l’Europe avec la démocratie et le progrès social.

L’Europe doit être refondée. Elle ne peut l’être que dans le prolongement des nations, dans une perspective d’indépendance et sur la base d’un projet social avancé. Cette Europe sera inévitablement à géométrie variable, parce que sa construction requiert l’assentiment des peuples concernés. La question de la monnaie viendra à son heure, il faut la subordonner à un projet politique.

Peut-être même un jour – je ne veux pas l’exclure – la confédération évoluera-t-elle vers une fédération, ce qui supposerait l’émergence d’un sentiment commun d’appartenance, ne pouvant résulter que d’un choc extérieur extrêmement fort. À cette condition, l’élection d’une assemblée européenne effectivement légitime pourrait être envisagée.

Dans l’immédiat, ne mettons pas la charrue devant les bœufs. Ce jour n’est pas venu. Il faut d’abord trancher le nœud gordien d’une monnaie unique qui, loin d’être au service de l’économie, tend aujourd’hui à l’asphyxier. Le TSCG est un nœud coulant pour le progrès social et pour la démocratie.

C’est pourquoi, avec mon collègue du RDSE Pierre-Yves Collombat, je demande au Sénat d’adopter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi. Nous encouragerons ainsi le Gouvernement à reprendre le chantier sur des bases plus solides et, comme l’a dit hier M. le Premier ministre, à faire enfin « bouger les lignes ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, contre la motion.

M. Jean-Pierre Sueur. Cher Jean-Pierre Chevènement, je veux d’abord saluer la force et la constance de vos convictions. Votre discours est vraiment intéressant, et je pourrais suggérer à quelque étudiant de faire une thèse sur votre sémantique.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’êtes pas mal non plus !

M. Jean-Pierre Sueur. Merci, madame Des Esgaulx !

Cela a commencé par la « dépossession ». Nous sommes un certain nombre, depuis longtemps, à penser que le choix européen est un levier qui nous permet d’aller plus loin ensemble, à vingt-sept, plutôt qu’une dépossession.

Toutefois, le mot « dépossession » vous a semblé un peu léger, si bien qu’est apparu le mot « suicide ». C’est grave, le suicide ! Nous serions en train de nous suicider dans une indifférence « molle » – je ne sais pas, d’ailleurs, ce qu’est une indifférence « dure ». Il y a l’Europe « disciplinaire », épaulée par des « chiens renifleurs » – vous parlez en ancien ministre de l’intérieur –, qui nous fait marcher avec un « pistolet sur la tempe ». Enfin vient le lexique de la pathologie : l’Europe est une sorte de maladie, dont le traité qui nous occupe serait le summum, en attendant la suite…

M. Jean-Pierre Chevènement. Il y a la pharmacie !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison, monsieur Chevènement, on peut toujours guérir !

Ce qui est intéressant, c’est que cette sémantique, qui va très loin, est même confortée par une phonétique. Vous dites toujours « Maastrik », comme tous les opposants au traité, ses partisans prononçant quant à eux « Maastrich ».

Mme Éliane Assassi. Non, moi je dis bien « Maastricht » !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est que vous avez une position nuancée, madame Assassi. (Rires.)

« Maastrik » renvoie naturellement à « trique », d’où l’intérêt de faire entendre cette consonne finale.

Mme Éliane Assassi. Ça, c’est un argument !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez trouvé d’autres reliefs phonétiques, monsieur Chevènement : je pense à votre manière inimitable de parler du six-pack, ce mot, prononcé par vous, sonnant comme quelque chose d’insupportable et d’inacceptable.

Vous jouez très habilement, depuis fort longtemps, de ce décor lexical, sémantique, de ce réseau d’images qui vient de loin, comme la position de celles et ceux qui défendent cette Europe dans les hauts et les bas, les crises, les vicissitudes, et qui croient, malgré les difficultés, qu’il y a là une espérance, à laquelle il ne faut jamais renoncer.

Jean-Pierre Chevènement a expédié le sujet de l’inconstitutionnalité du traité en une phrase et demie, mais je vais tout de même répondre sur ce point.

J’ai cru comprendre que deux griefs d’inconstitutionnalité étaient soulevés.

Le premier grief est lié à cette fameuse dépossession qui s’apparente au suicide et à la maladie universelle : le traité constituerait un transfert de compétences aux institutions européennes attentatoire aux droits du Parlement, et donc à la souveraineté nationale.

Depuis sa première décision du 9 avril 1992 sur le traité de Maastricht, le Conseil constitutionnel vérifie, chaque fois qu’il est saisi d’un traité, que celui-ci ne porte pas « atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ». Or, précisément, dans sa décision du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a considéré que le TSCG n’emportait pas de transfert de souveraineté commandant une révision constitutionnelle préalable.

La principale innovation du traité est de définir la notion de budget « en équilibre ou en excédent » par référence à la situation dans laquelle le « déficit structurel » est inférieur à 0,5 % du PIB. Est-ce inconstitutionnel ?

Le fait que les États doivent présenter un budget « en équilibre ou en excédent » n’est pas une nouveauté, ainsi que l’a parfaitement démontré M. le ministre.

Comme le rappelle le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel, la discipline budgétaire était déjà inscrite dans le traité de Maastricht, ce qui avait été validé en 1992 par le juge constitutionnel. Elle est également inscrite dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne de Lisbonne, qui lui-même a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 décembre 2007.

En outre, il résulte des règlements communautaires du 27 juin 2005 et 16 novembre 2011 que l’objectif de déficit structurel était déjà de 1 % du PIB. À cet égard – cela ne me semble pas contestable –, la seule nouveauté introduite par le TSCG est de ramener ce taux à 0,5 %.

C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision du 9 août 2012, que ces nouvelles règles « ne procèdent pas à des transferts de compétences en matière de politique économique ou budgétaire et n’autorisent pas de tels transferts ; que, pas plus que les engagements antérieurs de discipline budgétaire, celui de respecter ces nouvelles règles ne porte atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. »

Il n’y a donc pas là d’inconstitutionnalité.

Le second grief tient au fait qu’un renforcement des pouvoirs de la Commission européenne se ferait au détriment des prérogatives du Parlement, dans le cadre de la procédure de correction en cas de non-respect de l’objectif de 0,5 % de déficit structurel.

À cet égard, il faut signaler que ce taux de 0,5 % n’est pas une contrainte absolue, dans la mesure où l’article 3.1c) du traité, souvent cité, prévoit que les États peuvent s’écarter temporairement de leurs objectifs respectifs « en cas de circonstances exceptionnelles ».

Un autre grief pourrait être soulevé, selon lequel ce serait à tort que nous autoriserions la ratification du traité, une modification préalable de la Constitution étant nécessaire. Or l’article 3.2 du traité prévoit que les nouvelles règles peuvent prendre effet dans le droit national au moyen de dispositions constitutionnelles, « ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ». C’est écrit noir sur blanc !

Le Conseil constitutionnel a considéré que la seconde branche de cette alternative ne comportait pas d’atteinte à la souveraineté. En effet, il s’agit non pas d’imposer au Parlement une règle budgétaire, mais de fixer, via la loi organique, une procédure permettant d’assurer le respect de cet engagement. Or le Parlement en garde toute la maîtrise dans l’élaboration de cette loi organique, comme cela a été exposé tant par Simon Sutour que par François Marc.

Comme l’indique le Conseil constitutionnel, et au regard de notre Constitution, le législateur peut, par la loi organique, encadrer l’adoption des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques, des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale de manière qu’elles respectent l’objectif inscrit dans le traité.

De ce point de vue non plus, je ne vois donc pas en quoi il y aurait irrecevabilité et inconstitutionnalité.

J’ajoute que la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas de pouvoir de contrôle de l’exécution du budget national, son seul pouvoir étant de vérifier la bonne transposition en droit interne de la règle d’équilibre budgétaire.

J’ajoute qu’il nous appartient désormais d’ouvrir et de porter le débat sur le renforcement du contrôle démocratique de la gouvernance budgétaire et financière de l’Union européenne. L’adoption du traité permettra de donner corps à son article 13, avec la mise en place d’une conférence interparlementaire, dont nous pensons pour notre part, au contraire de Jean-Pierre Chevènement, qu’elle sera un événement novateur et utile.

J’ajoute que ce traité ne conférera pas à la Commission européenne de nouveaux pouvoirs budgétaires : elle conservera ceux qui lui ont été dévolus par le Pacte de stabilité et de croissance révisé l’an dernier. Elle n’a pas obtenu le pouvoir de saisine de la Cour de justice de l’Union européenne ; en vertu de l’article 273, seuls les États ont ce pouvoir.

Mes chers collègues, j’ai cru devoir répondre aux griefs avancés par notre collègue Jean-Pierre Chevènement. J’ai conscience d’avoir été un peu long, mais je m’achemine à mon tour vers ma conclusion…

Le fond de l’affaire, c’est que, si la France n’acceptait pas le paquet constitué par le traité et ce qui a été obtenu en matière de croissance et de taxation des transactions financières, elle tournerait le dos à ce mouvement pour l’Europe auquel nous sommes si attachés.

On peut minimiser ce qui a été obtenu par François Hollande pour promouvoir la croissance, mais c’est, à mon avis, une erreur. En effet, ce qui compte, c’est l’impulsion donnée, c’est la nouvelle orientation définie, c’est l’ajout d’éléments nouveaux au traité, qui changent la logique suivie, la démarche, la perception des choses. Bien sûr, c’est un combat, qui sera toujours à mener !

L’Europe est notre avenir, elle ne nous dépossède pas. Dans les périodes difficiles, il est important de la défendre comme un projet, un idéal. Nous y tenons comme nous tenons à notre pays, dont l’avenir, nous le savons, passe par l’Europe.

Pour terminer, je voudrais citer un homme qui siégea dans cet hémicycle, il y a longtemps, à la place qu’occupe aujourd’hui Mme Assassi :

« Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi.

« Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. »

Tels sont les mots que Victor Hugo prononça, le 21 août 1849, lors du Congrès de la paix, à l’adresse de la France, de l’Italie, de l’Angleterre, de l’Allemagne… Il ajouta cette phrase qui résonne en nos têtes, en nos esprits, en nos cœurs, qui est toujours d’actualité, qui exprime un idéal extraordinaire que nous devons défendre contre vents et marées :

« Un jour viendra où […], vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Aux termes du deuxième alinéa de l’article 44 du règlement du Sénat, l’objet de l’exception d’irrecevabilité est de faire reconnaître que le texte en discussion est contraire à une disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire.

De ce point de vue, la question a été tranchée très clairement par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 août 2012, ce qui me dispense d’aller plus loin dans l’argumentation. Je n’essaierai pas davantage de rivaliser d’éloquence avec MM. Chevènement et Sueur, me contentant d’évoquer quelques considérations financières ou budgétaires.

Tout d’abord, je tiens à rassurer notre collègue Jean-Pierre Chevènement : contrairement à ce qui est affirmé, les lois de programmation des finances publiques n’auront pas de portée contraignante pour ce qui concerne la trajectoire des finances publiques. C’est d’ailleurs la différence entre le dispositif aujourd’hui envisagé et celui que présentait l’ancienne majorité dans sa révision constitutionnelle, qui n’a pas pu aboutir.

En outre, que ce soit bien clair, les lois de programmation n’auront pas une valeur juridique supérieure à celle des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Toutefois, pour déterminer dans quelle mesure les lois de finances sont cohérentes avec la programmation, elles comprendront désormais un article liminaire dans lequel cette dernière sera rappelée. Cet article sera soumis au vote du Parlement, qui pourra l’amender. Nous ne sommes pas dessaisis, loin de là, puisque nous sommes invités à prendre nos responsabilités. Au « cliquetis de chaînes » évoqué par notre collègue Jean-Pierre Chevènement, j’opposerai donc tout simplement la responsabilité clairement établie des parlementaires.

Par ailleurs, je rappelle que le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne ne pourra porter que sur la transposition de la règle. Elle ne pourra en aucun cas se prononcer sur nos lois de finances ou sur nos lois de financement de la sécurité sociale.

Les programmes de partenariat budgétaire et économique n’auront pas de valeur juridique contraignante. Par conséquent, il ne s’agit en aucun cas d’un transfert de souveraineté.

Enfin, la mise en œuvre de la règle relative à la dette publique ne nous obligera pas à réaliser chaque année, pendant vingt ans, un effort de 30 milliards d’euros ! Qui aurait pu souscrire à un tel engagement ? Ce n’est pas le stock de dette qu’il faut réduire, mais le ratio dette/PIB. J’ai rappelé hier comment certains médias se sont fourvoyés dans l’interprétation de cette disposition. En réalité, cette règle autorise un déficit équivalant à un point de PIB environ. Par conséquent, si nous nous en tenons à la programmation proposée par le Gouvernement, nous respecterons de fait le critère fixé en matière de dette avant même que la règle n’entre en vigueur, en 2017.

Mes chers collègues, ces observations me conduisent à vous inviter, au nom de la commission des finances, à rejeter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si cette motion avait été déposée à seule fin d’offrir à Jean-Pierre Chevènement l’occasion de présenter ses perspectives en matière européenne, cela aurait suffi à la justifier pleinement, compte tenu de son talent, de sa sincérité et de sa constance dans ses combats européens depuis une vingtaine d’années.

J’ai beaucoup de respect pour cette constance et pour la profondeur de l’argumentation de M. Chevènement, mais aussi un profond désaccord avec les thèses qu’il a soutenues.

Tout d’abord, le sénateur Chevènement a argué que certaines dispositions du traité porteraient atteinte à l’exercice de la souveraineté nationale et poseraient ainsi problème au regard du droit constitutionnel, justifiant que le projet de loi soit déclaré irrecevable.

Or, précisément, avant que ce texte ne soit soumis au Parlement, nous avons eu soin de demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité du traité, en particulier sur d’éventuels abandons de souveraineté pouvant résulter de sa mise en œuvre. La position du Conseil constitutionnel a été très claire ; je n’y reviens pas.

Une grande partie des dispositions touchant à la souveraineté budgétaire étaient déjà en vigueur. D’ailleurs, monsieur Chevènement, vous l’avez reconnu vous-même implicitement, en évoquant un « cliquetis de chaînes »… Le fait est que nombre des dispositions dont vous redoutez la mise en œuvre s’appliquent déjà ! Ainsi, le dialogue entre la Commission européenne et le Parlement en matière de discipline et de trajectoires budgétaires est prévu dans les textes que vous avez cités, notamment le six-pack. Même si le traité devait ne pas être adopté, ces règles continueraient donc à s’appliquer.

Par ailleurs, vous avez évoqué, monsieur Chevènement, le rôle de la Cour de justice de l’Union européenne, sujet important qui a également suscité des interrogations quant à l’exercice de la souveraineté. Vous avez notamment mentionné le risque que la France se trouve condamnée à payer une amende de 2 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien.

Nous n’aurons pas à acquitter une telle amende. Je rappelle en effet que la Cour de justice de l’Union européenne n’intervient pas comme juge des comptes des États : son rôle se borne à contrôler la transposition en droit national des dispositions du traité. C’est donc seulement dans l’hypothèse où le Parlement ne procéderait pas à cette transposition que la Cour de justice de l’Union européenne condamnerait la France, après saisine par d’autres États parties au traité.

Par conséquent, le meilleur moyen d’éviter la sanction que vous redoutez, monsieur Chevènement, c’est de ne pas vous suivre. Si votre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité devait être adoptée, nous nous exposerions alors à cette amende de 2 milliards d’euros ! (M. André Gattolin applaudit.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout ! Nous n’aurions pas à payer d’amende, puisque nous n’aurions pas ratifié le traité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le traité dont il vous est demandé d’autoriser la ratification a été signé.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous ne sommes pas forcés de le ratifier !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En cas de défaut de ratification, le droit commun de l’Union européenne s’appliquerait, pour ce traité comme pour tous les autres : lorsqu’un pays ne transpose pas en droit interne des textes européens, il s’expose à être condamné.

Enfin, M. Chevènement a soulevé avec raison une question très importante, celle des modalités d’intervention de la Banque centrale européenne et de l’exercice de la solidarité financière et monétaire.

La supervision bancaire sera assurée par la Banque centrale européenne, qui n’est certes pas une institution démocratique. Son indépendance, inscrite dans ses gènes, exclut qu’elle puisse être soumise à quelque instance démocratique que ce soit.

Dans cette affaire, nous sommes très pragmatiques. Par souci d’efficacité, nous voulons une supervision qui s’applique à toutes les banques, et non pas seulement aux banques dites systémiques. Nous considérons que cette supervision doit être assurée par la Banque centrale européenne, qui doit d’ailleurs constituer en son sein une structure ad hoc.

Vous avez raison de souligner, monsieur Chevènement, qu’un problème technique se pose, dans la mesure où il existe déjà une autorité européenne de contrôle des banques, à savoir l’Autorité bancaire européenne, compétente pour les vingt-sept États membres de l’Union européenne. Dès lors que l’on met en place, au sein de la BCE, un dispositif de contrôle concernant les pays de la zone euro qui voudront se soumettre à une telle supervision, se pose la question des règles de délibération et de majorité au sein de l’Autorité bancaire européenne. Nous travaillons, à vingt-sept, à rechercher les moyens de prévenir les dysfonctionnements. Une réflexion sur les systèmes de pondération est ainsi menée en liaison avec les institutions européennes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne sommes pas face à l’Europe dont nous rêvons, nous sommes face à l’Europe qui nous est donnée.

Si nous refusons de construire des compromis pour faire évoluer cette Europe dans la direction que nous souhaitons, nous prenons le risque de jouer la crise et, au bout du compte, de n’obtenir aucune réorientation conforme à nos vœux : c’est la stratégie tribunicienne du Grand Soir.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dire cela, vous qui avez voté contre le traité constitutionnel européen !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quand on a comme vous voté en faveur du traité de Maastricht en 1992, madame Lienemann, il faut en accepter les conséquences ! Pour ma part, j’essaie d’être cohérent.

M. Jean-Vincent Placé. Quelle est la cohérence ? Vous avez voté contre le traité de Lisbonne !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Oui, monsieur Placé, mais il s’agissait d’un traité constitutionnel.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On peut peut-être vous laisser entre vous…

M. Jean-Claude Lenoir. On dirait que nous sommes de trop !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous allons compter les points !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Rassurez-vous, il y en aura pour tout le monde… (Rires sur les travées de l’UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On peut vous laisser à vos contorsions, mais vous aurez besoin de nous !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Avoir besoin de tout le monde pour faire œuvre utile n’oblige pas à laisser s’exprimer sans réagir la plus parfaite mauvaise foi !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On n’est pas obligé non plus d’être suffisant !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne le suis pas, madame.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ah bon ! Ce n’est pas ce que j’ai cru remarquer…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il ne faut pas confondre l’humilité et la faiblesse : à partir d’un certain degré, la mauvaise foi appelle une mise au point !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il en va de même avec la suffisance !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’essaie donc de mettre les choses au point, calmement, avec humilité et courtoisie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Vous avez parlé de contorsionnisme, madame la sénatrice. Je rappelle que, en 1992, François Fillon a voté contre le traité de Maastricht, tout comme Philippe Séguin et Jean-Pierre Chevènement, qui faisaient d’ailleurs alors campagne ensemble, autour d’un certain nombre de thèses communes. Il a ensuite défendu le TSCG : pour autant, au cours du débat, je n’ai pas eu l’outrecuidance de le qualifier de contorsionniste, précisément parce que j’ai l’humilité de considérer que, dans la vie, l’évolution des contextes peut justifier que l’on adopte des positions différentes au fil du temps.

M. Michel Savin. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quant à nos amis de la gauche de la gauche, je rappellerai que Marie-Noëlle Lienemann et Jean-Luc Mélenchon ont tous deux voté en faveur du traité de Maastricht en 1992 !

Mme Éliane Assassi. À l’époque, il était socialiste !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il est exact que j’ai voté contre le traité constitutionnel européen. Je l’ai fait parce que je ne voulais pas d’une Europe libérale, engagée sur une voie étrangère à mes valeurs. C’est pour cette même raison, d’ailleurs, que je défends aujourd’hui le TSCG : en politique, on peut souhaiter accomplir, une fois au Gouvernement, ce que l’on projetait dans l’opposition ! Je trouve qu’il y a là, monsieur Placé, une forme de cohérence. Cela étant, la plus belle des cohérences, quand on appartient à une majorité, c’est de soutenir le Gouvernement lorsqu’il défend une réorientation en faveur de laquelle le Président de la République s’était prononcé pendant la campagne électorale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Savin. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour ce qui concerne la Banque centrale européenne, nous essayons, depuis le mois de juin, de créer les conditions d’un autre contexte, afin de permettre au Mécanisme européen de stabilité d’intervenir pour recapitaliser directement les banques après la mise en place de la supervision bancaire.

C’est la raison pour laquelle, même si elle sera imparfaite pour les raisons qui ont été soulignées, la supervision bancaire est hautement souhaitable, dans la mesure où elle permettra de remettre de l’ordre dans la finance et d’enclencher la recapitalisation des banques par le biais du Mécanisme européen de stabilité.

Dans le même esprit, l’intervention du Fonds européen de stabilité financière sur le marché secondaire des dettes souveraines permettra de faire baisser les taux.

C’est grâce à la mise en place de ce nouveau contexte que la Banque centrale européenne a pu décider d’intervenir de façon illimitée sur le marché de la dette à court terme, jusqu’à ce que les spéculateurs rendent gorge. C’est une nouvelle manière d’organiser les pare-feu sur les marchés financiers et de permettre aux États en difficulté de ne plus subir des taux d’intérêt très élevés, qui pesaient en définitive sur les peuples. Il s’agit donc là d’une manière de lutter contre l’austérité.

M. Jean-Pierre Chevènement. Vous oubliez la conditionnalité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La conditionnalité existe, incontestablement. La meilleure manière de surmonter ce problème à long terme est de continuer à progresser, dans le cadre fixé par la feuille de route établie par Herman Van Rompuy, vers l’émission d’obligations communes, la mise en place de fonds de rédemption, la mutualisation de la dette ou l’octroi d’une licence bancaire au Mécanisme européen de stabilité.

À ce propos, monsieur Chevènement, je souligne que les 400 milliards d’euros de capital du Mécanisme européen de stabilité permettront un effet de levier : grâce à cette dotation, le MES pourra emprunter sur les marchés financiers. On ne peut donc pas raisonner comme si le MES ne disposait que de son capital pour jouer son rôle de pare-feu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ; ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre, puis-je déduire de votre argumentation que vous êtes contre la motion ? (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Tout à fait, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. « Il n’y a qu’une route vers le bonheur, que cela soit présent à ton esprit dès l’aurore, jour et nuit : c’est de renoncer aux choses qui ne dépendent pas de notre volonté. » Ainsi parlait Épictète !

Hier, le Premier ministre nous a présenté de la même façon notre destin dans l’Europe : en renonçant à ce qui nous reste de liberté financière, celle de décider de notre budget, nous ne nous soumettons ni aux marchés, ni à un quelconque traité, et encore moins à l’Allemagne ; nous affirmons au contraire notre liberté !

Si j’ai bien compris le Premier ministre et divers orateurs de cette matinée, nous serons d’autant plus souverains que nous abdiquerons notre souveraineté volontairement, puisque ce qui arrive ne dépend pas de nous : cela a été scellé à Maastricht. La servitude volontaire est donc la seule liberté possible pour les Européens. C’est stoïque, beau comme l’antique, mais c’est faux !

C’est faux, car l’état de l’Europe ne doit rien à un décret des dieux, mais tout au bricolage des hommes, un bricolage malheureux qui, en nous libérant de l’angoisse du taux de change, nous a livrés à celle du spread. Ce n’est pas bien mieux ! Ce bricolage a régulièrement valu à la zone euro un taux de croissance inférieur à celui des autres pays développés et un taux de chômage supérieur.

C’est faux, car la règle d’or budgétaire n’est pas non plus un décret divin ; c’est un axiome d’une théorie économique archaïque et un choix politique, celui des rentiers contre les actifs et, fatalement, les jeunes.

C’est aussi le choix de l’Europe « postdémocratique », comme l’a éloquemment démontré Jean-Pierre Chevènement tout à l’heure. En démocratie, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum », aux termes de l’article 3 de notre Constitution.

En « postdémocratie », la souveraineté nationale est remise entre les mains de cours des comptes, de hauts conseils des finances publiques – que sais-je encore ! –, tous « indépendants » : des électeurs, évidemment, à défaut de l’être de l’idéologie dominante et de ceux qui les nomment. La souveraineté est remise entre les mains d’une Commission et d’une Cour de justice de l’Union européenne tout aussi indépendantes et démocratiques…

La démocratie, c’est le règlement des affaires publiques par le débat public, argument contre argument. La « postdémocratie », c’est leur règlement à dire d’« experts », à coup d’arguments d’autorité et de lessivage médiatique des cerveaux rendus disponibles.

Un déficit budgétaire maximal de 3 %, ça « sonne économiste », « c’est un bon chiffre », un chiffre qui fait « penser à la Trinité », lâchait récemment – vous l’avez tous lu dans la presse – le fabricant du produit ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann rit.)

Pourquoi le TSCG fixe-t-il à 60 % du PIB le plafond d’endettement public tolérable, et non à 100 %, taux d’endettement public actuel des États-Unis, ou à 37 %, taux qui était celui de l’Espagne en 2007 ? Pur arbitraire ! Et 0,5 % de déficit budgétaire « structurel » au maximum, c’est plus « confortable » que 0,7 %, juge aussi « Monsieur 3 % »…

Si personne ne peut dire clairement ce que « déficit structurel » signifie, les États pourront toujours s’écarter de cette norme en cas de « circonstances exceptionnelles ». Visiblement, 3 millions de chômeurs en France, ce n’est pas une circonstance exceptionnelle ! « Comprenne qui pourra », allais-je dire, oubliant qu’il s’agit non pas de compréhension, mais de foi et d’espérance, vertus théologales que nous a rappelées tout à l’heure Jean-Pierre Sueur.

La « postdémocratie » européenne, c’est, au final, le droit des peuples à choisir le nombre de trous à leur ceinture, mais pas celui auquel ils devront la serrer.

Pour régler une crise financière d’origine bancaire, les responsables européens ont créé une crise des finances publiques et de l’euro. Pour la régler, ils ont laissé s’installer une crise économique que le traité Merkel-Sarkozy aggravera et qui est en train de se transformer lentement, mais inexorablement, en crise sociale et politique.

Quand sonnera l’heure de la refondation des institutions communes, qui seule permettrait de sauver l’euro et la construction européenne, il sera trop tard. Les peuples n’en voudront plus, de cette Europe, et ils le feront savoir dans les urnes, à moins que ce ne soit dans la rue !

Vous pensez sauver l’Europe contre ses peuples. C’est au résultat inverse que vous parviendrez. Si l’Europe est un levier, comme l’a également rappelé tout à l’heure Jean-Pierre Sueur, elle manque de plus en plus d’appui populaire. (M. Jean-Pierre Chevènement applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la vie parlementaire offre rarement l’occasion de participer à des débats d’une aussi haute tenue que celui qui nous réunit depuis hier. Il convient de saluer la qualité des interventions, en particulier celles du ministre chargé des affaires européennes, qui a marqué ses convictions avec beaucoup de talent.

Le groupe UMP votera contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Qu’il me soit permis d’exprimer, avec beaucoup de modestie compte tenu de mon manque d’ancienneté dans cette assemblée, ce que m’inspirent les différentes interventions que j’ai entendues depuis hier.

Notre hémicycle comprend trois groupes – je ne parle pas, évidemment, des groupes politiques –, dont deux du côté de la majorité sénatoriale.

Pour me référer au berceau historique de la démocratie, c’est-à-dire Athènes, je dirai qu’il y a le camp des sophistes, qui est d’ailleurs le plus nombreux. La sophistique est un art excellent, qui consiste à avancer des arguments parfaitement réversibles : comparons, à cet égard, les brillantes interventions de nos collègues le président du groupe socialiste et le rapporteur général de la commission des finances avec les propos qu’ils ont tenus en février dernier.

J’admire leur art qui consiste à dire aujourd’hui exactement le contraire de ce qu’ils disaient hier, alors que le texte dont il nous est proposé d’autoriser la ratification est, mot pour mot, celui qui avait été signé par Nicolas Sarkozy. Mais, après tout, c’est là une forme de repentance ; nous n’allons pas vous chercher chicane !

Dans le camp de la majorité sénatoriale, il y a aussi ceux qui cultivent le paralogisme, qui, chacun le sait, consiste à avancer des arguments faux pour aboutir à une conclusion fallacieuse tout en étant de bonne foi. Je classerai dans cette catégorie notre estimable collègue Jean-Pierre Chevènement, qui, d’une façon constante, défend des idées qui ne sont pas les nôtres, mais qui le singularisent parmi ses collègues de la majorité sénatoriale.

À Athènes, les sophistes ont combattu cette déviance intellectuelle et jeté les bases de la logique. Pour notre part, à droite – je pense pouvoir le dire aussi bien de l’UMP que de l’UCR –, nous sommes logiques : nous continuons aujourd’hui de soutenir, avec la même détermination qu’hier, le traité qui avait été signé par Nicolas Sarkozy.

Tout à l’heure, Jean-Pierre Sueur nous a émus en citant Victor Hugo. Je souhaiterais à mon tour citer de mémoire quelques vers tirés de l’œuvre immense de notre ancien collègue, plus précisément de La légende des siècles. Ils peuvent à mes yeux illustrer notre passion pour l’Europe.

Dans un élan optimiste, Victor Hugo imaginait que tous les peuples du monde se réuniraient dans la nacelle d’un grand ballon dirigeable tournant autour de la Terre :

« Nef magique et suprême ! […]

« Elle a cette divine et chaste fonction

« De composer là-haut l’unique nation,

« À la fois dernière et première,

« De promener l’essor dans le rayonnement,

« Et de faire planer, ivre de firmament,

« La liberté dans la lumière. »

(Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n’est pas adoptée.)

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Demande de renvoi à la commission (début)

Mme la présidente. Je suis saisi, par M. Billout, Mmes Assassi et Beaufils, M. Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David, Demessine et Didier, MM. Favier, Fischer et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès, Watrin et P. Laurent, d'une motion n° 2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (n° 23, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Michel Billout, auteur de la motion.

M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains orateurs convoquent les philosophes de la Grèce antique ou un grand poète comme Victor Hugo à l’appui de leur plaidoyer en faveur du TSCG.

Plus modestement, en ma qualité de citoyen qui a combattu, en d’autres temps, le traité de Maastricht et le traité établissant une Constitution pour l’Europe, je vais vous proposer une lecture peut-être plus terre-à-terre, mais plus fidèle me semble-t-il, du texte.

Approuver la ratification de ce traité portant sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne ne permettra pas, à mon avis, d’ouvrir de nouvelles perspectives à la construction européenne et de la réorienter dans le sens du progrès social et de la transition écologique. En l’état actuel des choses, ce serait, bien au contraire, franchir une nouvelle étape sur la voie de la soumission des pays européens aux marchés financiers, qui sont les principaux responsables de la crise que nous subissons depuis quatre ans.

J’ai été pourtant très attentif, hier et ce matin encore, aux arguments avancés par les défenseurs de la ratification, de droite comme de gauche. J’avoue avoir été davantage convaincu par les orateurs de l’UMP et de l’UCR. Ils ont raison d’approuver massivement la ratification, car, incontestablement, ce traité est le leur. Il est en totale conformité avec la politique conduite lorsque la droite était au gouvernement dans notre pays.

En revanche, je continue à m’interroger sur ce qui pousse la majorité de la gauche à trouver aujourd’hui à ce traité autant de qualités. J’ai entendu beaucoup de choses ces dernières heures, des arguments très sérieux, mais également des éléments plus troublants.

Par exemple, j’ai entendu affirmer que ce traité ne serait pas « récessionniste », qu’il porterait même en lui certains mécanismes de croissance, qu’il serait déjà dépassé – alors à quoi bon en débattre ? – et que même si nous ne le ratifiions pas, cela ne modifierait rien à la situation car tous les mécanismes ont déjà été mis en place à Bruxelles. Pis, si nous ne le ratifiions pas, nous nous exposerions à des sanctions financières terribles !

Pour votre part, monsieur le ministre, vous avez tenu en substance les propos suivants : « ce traité, nous ne l’aurions pas écrit, nous ne l’aurions pas signé, mais nous pouvons en faire une autre lecture ». Au dire de notre collègue Christian Bourquin, il est même vraiment dommage que ce ne soit pas la gauche qui l’ait rédigé, tant il est paré de vertus ! Je suis presque désolé de ne pas partager un tel enthousiasme…

Plus sérieusement, par le biais de la présentation de cette motion, je vais m’efforcer – humblement ! – de montrer toute la nocivité du pacte budgétaire européen, que ce soit pour l’Europe ou pour notre pays. Mais je veux d’abord récuser certaines accusations portées contre tous ceux qui, comme nous, s’opposent à la ratification du traité. Ils sont pourtant nombreux, en France et en Europe, notamment à gauche, dans les organisations syndicales, dans les associations et même chez les économistes. Je ne saurais d’ailleurs trop vous recommander la lecture du communiqué du collectif des économistes atterrés : leur analyse est édifiante.

Voulons-nous que la France manque à sa parole, affaiblir le Président de la République auprès de nos partenaires européens ? Puisqu’il n’y aurait pas d’autres solutions crédibles, aucun « plan B » pour sauver l’euro et les économies européennes, sommes-nous irresponsables et animés de la volonté de détruire la construction européenne et de sortir de la monnaie unique ? Non, bien sûr ! Ce sont là de simples arguments d’autorité utilisés contre nous, à l’instar de la dramatisation d’un rejet du traité, qui, paraît-il, déchaînerait automatiquement une spéculation effrénée des marchés contre la France, au prétexte que nous aurions refusé non pas le sérieux budgétaire, mais les mesures d’asphyxie de l’économie et de baisse des ressources fiscales qu’implique toute politique d’austérité.

C’est aussi vouloir faire peur à l’opinion publique que de menacer, en avertissant que seuls les pays ayant ratifié le traité pourront bénéficier, le cas échéant, des mécanismes de solidarité.

Refuser d’approuver ce traité en l’état, ce serait manquer à la parole de la France et aux engagements pris par le précédent Président de la République ? Il faut se souvenir qu’au début de cette année, au plus fort de la crise de la dette publique, et devant l’absence de volonté politique des États membres de se défendre contre les attaques spéculatives des marchés financiers, ce sont nos partenaires et amis Allemands qui ont réussi à faire prévaloir leur vision des choses, en faisant d’abord accepter par les États des règles budgétaires draconiennes, avant la mise en place de tout mécanisme de solidarité.

Pourquoi, dans ce cas, avoir considéré, en mars, lorsqu’il a été signé – le Royaume-Uni et la République tchèque s’y sont d’ailleurs refusés –, que ce traité était mauvais et dangereux et avoir fait de sa renégociation un argument majeur de la campagne présidentielle ? J’avoue ne pas bien comprendre !

Les avancées très discutables obtenues par le Président de la République lors du Conseil européen du mois de juin dernier ne changent en rien la nature même du traité. Il reste fondamentalement sous-tendu par la même logique d’orthodoxie budgétaire libérale, totalement étrangère aux réalités économiques et à la vie des sociétés.

Le traité et lesdites « avancées » forment en fait deux blocs différents. Le pacte de croissance, par exemple, dont l’obtention de haute lutte a été revendiquée par le Président de la République, est un accord politique résultant du compromis négocié lors de la réunion du Conseil européen des chefs d’État et de Gouvernement des 28 et 29 juin. En effet, d’un point de vue formel, il n’est pas juridiquement lié au traité, qui n’en fait d’ailleurs aucune mention. Par ailleurs, il convient vraiment de relativiser ce que le Président Hollande avait présenté comme des concessions faites par l’Allemagne. Je me souviens que, à l’époque, un éditorialiste de la presse régionale avait commenté cet épisode en disant, en substance : « nous avons donné notre montre à Mme Merkel, elle nous a donné l’heure ».

Je rappelle que notre groupe avait mis l’accent sur cette réalité dès le débat organisé dans cet hémicycle après la tenue du fameux sommet de juin. Nous ne partagions pas la satisfaction et l’optimisme du Gouvernement, qui nous présentait l’obtention de ces résultats comme un tournant très positif dans la construction européenne. Répétons que les 120 milliards d’euros consacrés à de nouveaux investissements joueront certainement un rôle dans la relance économique, mais que cet effort, s’il ne doit pas être sous-estimé, reste relativement modeste : cela ne représente en effet que 1 % du PIB de l’Union européenne.

Nous le savons tous, ce pacte reprend en grande partie des propositions que la Commission européenne avait jusque-là du mal à imposer. Il repose, pour l’essentiel, sur l’utilisation de fonds existants, qui financeront des projets innovants dans les domaines de l’efficacité énergétique et des infrastructures stratégiques, ainsi que les PME.

Pour autant, les effets de ce train de mesures, dont l’augmentation des capacités de prêt de la Banque européenne d’investissement, demeurent incertains. Dans les jours suivant leur annonce, les analystes jugeaient déjà presque toutes ces dispositions très insuffisantes au regard des besoins économiques et sociaux. Avec l’adoption du pacte de croissance, François Hollande a sans doute obtenu une victoire politique et symbolique en faisant en partie partager ses conceptions par une majorité d’États membres, mais, sur le fond, c’est bien parce qu’il a accepté que le pacte budgétaire signé par son prédécesseur sorte intact de ce sommet que quelques concessions mineures lui ont été faites par la Chancelière allemande. En cédant, il a renoncé à faire valoir auprès de nos partenaires européens certains de ses engagements de campagne.

La ratification du traité budgétaire sans aucune modification, même s’il est flanqué de quelques mesures aux effets incertains sur la croissance, permettra avant tout d’appliquer des politiques d’austérité dans tous les pays.

Je l’admets tout à fait, le contexte a évolué, avec la décision de la BCE de mieux s’impliquer dans le sauvetage de l’euro et le « feu vert » de la Cour constitutionnelle allemande au Mécanisme européen de solidarité. Mais ces dispositifs sont des mesures d’accompagnement, un placebo pour atténuer les ravages des politiques d’austérité menées par tous les gouvernements européens, dont ils ne contrebalanceront pas efficacement les graves effets.

Mes chers collègues, ce n’est pas sur le pacte de croissance, ni sur la taxe sur les transactions financières, ni sur la supervision bancaire que vous êtes appelés à vous prononcer aujourd’hui, mais bel et bien sur le traité signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Ainsi, contrairement à ce que prétendent le Premier ministre et les membres du Gouvernement, si le contexte général a peut-être légèrement évolué en Europe, le traité lui-même n’a pas changé depuis sa signature, en mars dernier. Son application sera très néfaste pour les peuples et les pays européens.

Serait-ce prendre le risque d’ouvrir une crise politique en Europe que de ne pas ratifier ce traité en l’état ? Après tout, au plan juridique, si la France ne le ratifie pas, il pourra néanmoins entrer en vigueur le 1er janvier 2013 dès lors que douze des dix-sept pays de la zone euro l’auront ratifié. Par ailleurs, s’il s’agit de respecter des règles budgétaires, de donner des gages de sérieux à nos amis Allemands pour qu’ils acceptent les mécanismes de solidarité et de rassurer les marchés financiers, il existe déjà le fameux six-pack, qui a considérablement durci le pacte de stabilité et renforcé la surveillance macroéconomique des États membres.

Si nous avions vraiment obtenu des avancées aussi importantes qu’on nous l’affirme, ne serait-ce pas au contraire l’occasion d’élargir la brèche, de profiter d’un contexte plus favorable aux positions de la France ? N’est-il pas temps de rassembler un plus grand nombre de pays autour de nos propositions et de notre conception de la construction européenne ?

Politiquement, un « non » français pèserait d’un grand poids en Europe. Il permettrait certainement au Président de la République de remettre sur le tapis sa proposition de renégociation du traité, sur la base d’un nouveau rapport de force en Europe. Cela permettrait, j’en suis persuadé, d’aller plus loin que ce que les Allemands ont accepté de M. Draghi et d’obtenir, par exemple, un accord sur la question centrale de la modification du rôle de la BCE. Nous aurions un certain nombre d’alliés, et serions certainement en position plus favorable pour refuser d’inscrire l’austérité dans le marbre des textes et trouver au contraire un accord temporaire sur un gouvernement économique de la zone euro, qui ouvrirait la voie à l’harmonisation sociale et fiscale de nos économies européennes. Ce serait cela, refonder l’Europe dans le sens du progrès social et démocratique !

Mes chers collègues, je souhaite à présent évoquer les aspects les plus néfastes du traité.

Le raisonnement qui fonde sa logique est que la crise traversée par nos économies européennes est due à la dette publique. Ce dogme, nous le refusons, parce que nous en contestons la vérité. C’est pour cette raison que nous considérons que l’obsession du Président de la République et du Gouvernement de réduire à tout prix les déficits publics nous entraînera inévitablement à appliquer des remèdes pires que le mal.

La montée des déficits publics est une conséquence de la chute des recettes fiscales, due en partie aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, à l’aide publique accordée aux banques commerciales et au recours aux marchés financiers pour emprunter à des taux d’intérêt élevés. La crise est aussi entretenue par la Banque centrale européenne, qui appuie sans condition les banques privées, mais exige à présent des États une « stricte conditionnalité » d’austérité, lorsqu’il s’agit de jouer le rôle de « prêteur en dernier ressort ». La mise en œuvre du traité ne changera rien en la matière.

D’un strict point de vue économique, ce traité est une aberration. C’est pourtant au nom de la rationalité économique que l’on introduit la fameuse « règle d’or », dont l’application interdirait l’engagement de dépenses publiques d’avenir et conduirait à mettre en place un programme drastique de réduction de l’ensemble des politiques publiques, à l’échelon tant national que local.

En limitant plus que jamais la capacité des pays à relancer leurs économies et en leur imposant d’équilibrer leurs comptes publics, le traité est bien sous-tendu, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, par une logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels.

Les budgets publics seront peut-être en équilibre, mais par quelles ressources et quelles activités économiques seront-ils alimentés ?

Par ailleurs, la prétendue « solidarité européenne » acceptée par l’Allemagne est une supercherie. Outre qu’elle est conditionnée à la mise en œuvre de mesures qui étranglent littéralement les sociétés, il faut bien comprendre qu’il s’agit surtout d’organiser la garantie, par les États, des grands patrimoines financiers des banques privées.

Enfin, nous dénonçons vigoureusement la façon dont le traité bafoue les souverainetés nationales en matière budgétaire. En effet, il impose aux représentants des peuples des mesures d’austérité automatiques, en contraignant leurs décisions budgétaires, dictées et contrôlées par des instances non élues. La règle d’équilibre budgétaire, qui n’est certes pas nouvelle, se trouve en effet considérablement durcie, par la fixation d’un plafond de déficit structurel de 0,5 % du PIB.

Plus grave encore, le traité instaure aussi un contrôle permanent et coercitif de la Commission européenne sur l’effort de réduction des déficits budgétaires des États membres. Sa mission est modifiée : désormais, elle surveille et sanctionne.

Très concrètement, en cas de déficit trop important, un mécanisme de correction automatique s’appliquerait à l’État concerné, qui devrait alors présenter à la Commission et au Conseil, pour approbation, un programme de réformes structurelles. La Commission aurait ainsi toute liberté d’imposer, comme c’est aujourd’hui le cas pour la Grèce, des réformes structurelles désastreuses : programmes de privatisations, de flexibilisation du marché du travail ou de baisse des dépenses sociales, notamment.

De plus, comme cela est très explicitement précisé à l’article 7 du traité, chaque État devrait soutenir les mesures antisociales imposées par la Commission à un État voisin. Avec un tel carcan, que reste-t-il de la liberté des relations bilatérales entre États ? En cas de non-respect de la discipline budgétaire ou de transposition insuffisante des dispositions du traité, les États vertueux auraient la possibilité de poursuivre en justice les États en difficulté afin que leur soient infligées de lourdes sanctions. Il s’agit en fait d’instaurer une forme de délation entre États souverains, au risque de provoquer de dangereuses tensions entre les pays et les peuples et, à terme, d’ébranler toute forme de solidarité européenne ! Et dire que le texte du traité qualifie ce processus de « partenariat budgétaire et économique », alors qu’il s’agit purement et simplement d’une mise au pas, s’ajoutant aux dispositions du pacte de stabilité et de croissance et du six-pack !

Ainsi, l’élaboration du budget de la France sera en permanence placée sous l’étroite surveillance de la Commission européenne, dont le rôle sera renforcé pour en faire un véritable directoire du capitalisme financier à l’échelle de l’Europe.

En amont, les orientations budgétaires des États devront être validées, en mai et juin, par les instances européennes ; en aval, les projets de loi de finances jugés trop dépensiers pourront être attaqués et dénaturés selon les critères de l’orthodoxie budgétaire libérale.

Mes chers collègues, mesurez bien qu’en autorisant la ratification de ce traité, vous franchiriez un nouveau pas vers un fédéralisme européen autoritaire, dont les bases seront jetées dès le prochain Conseil européen des 18 et 19 octobre. Pour notre part, nous refusons de nous engager sur ce chemin. Il est encore temps d’écarter cette perspective en rejetant la ratification du traité.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Pierre Chevènement applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, contre la motion.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la motion tendant à opposer la question préalable déposée par les membres du groupe CRC vient d’être défendue avec talent par M. Billout.

Rien ne serait pire, sur le plan économique et social, que la remise en cause de la zone euro. La désintégration inévitable de celle-ci qu’engendrerait la sortie d’un seul pays serait dramatique et signerait la fin de la solidarité européenne, avec un effet dominos destructeur : il ne peut y avoir de sortie de la zone euro en douceur.

Les spéculateurs n’attendent qu’un signe de faiblesse pour revenir à la charge et faire tomber l’euro, afin de rouvrir un espace de jeu dont ils sont aujourd’hui privés, celui des fluctuations entre les monnaies européennes.

Aujourd’hui, soyons-en convaincus, les acteurs de l’économie réelle en Europe sont trop intégrés pour être en mesure de faire face à une telle éventualité sans casse économique et sociale.

Il faut donc tout faire pour éviter d’en arriver à cette situation.

Refuser de se doter d’un outil propre à répondre, malgré tout les défauts du TSCG, aux attaques spéculatives, c’est livrer les Européens à une boucherie sociale – j’insiste sur ce mot ! – comme nous n’en avons plus connu depuis la fin des années quarante.

Mme Éliane Assassi. C’est déjà le cas, ce qui prouve que la politique menée ne fonctionne pas !

M. Jean-Yves Leconte. Je ne pense pas que nous en soyons là, madame Assassi. Les difficultés rencontrées aujourd'hui par le Portugal, l’Espagne, l’Italie ou même la Grèce ne sont pas comparables à ce qu’a connu l’Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il faut garder le sens de la mesure !

Mme Éliane Assassi. Pourquoi en arriverions-nous là ?

M. Jean-Yves Leconte. C’est précisément ce qui nous menace en cas de désintégration de la zone euro, ma chère collègue ! Nous ne pouvons pas prendre un tel risque. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que nous demandons ! Ne déformez pas nos propos.

M. Jean-Yves Leconte. Dans un tel cas, le PIB ne diminuerait pas de 2 % ou de 3 %, mais de 15 % ou de 20 %. Ce serait dramatique !

Mme Éliane Assassi. Vous continuez à faire peur !

M. Jean-Yves Leconte. C’est ce qui a été constaté au cours des vingt dernières années dans les espaces économiques qui ont explosé. Les conséquences sociales ont été dramatiques, sans commune mesure avec ce que l’on peut observer aujourd'hui en Europe.

Mme Éliane Assassi. Allez le dire aux Grecs et aux Espagnols !

M. Jean-Yves Leconte. Je le répète, nous ne pouvons prendre une telle responsabilité, c’est pourquoi il convient de repousser cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Nous aurons gagné lorsqu’il deviendra aussi incongru et aussi risqué pour les marchés d’envisager la sortie de la Grèce de la zone euro que celle de la Californie de la zone dollar… (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Vous mélangez tout !

M. Thierry Foucaud. Il fallait le dire en mars dernier !

M. Pierre-Yves Collombat. Aux États-Unis, la FED intervient ! Cela change tout.

M. Jean-Yves Leconte. Tel est l’enjeu.

Certaines des réserves exprimées sur le traité peuvent se justifier, mais il serait erroné de porter sur ce dernier une appréciation statique, sans prendre en compte le nouveau leadership des idées de gauche sur la réorientation de l’Europe que permet l’élection à la Présidence de la République de François Hollande et dont nous constatons les premiers résultats. Ne pas prendre la mesure de la dynamique engagée depuis mai dernier pour évaluer l’opportunité de la ratification de ce traité correspond, j’ose le mot, à un renoncement.

Le TSCG est certes l’héritage d’un quinquennat qui a couté 600 milliards d’euros au pays et pendant lequel le service des intérêts de la dette est devenu du même ordre de grandeur que les recettes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, notre économie ne parvenant plus à être stimulée par la dette publique : en 2009, cette dernière a augmenté de 10 points de PIB, mais nous avons connu une récession de 3 % ; en 2012, la dette s’est accrue de 8 points, et la croissance n’a été que de 1,7 %...

M. Pierre-Yves Collombat. Mais où est passée cette dette ? Dans les caisses des banques !

M. Jean-Yves Leconte. Cette dette, monsieur Collombat, tous nos concitoyens la remboursent aujourd'hui ; il faut éviter de l’alourdir encore. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Elle a servi à sauver les banques !

M. Jean-Yves Leconte. Il est important de corriger les erreurs qui ont été commises, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! Nous ne devons pas livrer toute l’Europe à une crise dont la gravité serait sans aucune commune mesure avec les difficultés déjà si grandes que nous vivons aujourd'hui.

L’expérience des dernières années montre que si les idées de Keynes sont indispensables à la conception d’une politique économique, elles ne constituent pas pour autant une solution miracle. Cette observation vaut d’ailleurs pour l’ensemble des pays de l’ancien G7 des années soixante-dix : le Japon, la Grande-Bretagne ou les États-Unis ne se portent pas mieux que nous ; pis encore, leur situation très critique les incite à mettre en évidence notre manque de coordination politique, pour mieux dévier le regard des marchés de leurs propres faiblesses. Nous devons y être très attentifs.

Cette crise est bien plus qu’une crise conjoncturelle qui se traiterait exclusivement avec des outils contracycliques. C’est celle d’un modèle économique et social, d’un modèle de gouvernance économique, de la gouvernance des entreprises, de l’appréhension des risques dans la vie économique.

Ce n’est pas en réinventant des souverainetés factices grâce à des monnaies redevenues nationales ou en revenant sur des transferts de souveraineté dont les principes ont été acceptés, pour ce qui concerne le peuple français, lors du référendum sur le traité de Maastricht que nous trouverons le salut. À cet égard, nous ne remercierons jamais assez François Mitterrand d’avoir pris la responsabilité de poser cette question fondamentale à l’ensemble des Français,…

M. Michel Billout. Il aurait été bien de la reposer aujourd'hui !

M. Jean-Yves Leconte. … avec le soutien, à l’époque, de Jean-Luc Mélenchon.

Il est d’ailleurs étonnant de trouver parmi vous, chers camarades qui avez déposé cette motion, des tenants des outils des politiques monétaires menées à Londres, à Washington ou à Tokyo. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)

Notre responsabilité, aujourd’hui, est d’ouvrir un nouveau chemin permettant aux pays de l’Union européenne de trouver toute leur place dans une planète aux équilibres économiques, sociaux et environnementaux nouveaux.

Il n’y a aucun modèle à suivre : ce serait trop simple. Nous devons nous écouter les uns et les autres, appréhender le monde nouveau qui émerge, faire preuve d’audace et de courage pour dépasser nos réflexes issus des États nations du xixe siècle.

Si nous pouvons aujourd’hui soutenir le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, c’est bien parce que ce texte, issu d’un accord asymétrique franco-allemand imposé dans l’urgence à vingt-trois de nos partenaires européens en mars 2012, a été complété lors du sommet de juin dernier par une négociation plus équilibrée et respectueuse de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Il s’est vu principalement enrichi, d'une part, par un pacte pour la croissance et l’emploi doté d’un potentiel initial de 120 milliards d’euros, et, d’autre part, par l’affirmation de la nécessité de mettre en œuvre une union bancaire, condition essentielle pour instituer la supervision bancaire européenne sous la tutelle de la BCE qui nous manque dramatiquement.

Il était indispensable de mettre fin à l’irresponsabilité de la BCE en matière de supervision bancaire découlant des traités en vigueur, qui a suscité un laxisme dans ce domaine en Irlande ou en Espagne, notamment, avec des conséquences sociales tragiques dans ces deux pays et d’immenses coûts pour l’ensemble des Européens.

Il est important, monsieur le ministre, que cette union bancaire se formalise rapidement et que l’on dépasse les réticences se manifestant actuellement sur cette question, en particulier en Allemagne. Cela est essentiel pour équilibrer le vote positif qui sera probablement émis sur la ratification du TSCG et éviter de continuer à faire peser sur les comptes des États de la zone euro les conséquences des défaillances des banques privées.

Permettez-moi à présent d’exprimer certaines préoccupations à l’égard de ce que nous observons actuellement en Europe, où chaque pays tente de rétablir ses comptes publics en faisant preuve d’une certaine créativité fiscale…

Il est impératif d’être vigilant sur la cohérence et la lisibilité de ces nouveaux impôts. Lorsque l’on conjugue, par exemple, le nouvel assujettissement à la CSG et à la CRDS des revenus fonciers des non-résidents avec les nouveaux impôts décidés par M. Monti en Italie, ne sanctionne-t-on pas, par ce biais, la mobilité intra-européenne ? La question mérite d’être posée. La coordination budgétaire impose aussi que soit rapidement mise en place une coordination fiscale.

Cette coordination fiscale est incontournable si l’on veut avoir la possibilité de recourir, à l’avenir, aux fameux eurobonds dont nous appelons de nos vœux l’émission : une dette commune impose des recettes communes, une responsabilité commune, une fiscalité commune, bref, in fine, un gouvernement économique commun, dont les engagements seraient financés par un impôt s’appliquant à chaque citoyen, à chaque personne morale de la même manière sur l’ensemble de la zone. Ainsi, parler de fédéralisme ne doit plus être tabou : il s'agit du constat d’un impératif, dès lors que l’on a la préoccupation d’adosser aux politiques communes un contrôle démocratique.

En tant que socialistes, nous souhaitons transformer l’ordre économique et social. De quoi dépend aujourd’hui celui-ci ? Du cadre européen et de la solidarité qui s’y exerce : c’est dans cet espace qu’il se définit, c’est par l’organisation de cet espace que nous pouvons peser sur l’ordre économique mondial. Dès lors, n’ayons pas peur de placer le débat politique au niveau où il peut vraiment changer les choses, c’est-à-dire au niveau européen.

Il faudra commencer dès la prochaine période budgétaire 2014-2020, dès les prochaines élections européennes. Ces deux exercices ne peuvent être séparés, sinon l’un sera non démocratique, et l’autre trop factice. D’ailleurs, pourquoi la période budgétaire est-elle de six ans, tandis que le mandat parlementaire européen est de cinq ans ? Ne faudrait-il pas revoir cela ?

C’est à ces conditions, en acceptant avec confiance un débat politique à l'échelon européen, que l’on pourra réorienter notre politique commerciale, défendre les services publics en Europe, mettre enfin en place cette politique industrielle européenne qui nous manque tellement. En bref, il faut démontrer que l’Europe, ce n’est pas le problème, c’est la solution. J’observe d'ailleurs que ceux qui souffrent aujourd'hui, en Grèce, en Italie ou au Portugal, s’étonnent de l’euroscepticisme qui s’exprime en France. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)

C’est à ces conditions que les 120 milliards d’euros aujourd’hui mis sur la table pourront être la source d’une croissance nouvelle. En 2011, nous avons pu constater que deux des symboles les plus visibles de la construction européenne, à savoir la monnaie unique, d’une part, l’espace Schengen, d’autre part, n’étaient pas des acquis irréversibles : la monnaie unique, parce que depuis sa mise en place les imperfections pourtant identifiées n’ont pas été corrigées et risquent aujourd’hui d’entraîner sa chute ; l’espace de liberté et de circulation que représente la zone Schengen, parce qu’elle fut prise en otage par Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi au prétexte des « printemps arabes ».

Ces symboles d’une construction européenne fondée sur les cendres des tragédies européennes du XXe siècle pouvaient être remis en cause ! Dans l’état actuel du monde, de nos pays, marqué par des misères sociales, des revendications identitaires, quel danger, quelle menace pour nous tous !

N’opposons pas les concepts d’élargissement et d’approfondissement : ils sont complémentaires. L’esprit européen, les valeurs européennes imposent de mettre en œuvre les deux. Constatons d’ailleurs qu’aucune des causes de la crise actuelle n’est liée aux derniers élargissements.

N’opposons pas les membres de la zone euro aux autres pays de l’Union européenne qui veulent y adhérer à l'occasion des négociations de la prochaine période budgétaire. N’opposons pas le sud de l’Europe à l’Allemagne : la zone de solidarité qui existe est commune. Faire le bonheur des uns sur le dos des autres n’est tout simplement pas possible : l’interdépendance est totale. Chacun doit écouter et comprendre l’autre.

N’opposons pas l’est de l’Europe et le sud de la Méditerranée. L’Europe ne sera elle-même que si elle trouve la force de faire de la Méditerranée, où de formidables espoirs se sont levés depuis 2011, un espace de développement et de valeurs partagées, et non plus une frontière.

Souvenons-nous de ce qui a été fait à partir de 1989 sous l’impulsion de François Mitterrand, d’Helmut Kohl et de Jacques Delors, dont les efforts ont abouti à une nouvelle étape de la construction d’une Europe démocratique.

A contrario, souvenons-nous aussi de la tragédie vécue, à la même période, par les peuples de l’ex-Yougoslavie, lorsque les pays d’Europe, la France et l’Allemagne en particulier, n’ont pu s’accorder sur une attitude commune. Cette tragédie vite arrivée, au cœur de l’Europe, reste une honte pour notre continent. Cela doit nous rappeler que tout est précaire. Cet avertissement est encore valable.

C’est pourquoi le combat ne s’arrête jamais. La lutte démocratique exige aujourd’hui l’ouverture de nouveaux fronts. L’avenir, l’intérêt, les valeurs de l’Europe nous imposent de nous en montrer dignes.

Mes chers collègues, chers camarades auteurs de cette motion, voilà pourquoi l’Europe doit se doter des outils qui permettront son redressement.

Voilà pourquoi il faut aller de l’avant. Les avancées obtenues en juin dernier permettent de tracer de nouvelles perspectives, que notre vote d’aujourd’hui doit rendre possibles. C’est ainsi que nous remettrons la France au cœur de la construction européenne.

Voilà pourquoi il faut rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.

Sans grande originalité, je terminerai à mon tour mon intervention par une citation.

Mme Esther Benbassa. Nous aimons beaucoup les citations !

M. Jean-Yves Leconte. « On éprouve quelque stupeur quand on constate quels sont dans le monde d’aujourd’hui les tenants acharnés du dogme de la souveraineté sans limite et sans appel. Le socialisme, lui, est international. Il reste fidèle à sa tradition, à sa raison d’être, quand il affirme : “la souveraineté doit être réduite à la limite de l’indépendance. Elle doit être soumise à l’appel de la volonté collective – européenne aujourd’hui, universelle demain.” » Ainsi s’exprimait Léon Blum en 1948 ; ces propos n’ont pas pris une ride.

Mes chers collègues, chers camarades, allons de l’avant, n’ayons pas peur de mettre la politique au cœur de la construction européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, vous le savez, aux termes de l’article 44, alinéa 3, du règlement, la question préalable a pour objet de « faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération ».

Or, comme vous avez pu le constater depuis hier, une majorité semble se dégager pour adopter ce projet de loi, tandis que le débat se révèle d’une grande richesse. Je considère donc qu’il y a lieu de poursuivre la discussion, d’autant que la non-ratification du traité serait très préjudiciable à la zone euro, et en premier lieu à la France.

En effet, convenons que les processus en cours vont se poursuivre. L’Europe est en train de passer à l’étape suivante : un Conseil européen se tiendra les 18 et 19 octobre prochain et il importe de remédier à un certain nombre de dysfonctionnements. Nous devons être attentifs à ne pas affaiblir l’influence de la France dans ces discussions.

Je suis d’accord avec l’auteur de la motion lorsqu’il dit qu’un « non » français serait d’un grand poids. Je renverse l’argument : le « oui » français renforcera grandement notre capacité d’action en vue du règlement des dysfonctionnements constatés aujourd’hui en Europe.

Si le traité bafouait notre souveraineté budgétaire, le Conseil constitutionnel n’aurait pas manqué de demander une révision de la Constitution, de même que la Cour constitutionnelle fédérale allemande. Dans ces conditions, je ne crois pas que nous soyons en passe d’être mis sous tutelle et j’invite le Sénat, au nom de la commission des finances, à rejeter cette motion.

Néanmoins, je rejoins notre collègue Michel Billout sur un point : il est important que les décisions soient prises de manière transparente et lisible.

M. Guy Fischer. Il y a beaucoup à faire !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. De ce point de vue, il est vrai qu’il y a des progrès à faire. C’est d’ailleurs l’enjeu des discussions menées sur la base de la feuille de route établie par Herman Van Rompuy et de la mise en place de la conférence nationale des parlements nationaux prévue à l’article 13 du traité. Il est de notre intérêt de nous pencher sur ce sujet, tant il est vrai que, aujourd’hui, ce qui se passe à Bruxelles n’est pas suffisamment pris en considération dans la politique intérieure française.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. M. Billout a soulevé un certain nombre d’interrogations partagées par le Gouvernement, même si nous n’y apportons pas nécessairement les mêmes réponses.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement est, comme vous, très préoccupé par la situation de crise qui s’enkyste en Europe, l’aggravation du chômage, les conséquences potentielles du dérèglement des comptes publics sur la situation économique des États et les difficultés que rencontre l’Union européenne pour apporter au bon moment, dans l’urgence, les réponses adéquates.

Tout au long de ce débat, je n’ai pas senti qu’il y avait entre nous de divergences fondamentales quant aux objectifs. En revanche, nous sommes en désaccord sur la stratégie à adopter. C’est sur ce point que je voudrais m’attarder.

Nous souhaitons nous aussi épargner l’austérité aux peuples d’Europe. Pour ce faire, il faut que des conditions très concrètes soient remplies rapidement.

En premier lieu, au-delà du plan pour la croissance et pour l’emploi, doté de 120 milliards d’euros, il faut prendre d’autres initiatives pour la croissance.

Ces initiatives, quelles sont-elles ? D’abord, il faut un bon budget pour l’Union européenne. Nous sommes actuellement en négociation avec nos partenaires européens pour définir ce que seront les orientations du budget de l’Europe pour la période 2014-2020.

Il s’agit d’une enveloppe de 1 000 milliards d’euros. Nos prédécesseurs voulaient l’amputer de 200 milliards d’euros et prétendaient qu’une telle orientation permettrait à la fois de mener une politique de cohésion favorisant la croissance dans tous les pays de l’Union européenne et d’assurer un bon niveau d’aides directes au titre de la politique agricole commune. Nous ne nous inscrivons pas dans une telle stratégie, car nous n’entendons pas aborder le débat sur les perspectives financières pour la période 2014-2020 selon une approche comptable : nous ne serons pas parmi les plus pingres.

Si nous nous battons pour que soit mise en œuvre, dans le cadre d’une coopération renforcée, la taxe sur les transactions financières, c’est parce que nous pensons que cela peut permettre, à terme, de doter l’Union européenne de ressources propres et, partant, des moyens budgétaires de stimuler la croissance.

Par ailleurs, nous voulons aller plus loin en matière de réciprocité dans les échanges commerciaux. En effet, nos marchés publics ne doivent pas être ouverts à des acteurs économiques issus de pays dont les marchés publics seraient fermés à nos entreprises. La réciprocité, c’est non pas le protectionnisme, mais la mise en place de règles garantissant que les échanges commerciaux internationaux profiteront à l’ensemble des pays impliqués.

Enfin, nous voulons une politique industrielle européenne. Par exemple, nous sommes confrontés aujourd’hui à une crise de l’automobile. Le ministre du redressement productif a souhaité que nous engagions avec les Allemands un travail sur l’électromobilité. Nous avons adressé une lettre à tous les ministres de l’industrie des pays de l’Union européenne en vue de créer une vraie dynamique en faveur de la mise en place d’une politique industrielle à l’échelle européenne. Il convient en effet d’enclencher la réindustrialisation de l’Union européenne, laquelle a perdu beaucoup d’emplois industriels.

Cela ne suffira pas : il faut aussi remettre la finance en ordre et promouvoir la solidarité monétaire et financière. C’est sur ce point que porte le désaccord entre nous, monsieur Billout.

Finalement, devons-nous risquer d’ouvrir une nouvelle crise en ne ratifiant pas ce traité, alors que nous avons engagé la réorientation de l’Europe ? Devons-nous, en suivant une telle stratégie, prendre le risque d’un blocage du fonctionnement de l’Union européenne, dont les conséquences seraient payées par les peuples, ou devons-nous ratifier le traité pour aller plus loin dans la discussion avec nos partenaires, afin de créer les conditions de l’émergence de l’Europe que nous souhaitons et qui est, je vous le confirme, très différente de celle que nous avons trouvée en arrivant au pouvoir ? Nous avons fait le choix stratégique d’opter pour la seconde branche de cette alternative.

Ce traité n’est pas celui que nous aurions soumis au Parlement si nous avions été au pouvoir à l’époque de son élaboration. Il a été imposé au gouvernement précédent, qui s’était montré incapable de maintenir les comptes publics en équilibre et avait demandé à la Commission européenne l’autorisation de ne pas respecter les critères de convergence budgétaire fixés par les traités antérieurs. Ce traité, nous ne l’aurions pas rédigé ainsi, mais il existe. Dès lors que nous avons engagé sa réorientation, nous proposons pragmatiquement d’éviter qu’une crise ne s’ouvre en Europe, par le blocage du mécanisme de recapitalisation des banques par le MES et du dispositif d’intervention du FESF sur le marché secondaire des dettes souveraines. Les États en difficulté seraient alors obligés de procéder eux-mêmes à la recapitalisation de leurs banques en empruntant sur les marchés, à des conditions de taux très défavorables qu’ils répercuteraient sur les peuples que vous et nous souhaitons épargner. Ce risque-là, nous ne voulons pas le prendre.

Je respecte la position de ceux qui, comme vous-même, monsieur Billout, s’interrogent sur l’opportunité de ratifier le traité, mais je les invite à être très attentifs aux risques attachés à un blocage du fonctionnement de l’Union européenne, dès lors que notre objectif commun est d’éviter aux peuples une austérité sans fin.

C’est cette analyse pragmatique, fondée sur la réalité à laquelle nous sommes confrontés, qui nous a conduits à faire le choix stratégique que j’évoquais. Monsieur le sénateur, nous ne pouvons donc pas approuver la motion que vous avez soumise à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Opposer la question préalable à un projet de loi ne consiste pas simplement à demander le rejet de celui-ci ; cela revient à considérer qu’il n’est même pas nécessaire d’en débattre.

Or, comme vous le savez, mes chers collègues, les écologistes ont beaucoup discuté du TSCG… (Sourires.) Nous avons eu entre nous de nombreux échanges, souvent passionnés, parfois passionnants. Nous ne voulons donc pas perdre cette ultime occasion de débattre, pas seulement entre nous cette fois, mais devant l’opinion ! Nous cultivons, en notre sein, le respect des minorités, d’où notre attachement viscéral au débat contradictoire.

Il est affirmé, dans l’objet de la motion, que le traité bafoue la souveraineté budgétaire de notre pays.

D’un point de vue juridique, cette affirmation se trouve déjà contredite par le Conseil constitutionnel, lequel a considéré, dans sa décision du 9 août 2012, que le TSCG n’entraînait pas de perte de souveraineté pour la France. Si tel avait été le cas, il aurait requis une révision de la Constitution.

De même, le Parlement allemand, dont on connaît la vigilance particulièrement sourcilleuse en matière de souveraineté budgétaire, a approuvé le TSCG à une très large majorité, ne semblant pas y voir une dépossession fondamentale de ses prérogatives nationales.

D’un point de vue plus politique, pour les écologistes, transférer une part de souveraineté pour la déléguer à l’étage supérieur de la pyramide institutionnelle n’est pas tabou. Au contraire, cela correspond même à l’essence de notre vision fédéraliste des institutions.

À l’échelle de la France, on peut dire que les régions sont largement dépossédées de leur souveraineté au profit de l’État, à tel point que, en matière budgétaire, la règle qui les contraint à un équilibre absolu n’est pas d’or, mais d’airain ! Cela n’est a priori pas incompatible avec davantage de subsidiarité, pour des compétences identifiées.

Les écologistes sont favorables à un transfert de souveraineté du même type entre l’État et l’Europe. Nous considérons que nous pourrions tout à fait abandonner une partie de notre marge de manœuvre budgétaire nationale au profit de l’Europe. Évidemment, il conviendrait, au préalable, que cette Europe repose sur un régime parlementaire réellement démocratique et qu’elle soit dotée d’un budget substantiel, alimenté par des ressources propres.

Les inquiétudes et les incertitudes actuelles relatives à la gouvernance européenne sont évidemment légitimes. Pour autant, même ceux d’entre nous sénateurs écologistes qui s’apprêtent à rejeter la ratification du traité – au Sénat, il s’agit d’une forte minorité, mais d’une minorité tout de même ! – ne peuvent voter cette motion, dans la mesure où nous croyons y déceler une défiance assez nette à l’égard du projet européen fédéraliste que nous soutenons.

Or, si nous avons pu laisser entendre des divergences importantes de stratégie entre nous sur le meilleur moyen de nous approcher au plus près de l’Europe que nous appelons de nos vœux, c’est bien notre vision commune d’une Europe fédérale, solidaire et, bien sûr, écologique qui nous rassemble et constitue notre force.

C’est également parce que nous souhaitons avoir l’occasion, comme je le disais au début de mon propos, de prolonger le débat non seulement sur le TSCG, mais aussi sur l’ensemble des procédures européennes en cours, devant les Français, en toute transparence, ainsi que nous l’avons fait au sein de notre mouvement, que le groupe écologiste ne pourra voter cette motion tendant à opposer la question préalable, présentée par le groupe CRC. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens dès à présent à remercier l’ensemble des intervenants, sur toutes les travées, qui ont bien voulu participer à ce débat sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Tous ont apporté une contribution extrêmement utile, qui aura permis d’aller au fond des enjeux que présente ce traité pour la construction européenne, en matérialisant les risques, les interrogations qu’il pourrait présenter si n’étaient pas posées un certain nombre de garanties. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, il reste une motion de procédure à examiner…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’en suis bien conscient, mais, parmi celles et ceux qui sont intervenus, certains, me dit-on, doivent partir. Il m’a donc été demandé, ce que je fais bien volontiers, de leur répondre dès maintenant, pour ne pas donner le sentiment d’attendre le dernier moment pour parler, ce qui ne serait pas respectueux à l’égard de la Haute Assemblée.

Je commencerai en m’adressant aux orateurs du groupe communiste, qui se sont longuement exprimés. Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous poursuivrons, dans les semaines et les mois à venir, le combat que nous avons mené pour la réorientation de l’Europe, dans l’esprit que j’ai déjà indiqué à plusieurs reprises depuis hier.

Je ne doute pas que, à la faveur de la tenue des prochains Conseils européens, nous aurons l’occasion d’évoquer de nouveau ces sujets ensemble. Le débat se poursuivra ainsi entre nous et permettra de mesurer le décalage entre ce que nous disons vouloir faire et ce que nous aurons pu obtenir tout au long du quinquennat.

J’adresserai ensuite des remerciements à l’ensemble des orateurs du groupe socialiste. Ce matin, Alain Richard s’est exprimé avec la rigueur, la précision et la hauteur de vue qui caractérisent toujours ses interventions sur les sujets les plus pointus. Il l’a fait en avançant des idées auxquelles nous croyons et qui guident l’action gouvernementale.

Nous n’avons en effet pas vocation à laisser aux générations futures des dettes et des déficits sans fin. Il nous faut procéder au redressement de nos comptes publics, parce qu’il s’agit d’un engagement que nous avons pris. Nous voulons agir dans la justice, tout en créant les conditions de la croissance.

Je me tourne maintenant vers les orateurs de l’opposition. M. Philippe Bas, aujourd’hui, M. Jean Bizet, hier, ont évoqué des arguments précis, qui sonnaient comme autant d’interpellations à destination du Gouvernement. J’apporterai donc plusieurs éléments de réponse.

Pour ce qui concerne le projet européen lui-même, je répète ce que j’indiquais, hier, en réponse à un orateur du groupe UMP : le Gouvernement n’est pas du tout fermé à des évolutions institutionnelles. Vous ne pouvez donc pas dire, monsieur Bas, que notre démarche consiste à inscrire l’ensemble de ce qui pourrait être fait dans le cadre des seuls traités existants. Ce n’est ni ce que j’ai dit ni ce que je pense.

Je comprends que vous vouliez apporter la démonstration de ce que nous sommes prêts à faire et de ce que vous souhaiteriez nous voir faire. Or ce que nous nous apprêtons à faire est très différent à la fois de ce que vous imaginez et de ce que vous avez fait. J’avancerai donc, une nouvelle fois, des réponses précises, qui sont à peu près celles que j’ai déjà indiquées, avec quelques compléments d’information.

Je le redis, au moment où la crise s’aggrave, s’approfondit, s’enkyste, à l’heure où les peuples d’Europe en souffrent, s’inquiètent, manifestent et s’indignent, il nous paraît dangereux politiquement et absolument illusoire, en tant que proeuropéens, d’aller dire à ces mêmes peuples que la réponse que nous nous apprêtons à apporter est une nouvelle convention au terme de laquelle il y aura un nouveau référendum. Non, la politique européenne de la France ne se réduit pas à une réflexion sur les institutions européennes, présentée comme un préalable à toutes les solutions urgentes qu’appelle la crise !

Nous, nous sommes dans le concret. Pour sortir de la crise, nous proposons de remettre de l’ordre dans la finance, d’aller au bout de l’union bancaire, en mettant en place la supervision bancaire pour toutes les banques, pas seulement les banques systémiques.

Nous sommes à l’avant-garde, à la pointe du combat pour l’Union européenne. Tous ceux qui sont européens, résolument européens, qui croient en l’Europe, partagent notre souhait de doter celle-ci de dispositifs de contrôle de la finance propres à lui épargner les errements spéculatifs qui ont ruiné l’économie réelle au cours des dernières années. Nous, nous sommes à la pointe quand d’autres n’acceptent pas de nous suivre sur ce chemin.

Nous formons le vœu de voir l’Europe aller plus loin dans la solidarité monétaire et financière, mais nous comprenons très bien, monsieur Bas, qu’un certain nombre de pays du Nord, notamment l’Allemagne, notre partenaire, ne veuillent pas aller plus avant dans la solidarité tant que la discipline budgétaire n’est pas établie. Après tout, ces pays peuvent légitimement considérer qu’ils n’ont pas à payer indéfiniment pour d’autres qui n’appliquent pas, à eux-mêmes, les principes budgétaires que les Allemands, notamment, ont décidé d’appliquer à leur propre pays depuis longtemps.

Pour autant, dès lors que cette discipline budgétaire est acceptée comme un élément de la convergence des politiques économiques, qui garantit l’intégrité de la zone euro, au nom de quel argument s’opposerait-on à davantage de solidarité ?

C’est précisément parce que la discussion sur la discipline budgétaire s’est engagée que nous nous sentons légitimes à aller plus loin dans l’exigence de solidarité, en défendant l’émission commune d’obligations, la mise en place de fonds de rédemption, la création, demain, d’euro-obligations, dans une logique de mutualisation de la dette que Jean-Pierre Chevènement a appelé de ses vœux ce matin.

Comment pouvez-vous dire que nous ne sommes pas force de proposition, à l’avant-garde, alors que, précisément, sur les sujets que je viens d’évoquer, nous figurons, en Europe, parmi ceux qui sont les plus audacieux, qui tendent la main, qui proposent, qui invitent à une nouvelle frontière, dans un esprit de responsabilité, avec la volonté de faire en sorte que la discipline budgétaire permette le rétablissement des comptes publics.

À vous entendre, nous n’allons pas mettre en œuvre ce à quoi nous nous engageons. C’est vous qui parliez d’humilité précédemment. Celle-ci est toujours nécessaire dans le débat politique. Mais quelle est la situation qui nous a été laissée ?

Chacun connaît le niveau du déficit de notre commerce extérieur. Il traduit un problème de compétitivité de l’économie française, qui ne résulte pas des quatre mois d’exercice du pouvoir par ce gouvernement. (M. Philippe Bas en convient.) Nous pouvons, ensemble, le reconnaître, car il ne s’agit de rien d’autre que de rappeler des faits.

Cela vaut pour l’ensemble des déficits. Telle est la situation qu’a trouvée ce gouvernement voilà quatre mois, après dix ans d’exercice de la responsabilité gouvernementale par la majorité que vous souteniez à l’époque. La dette a augmenté dans des conditions considérables, vous le savez.

Par conséquent, si humilité il doit y avoir, elle doit consister, pour ceux qui ont laissé cette situation, à ne pas demander des comptes à ceux qui viennent de leur succéder.

Je ne prétends pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ferons mieux. Je vous dis simplement, en toute franchise et sans aucune agressivité, qu’il faut nous laisser le temps d’agir dès lors que chacun sait ce que, vous, vous avez fait.

Les dispositions que nous nous apprêtons à prendre visent à permettre le redressement fiscal dans la justice. Il est normal que les plus aisés, dans un contexte de crise profonde, soient appelés davantage à contribution que ceux qui n’ont rien, à partir du moment où cet effort contributif est accompagné d’un effort de rétablissement de nos comptes au travers d’économies budgétaires.

Qu’il me soit permis de le signaler, ce que nous allons proposer à la délibération de la représentation nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 traduit un effort de redressement des comptes plus rude que tout ce qui a pu être présenté auparavant. Comment pouvez-vous dire alors que nous n’avons pas la volonté de rétablir les comptes quand nous posons de tels actes ?

Bien entendu, il faut offrir des perspectives, fixer des objectifs, nourrir une ambition, laquelle doit reposer sur une vision. À mon sens, quand on est proeuropéen, on ne doit pas privilégier le « saut institutionnel » dans le cadre de ce traité : ce serait commettre une grave erreur.

Ce qui compte, c’est le projet pour l’Europe. Je veux vous le redire, celui que nous défendons n’est pas le vôtre. Nous, nous ne visons pas la discipline budgétaire et seulement celle-ci. Nous ne considérons pas le TSCG comme la pierre angulaire de la politique européenne. Nous ne sommes pas prêts à accompagner l’Europe dans des logiques sans cesse plus punitives et plus disciplinaires, sans qu’il y ait aucune perspective qui permette de réenchanter la construction européenne et de donner des objectifs aux peuples.

Si vous votez ce traité en pensant que nous allons mener la politique que vous vous apprêtiez à conduire, vous vous trompez. Je n’aurai pas l’audace de vous conseiller de ne pas le voter, mais sachez que nous prendrons d’autres initiatives pour renforcer la croissance, la solidarité, la mutualisation de la dette, l’intervention de la Banque centrale européenne, l’évolution institutionnelle. Nous le ferons parce qu’il y aura une parole forte de la France, pour défendre un projet de solidarité, où se mêlent politique industrielle, politique sociale, volonté de mutualiser la dette, dès lors que la discipline budgétaire est communément acceptée et mise en œuvre.

Ce projet, ce n’est ni le projet allemand, ni le projet danois, ni le projet espagnol, c’est le projet de l’Europe, auquel nous devons contribuer en étant nous-mêmes.

L’Europe n’a jamais été aussi forte que lorsque les pays se sont parlé librement, franchement, à partir de leurs positions respectives. C’est une vraie différence entre votre positionnement et le nôtre. Nous, nous ne considérons pas que l’axe franco-allemand soit d’autant plus solide que nous précédons les souhaits des Allemands à notre égard, sans même nous être employés à leur dire ce que nous-mêmes attendons d’eux.

Nous avons le droit d’avoir une position différente de nos partenaires. Ce n’est pas grave. Eux-mêmes ont, sur bien des sujets, une position différente de la nôtre. Ce qui compte, à la fin, c’est que soient bâtis des compromis solides.

Or, historiquement, que ce soit sous Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, François Mitterrand et Helmut Kohl, ou Jacques Chirac et Gerhard Schröder, dès lors que nos deux pays ont accepté de se parler franchement, y compris de leurs désaccords, et que le compromis s’est construit sur autre chose que l’ambiguïté, la relation franco-allemande n’a jamais été aussi forte.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, n’ayez aucune crainte, nous ne mènerons pas votre politique ! Nous avons la nôtre : elle repose sur une vision, une ambition, une volonté.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où se conclut le débat sur cette motion de procédure et que s’ouvre celui sur la suivante, je voulais simplement vous dire que nous aurons, dans les semaines, les mois, les années à venir, d’autres occasions de débattre des questions européennes. À nous de conserver cette qualité d’échanges, ce respect mutuel, pour faire en sorte que l’Europe que nous voulons, qui est très différente de celle qui nous a été laissée, puisse vivre demain ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d’une motion n°3.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (n° 23, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la motion.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à déplorer les conditions dans lesquelles se déroule le débat. Alors que la discussion n’est pas encore terminée, le ministre décide de répondre aux orateurs, puis on me demande de prendre la parole, tout en sachant que la séance va être suspendue dans quelques minutes. Pour notre collègue qui doit intervenir contre la motion, ce n’est pas très agréable. Il aurait mieux valu organiser les débats de façon plus logique.

Cela étant, je voudrais revenir sur les propos que vous avez tenus, monsieur Leconte. Nous avons, nous aussi, une idée de l’Europe : elle est, certes, éloignée de la vôtre, mais elle existe. Nous n’avons donc pas de conseils à recevoir de votre part, surtout pas de ce genre-là.

J’en viens à la présentation de la motion tendant au renvoi à la commission.

La discussion du projet de loi montre que nous sommes loin d’une banale convention fiscale internationale comportant un simple article de validation de l’avenant le plus récemment signé entre la France et l’un de ses interlocuteurs internationaux. Nous sommes en présence d’un texte porteur de changements profonds dans la gestion de nos affaires publiques, mais de changements éloignés de l’idée que s’en faisait la majorité du peuple français au printemps dernier.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu dire que vos prédécesseurs étaient mauvais, qu’ils ont contribué à faire augmenter le chômage, à affaiblir le pays.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ça, c’est vrai !

M. Thierry Foucaud. Bien sûr, je partage votre avis.

M. Thierry Foucaud. Pourtant, pas un mot, pas une virgule, pas un paragraphe n’a été modifié dans le traité annexé à l’article unique. Le changement attendu par les Françaises et les Français se retrouve limité à « tenir la parole » de la France en ratifiant le texte. Sarkozy a coécrit le traité avec Merkel et semble donc nous avoir engagés à le respecter !

Mais que dire du volet de croissance qui figure dans les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, un volet de croissance qui justifie que, bon gré mal gré, nous soyons amenés à ratifier le texte qui nous est proposé ?

Je cite ce passage, au demeurant en français dans le texte : les États membres s’attacheront « à promouvoir la croissance et la compétitivité, notamment en s’attaquant aux déséquilibres profonds et en allant plus loin dans les réformes structurelles afin de libérer le potentiel national de croissance, grâce, entre autres, à l’ouverture de la concurrence dans le secteur des entreprises de réseau, à la promotion de l’économie numérique, à l’exploitation du potentiel de l’économie verte, à la suppression des restrictions injustifiées appliquées aux prestataires de services et aux mesures visant à faciliter le démarrage d’une entreprise ».

Au traité budgétaire s’ajoute donc le retour des vieilles lunes libérales des bienfaits de l’ouverture à la concurrence sur les entreprises de réseau, sur les services – on peut dire que Bolkestein est de retour ! –, toutes dispositions dont les zones blanches de l’internet et les territoires enclavés entre deux autoroutes et deux lignes ferroviaires à grande vitesse sont la meilleure démonstration d’efficacité.

N’en déplaise à beaucoup, l’intervention publique dans l’économie n’a jamais constitué un obstacle au plein développement des potentiels de croissance. Bien au contraire pourrions-nous même dire au regard de la situation de quelques pays privés d’opérateurs publics performants en matière d’énergie, de télécommunications, et j’en passe !

Comprenez, mes chers collègues, que le traité de stabilité, pas plus que son appendice fièrement appelé « pacte pour la croissance et l’emploi », qui vise à aller plus loin dans la libéralisation des services et la flexibilité de l’emploi, une flexibilité d’ailleurs encouragée financièrement dans le cadre du pacte lui-même, ne peut décemment qu’appeler nombre d’observations de fond et de forme.

La discussion du projet de loi de ratification est le premier volet d’une tragicomédie en cinq actes qui va nous occuper une bonne partie de l’automne. Elle sera suivie par l’examen du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, puis du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le tout, évidemment, avant l’épilogue prévisible que constitueront, au cours de l’année 2013, si l’on n’y prend garde, les lois de finances rectificatives ou de redressement occasionnées par le choc récessif des dispositions ici rapidement évoquées.

Comment attendre 0,8 % de croissance en 2013 après cinq trimestres consécutifs à 0 % ?

Tragicomédie, disais-je, puisque l’on pourrait ainsi résumer le processus futur de confection de nos lois de finances.

Avant le TSCG, nous avions une phase de préparation du budget, marquée, dès avant l’été, par des lettres de cadrage, par des consultations menées avec les partenaires sociaux et les formations politiques, avant que le projet de loi de finances ne soit discuté, débattu, amendé et, finalement, promulgué au terme de la navette parlementaire. Et le Parlement disposait, tout au long de l’année, de pouvoirs de contrôle et d’investigation sur les engagements pris par l’État !

Dans les collectivités territoriales, les conseils municipaux débattaient des orientations budgétaires, puis votaient un budget dès le premier trimestre civil avant de procéder, au terme de la discussion du budget supplémentaire, aux quelques ajustements rendus nécessaires par la situation.

Bien évidemment, au moins depuis une bonne vingtaine d’années et la naissance de l’enveloppe normée des concours, les élus locaux s’inquiètent de connaître l’évolution des choses, notamment des moyens que leur apporteront les dotations de l’État.

Demain, ces équilibres fragiles de la démocratie locale – pour les collectivités territoriales –, de la démocratie sociale – déjà sérieusement entamée mais restant en partie présente dans la gestion de la sécurité sociale – et de la représentation nationale – vote du budget par le Parlement et contrôle de son exécution par celui-ci – vont voler en éclats parce qu’un aréopage d’experts, pompeusement dénommé Haut Conseil des finances publiques, aura déterminé, par avance et au regard de nos engagements internationaux, ce que la loi de finances comme les lois de financement devront comprendre. Il se prononcera également sur ce qu’il conviendra de faire si, d’aventure, la conjoncture économique est si déprimée qu’il importe de procéder à la construction de mesures de redressement des comptes.

Au demeurant, le Haut Conseil ne fera que jouer le rôle sourcilleux de gendarme veillant au respect des règles fixées par le traité européen. Ce collège de docteurs « ès austérité » aura aussi la liberté de partager la facture de redressement entre sous-ensembles du secteur public. On peut imaginer l’affaire !

Supposons que la France soit en décalage de 5 milliards d’euros par rapport à ce qui lui est demandé. Eh bien, j’imagine que le Haut Conseil, agissant par procuration, incitera l’État à trouver 3 milliards d’euros, la sécurité sociale 1,5 milliard d’euros et les collectivités locales 500 millions d’euros… Voilà qui laissera au Parlement, comme aux assemblées élues dans nos territoires, une seule liberté, celle de fixer les conditions d’administration de la purge !

Je doute que si, d’aventure, la hausse des impôts générée par telle ou telle mesure est supérieure au décalage observé, l’excédent puisse être mobilisé pour répondre aux besoins collectifs. Non, ce sera toujours le même refrain : tout pour réduire le déficit ! Telle est la réalité !

De fait, la motion de renvoi à la commission paraît pleinement justifiée aux yeux du groupe CRC.

Comment peut-on se dispenser de l’avis de la commission des lois, alors même que les principes de libre administration des collectivités territoriales sont clairement remis en cause par la logique interne du traité ?

Comment peut-on se passer d’un avis de la commission des affaires sociales, à compter du moment où les équilibres financiers de la sécurité sociale pourront fort bien être mis en question au travers de mesures aussi populaires que la réduction de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ou un éventuel report de l’âge de départ à la retraite ?

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Thierry Foucaud. Comment peut-on se dispenser de l’avis de notre commission des affaires économiques, comme de celle du développement durable, alors qu’il est évident que tout effort de redressement des comptes publics passera par une mise en question de crédits affectés ou destinés à notre politique environnementale, à nos choix d’infrastructure ?

Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, Aurélie Filippetti, ministre de la culture, a d’ores et déjà annoncé que certains projets d’équipements culturels marqueraient une pause. De même, on parle de la mise en suspens de la réalisation du canal Seine-Nord, liaison fluviale de première importance.

Au moment où l’on parle de redressement, de croissance, il est bien évident que si ces programmes sont interrompus, on est dans la décroissance, dans le sous-emploi !

L’interruption, voire la mise en question de Seine-Nord Europe, ce sont les économies budgétaires d’aujourd’hui qui nous coûtent le développement de l’économie de demain. Elles mettent en cause les infrastructures intermodales déjà en cours de réalisation, les emplois et l’activité qu’elles pourraient générer.

Dans le même ordre d’idées, mon amie Mireille Schurch, sénatrice de l’Allier, m’indiquait récemment que les nécessaires travaux de mise au gabarit de la route nationale 145, la trop tristement célèbre route Centre Europe Atlantique, seraient probablement remis en question.

À partir de ces exemples que d’aucuns qualifieront de simplistes, la question est posée : combien faudra-t-il encore de pertes en vies humaines pour arriver à la mise en sécurité de la N 145 et à une réflexion plus globale sur les alternatives à la route, notamment le développement indispensable du fret ferroviaire dans le cœur de notre pays par trop enclavé encore ?

Vous le voyez, ce débat sur le traité budgétaire n’est pas qu’une affaire d’indices statistiques. Le traité budgétaire a et aura, mes chers collègues, dans tous les cas de figure, une traduction concrète, au plus près des territoires que nous représentons et des citoyens qui nous confient l’honneur de parler ici en leur nom. Le projet de loi de finances pour 2013, pour ne donner qu’un exemple, transpire dans tous ses articles, dans son architecture générale, dans ses objectifs et finalités, la logique du traité.

Augmenter les impôts, contenir les créations d’emplois budgétaires, geler ou réduire la dépense publique, procéder, au besoin, aux transferts de compétences et de charges en direction des collectivités locales ou de la sécurité sociale, tout concourt et concourra – dans le cadre de la loi de programmation – à répondre aux objectifs du traité.

Je ne peux manquer de souligner ici que la mise en œuvre du traité budgétaire souffrira de plusieurs obstacles qui auraient mérité autre chose que la consultation parlementaire qui nous est proposée.

Ainsi, il va bien falloir, mes chers collègues, qu’Eurostat, sur la foi des éléments fournis par les différents signataires du traité, nous dise exactement ce qu’est le déficit structurel du budget de l’État et ce que serait son déficit conjoncturel. En disant cela, je rejoins M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, qui s’est exprimé récemment sur le sujet en commission.

Si la définition du déficit structurel est arrêtée, qu’on nous la fournisse au plus tôt, monsieur le ministre, ne serait-ce que pour ceux qui l’auraient oubliée. Tous les pays de l’Union n’ont pas le même aménagement du territoire, la même structure économique, la même situation démographique, autant d’éléments constituants de la société propre à chaque nation. Les différences de taux d’activité féminine sont déjà, pour ne donner qu’un exemple, un aspect structurant des économies et sociétés des pays européens.

Un économiste comme Benoît Cœuré, ancien de l’INSEE, ancien directeur de l’Agence France Trésor et aujourd’hui membre du directoire de la BCE, avait lui-même conclu, dans une étude publiée en 1998, que la notion de déficit structurel ne pouvait être définie avec précision et qu’il convenait même de s’en garder. Tout simplement parce que les paramètres qui servent à le déterminer, notamment la distinction entre croissance du PIB et PIB potentiel, c’est-à-dire l’écart de PIB, sont d’un maniement complexe pour définir toute politique économique.

Les membres de mon groupe et moi-même sommes toutefois persuadés de quelque chose : quarante ans de dérégulation financière renforcée, quarante ans de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises, quarante ans de prise en charge par les deniers publics des désordres du marché ont largement contribué à la situation actuelle.

L’armée industrielle de réserve que constituent 3 millions de chômeurs à temps plein et 2 autres millions à temps partiel montre clairement où est l’origine du déficit des comptes publics.

M. Guy Fischer. Cela fait 5 millions de chômeurs !

M. Thierry Foucaud. Et que dire du gaspillage de l’argent laissé au libre arbitre d’agents économiques qui n’ont pas joué le jeu et ont préféré le profit de court terme à toute autre considération ?

Pour respecter mon temps de parole, je dois à présent conclure, mais je sais que d’autres membres de mon groupe ont déjà défendu ces arguments et mieux que je ne l’ai fait. En tout cas, vous aurez aisément compris pourquoi il ne faut surtout ni signer ni ratifier ce pacte budgétaire sans en avoir mesuré tous les tenants et aboutissants. Voilà ce que propose la motion de renvoi à la commission ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Discussion générale

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

énergies renouvelables

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Le groupe du RDSE auquel j’appartiens est très attentif au développement des énergies renouvelables. Notre position, déjà exprimée à plusieurs reprises dans cette enceinte, est connue : l’indépendance énergétique de la France est un objectif incontournable qui doit reposer sur la recherche et le développement des deux filières d’excellence que sont le nucléaire et les énergies renouvelables.

À l’issue de la conférence environnementale qui s’est tenue voilà quelques semaines, le Gouvernement a présenté une feuille de route pour la transition écologique. Elle peut se résumer à cette phrase forte : « Les énergies renouvelables et les nouvelles technologies de l’énergie offrent l’opportunité d’une nouvelle révolution industrielle et sociétale. » Le groupe du RDSE souscrit entièrement à cette idée.

Nous connaissons, madame la ministre, le lourd héritage que vous avez à gérer en matière d’énergies renouvelables et l’état dramatique des filières photovoltaïque et éolienne, avec des fermetures d’usines et des suppressions d’emplois. Nous savons aussi que vous travaillez à l’élaboration d’une véritable politique de relance de ces filières.

Reste qu’il y a urgence à traiter des dossiers en attente et à prendre des décisions qui, dans cette phase de transition, vont permettre de sauver ce qui peut encore l’être. En effet, sur nos territoires, beaucoup d’entreprises nous font part de leurs grandes difficultés. Elles se heurtent à une politique tarifaire inadaptée, à des procédures administratives extrêmement lourdes et complexes, à des délais excessifs, ou encore à des retards dans l’exécution des récents appels d’offres, qui sont incompatibles avec leur survie économique. En un mot, ces entreprises n’ont aucune visibilité à court terme sur leur avenir.

Nos concitoyens, nos entrepreneurs qui ont pourtant pris le risque de se lancer dans ces nouvelles filières et les élus locaux qui ont fait le choix de les soutenir méritent mieux. Ils sont en droit d’attendre des mesures concrètes de sauvegarde de ces filières.

Madame la ministre, ma question est donc la suivante : que comptez-vous faire face à ces problèmes dans les semaines qui viennent – j’ose dire : « dans les jours qui viennent » – pour redresser cette situation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur Vall, je vous remercie de votre question qui me permet de souligner combien il est urgent de prendre des mesures qui relèvent de ce que j’appelle le « patriotisme écologique », afin de répondre aux attentes de filières industrielles qui souffrent dans le domaine des énergies renouvelables.

Vous le savez, la France s’est engagée dans une politique de transition énergétique. Les engagements qu’a pris le Président de la République doivent aboutir en 2025 à une évolution de notre mix électrique. Cela doit passer par la montée en puissance des énergies renouvelables.

Très prochainement s’ouvrira le débat sur la transition énergétique, qui permettra de mettre en place un cadre stable et durable pour la durée du quinquennat, qui donnera aux entreprises la visibilité dont elles ont besoin pour orienter leurs investissements et leurs stratégies.

Cela dit, vous avez raison, il faut prendre des mesures d’urgence.

C’est pourquoi nous avons annoncé pour la filière solaire le lancement d’un nouvel appel d’offres pour les grandes installations, la continuation des appels d’offres pour les moyennes installations et l’augmentation du tarif de rachat pour le petit photovoltaïque. Ces mesures donneront lieu à des systèmes de bonification pour la création de valeur ajoutée sur le territoire national puisque notre but est de soutenir les entreprises qui créent des emplois en France. C’est un aspect très important des mesures de soutien à la filière solaire.

Nous discutons actuellement, vous le savez, de mesures de relance de l’énergie éolienne, car nous sommes très loin des objectifs du Grenelle de l’environnement. Nous sommes aujourd’hui seulement à 6 870 mégawattheures de puissance installée, et il est donc, là aussi, nécessaire d’agir. Il y a eu un effondrement des projets d’implantation d’éoliennes alors que l’énergie éolienne est assez compétitive.

La filière éolienne a fait l’objet d’amendements présentés par le Gouvernement lors de l’examen de la proposition de loi de M. François Brottes à l’Assemblée nationale. Des dispositions visant à une simplification administrative ont été adoptées ; elles prévoient la consultation systématique des élus locaux et des citoyens en cas de projets d’implantation d’éoliennes. Cette simplification des procédures administratives permettra que ces projets soient davantage soutenus.

Vous l’avez souligné à juste titre : l’énergie éolienne représente 11 000 emplois en France et 180 entreprises. Tous attendent aujourd’hui des mesures de soutien et des mesures d’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

grand paris

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Ma question s’adresse autant à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche qu’à M. le ministre délégué chargé du budget.

Nous avons appris avec stupéfaction, par la presse, la décision du Gouvernement de ne pas inscrire, dans la loi de programmation budgétaire, le milliard d’euros prévu en dotation à la Société du Grand Paris, pour la réalisation du Grand Paris Express. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Gérard Larcher. Scandaleux !

M. Christian Favier. Cette décision a causé immédiatement une très vive émotion parmi la population et l’ensemble des élus locaux.

M. Christian Favier. Si elle était maintenue, cette décision constituerait un très mauvais coup : d’abord, pour les millions d’usagers de la région capitale, confrontés tous les jours à de grandes difficultés pour se déplacer ; ensuite pour l’emploi et la croissance de la région capitale.

Si ce projet devait ne plus être financé ou même être retardé, ce serait un véritable choc pour l’économie francilienne. Dès lors, à quoi bon évoquer l’idée même d’une politique régionale ambitieuse d’aménagement, d’environnement, de logement, de développement économique !

M. Christian Cambon et Mme Chantal Jouanno. Absolument !

M. Christian Favier. Face à des enjeux aussi lourds, le conseil d’administration du syndicat des transports d’Île-de-France s’est exprimé hier de façon extrêmement claire et nette en adoptant à l’unanimité, toutes sensibilités politiques rassemblées, un vœu demandant l’inscription de ces crédits, d’ici à la fin de l’année, dans la loi de programmation budgétaire.

Un sénateur de l’UMP. Très bien !

M. Christian Favier. Monsieur le ministre, comment parler de pacte de confiance entre l’État et les collectivités locales si un tel projet, qui a fait l’objet d’un accord unanime en janvier 2011 entre l’État, la région et tous les départements d’Île-de-France, était aujourd’hui remis en cause, alors que l’enquête publique sur le premier tronçon sud, qui va des Hauts-de-Seine à la Seine-Saint-Denis et qui traverse tout le Val-de-Marne, va débuter dans quelques semaines ?

Aussi ma question est-elle simple : allez-vous, dans la loi de programmation budgétaire, réinscrire le milliard d’euros manquant et confirmer vos engagements, aux côtés des collectivités territoriales franciliennes, en faveur de la réalisation du métro du Grand Paris Express, dans les délais annoncés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe écologiste et de l’UCR. Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Philippe Kaltenbach applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Mme Cécile Duflot, qui m’a demandé de vous transmettre les réponses claires, comme elles le sont d’ailleurs de façon constante (Rires sur les travées de l’UMP.), qu’elle entendait vous faire au nom du Gouvernement.

Vous le savez, le Grand Paris est un engagement répété du Président de la République. C’est donc aussi celui du Gouvernement. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)

Le schéma d’ensemble unit l’État et la région d’Île-de-France. Il ne changera pas. (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Le tracé des lignes sera confirmé et la localisation des gares sera maintenue. Laisser planer le doute n’y changera rien (Oh ! sur les travées de l’UMP.), pas plus que les vociférations qui ne masquent pas l’absence de toute force de démonstration. C’est, je le répète, un engagement du Gouvernement.

Pour ce qui est de la réalisation financière, le plan de financement sera décidé, et il reflétera une politique de priorisation.

M. Alain Gournac. C’est lamentable !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Ce qui est vrai pour le SNIT, le schéma national des infrastructures de transport, dont j’ai la charge, est vrai aussi pour le Grand Paris, à propos duquel un certain nombre de promesses ont été faites.

M. Jacky Le Menn. Très bien !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il nous revient maintenant d’assumer les responsabilités qui découlent des engagements pris par d’autres. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Nous nous y attellerons avec rigueur et méthode. Nous verrons point par point, ligne par ligne, gare par gare, les conditions financières qui nous permettront de mener à bien ce projet, qui n’est pas simplement un projet de transport. C’est un projet d’aménagement, d’équilibre du territoire, qui permettra d’apporter des réponses au quotidien des Franciliens.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Vous le savez, le respect de cet engagement sur la qualité des transports, sur l’aménagement du territoire, sur les réponses aux attentes des Franciliens est une préoccupation constante du Gouvernement.

M. Gérard Cornu. Des actes !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je ne fais que réaffirmer ce que Cécile Duflot a dit et répété. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Alors, tout va bien !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs qui siégez à droite dans cet hémicycle, peut-être êtes-vous trop privés de la parole de Mme Duflot (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.), ce qui explique votre agitation, mais je ne fais que répéter ce qu’elle a déjà dit ; je me fais son porte-parole pour dire que, comme s’y est engagé l’ensemble du Gouvernement, lorsqu’il sera nécessaire d’inscrire le fameux milliard permettant la poursuite de ce projet, nous le ferons. (Mêmes mouvements.)

M. Alain Gournac. Une table ronde ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Cette inscription est aujourd’hui envisagée pour 2015, s’il est nécessaire d’intervenir avant, nous le ferons ; le Gouvernement assumera ses responsabilités et répondra à vos attentes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

violences scolaires

M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Marie-Annick Duchêne. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

La multiplication des incidents dans les établissements scolaires, l’évolution préoccupante de ce phénomène et d’actes qui relèvent, pour moi, plus du code pénal que du simple fait divers constituent de vraies questions de société.

Dans un contexte de banalisation de la violence et de rejet de toute forme d’autorité, prévenir et lutter contre cette violence en milieu scolaire est une des conditions essentielles de la refondation de l’école.

Ce n’est que dans une ambiance apaisée que tous les acteurs pourront travailler en concertation, dans le respect des compétences dévolues à chacun, et dans un climat de confiance mutuelle.

La refondation de l’école, monsieur le ministre, nécessitera, vous le savez, beaucoup plus que la réforme des rythmes scolaires.

Dans le rapport de concertation, je n’ai quasiment rien trouvé – excepté quelques éléments à la page 45 – qui permette de croire que vous vous donnerez les moyens de relever ce défi essentiel, rien qui laisse entrevoir des pistes d’actions pour faire reculer la violence en milieu scolaire.

M. Alain Gournac. Une table ronde ?

Mme Marie-Annick Duchêne. Monsieur le ministre, où sont les propositions et les orientations du Gouvernement pour assurer la sécurisation des établissements, redonner du sens à la prévention, à l’éducation et aux sanctions scolaires pour réintroduire, enfin, la fonction d’autorité ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la sénatrice, vous avez raison d’appeler l’attention de la représentation nationale et du Gouvernement sur des phénomènes qui nous affectent tous, sur ces blessures pour notre République, qui entravent la transmission que nous voulons opérer vers les plus jeunes.

Les adultes sont évidemment – car j’entends souvent les discours sur la jeunesse – les premiers responsables de cet état de fait. C’est ce qui a justifié que le Président de la République fasse de l’école et de la jeunesse sa priorité.

La jeunesse, c’est la France de demain, et nous voyons bien que, dans la transmission d’un certain nombre de valeurs telles que l’ordre et l’autorité, nous avons, ces dernières années, failli.

Vous déplorez – à tort, car je ne crois pas que cela soit un sujet de polémique, en tout cas je ne le souhaite pas – que la concertation n’ait pas abordé ce sujet. La concertation, à laquelle les sénateurs et les sénatrices participaient, était libre d’aborder tous les sujets qu’elle voulait. En tout cas, le Gouvernement aborde ce sujet avec beaucoup de résolution.

D’abord, vous le savez sans doute, nous avons créé, à la demande du Président de la République, un nouveau métier : assistant de prévention et de sécurité.

J’entendais l’un d’entre vous dire : « Encore une commission ! ». Non, ces 500 emplois nouveaux sont déjà en train d’exercer leurs responsabilités dans les collèges les plus en difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Jamais, y compris durant les dix années pendant lesquelles vous avez été aux responsabilités, les termes « violence scolaire » n’avaient figuré dans les intitulés des directions de l’éducation nationale. Or, voilà un mois, j’ai demandé la création – et cela a été fait – d’une délégation à la prévention et à la lutte contre les violences scolaires.

Cette délégation est chargée non seulement de mieux nous faire connaître ce phénomène, mais également de nous aider à nous outiller pour lutter contre ce type de violence et de former les professeurs à mieux y réagir, en relation avec les services de justice et de police. Jamais je n’ai remis en cause, vous l’aurez noté, les équipes mobiles de sécurité.

Le délégué qui a été nommé a été auditionné par l’Assemblée nationale, et j’invite le Sénat à faire de même. Il a clairement indiqué que, parmi les missions qui lui étaient confiées, il veillerait à améliorer le travail réalisé dans les établissements sensibles avec les équipes de sécurité.

Sachez également que, chaque fois qu’un enseignant a été agressé, j’ai invoqué l’article 40 du code de procédure pénale. C’est la première fois que cette procédure est utilisée ! Il est en effet inadmissible que des personnels de service public puissent éprouver la moindre crainte – cela vaut aussi pour les élèves, mais je parle dans le cadre de mes responsabilités – à transmettre, en notre nom à tous, la connaissance et les valeurs de la République.

Je souhaite que tous les Français se rassemblent autour de l’école et de cet impératif : le retour de l’autorité.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’assurer la présence d’adultes dans les établissements, de recréer de la conscience, d’enseigner la morale laïque et de faire preuve d’exemplarité dans nos comportements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

grand paris

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais, en son absence, je sais que M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche me répondra.

La mondialisation implique le développement d’une économie entrepreneuriale de la connaissance et se caractérise par la puissance de l’urbanisation. En conséquence, les grandes villes sont devenues le moteur essentiel de l’économie mondiale.

Les villes-monde, comme New York, Londres, Tokyo et Paris, avec les nouvelles entrantes – je pense notamment à Shanghai ou à São Paulo –, sont devenues la référence de cette mondialisation. Or Paris est une petite ville de 2 millions d’habitants enfermée dans son périphérique. (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Par contre, Paris-Île-de-France est une ville-monde, où 18 % de la population française fournit 29 % du PIB, dont 22 % est utilisé par les Franciliens, le reste étant distribué dans les autres régions françaises.

Le Président Nicolas Sarkozy en avait pris acte dans son discours du 29 avril 2009. La loi du 3 juin 2010 sur la grande boucle des transports parisiens constituait le premier pas pour accompagner, pour conforter les pôles stratégiques d’Île-de-France et assurer le développement économique du pays et de l’Europe. Cela s’est fait avec le consensus des acteurs politiques, économiques et sociaux de la région, même si, à l’époque, nos collègues des groupes communiste et socialiste n’avaient pas voté cette loi.

Toutefois, en dehors d’une allusion du Président de la République le jour de son investiture à l’hôtel de ville de Paris, qui a parlé discrètement d’une métropole parisienne, nous avons été très surpris que, vendredi dernier, dans son discours supposé fondateur sur les collectivités territoriales, il n’ait pas dit un mot sur la nécessité de construire le Grand Paris.

M. Yves Pozzo di Borgo. Ajoutez à cela l’absence du premier milliard d’euros sur le Grand Paris dans la loi de programmation budgétaire, alors même que 311 millions d’euros de taxe spéciale ont déjà été prélevés sur les entreprises franciliennes pour financer ce projet, sans compter la part que les Franciliens paient sur leurs impôts locaux !

Vous comprendrez, monsieur le Premier ministre, ou plutôt vous, monsieur le ministre qui allez répondre à ma question – Mme la ministre de l’écologie étant elle aussi absente –,…

M. Michel Savin. Mais où sont-ils ?

M. Yves Pozzo di Borgo. … que les élus franciliens, dont beaucoup de vos amis politiques, notamment le président de la région lui-même, s’interrogent sur l’absence de réflexion et de vision sur ce dossier majeur.

M. Yves Pozzo di Borgo. Ce gouvernement a-t-il une vision du Grand Paris ? Si oui, laquelle ? Deux minutes trente pour répondre, cela sera peut-être un peu court, mais nous avons besoin d’être rassurés. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)

M. Joël Guerriau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, puisque vous avez besoin d’être rassuré,…

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … je vais vous redire pour la énième fois combien le Gouvernement, dont notamment Mme Duflot, la ministre chargée de l’égalité des territoires,…

M. Joël Guerriau. Encore elle !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … est attentif à la concrétisation de la réalisation du Grand Paris.

Vous avez replacé Paris dans un contexte de compétitivité internationale, mais le Grand Paris tel que le Gouvernement souhaite le réaliser – et nous le ferons ! – est le Grand Paris des habitants. S’il doit bien évidemment être une source d’attractivité nationale, voire internationale, il doit pouvoir répondre aux besoins du quotidien.

Le Grand Paris qui est le nôtre, c’est celui de l’emploi, de l’attractivité économique, du logement, notamment social,…

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … pour répondre à la volonté du Président de la République et du Premier ministre. C’est également le Grand Paris de l’égalité des territoires pour éviter que des zones de cette région ne soient enclavées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. C’est le Grand Paris de l’efficacité, de la solidarité et de l’innovation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Alain Gournac. Blablabla !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Bref, c’est un Grand Paris que nous rendrons crédible, alors que vous nous avez surtout laissé un Grand Paris qui n’est qu’une succession de promesses et de projets. Nous, nous ne nous limitons pas à faire des projets, nous les concrétisons !

M. Alain Gournac. C’est une catastrophe !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. J’ai répondu il y a quelques instants sur le milliard d’euros que vous avez évoqué, mais vous l’avez dit vous-même, des crédits ont été levés : dès demain,…

M. Alain Gournac. Le changement, c’est demain !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … nous devrons répondre aux attentes des Franciliens, et je pense notamment au caractère anxiogène des transports.

Nous le ferons, parce que nous avons la volonté d’expertiser et d’analyser. La méthode utilisée pour le schéma national des infrastructures de transport et pour le Grand Paris est de rendre crédible ligne par ligne, réalisation par réalisation, l’ensemble des projets. Ces derniers n’avaient pour l’instant été qu’un amoncellement de promesses électorales faites dans une période qui s’y prêtait.

M. Gérard Larcher. Ça va, on a compris !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Ce qui n’était que des promesses électorales deviendra bientôt la concrétisation d’une volonté ambitieuse et solidaire. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)

conditions d’obtention de la nationalité française par naturalisation

M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.

Mme Kalliopi Ango Ela. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

La presse s’est fait l’écho, il y a environ une semaine, du souhait du Gouvernement de revenir sur « les critères pénalisants » introduits par le précédent ministre de l’intérieur en matière de naturalisation. Je salue évidemment la détermination affichée de la nouvelle majorité d’affirmer une volonté forte d’intégration par l’accès à la nationalité française.

Les éléments relayés par la presse font notamment état de la suppression du QCM de connaissance générale. Cette épreuve, dans tous les sens du terme, est souvent perçue comme humiliante par nos concitoyens aspirant à la nationalité française.

Cependant, rien n’est dit sur l’obligation faite, depuis le 1er janvier 2012, pour tous les candidats à la nationalité française de présenter un document certifiant leur niveau de langue. Cette mesure prise par l’ancienne majorité leur impose de fournir un diplôme ou une attestation certifiant qu’ils ont acquis le niveau B1 oral en langue française. Cette dernière attestation est délivrée par un organisme labélisé FLI, c’est-à-dire français langue d’intégration, ou par un organisme agréé par le ministère de l’intérieur.

À l’étranger, cette attestation s’obtient auprès des alliances françaises ou des instituts français.

Au-delà du coût que représente cette démarche, celle-ci pose également des problèmes particuliers pour les conjoints de Français résidant à l’étranger, a fortiori dans des pays francophones. Il est ainsi aberrant d’être obligé de produire un document certifiant votre niveau de langue, lorsque l’on est originaire d’un État qui compte le français parmi ses langues nationales.

Je ne peux m’empêcher d’illustrer mes propos avec l’exemple du Cameroun, où je résidais depuis vingt-cinq ans avant de rejoindre les rangs du Sénat au mois de juillet dernier.

De la même manière, comment réagirions-nous, si un postulant français à la nationalité belge – un sujet d’actualité ! – se voyait imposer de fournir la preuve de son niveau de langue française ?

S’il est évident que maîtriser la langue d’un pays constitue indéniablement un vecteur d’intégration, cela ne doit pas se transformer en un parcours d’obstacles onéreux et humiliant.

Dès lors, monsieur le ministre, quel est le sort réservé aux certificats de niveau de langue ? Par ailleurs, les améliorations prévues quant au droit de la nationalité viseront-elles l’acquisition par déclaration, qui concerne les conjoints de Français, ou seront-elles cantonnées aux demandes de naturalisation et de réintégration ? Enfin, pourriez-vous également nous éclairer sur le calendrier envisagé ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Bariza Khiari applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, ces deux dernières années, l’accès à la nationalité française a été entravé et empêché ; cette politique a produit les résultats que nous connaissons aujourd’hui et que rappelait l’autre jour le Premier ministre : une baisse du nombre de naturalisations de 40 % entre 2011 et mai 2012.

M. David Assouline. C’est Guéant !

M. Manuel Valls, ministre. Ces obstacles, qui n’ont jamais fait l’objet d’un débat, ont touché notamment les étrangers installés depuis longtemps en France, parfaitement insérés dans la société et qui ont fait le choix de devenir Français.

Notre volonté est de changer cette donne et de refaire de l’accès à la nationalité un moteur de l’intégration. Pour cela, nous préparons une circulaire qui devrait être adressée aux préfets dans quelques jours pour revenir sur les critères les plus discriminants. J’en retiendrai quatre points.

Premièrement, la méthode du questionnaire à choix multiples portant sur la connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises sera abandonnée.

Deuxièmement, s’agissant des tests, la connaissance du français est bien évidemment un facteur d’intégration tout à fait essentiel.

M. Manuel Valls, ministre. Le niveau exigé sera maintenu ; ce n’est pas ce niveau qui est discriminant, mais la façon dont il est évalué et la prise en compte des conditions spécifiques de certains demandeurs.

Troisièmement, nous allons cibler les critères à l’origine de la majeure partie des refus ; je pense en particulier à l’insertion professionnelle.

Quatrièmement, enfin, seront traités à part le cas des jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant effectué tout ou partie de leur scolarité en France et celui des médecins étrangers.

Bref, je souhaite, madame la sénatrice, mener un travail ambitieux en matière de naturalisation. Il ne s’agit pas d’engager des polémiques ou d’ouvrir un débat absurde sur la nationalité – je me rappelle des mots à l’Assemblée nationale de Pierre Mazeaud, qui nous avait conseillé il y a deux ans de ne pas ouvrir ce débat néfaste –, mais de faire en sorte que ceux qui veulent être français le soient dans de bonnes conditions. Notre message, et nous devons en être fiers, c’est que la France est prête à accueillir de nouveaux Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

logement étudiant

M. le président. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Les conditions de vie des étudiants sont des facteurs clés de leur réussite à l’université. Or les étudiants connaissent aujourd’hui une véritable galère pour se loger, entre la pénurie de places en résidences universitaires et les chambres louées à des prix exorbitants. Le désengagement de l’État, depuis dix ans, dans la construction de résidences universitaires, le comportement, parfois abusif, de certains bailleurs privés et les agissements de certaines agences immobilières vendant des listes, souvent factices, d’appartements à louer expliquent cette situation insupportable vécue par un étudiant sur deux. Je dis bien « un étudiant sur deux » !

La France compte un peu plus de 2 millions d’étudiants, mais il n’y a que 165 000 places en cités universitaires, 150 000 en résidences privées, et 700 000 étudiants vivent chez leurs parents. Ce sont donc bien un million d’étudiants, c’est-à-dire un étudiant sur deux, qui cherchent à se loger.

Ces dernières années, les plans se sont succédé, mais la pénurie de logements étudiants a perduré.

Dans le plan Anciaux de 2004, le Gouvernement avait pris l’engagement de créer 5 000 logements étudiants par an et d’en réhabiliter 7 000 chaque année. Moins de 60 % de ces objectifs ont été atteints. Résultat : seuls 8 % des étudiants bénéficient d’un logement géré par le CROUS.

Sur les 13 000 logements annoncés dans le plan Campus, aucun n’a été réalisé !

Quant au « passeport logement », qui devait faciliter l’accès des étudiants au parc privé, il a donné lieu à la signature de sept contrats seulement.

Dès lors, les loyers, d’un montant s’échelonnant de 450 à 700 euros par mois pour un studio, pèsent de plus en plus lourd dans le budget des étudiants, pour représenter de 40 % à 45 % de leurs dépenses. Conséquence : 50 % des étudiants sont obligés d’avoir une activité salariée pendant leurs études.

Ces chiffres sont accablants pour les précédents gouvernements.

Madame le ministre, le Président de la République a fait de l’éducation et de la jeunesse la priorité de son action. Dès lors, comment le Gouvernement entend-il répondre à l’attente des étudiants qui veulent tout simplement se loger dignement à des prix raisonnables pour pouvoir étudier et réussir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, avant de répondre à votre question, permettez-moi de partager avec le Sénat notre plaisir d’avoir depuis mardi un prix Nobel de physique français en la personne du professeur Serge Haroche. (Applaudissements.) Un de plus, devrais-je dire, car c’est le cinquième prix Nobel de physique attribué à un Français au cours de ces dix dernières années !

Cette excellence de la science doit beaucoup à la qualité de notre enseignement, primaire, secondaire et supérieur, ainsi qu’à celle de notre recherche.

La réussite des étudiants – de tous les étudiants ! – est la priorité de ce gouvernement.

Or, vous l’avez dit, toutes les études démontrent l’impact des conditions de vie sur l’échec en premier cycle. Elles démontrent aussi que la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur est en panne, avec moins de 9 % de jeunes issus de milieux modestes en mastère.

Le logement, vous l’avez relevé à juste titre, pèse pour beaucoup dans la dégradation des conditions de vie des étudiants, lesquels doivent par conséquent exercer une activité professionnelle – je devrais plutôt dire des « petits boulots » –, ce qui obère évidemment leurs chances de réussite, notamment dans le premier cycle universitaire.

Comme cela nous a été dit ce matin à Thierry Repentin et moi-même à l’université de Cergy-Pontoise, où certains d’entre vous étaient d’ailleurs présents, mesdames, messieurs les sénateurs, le montant des loyers en région parisienne atteint jusqu’à 70 % du budget mensuel d’un étudiant. Comment réussir ses études dans ces conditions ?

À Lyon, Lille, Aix-en-Provence, Bordeaux, entre autres agglomérations sous tension, ce montant atteint de 40 % à 50 % du budget mensuel.

Les difficultés à trouver un logement pénalisent en particulier les jeunes issus de milieux modestes et ceux qui viennent de l’étranger. (Et alors ? sur plusieurs travées de l’UMP.)

M. David Assouline. Ça vous est égal ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Monsieur Berson, vous avez cité le plan Anciaux, qui a échoué dans ses objectifs, ou le plan Campus, autre échec patent. Quatre ans après le lancement de cette opération, aucun chantier n’a été lancé, aucune demande de permis de construire n’a été déposée,…

Mme Éliane Assassi. C’est vrai !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … alors que les treize projets annoncés en 2007 prévoyaient la création de 13 000 logements ! (Et alors ? sur les travées de l’UMP.)

M. David Assouline. Vous avez failli !

M. Guy Fischer. Telle est la réalité !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. J’en viens à la réalité du terrain. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition sénatoriale, soyez patients !

On le voit, cette réalité est bien loin des effets d’annonce incessants du gouvernement précédent, des milliards survendus médiatiquement, recyclés mais jamais dépensés.

Pour rattraper ce retard, qui pénalise la réussite étudiante, le Président de la République s’est engagé sur un objectif clair : la création de 40 000 logements en cinq ans.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Dès lors, avec ma collègue ministre du logement, nous mettons les bouchées doubles en utilisant la mobilisation du foncier public mis à disposition des collectivités locales. Nous voulons réserver, chaque année, 6 000 des 150 000 logements sociaux qui seront construits à des logements étudiants.

Nous changeons radicalement de méthode, en associant les collectivités territoriales – cela devrait vous intéresser mesdames, messieurs les sénateurs –, ce qui n’avait jamais été fait au cours du précédent quinquennat ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Le projet de loi de finances prévoit de multiplier par cinq nos aides au logement. Des opérations recensant 24 000 logements ont déjà été identifiées. (Marques d’impatience sur les mêmes travées.)

M. David Assouline. Un peu de respect !

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. À côté du logement collectif et social, nous nous intéressons également au logement privé. Pour cela, nous allons améliorer la situation par l’encadrement des loyers. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Nous allons aussi instaurer un passeport locatif étudiant, lequel remplacera avantageusement le dispositif de mon prédécesseur qui a fait fiasco. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Huées sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Merci, madame la ministre !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Alors que sept accords seulement avaient été signés en un an et demi, sachez que, dans les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, 6 000 contrats ont été conclus sur la base d’initiatives régionales intelligentes et raisonnables. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Merci, madame la ministre !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Pour terminer, je le répète, la vie et la réussite du parcours des étudiants bénéficieront d’un budget en hausse. Cet effort illustre notre priorité nationale en faveur de la jeunesse, de l’enseignement et de l’éducation. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

financement d’équipements à strasbourg

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Ma question s’adresse à la fois à M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget, et à M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. (Mouvements divers.) Eh oui, tout passe par le budget…

Je souhaite évoquer ici l’avenir du onzième contrat triennal pour Strasbourg, ville européenne, pour la période 2012-2014. (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, ce contrat tient à la mission particulière de Strasbourg, qui accueille des institutions européennes pour le compte de la France,…

M. Charles Revet. Et nous en sommes fiers !

Mme Fabienne Keller. … et concerne les obligations liées à ce statut.

L’objectif est de poursuivre une stratégie commune entre l’État et les collectivités pour conforter et renforcer la place et le rôle de Strasbourg.

Un autre objectif, plus concret, consiste à soutenir des projets pour la ville, en particulier les liaisons aériennes vers les capitales européennes, ainsi que le rayonnement culturel et la vocation de l’université de Strasbourg, laquelle a d’ailleurs bien profité du plan Campus dans sa mission de rayonnement international.

Tous les acteurs politiques et économiques locaux s’accordent à dire que le contrat triennal est essentiel pour la ville.

Le précédent gouvernement avait travaillé sur le dossier et donné un élan décisif à ce contrat, mais l’échéance électorale nationale n’avait pas permis sa conclusion.

Déjà reportée à plusieurs reprises depuis le mois de mai dernier, la signature de ce contrat tarde. Cela crée un climat d’incertitude et fragilise l’avenir des projets et la place européenne de Strasbourg.

Cette incertitude est d’autant plus pénalisante qu’Air France-KLM – dont, je le rappelle, l’État est actionnaire – prévoit de supprimer la ligne aérienne entre Roissy et Strasbourg, ce qui constitue une très mauvaise annonce.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Et le TGV ?

Mme Fabienne Keller. Strasbourg, capitale européenne, a besoin d’un soutien clair et d’une présence du Gouvernement. À cet égard, la conclusion rapide du contrat triennal serait un signal positif.

Messieurs les ministres, si je puis me permettre, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) Cela vaut aussi pour Strasbourg !

Pouvez-vous nous préciser le calendrier prévu pour la signature du contrat triennal 2012-2014 et nous communiquer des éléments chiffrés sur le montant de l’enveloppe que vous envisagez de mobiliser ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, je vous remercie pour votre question, qui renvoie au rôle particulier que joue Strasbourg comme capitale européenne et aux moyens dont elle a besoin pour assumer sa vocation.

Vous avez eu raison de rappeler que la dimension européenne de Strasbourg a toujours conduit l’État à accompagner cette ville dans le développement de ses liaisons de transport, notamment aériennes, et de ses infrastructures universitaires et de recherche, ainsi que dans un certain nombre de grands événements qui contribuent au rayonnement international de la ville où vous êtes élue et que vous représentez au Parlement.

M. David Assouline. Elle ne la représente que sur les travées de droite !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’y insiste, vous avez tout à fait raison d’être inquiète puisque, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.), le contrat triennal aurait déjà dû être signé…

MM. François Rebsamen et Jean-Marc Todeschini. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … puisqu’il arrivait à expiration au mois de décembre 2011 et que vous avez quitté le pouvoir en mai dernier.

M. Jean-Marc Todeschini. Heureux événement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je le répète, le contrat aurait déjà dû être signé au moment où nous sommes arrivés aux responsabilités. Or tel n’était pas le cas !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il faut dire que les arbitrages n’avaient pas été rendus pour permettre cette signature dans les meilleurs délais. C’est la raison pour laquelle nous avons pris le dossier à bras-le-corps dès notre arrivée aux responsabilités.

M. Ronan Kerdraon. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par conséquent, je vais pouvoir vous donner des éléments précis – ceux-là même que j’avais communiqués quand j’ai inauguré la Foire européenne de Strasbourg – qui vous permettront d’être, enfin, totalement rassurée.

M. Jean-Marc Todeschini. En voilà une preuve d’amour !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Premièrement, les arbitrages sont rendus et l’ensemble des collectivités territoriales seront reçues dans les jours qui viennent pour que puissent être affinées avec elles les conditions dans lesquelles on procède à la rédaction définitive de ce contrat, de telle sorte qu’il puisse être signé dans les meilleurs délais. Ces arbitrages ont été rendus à la fin du mois de septembre. Par conséquent, comme je m’y étais engagé, ils sont prêts à être traduits dans le contrat.

Deuxièmement, je veux vous confirmer ici que l’ensemble des obligations de service public qui permettent la desserte aérienne de Strasbourg et qui contribuent à son rayonnement européen seront bien financées dans le cadre du prochain contrat triennal, et que l’ensemble de ces liaisons aériennes pourront être financées dans de bonnes conditions au terme des appels d’offres lancés.

Troisièmement, s’agissant de la ligne aérienne reliant Strasbourg à Roissy que vous avez évoquée, vous savez que nous avions pris l’engagement de recevoir l’ensemble des collectivités territoriales finançant cette desserte ; cela a été fait il y a trois semaines à Paris.

Cette rencontre a permis au président d’Air France de nous faire part des grosses difficultés que l’entreprise connaît depuis très longtemps et, malgré tout, d’indiquer qu’il poursuivrait la discussion avec le Gouvernement et les élus locaux pour trouver une solution qui, nous l’espérons, permettra de maintenir un bon niveau de desserte aérienne de Strasbourg, contribuant ainsi au rayonnement européen de cette ville à laquelle nous sommes très attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

bilan de la conférence environnementale

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Madame la ministre, vous avez réuni il y a un mois la première conférence environnementale du quinquennat. À cette occasion, il a été annoncé que le futur conseil de la transition écologique s’ouvrirait à la représentation nationale, en accueillant un collège de parlementaires.

Je tenais à vous exprimer la satisfaction avec laquelle notre assemblée et particulièrement sa commission du développement durable ont accueilli cette annonce.

En ouverture et en clôture de la conférence environnementale, le Président de la République comme le Premier ministre ont chacun prononcé un discours que l’on peut qualifier de « fondateur ».

Mme Chantal Jouanno. Oh ! là ! là !

M. Alain Gournac. Avant vous, il n’y avait rien !

Mme Laurence Rossignol. En affirmant que la crise écologique est non pas une crise de plus, mais un élément de la crise globale, qui se décline sur le terrain économique, social et sanitaire, et en assignant à la France la tâche de porter un nouveau modèle de développement, le Président de la République a donné pour mission au Gouvernement d’organiser la mutation d’une économie à bout de souffle.

Le premier chantier est celui de la transition énergétique. S’agissant de la diversification du mix énergétique comme de la baisse de la consommation que réclame la sobriété, il va falloir convaincre les usagers comme les acteurs économiques. Et non des moindres, puisque le président d’EDF a déclaré avant-hier à l’Assemblée nationale que l’augmentation démographique aboutirait, par un accroissement mécanique de la consommation, à rendre quasiment vains tous les efforts que nous pourrions faire en matière de sobriété énergétique.

Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer selon quel calendrier, quelle méthode et avec quels outils vous entendez engager le débat sur la transition énergétique et, accessoirement, comment vous comptez susciter l’adhésion de notre principale entreprise énergétique, dont, rappelons-le – et rappelons-lui ! –, l’État détient 85 % du capital ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la sénatrice, vous avez raison de dire que, lors de la conférence environnementale, le Président de la République comme le Premier ministre ont prononcé un discours « fondateur », autour d’une grande ambition : faire de la France la nation de l’excellence environnementale. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Dans ce cadre, la conférence environnementale n’est qu’un point de départ. La mise en œuvre de la feuille de route pour la transition écologique, sur laquelle le Gouvernement s’est engagé et qui constitue son programme de travail, donne lieu à un travail intensif de mes services. Le 26 octobre prochain, je réunirai l’ensemble des partenaires qui ont participé à la conférence environnementale pour leur présenter le calendrier précis de la mise en œuvre de ces engagements. Par conséquent, les choses avancent.

S’agissant des modalités de l’organisation du débat national sur la transition énergétique, je réunirai en début de semaine prochaine les organisations non gouvernementales et les représentants des entreprises pour répondre à leurs questions et leur rappeler ce qui a été inscrit dans la feuille de route, notamment le calendrier du débat puisque ce dernier s’engagera très rapidement, à savoir à partir du mois de novembre prochain.

La transition énergétique est une politique qui repose sur deux piliers.

Le premier, c’est la sobriété et l’efficacité énergétiques. Autrement dit, il s’agit d’instaurer la grande politique publique d’économies d’énergie qui fait défaut aujourd’hui.

Je rappelle que, sur le plan européen, la France s’est engagée à réaliser 20 % d’économies d’énergie à l’horizon de 2020. Cette politique est prioritaire, parce qu’elle est bonne pour l’environnement, pour le pouvoir d’achat, comme pour notre économie. Par exemple, lorsque l’on engage un programme massif de rénovation thermique des logements anciens ou lorsque l’on veut mettre en place un mécanisme de bonus-malus en matière de gaz et d’électricité, c’est-à-dire une tarification progressive de l’énergie, c’est un signal donné aux consommateurs. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Le Sénat en débattra d’ailleurs prochainement.

Le deuxième pilier, c’est le développement des énergies renouvelables, je l’ai évoqué tout à l’heure, tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement et la maîtrise du coût de l’énergie.

Tous les scénarios seront discutés dans le cadre du débat sur la transition énergétique. C’est un débat fédérateur qui devra mobiliser les citoyens, les élus locaux, les entreprises, les opérateurs d’énergie, les organisations non gouvernementales. Je n’ai aucun doute sur le fait que l’opérateur historique, qui est, comme vous l’avez rappelé, une entreprise publique, même si elle a été transformée, hélas ! en société anonyme en 2004, s’engagera dans la transition énergétique ; EDF possède d’ailleurs une filiale Énergies nouvelles.

À l’issue du débat national, le Gouvernement présentera un projet de loi de programmation de la transition énergétique, et c’est la représentation nationale qui décidera souverainement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

disparition d’ibni oumar mahamat saleh

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères ou au ministre qui pourra s’exprimer en son nom.

Le 3 février 2008, profitant de la confusion qui régnait à N’Djamena, un détachement militaire a arrêté et fait disparaître Ibni Oumar Mahamat Saleh, l’un des opposants les plus déterminés au régime d’Idriss Déby. En août de la même année, une commission d’enquête internationale mettait en cause les plus hautes autorités de l’État dans cette disparition, qui n’a toujours pas été éclaircie, et exigeait une enquête judiciaire.

Depuis quatre ans, le gouvernement tchadien multiplie les manœuvres dilatoires. Depuis quatre ans, avec mon collègue Jean-Pierre Sueur, nous multiplions les initiatives pour que la vérité soit faite sur cette affaire.

J’ai bien compris que le contexte n’est pas véritablement favorable, dans la mesure où la France travaille avec le Tchad sur le dossier du Mali. Cependant, l’alliance n’est pas la complaisance et la responsabilité que nous avons au Tchad nous crée des devoirs, dont celui d’agir, dans le respect des valeurs qui sont les nôtres, en principe, notamment le respect des droits de l’homme.

Au moment où va s’ouvrir le sommet de la francophonie, ce peut être l’occasion pour la France et ses représentants d’affirmer une volonté politique différente de celle qui a prévalu jusqu’à présent et qui s’inspire de l’attachement que nous portons à la démocratie.

Aussi, ne nous dites pas, madame la ministre, comme l’ont fait avant vous M. Kouchner, Mme Alliot-Marie et M. Juppé, que le gouvernement tchadien poursuit ses efforts ; ce n’est pas vrai ! Dites-nous plutôt comment le gouvernement français entend amener le régime de M. Idriss Déby à respecter les engagements qu’il a pris.

Depuis le printemps, les opposants tchadiens, la famille du disparu et ceux, comme nous-mêmes, qui sont mobilisés sur ce dossier ont l’espoir qu’un nouveau gouvernement aura une approche plus forte, plus claire, plus déterminée. Cet espoir, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, ne le décevez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Monsieur le sénateur, veuillez excuser l’absence de M. Laurent Fabius, qui est actuellement retenu par un entretien avec son homologue canadien.

Comme vous l’avez rappelé, le 3 février 2008, l’opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh était arrêté à son domicile par des militaires tchadiens au moment même où de violents combats avaient lieu dans la capitale entre l’armée tchadienne et des mouvements rebelles venus du Soudan. Si l’armée tchadienne a finalement repoussé cette attaque, celle-ci a laissé derrière elle des centaines de morts, des victimes de viols et des destructions matérielles. Des violations des droits de l’homme ont été commises. Des personnalités politiques ont été arrêtées arbitrairement ou menacées. Seul Ibni Oumar Saleh n’est pas réapparu à ce jour.

Une commission d’enquête internationale a d’abord travaillé afin de faire toute la lumière sur ces faits. Des recommandations ont été émises dans un rapport publié le 3 septembre 2008 et un comité de suivi chargé de veiller à l’application de ces recommandations a été créé. L’une d’elles concernait le traitement judiciaire de toutes les violations que j’ai rappelées.

Depuis quatre ans, la France n’a pas cessé d’intervenir auprès des autorités tchadiennes, avec la communauté internationale, notamment l’Union européenne et l’Organisation internationale de la francophonie, pour que la lumière soit faite sur la disparition d’Ibni Oumar Saleh et qu’un procès en bonne et due forme soit rapidement tenu. En cela, nous avons agi dans le sens indiqué par la résolution que l’Assemblée nationale française a votée le 25 mars 2010 sur votre initiative, monsieur Gorce.

M. Jean-Pierre Sueur. À l’unanimité !

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Notre position est claire et ferme : après avoir soutenu les travaux de la commission d’enquête internationale, nous encourageons la justice tchadienne à s’exercer. À ce jour, il faut constater que l’enquête judiciaire tchadienne n’avance que lentement…

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un euphémisme !

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. … et que les réponses qui nous sont fournies sont insuffisantes. Nous continuons donc à inviter les responsables tchadiens à ne pas négliger cette affaire qui porte atteinte à l’image de leur pays. Celle-ci a été évoquée à de multiples reprises ces derniers mois avec les plus hautes autorités tchadiennes.

Nous mettons notre dialogue politique avec le Tchad au service de la promotion des droits de l’homme, de la bonne gouvernance et de la démocratie. Ces progrès sont lents et le contexte difficile, le Tchad ne connaissant une stabilité intérieure continue que depuis 2010, mais nous devons poursuivre nos échanges avec les autorités tchadiennes en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

préjudice écologique

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Bruno Retailleau. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Le 25 septembre dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt qui va faire date. Elle a non seulement confirmé la responsabilité des pollueurs dans l’affaire de l’Erika, mais elle a également reconnu l’existence d’une notion juridique nouvelle : le préjudice écologique.

C’est une victoire pour la Vendée, mon département, ainsi que pour toutes les parties civiles prenantes à l’affaire et pour tous les amoureux de la nature. C’est aussi, après treize années de combat, un immense soulagement, parce que rien n’était gagné d’avance. J’en veux pour preuve que l’avocat général avait requis, si j’ose dire, l’annulation pure et simple de toute la procédure ! Nous sommes passés tout près, après la catastrophe écologique, du naufrage juridique. Il s’en est fallu de peu…

Le pire a été évité. Il faut désormais que nous puissions construire le meilleur pour l’avenir, en tirant, pour le futur, les leçons du passé, précisément en inscrivant cette nouvelle notion dans le droit positif.

Pour la première fois, les juges ont reconnu l’existence du préjudice écologique, c’est-à-dire d’un préjudice autonome, distinct du préjudice moral ou du préjudice matériel. C’est fabuleux ! Il faut maintenant inscrire cette jurisprudence dans la loi, reconnaître le préjudice écologique et l’insérer dans le code civil ; c’est fondamental.

J’ai, avec une cinquantaine de collègues, déposé une proposition de loi en ce sens au printemps dernier. C’est la dernière clef de voute de cet édifice sur lequel nous pouvons tous nous retrouver, me semble-t-il, quelles que soient nos sensibilités politiques.

Cet édifice juridique a été construit à la fois par la jurisprudence, par la loi constitutionnelle relative à la Charte de l’environnement, par la décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011, mais aussi par la loi relative à la responsabilité environnementale. Toutefois, mes chers collègues, et je parle devant la statue de Portalis, notre code civil comporte une fragilité puisqu’il ne reconnaît un dommage que pour autant qu’il ait un caractère personnel. Or l’environnement n’est pas un bien personnel, c’est un bien collectif.

C’est la raison pour laquelle, selon la belle formule de Victor Hugo, il faut, madame la ministre, faire rentrer le droit dans la loi. Ma question est simple : le Gouvernement est-il prêt à cette petite révolution juridique ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans l’affaire de l’Erika, le 25 septembre dernier, a confirmé la responsabilité pénale de l’ensemble des acteurs de la chaîne de transport des hydrocarbures et, sur le plan civil, a reconnu la notion de préjudice écologique.

Je voudrais tout d’abord rendre hommage au combat qu’ont mené pendant onze ans les régions, les départements, les communes des 400 kilomètres de côtes françaises touchées par cette pollution et qui voient leur bataille juridique couronnée de succès.

Cette décision constitue un pas en avant considérable pour la protection de l’environnement et l’application du principe pollueur-payeur, avec la reconnaissance non seulement de la responsabilité pénale, mais aussi de la responsabilité civile, quel que soit le lieu où le sinistre s’est produit.

Cette décision fera jurisprudence. Nous souhaitons qu’elle fasse pleinement son entrée dans le droit français. Comme vous le savez, s’agissant du code civil, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, a d’ores et déjà engagé une réforme de grande ampleur de notre droit de la responsabilité. C’est donc sous sa conduite que ces réflexions se poursuivront.

Je sais, monsieur le sénateur, l’intérêt que vous portez vous-même à cette inscription. Nous avons pris connaissance de votre proposition de loi, mais aussi du colloque que vous organisez à la fin du mois d’octobre avec un certain nombre de juristes du droit de l’environnement. Je suis certaine que cette initiative sera utile pour apporter des précisions sur certains points : qui peut ester en justice au nom de la nature ? Comment doit se faire la réparation ?

Vous avez raison de dire que le 25 septembre a été un grand jour. Il nous appartient maintenant d’en tirer toutes les conséquences.

Je voulais aussi vous indiquer que, avec Frédéric Cuvillier, nous sommes favorables à ce que la France prenne, lors de la prochaine assemblée générale des Nations unies, une initiative afin de proposer un protocole additionnel à la convention de Montego Bay pour construire un outil de protection juridique international de la haute mer qui corresponde aux mêmes exigences. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Désignation d’une sénatrice en mission

M. le président. Par courrier en date du 10 octobre 2012, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, Mme Claire-Lise Campion, sénatrice de l’Essonne, en mission temporaire auprès de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Cette mission portera sur l’accessibilité des personnes handicapées aux bâtiments recevant du public, à la voirie et aux transports publics.

Acte est donné de cette communication.

5

Saisines du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, le 10 octobre, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ; le 11 octobre, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante députés, de la loi portant création des emplois d’avenir.

Le texte des saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

6

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Croatie

M. le président. Mes chers collègues, monsieur le ministre, il m’est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de parlementaires croates, conduite par M. Nenad Stazić, vice-président du Sabor, le Parlement de la République de Croatie. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre se lèvent.)

Je souhaite rendre hommage à cette occasion, au nom du Sénat, à M. Boris Šprem, président du Parlement croate, décédé le 30 septembre. Son engagement au sein du Parlement et son action au service des citoyens croates lui avaient valu l’estime de tous.

Nos amis croates sont venus au Sénat pour participer à un colloque, qui s’est déroulé ce matin salle Clemenceau, sur les relations franco-croates à la veille de l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne, le 1er juillet prochain.

Notre groupe d’amitié France-Croatie, animé par notre collègue Michèle André, mais aussi les commissions des affaires étrangères et de la défense et des affaires européennes ont apporté leur soutien à la Croatie tout au long du processus d’adhésion. Le Sénat sera appelé à délibérer prochainement de la ratification du traité d’adhésion.

Soyez les bienvenus au Sénat, chers collègues croates ! (Applaudissements.)

7

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Demande de renvoi à la commission

Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (projet n° 21, texte de la commission n° 23, rapport n° 22).

Demande de renvoi à la commission (suite)

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Article unique

M. le président. Dans la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission, qui a été présentée par M. Thierry Foucaud, la parole est à M. Philippe Kaltenbach, contre la motion.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la motion tendant au renvoi à la commission présentée par notre collègue Thierry Foucaud ayant été défendue avant la suspension de séance, j’ai eu le temps de peaufiner mes arguments ! (Sourires.)

Le Sénat s’apprête à achever une séquence européenne d’une intensité et d’une ampleur inédites. Beaucoup d’arguments ont été échangés. Nous débattons en effet depuis plus de dix heures.

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et le ministre chargé des affaires européennes, Bernard Cazeneuve, ont défendu les engagements pris par la France et la stratégie européenne que notre pays compte développer ces prochains mois.

Les socialistes ont mis en avant la réorientation de la politique européenne de la France. À ce propos, permettez-moi de citer un homme politique et écrivain dont il a déjà été abondamment question aujourd’hui, Victor Hugo.

Mme Éliane Assassi. Encore ! (Sourires.)

M. Philippe Kaltenbach. Oui, mais il s’agit d’une très belle citation, vous allez voir : « Ce que la France conseille, l’Europe le médite, et ce que la France commence, l’Europe le continue. »

M. Richard Yung. Très bien !

M. Philippe Kaltenbach. Nous avons souhaité soutenir cette nouvelle dynamique et les projets portés par la France, qui visent avant tout à favoriser le retour à la croissance et le renforcement des solidarités européennes.

Chacun a pu s’exprimer au cours de ce débat. Le groupe communiste républicain et citoyen et d’autres ont longuement exposé leurs arguments et expliqué pour quelles raisons, selon eux, il fallait rejeter ce traité. Certains l’ont fait avec éloquence, tous avec conviction. Sur tous les aspects, les questions soulevées ont fait l’objet de réponses argumentées de la part du Gouvernement et de nombreux orateurs.

Aussi, après tous ces débats, je considère que la motion tendant au renvoi à la commission paraît complètement incongrue, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, ce traité a fait l’objet d’une décision du Conseil constitutionnel qui sécurise totalement son adoption : aucune inconstitutionnalité n’a été constatée. Il n’y pas de nouveaux transferts de souveraineté. Une simple loi organique permet la transposition de ce traité en droit interne.

Deuxièmement, ce traité ne prévoit pas d’engagements plus contraignants que ceux que la France a déjà souscrits à l’échelon européen ou que le gouvernement actuel a choisi de prendre.

Troisièmement, avec ce traité, la France conserve ses marges de manœuvre budgétaires et le Parlement ses prérogatives. La trajectoire budgétaire et les moyens d’atteindre les objectifs fixés restent du ressort national.

Quatrièmement, le projet de loi organique destiné à permettre la transposition de ce texte constitue une traduction claire du traité budgétaire, en fonction du strict nécessaire.

Cinquièmement, et surtout, n’oublions pas que, avec ce traité, nous ne faisons que respecter des dispositions du pacte de stabilité et de croissance, que le texte ne fait que reprendre.

L’objectif à moyen terme, l’OMT, de l’article 3 n’est pas nouveau : il a été introduit dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance en 1997.

La définition des circonstances exceptionnelles est celle du pacte de stabilité et de croissance modifié l’an dernier.

Le mécanisme de correction n’est qu’une codification de la pratique de la procédure pour déficit public excessif.

Enfin, l’objectif de réduction de la dette publique était déjà fixé par le six-pack.

La Commission demande seulement que les États s’engagent à appliquer le principe du vote à la majorité qualifiée inversée pour décider d’une éventuelle sanction. Ce principe a lui aussi été défini dans le six-pack.

On le voit, rien ne justifie un renvoi de ce projet de loi en commission. Tous ces points étaient déjà connus. Ils ont déjà fait l’objet d’un large débat, encore ici ces derniers jours.

Permettez-moi de profiter de l’occasion qui m’est offerte pour souligner un point. Ce traité n’ôte rien à la liberté du Parlement de s’impliquer plus encore dans le processus de la construction européenne. Bien au contraire !

Les derniers traités européens, en particulier le traité de Lisbonne, ont renforcé les pouvoirs des parlements nationaux et du Parlement européen. Loin de négliger ces droits, contrairement à ce que j’ai pu entendre, le TSCG nous permet même d’avancer. Nous devons continuer dans cette voie.

Le traité comporte une disposition dont nous devons nous saisir. Il s’agit de l’article 13. C’est à nous désormais qu’il appartient d’ouvrir et de porter le débat sur le renforcement du contrôle démocratique de la gouvernance budgétaire et financière de l’Union européenne. C’est aux parlements nationaux qu’il revient de s’organiser, en étroite collaboration avec le Parlement européen. C’est de notre ressort, c’est de notre responsabilité.

Pour conclure, je ne vois pas en quoi le renvoi en commission permettrait d’apporter un élément supplémentaire ou déterminant au débat.

Ce traité, chers collègues, n’est pas une fin en soi. Il nous permettra de franchir une étape supplémentaire afin de conduire enfin des politiques nouvelles et de mettre fin aux politiques d’austérité menées jusqu’ici.

Par ailleurs, le pacte pour la croissance et l’emploi n’est pas un simple codicille, comme cela a été dit sur certaines travées. Il a pour objet fondamental de relancer la croissance, sans laquelle la réduction des déficits ne mènerait qu’à l’austérité. Je pense que nous ne pouvons qu’être d’accord sur la volonté d’un retour à la croissance.

Nous devons aujourd’hui avancer, c’est de notre responsabilité. L’adoption du TSCG n’est qu’une étape. Le plan de croissance appelle d’autres initiatives, qui permettront de soutenir l’ambition de la France en matière de croissance. À cet égard, je pense à la négociation des perspectives budgétaires pour 2014-2020 avec la volonté de disposer d’un budget doté de ressources propres.

Cela devra également se traduire par la mise en place du principe du « juste échange » et de dispositions permettant de garantir que notre industrie sera protégée contre le « moins-disant social » ou le « moins-disant fiscal ».

La supervision bancaire permettra aussi de mettre enfin de l’ordre dans la finance. Elle devra être complétée par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts.

Enfin, l’instauration d’une taxe sur les transactions financières sera une avancée considérable. Onze pays de la zone euro, dont l’Allemagne et la France, ont affiché mardi dernier leur volonté de créer cette taxe, via une coopération renforcée. Nous l’attendions tous taxe depuis très longtemps.

Évitons de regarder dans le rétroviseur. Beaucoup l’ont dit lors de nos débats : l’Europe est notre avenir. C’est pourquoi je reprends la formule de Woody Allen : « L’avenir est la seule chose qui m’intéresse, car je compte bien y passer les prochaines années. »

En conséquence, le groupe socialiste s’oppose au renvoi à la commission du projet de loi autorisant la ratification du traité, car il souhaite que ce texte soit adopté aujourd’hui même. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Comme vous le savez, mes chers collègues, aux termes du 5 de l’article 44 du règlement du Sénat, l’adoption d’une motion tendant au renvoi à la commission a pour effet de suspendre le débat jusqu’à la présentation d’un nouveau rapport, lequel doit être présenté au cours de la même séance.

Entre mardi soir, date à laquelle mon rapport a été adopté à une large majorité par la commission des finances, et aujourd’hui, ma position n’a pas suffisamment évolué pour que je souhaite présenter un nouveau rapport. Au contraire, elle a même été renforcée par les arguments développés par M. le ministre depuis le début de ce débat.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est intéressant…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cela étant, je ferai deux observations.

Les auteurs de la motion auraient souhaité que d’autres commissions examinent le projet de loi. Or chaque commission est libre de rédiger ou non un rapport pour avis, et il ne m’appartient pas de me prononcer sur le sujet. Je crois d’ailleurs que la commission des affaires sociales rendra un rapport pour avis sur le projet de loi organique, ce qui est tout à fait son droit.

Les auteurs de la motion considèrent également que le traité porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Or le Conseil constitutionnel n’en a pas jugé ainsi. Il a en effet déclaré le traité conforme à la Constitution. Pour ma part, dès lors que ni le traité ni la loi organique ne fixent de contraintes aux collectivités territoriales, j’estime que le principe de libre administration des collectivités territoriales est respecté.

En définitive, le traité ne change rien à notre capacité à nous, parlementaires, de vérifier le bon usage de l’argent public.

Dès lors que ce traité a pour objet de faire en sorte que les États de la zone euro, auxquels d’autres ont accepté de se joindre, respectent individuellement les mêmes règles budgétaires, l’absence de participation de la Grande-Bretagne au dispositif est, à nos yeux, sans conséquence. D’ailleurs, je rappelle qu’il s’agit d’un traité intergouvernemental et non d’un traité communautaire.

Voici quelques précisions qu’il me paraissait utile d’apporter à la suite des arguments développés.

En tout état de cause, au nom de la commission, je demande le rejet de cette motion.

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Le Gouvernement a le même avis que la commission des finances, pour les raisons qui viennent d’être évoquées par M. le rapporteur, ainsi que pour des raisons qui tiennent au fond du débat. Ces dernières ayant déjà fait l’objet de nombreuses discussions entre nous, je ne m’y attarderai pas.

Par conséquent, le Gouvernement demande au Sénat de rejeter la motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n’est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion de l’article unique.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

Est autorisée la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire entre le Royaume de Belgique, la République de Bulgarie, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, le Grand-Duché de Luxembourg, la Hongrie, Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République portugaise, la Roumanie, la République de Slovénie, la République slovaque, la République de Finlande et le Royaume de Suède, signé à Bruxelles, le 2 mars 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l’article.

Mme Catherine Morin-Desailly. En cet instant du débat, je voudrais insister de nouveau, comme ont pu le faire hier certains de nos collègues, sur le fait que ce pacte budgétaire est une étape fondamentale sur la route qui doit nous mener vers plus de fédéralisme en Europe.

Depuis des années, les sénateurs centristes réclament une initiative politique en ce sens. J’avais déjà eu l’occasion de le dire à deux reprises, en octobre et en juillet derniers, lors de nos discussions préalables aux sessions du Conseil européen, ainsi qu’au sein de la commission des affaires européennes.

Depuis longtemps, nous demandons la création d’un véritable gouvernement économique et budgétaire européen et l’élaboration d’un traité fédéral de la zone euro nous permettant d’engager la mise en place de mécanismes de convergence tant sociale que fiscale, en un mot pour aller vers plus d’intégration européenne.

Je profite de la parole qui m’est donnée pour saluer le travail réalisé par notre collègue Jean Arthuis, que la commission des affaires européennes a d’ailleurs auditionné, et qui a remis en mars dernier au Premier ministre François Fillon un rapport riche de propositions visant à réformer la gouvernance de la zone euro. Le traité dont nous discutons à l’heure actuelle répond en partie à nos attentes. Pour autant, il n’est qu’une étape. D’autres combats restent à mener.

Hier, Michel Mercier a exposé l’enjeu politique de la question européenne. Depuis le référendum du 29 mai 2005, le lien de confiance établi entre les citoyens français et les institutions européennes a été rompu. Un front du non traverse aujourd’hui tous les blocs politiques, à l’exception des centristes, je dois encore le souligner, qui ont toujours lié leur destin politique à celui de l’Europe.

Ce lien rompu doit être renoué coûte que coûte. La clé de ce problème réside dans ce que l’on appelle le déficit démocratique de l’Union européenne. Certes, mais il faut dire aussi que nous avons toujours beau jeu à renvoyer nos propres errements à Bruxelles. En effet, il est toujours plus facile de chercher à détourner la colère de nos concitoyens vers les institutions continentales.

Nous ne pouvons donc que nous réjouir de la ratification de ce traité. En effet, l’article 13 de ce dernier précise les conditions d’association des parlements nationaux au travail de surveillance qui sera réalisé par la Commission européenne et par la Cour de justice de l’Union européenne. Ce traité renforce ainsi les stipulations du protocole annexé au traité de Lisbonne en matière de garanties d’association de nos assemblées parlementaires.

Il est donc faux de dire que la France aliène sa souveraineté. Je ne reviendrai pas sur la décision du Conseil constitutionnel car, en réalité, c’est à une transformation du contrôle parlementaire que nous assistons.

Plus que jamais, la commission des affaires européennes démontre sa nécessité et l’importance croissante qu’elle aura dans notre travail quotidien.

Le contrôle parlementaire de demain ne sera plus strictement franco-français. Il devra s’efforcer de dépasser les frontières pour interroger les relations entre les institutions de l’Union et les citoyens européens. Je lance ainsi un appel à plus de vigilance et d’attention de notre part sur les affaires européennes.

Nous ne pouvons pas déléguer la gestion de la sortie de crise au seul Gouvernement ou aux seules institutions de l’Union. Le Sénat doit poursuivre et encore accentuer son travail. Il doit se faire force de proposition en la matière. La Constitution, je le rappelle, nous donne les moyens de diffuser nos prises de position et de mobiliser nos homologues européens autour de projets, de propositions et de combats communs.

C’est notre rôle de parlementaires qui va en ressortir renforcé. Une fois ce traité ratifié, il nous appartiendra plus que jamais de nous faire les avocats de la cause européenne auprès de nos concitoyens. Il sera de notre responsabilité de travailler à la nécessaire réconciliation entre les Français et l’Europe.

Mes chers collègues, je tenais à insister sur le fait que l’Europe ne se fera pas sans nous, et que son avenir se joue aussi bien ici, aujourd’hui, que dans nos territoires, demain. (Applaudissements sur les travées de l’UCR, ainsi que sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l’article.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’INSEE a confirmé une croissance nulle au deuxième trimestre 2012. Le FMI considère que les prévisions pour 2013 élaborées par le Gouvernement sont trop optimistes. Le cap pris par le Gouvernement en soutenant ce traité fait craindre un ralentissement d’activité et une baisse des rentrées fiscales.

Dans ce contexte conjoncturel, le risque est que la faute en soit rejetée sur l’Europe et qu’un sentiment anti-européen renaisse. Que restera-t-il, dans ce cas, du désir d’Europe ?

Or, en réalité, ce texte détermine les contours de la solidarité financière entre les États. Il provoque évidemment de nouveaux remous, ce que je peux comprendre. Les Français vont avoir du mal à accepter que les candidats qui les ont fait rêver d’une Europe de la croissance leur demandent, quatre mois après avoir gagné les élections, de se résigner à la rigueur.

Cela dit, voilà trente ans que nous puisons par facilité dans la dette publique. Aujourd’hui, la fin de la récréation a sonné. Je ne pense pas que le mot « austérité » soit le plus approprié. Le défi que nous devons relever est de faire preuve d’intelligence budgétaire et de responsabilité.

Je suis convaincu que nous pouvons, en dépensant autrement et en dépensant mieux, trouver des mesures utiles au développement économique. Cela passe par un changement de comportement et par une appréciation peut-être différente de notre environnement.

Notre addiction à la dépense publique ne contribue pas à créer de la valeur ajoutée utile à la croissance des économies industrielles. La preuve en est la crise sans précédent dans laquelle nous nous trouvons. Si la dépense publique était source de croissance, nous n’aurions pas à déplorer plus de 10 % de taux de chômage, 75 milliards d’euros de déficit commercial et 91 % de dette publique.

En réalité, ce traité nous met face à nos propres responsabilités. Il n’y a pas d’autres solutions que d’effectuer des réductions claires de nos dépenses publiques.

Au deuxième trimestre 2012, la dette publique a continué à se dégrader, augmentant de 43 milliards d’euros par rapport à la fin du mois de mars. Elle atteint ainsi 91 % du PIB, soit un bond de 1,7 point par rapport aux comptes du gouvernement précédent.

En 2013, d’après le projet de loi de finances, la dette publique de la France atteindra le niveau record de 91,3 % du PIB. Le traité offre, il est vrai, des échappatoires, puisque le déficit structurel est calculé en tenant compte de l’impact sur la conjoncture. Cette mesure trouve sa logique dans le fait qu’une baisse de recettes mécanique rendrait inatteignable l’objectif budgétaire. Le traité ne fixe pas non plus de date butoir pour le retour à l’équilibre.

Les pays européens sont interdépendants, comme le démontre la situation de la Grèce, qui affecte l’ensemble de l’économie européenne. Or la solidarité ne peut évidemment fonctionner qu’avec un engagement fort de discipline budgétaire.

Ainsi le traité budgétaire européen, signé en mars 2012 par Nicolas Sarkozy, et qui avait donné lieu à un vif débat public, fait-il aujourd’hui l’objet d’un consensus.

Au-delà de ce contexte, nous estimons indispensable, nous centristes, qu’une gouvernance économique européenne pour la zone euro soit mise en place et dispose de réelles prérogatives. La crise actuelle illustre de façon dramatique combien une politique monétaire unique, menée sans politique économique et budgétaire commune, n’est plus possible. Nous avons besoin d’un véritable fédéralisme économique et budgétaire européen, qui passe par l’adoption d’un traité fédéral de la zone euro, entre les 17 États qui partagent une monnaie unique.

L’Europe doit marcher sur ses deux jambes, à la fois monétaire et économique, sinon nos efforts resteront vains. Nous devons doter l’Europe de moyens lui permettant de mener une politique efficace, afin de renouer une relation de confiance avec nos concitoyens.

Les centristes sont profondément européens, comme l’a rappelé Catherine Morin-Desailly. Nous avons toujours demandé plus d’intégration et plus de fédéralisme au sein de l’Union. C’est pourquoi nous nous prononçons en faveur de l’adoption de ce traité. (Applaudissements sur les travées de l’UCR, ainsi que sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article. (M. Jean-Pierre Chevènement applaudit.)

M. Pierre-Yves Collombat. Pour reprendre la formule de Joseph Stiglitz, qui n’est pas vraiment un économiste débutant, je dirai que les responsables politiques et financiers européens se sont contentés jusqu’à présent de « déplacer les fauteuils sur le pont du Titanic ». Ils continuent.

Les majorités politiques peuvent changer, la récession s’installer, le chômage exploser, les extrêmes droites prospérer partout en Europe, les pilotes du Titanic européen gardent le cap.

Après une loi constitutionnelle budgétaire en juillet 2011, la modification du traité de Lisbonne permettant la pérennisation d’un mécanisme dit de « stabilité financière » et la ratification du traité Merkel-Sarkozy qui le crée, en février 2012, nous sommes donc invités, cet après-midi, à autoriser la ratification du TSCG, en souscrivant aux conditions allemandes, avant de transformer, demain, les contraintes budgétaires qu’il implique en loi constitutionnelle.

Une fois ses fauteuils redisposés, le Titanic cessera-t-il pour autant de se diriger vers son iceberg ? Évidemment non !

Contrairement à ce que souffle la pensée unique, l’origine de la crise de l’euro n’est pas à trouver dans la prodigalité des gouvernements, même pas celui de la Grèce. La taille de cette économie, 8 % seulement du PIB de la zone euro, l’en rend bien incapable. À la veille de la crise, l’Espagne et l’Irlande présentaient des budgets excédentaires et un niveau d’endettement qui faisaient l’admiration des « experts ». Entre la création de l’euro et 2007, la dette des pays du GIPSI – Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Italie – en pourcentage du PIB a régulièrement baissé.

L’origine de la crise, Jean-Pierre Chevènement l’a évoqué ce matin, se trouve dans le déséquilibre des comptes entre l’Allemagne et la plupart des autres pays européens, particulièrement ceux du Sud. Elle est dans leur boom économique, boom dopé par l’immobilier et l’afflux de capitaux allemands et français. Des taux d’intérêts supérieurs à ceux pratiqués en Allemagne et en France, sans risque de dévaluation puisque l’on restait dans la zone euro, et des perspectives de développement jugées considérables par les « experts » : quelle aubaine !

Résultat : hausse des salaires et des revenus dans ces pays, baisse de leur compétitivité. Quasi inexistant à la création de l’euro, le déficit de leurs comptes avec l’Allemagne est ainsi devenu, de manière symétrique, le pendant exact de l’excédent allemand. Il faudra bien admettre un jour que les déficits intra-européens sont les excédents allemands et que toutes les balances intra-européennes ne peuvent être excédentaires en même temps. La prédication sur la compétitivité est donc parfaitement creuse.

La crise financière importée des États-Unis n’a finalement été que le déclencheur d’une catastrophe financière latente, qui a surpris des dirigeants européens quasiment désarmés pour y faire face. Désarmés parce que, pour sauver les banques, les États s’étaient considérablement endettés – voilà où sont passés les excédents ! Désarmés parce que les traités interdisaient à la BCE de financer directement des États réduits au statut d’entreprises ordinaires.

Si l’on veut sortir de la crise, c’est par là qu’il faut commencer. Plutôt que de bricoler un sous-FMI européen, ne disposant même pas des capacités d’une grande banque commerciale, il faut créer une vraie banque centrale européenne, une BCE capable de monétiser la dette souveraine et de relancer la machine économique. Or c’est le contraire que l’on s’obstine à faire, années après années.

Même emballé dans le papier de soie d’un plan de relance fait pour la galerie – il ne représentera que 0,5 % du PIB européen sur trois ans et ce taux était déjà dans les tiroirs – le traité Merkel-Sarkozy reste un traité Merkel-Sarkozy. Une erreur reste une erreur, et l’organisation de la récession en Europe, une faute.

Ce n’est certainement pas suffisant pour que je change d’avis et vote aujourd’hui en faveur de ce à quoi je me suis toujours opposé hier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Chevènement et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)

Explications de vote

Article unique
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique qui constitue l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Leila Aïchi, pour explication de vote.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le Pacte budgétaire européen, officiellement appelé traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ou TSCG, est un mécanisme certes très imparfait, mais nous devons avant tout le considérer pour ce qu’il est : un instrument essentiellement politique en vue d’une réelle intégration économique et financière pour notre continent.

La fondation d’une Europe toujours plus unie a de tout temps été au cœur de l’engagement écologique. Tout renoncement de notre pays dans une période aussi critique pourrait apparaître comme un funeste signal adressé à la construction européenne par un de ses piliers les plus éminents.

Le sujet est bien trop essentiel pour s’en tenir à de simples postures politiciennes dont la courte vue et l’inconséquence seront, j’en suis certaine, sévèrement jugées par l’Histoire.

La facilité, c’est de dire « non » avec des formules creuses. Mes chères collègues, selon une telle logique, les pères fondateurs de l’Europe n’auraient jamais voté la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier !

Le courage et la difficulté, c’est de dire « oui » au traité, et de prendre à bras-le-corps les défis financiers, socio-économiques, environnementaux et sanitaires pour leur apporter des solutions durables et responsables. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

M. Christian Favier. Irresponsables !

Mme Leila Aïchi. Si nous voulons l’Europe, il faut voter ce traité, malgré toutes ses insuffisances, qui sont réelles, je n’en disconviens pas.

Certains pourront me rétorquer que voter le TSCG, c’est accepter l’imposition de la rigueur, voire, pire, de l’austérité à notre peuple.

Mais, mes chers collègues, nous sommes déjà dans la rigueur et l’austérité, et ce depuis bien longtemps !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien ! Il fallait l’admettre ! Il fallait le dire !

Mme Leila Aïchi. Notre pays doit, pour se financer, emprunter plusieurs milliards d’euros chaque jour sur les marchés financiers.

Et, même si nous empruntons pour l’instant à des taux négatifs, la volatilité des marchés est telle que la situation peut très vite se retourner et placer la France dans une position insoutenable.

Dois-je vous rappeler que la dette française est détenue à 64 % par des investisseurs étrangers ou ne vivant pas en France, qu’elle s’élève à plus de 1 700 milliards d’euros et qu’elle représente plus de 90 % du PIB ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Et alors ? Est-ce une raison pour ratifier ce traité ?

Mme Leila Aïchi. Est-ce sain ? Est-ce viable à long terme ? Que laisserons-nous aux générations futures ? Un désastre financier en plus d’une planète détériorée !

Sans traité, la situation actuelle n’est pas tenable. En effet, ne pas voter le TSCG n’arrêtera pas les politiques de rigueur à l’œuvre en Grèce ou en Espagne.

Quelle est, en définitive, la solution de rechange ?

Sortir de l’euro ? Cela déchaînerait une véritable course à la dévaluation des monnaies nationales, entraînant hyperinflation et ruine pour tous les peuples européens, et pour la France en premier. La période d’entre-deux-guerres nous l’a bien montré,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour l’Allemagne surtout ! Pas pour la France !

Mme Leila Aïchi. … et les conséquences tragiques qui en ont résulté aussi.

Je salue, à cette occasion, le courage et la hauteur de vue de Dany Cohn-Bendit et de Nicolas Hulot, qui se sont exprimés en faveur du traité. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)

C’est pour cela que nous avons voulu l’Europe, et c’est pour cela que je défends aujourd’hui, mes chers collègues, le vote en faveur de la ratification. En période de crise aiguë, qu’il s’agisse d’écologie ou de politique européenne, il ne faut pas céder au repli sur soi, à la démagogie et au populisme.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Leila Aïchi. Les Français, dans leur très grande majorité, ne s’y trompent pas.

Il faut aussi rappeler que l’article 3 du traité permettra de déroger à la règle d’or dans des circonstances exceptionnelles qui appelleraient un investissement public.

MM. Jean Bizet et René Garrec. Très bien !

Mme Leila Aïchi. Je vous rappelle que les 3 % de Maastricht ne permettent pas cette concession.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais si ! La preuve, c’est qu’on le fait !

Mme Leila Aïchi. En outre, le TSCG doit constituer l’étape décisive vers une plus grande intégration par une « européanisation » des débats budgétaires, car tous les États devront rendre des comptes, aussi bien la Grèce que l’Allemagne.

Enfin, il faut signaler que les 120 milliards d’euros débloqués par le Conseil européen, au titre du Pacte de croissance,…

M. Christian Favier. Sont un hochet ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

Mme Leila Aïchi. … dont la création doit beaucoup au Président de la République et aux partis de gauche en Europe, en particulier le SPD, sont l’effort de relance le plus important décidé par l’Union Européenne depuis sa création !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ça…

Mme Leila Aïchi. Les 55 milliards de fonds structurels non utilisés, ainsi que l’émission de project bonds, obligations publiques destinées à financer des investissements dans les infrastructures de communication, de transport ou d’énergie, représentent potentiellement un progrès décisif quant à l’impulsion d’une transition écologique durable.

Créons nos nouveaux champions industriels européens ! Ayons enfin du courage ! Un EADS des tramways, un Airbus des énergies renouvelables,…

Mme Éliane Assassi. Justement, parlons-en !

Mme Leila Aïchi. … qui nous sortiront à n’en pas douter du « tout nucléaire » !

Pour moi, écologiste, l’engagement gouvernemental de privilégier l’investissement dans des projets en faveur d’une plus grande efficacité énergétique et des énergies renouvelables, créateurs d’emplois verts et de développement pour les PME innovantes est une étape décisive vers une société plus juste, plus écologique, plus sociale, bref plus humaine !

Vous l’avez compris, mes chers collègues, je continue à défendre cette Europe que nous aimons, que la gauche va construire, à la différence de la droite, qui l’a enterrée pendant cinq ans ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ça, c’est moins bien ! Dommage…

Mme Leila Aïchi. Je n’ai pas changé d’avis depuis le Mécanisme européen de stabilité, le MES ; j’affirme ma liberté d’expression.

Par conviction et par souci de cohérence, j’ai voté le MES. Je vote en faveur du TSCG, je voterai la loi organique et je voterai le budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste. – Quelques sénateurs de l’UMP et de l’UCR applaudissent également.)

M. Jean Bizet. C’est toujours mieux que Placé !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un intéressant débat interne…

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Au terme de ce débat, je tiens à exprimer toute ma satisfaction : la qualité des interventions a été remarquable.

J’en profite pour vanter les mérites du bicamérisme, à l’adresse de celles et de ceux qui auraient encore des doutes. Nous avons, me semble-t-il, donné une image très digne de la Haute Assemblée. Les échanges de ce matin entre notre collègue Jean-Pierre Chevènement et Jean-Pierre Sueur, le président de la commission des lois, illustrent avec force l’utilité d’une assemblée comme la nôtre !

Je tiens également à saluer M. le ministre délégué chargé des affaires européennes, qui a défendu les positions du Gouvernement avec conviction, talent et même franchise, par exemple lorsqu’il a évoqué les évolutions des uns et des autres sur les questions européennes. Il a su porter la parole gouvernementale avec une certaine efficacité ; comme vous venez de l’entendre, il a parfois emporté la conviction, y compris au sein de mon propre groupe ! Et ce n’est guère étonnant de la part d’un militant aussi engagé et subtil.

Au sein du groupe écologiste, nous assumons notre diversité. Elle existe d’ailleurs dans d’autres groupes de gauche, par exemple chez les socialistes ou chez nos amis radicaux et républicains, les sénateurs communistes et membres du Front de gauche formant un bloc peut-être plus compact.

Nous partageons les mêmes interrogations, bien que nous n’y apportions pas toujours les mêmes réponses. Pour notre part, nous restons sur la position qui était la nôtre en février et en mars, lors de la signature du traité. D’ailleurs, puisque Daniel Cohn-Bendit, qui a le sens de la formule, a été évoqué, je rappelle qu’il a été le premier à parler de « traité Merkozy ».

Le traité Merkozy a été signé dans le contexte particulier que nous connaissons. Il porte, je l’ai dit, les stigmates d’une philosophie, le libéralisme, et d’une méthode, la technocratie et l’intergouvernementalité.

Avec de tels péchés originels, il sera sans doute difficile de modifier profondément la donne dans les mois et les années à venir. Et c’est sur ce point que porte notre interrogation.

C’est pourquoi, même si nos débats ont été très intéressants, je voterai « non », tout comme un certain nombre de membres de mon groupe, tandis que d’autres exprimeront leur refus de s’associer à la ratification du traité en s’abstenant.

Tel est l’état de notre réflexion, dans laquelle il ne faut pas voir de positionnement tactique. C’est d’ailleurs ce que j’ai indiqué avec force aux membres du Gouvernement, au Premier ministre et au Président de la République.

Nous avons fait part de notre perplexité, et même de notre inquiétude. Dès la fin des élections, la construction européenne a repris le cours qui est le sien depuis vingt-cinq ans : une démarche technocratique – je l’ai indiqué – et, en l’occurrence, antidémocratique ! Jadis, l’hypocrisie bourgeoise aidant, on faisant au moins semblant de consulter un peu les parlements nationaux… Là, il n’y a même pas eu de consultation.

Je comprends que la déferlante libérale à l’œuvre depuis vingt ans puisse convenir à certains de nos collègues. D’ailleurs, et je m’adresse entre autres à M. Marini, ceux qui s’apprêtent à voter le projet de loi après avoir soutenu Nicolas Sarkozy lors de la signature du traité ont le mérite de la constance.

Le libéralisme, c’est moins d’intervention de la puissance publique dans la vie sociale, économique et démocratique de nos concitoyens. Compétitivité internationale, efficacité plus ou moins grande… ce sont toujours les mêmes termes qui reviennent ! Pour quels résultats ? Régression des services publics, diminution des impôts… c’est le même cycle depuis vingt ans.

L’état d’esprit dans lequel je vais me prononcer animera peut-être la majorité présidentielle et gouvernementale. J’ai voté « oui » à Maastricht. Vingt ans plus tard, lorsque je fais le bilan, je le regrette. Car où en sommes-nous après le débat sur les critères de convergence ? Après les traités d’Amsterdam et de Nice ? Après le traité constitutionnel européen, ou TCE ? Après le traité de Lisbonne ? La situation est extrêmement préoccupante pour les peuples d’Europe, qui sont loin de tout cela. Quid des services publics, de la solidarité, du développement économique ?

Quid aussi de l’écologie ? Car quelles seront les marges de manœuvre qui sont nécessaires pour la mutation écologique ? Je vous renvoie à nos débats sur la banque publique d’investissement, notamment s’agissant de l’aspect budgétaire, ou sur la nécessité d’aider nos PME-PMI pour accomplir cette mutation.

De grands pays, comme la Chine, l’Allemagne, le Danemark, la Corée du sud ou les États-Unis, ont fait des efforts en ce sens. Pas nous.

Je suis donc très inquiet.

Je me réjouis d’ailleurs que l’on n’inscrive pas la règle d’or dans la Constitution. Pour le coup, cela nous aurait peut-être amenés, nous écologistes, à adopter des positions plus radicales dans notre stratégie politique. En effet, dans une telle hypothèse, la future loi organique et la loi de finances n’auraient plus servi à grand-chose !

J’ai entendu le Président de la République nous demander de lui accorder notre confiance. Ça tombe bien ; comme j’ai voté pour lui au mois de mai dernier, même si je ne porte pas le même jugement sur le TSCG, je suis prêt à lui accorder ma confiance pour les deux années à venir. Je lui fais confiance pour l’ensemble du quinquennat, bien sûr, mais c’est lui qui a évoqué l’échéance des deux années à venir, parlant même d’inversion de la courbe du chômage l’année prochaine. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Certes, avec un taux de croissance de 0,8 %, cela me paraît compliqué…

M. Christian Cambon. C’est bien parti…

M. Jean-Vincent Placé. Je voterai « non », et nous continuerons le débat lors de l’examen du projet de loi organique et dans les années à venir, pour changer les choses.

Monsieur le ministre délégué, vous avez su utiliser des arguments puissants. J’espère que vous en ferez autant lorsqu’il s’agira de convaincre nos partenaires européens. Puisse la nouvelle donne sociale, démocratique et écologique que vous prônez devenir réalité pour nos concitoyens, en lieu et place de ce que nous vivons depuis vingt ans. Nos amis de l’UMP pourront alors se dire qu’ils ont eu raison de soutenir la signature de ce traité au mois de mars et sa ratification aujourd'hui !

Tel est le message que je vous adresse du fond du cœur. Je suis inquiet, mais je me place résolument dans une perspective d’avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Pierre Chevènement applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, malgré la volonté du Président de la République, François Hollande, de renégocier un traité conçu par Nicolas Sarkozy et Mme Merkel,…

M. Jean Bizet. Ce qu’il n’a pas fait !

M. Robert Hue. … force est de constater, et je le regrette, que cette renégociation s’est révélée infructueuse, voire impossible, et ce en raison notamment du rapport de force aujourd’hui particulièrement défavorable à la gauche en Europe.

S’il n’a pas été possible de modifier le texte du traité, la volonté affichée de François Hollande de changer les règles en Europe a toutefois permis quelques avancées, qui, si maigres soient-elles, doivent être soulignées.

Le Pacte pour la croissance et l’emploi s’inscrit effectivement dans l’engagement présidentiel. Il faut cependant reconnaître que les sommes dédiées ne semblent pas en mesure de permettre une relance de l’économie et de la croissance.

Je note également les avancées sur la taxe sur les transactions financières, si longtemps rejetée par la droite. La supervision bancaire est un pas intéressant, qu’il faut poursuivre. Je veux surtout souligner une première évolution des esprits avec la décision de la BCE de racheter les titres de dette publique en quantité illimitée, même si l’on peut s’interroger sur le caractère vraiment « illimité »…

Il s’agit là incontestablement d’un changement par rapport au dogme qui avait cours jusqu’alors, même si le rôle de la Banque centrale européenne n’est en effet pas fondamentalement remis en cause.

Préférant financer les banques avant de financer les États, refusant d’user du pouvoir de création monétaire, la BCE est régie selon une vision allemande extrêmement prégnante qui résulte du traité de Maastricht.

Car, mes chers collègues, ne l’oublions pas, le carcan qui nous ruine aujourd’hui est davantage celui de Maastricht, pour lequel j’avais à l’époque appelé à voter « non », quand d’autres, aujourd’hui parmi les opposants les plus hostiles et les plus acharnés, approuvaient avec lyrisme ce traité, alors décrit comme un « compromis de gauche ».

Mais revenons au TSCG.

Malgré les contreparties obtenues par le Gouvernement pour atténuer les effets de ce traité sur notre économie et nos finances publiques, il faut bien reconnaître que le compte n’y est pas.

Ce traité constitue un prolongement du Mécanisme européen de stabilité que je n’ai pas approuvé. Selon ces deux textes, il ne peut y avoir de solidarité sans austérité. Je m’inscris en faux contre cette optique.

Parce que l’idée européenne est bien vivante et plus que jamais d’actualité, c’est par le concret qu’il est nécessaire de réorienter l’Europe d’aujourd’hui.

Parce que je suis convaincu que l’austérité n’encouragera que l’austérité, ce texte non seulement ne me paraît pas opportun, mais de plus il continue de garantir la logique des marchés financiers, d’étioler la souveraineté du Parlement et de mutiler les dépenses publiques.

Je plaide pour une Europe de la solidarité, reposant sur la satisfaction des besoins sociaux et populaires, à commencer par l’emploi. Je plaide pour une Europe favorisant les entreprises qui créent et investissent pour l’avenir, au contraire des spéculateurs et de ceux qui fuient à l’étranger pour échapper à la justice fiscale.

C’est parce que je veux une réorientation de l’Europe que je ne voterai pas ce traité.

Pour autant, je n’entends pas m’inscrire dans une logique d’opposition et rejoindre ceux dont l’objectif politicien est certainement moins le choix d’une autre Europe que la volonté de marquer leur opposition au Président de la République et au Gouvernement.

Mon abstention veut offrir toutes ses chances à une autre Europe. C’est une abstention constructive, en forme d’adresse des progressistes de mon mouvement au Président de la République et au Gouvernement en faveur d’une démarche forte et volontaire : celle d’une réorientation significative à gauche des politiques européennes.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais être bref car je ne voudrais pas allonger un débat au cours duquel chacun a pu s’exprimer et portant sur la ratification d’un traité qui participe à l’amélioration de l’intégration européenne.

Certains se sont exprimés avec conviction et pragmatisme. D’autres, enfermés dans une posture, ont fait un calcul politicien quelquefois misérable. L’Europe relève d’une architecture originale, en perpétuel devenir, et ce traité s’intègre dans cette évolution. Je ne citerai pas Victor Hugo, mais je rappellerai les mots d’Edgar Morin : « l’Europe se dissout quand on la pense claire et rationnelle alors qu’il faut la concevoir dans sa pleine et complexe réalité ».

L’avenir de la France est étroitement lié à l’avenir de l’Europe. Ne pas voter ce traité, c’est casser l’Europe, c’est casser l’euro, c’est casser la France.

Le groupe UMP votera ce traité dans un esprit de continuité, comme l’a souligné cette nuit le président de la commission des finances, Philippe Marini.

Je préviens malgré tout le Gouvernement : le groupe UMP sera très attentif, voire très constructif, au regard des réformes structurelles que la Commission nous invite à mettre en œuvre. Nous serons très sévères si le Gouvernement préfère l’esquive et la tactique au courage politique.

Comme je l’ai souligné hier soir, le Président de la République devra faire un choix : il paraît que ce n’est pas l’exercice qu’il préfère… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Ce n’est pas bien de dire des choses pareilles !

M. Jean Bizet. Soit il revêtira les habits de Gerhard Schröder en décidant de faire participer les entreprises françaises à la nécessaire compétitivité à laquelle la mondialisation les invite, et il rentrera dans l’histoire. Soit il préférera endosser les habits de René Coty. Ils sont peut-être un peu plus confortables, mais l’histoire sera alors très sévère.

M. François Rebsamen. C’est incroyable d’entendre ça !

M. Jean Bizet. Le Président de la République ne doit pas perdre de vue que l’opposition d’aujourd’hui est constituée d’hommes et de femmes responsables, qui sauront élever le débat et appuyer les réformes, car il y va de l’intérêt et de l’avenir de la France, il y va de l’intérêt et de l’avenir de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UCR.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. M. Bizet nous promet la sévérité. Après la trique de M. Chevènement, vous êtes prévenu, monsieur le ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacky Le Menn. Le fouet !

M. Richard Yung. Au terme de ces deux journées de débats qui ont été, chacun l’a souligné, de bonne qualité – et je ne parle pas des citations ! (Sourires.) – il ressort qu’une très grande majorité de cet hémicycle votera le traité.

Voilà un fait constitutif important. C’est une orientation politique essentielle, nous l’avons tous souligné. Le fait que ce texte recueille une majorité aussi large est un point encourageant.

Cela ne signifie pas que nous n’écoutons pas les avis différents ni les opinions contraires aux nôtres. Elles sont respectables.

Si nous avons obtenu un tel consensus, c’est que la politique budgétaire menée est le complément naturel – ce qui n’était pas tellement évident puisqu’il aura fallu près de vingt ans pour la mettre en place – de la création de l’euro. La politique monétaire devait s’accompagner d’une politique budgétaire. Il nous manquait ce deuxième pied pour marcher.

Par ailleurs, nous sommes tous d’accord sur la nécessité de réduire les déficits ; nous devons rechercher des marges de manœuvre budgétaires. Avec 2 000 milliards d’euros de déficit, nous sommes étranglés.

Ensuite, sans dramatiser, nous avons tous constaté qu’il n’y avait aucune solution de remplacement crédible. Certains parlent de plan B. Soyons sincères, il n’y en a pas, sauf à sortir de l’euro !

M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Richard Yung. Or personne ne prône vraiment cette solution !

Enfin, pour nous, ce traité constitue une avancée sur l’Europe solidaire. Ce n’est pas un slogan, un mot vide. Les contours d’une vraie solidarité se dessinent, qui sera celle du MES, de l’union bancaire, avec une future garantie commune des dépôts et un mécanisme commun de réponse aux défaillances des banques. Et je ne parle pas d’une mutualisation éventuelle de la dette. Nous avançons donc dans la voie de cette Europe solidaire.

M. Jean Bizet. Grâce au MES !

M. Richard Yung. Les critiques ont été nombreuses. Une nouvelle école philosophique est apparue, celle des gardiens de la virgule ! (Sourires.) Réjouissez-vous, mes chers collègues, c’est plutôt encourageant pour vous…

Ensuite, M. Bas nous a reproché de ne pas avoir de vision d’avenir pour l’Europe. Cette critique est injuste. Nous avons débattu hier quatre ou cinq heures sur notre vision de l’Europe au cours des cinq ou six prochaines années. Peut-être n’avons-nous pas la même vision que M. Bas ? Néanmoins, le débat a été de qualité.

Je finirai à mon tour par une citation (Exclamations amusées.), mais pas de Victor Hugo !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Du cardinal de Retz ?

M. Richard Yung. En tant que représentant des Français établis hors de France, je citerai un étranger,…

M. Jean Bizet. Tant que ce n’est pas Woody Allen !

M. Richard Yung. … à savoir Raskolnikov, qui a assassiné, dans le roman Crime et châtiment, une vieille prêteuse sur gage : « Qu’est-ce qui est le plus inquiétant sur l’échelle du temps ? Un avenir qui s’approche vraiment ou un passé qui s’éloigne toujours plus ? »

Eh bien nous, nous répondons à cet avenir qui s’approche toujours plus. Voilà pourquoi le groupe socialiste votera en faveur du traité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Au terme de l’examen de ce projet de loi, j’avoue que je n’ai pas changé d’avis – cela n’étonnera personne – sur les appréciations que j’ai pu porter précédemment, et ce malgré les discussions que nous avons eues pendant quelques heures.

Je voudrais revenir tout d’abord sur la façon dont ont été organisés les débats sur ce texte, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, même si, au Sénat, il faut le reconnaître, malgré quelques dérapages, les interventions ont été de qualité, qu’elles émanent des sénateurs ou du Gouvernement. Toutefois, tout cela laisse la désagréable impression que vous souhaitez maintenant en finir au plus vite et tourner rapidement la page.

Je reste convaincue que ratifier ce traité serait néfaste et dangereux pour notre pays. Je dirais même que la façon dont le Premier ministre, hier après-midi, l’a resitué dans son contexte et en a souligné les enjeux nous a malheureusement confortés dans notre opinion première.

Les sénateurs du groupe CRC ont assez démontré, au cours de leurs interventions, que, loin de résoudre la crise économique et financière en Europe, la ratification de cet accord ne ferait qu’en amplifier les effets dans tous les pays de l’Union européenne.

À la suite de Jean-Marc Ayrault, vous nous avez appelés, monsieur le ministre, à nous prononcer ce matin en toute connaissance de cause.

Et pourtant, lorsque vous continuez d’affirmer qu’il n’y aura aucun nouveau transfert de souveraineté du Parlement pour le vote du budget, vous jouez sur les mots ! Par le biais de mécanismes de contrôle et de surveillance, ce transfert sera bel et bien étendu à des instances non élues.

C’est l’une des raisons principales pour lesquelles nous pensions qu’il était nécessaire de consulter les Français par voie de référendum. Fondamentalement, on ne peut nier qu’avec la mise en place de ces mécanismes de surveillance et de contrôle du processus budgétaire, leurs représentants seront dessaisis d’une grande partie de leur liberté de décision en cette matière.

La mise sous tutelle permanente de nos finances publiques limitera, de fait, le droit d’initiative du Parlement et de ses commissions, ainsi que le droit d’amendement et de propositions.

Vous reconnaissez maintenant que la lettre du traité n’a pas changé et vous affirmez que l’esprit avec lequel il sera mis en œuvre changera sous l’effet du « paquet européen » obtenu grâce au Président de la République.

C’est une déclaration bien optimiste au vu, par exemple, des derniers développements de la situation en Grèce et en Espagne, où la mise en œuvre implacable de plans d’austérité toujours plus drastiques ne satisfait aucunement les marchés financiers et suscite la colère croissante des peuples grec et espagnol.

Je doute fort que les Espagnols et les Grecs, comme les Français d’ailleurs, soient convaincus qu’il faille vraiment en passer par là pour réorienter l’Europe sur la voie du progrès économique et social ainsi que de la transition écologique.

Enfin, je suis sceptique quant au changement d’état d’esprit de certains de nos partenaires en raison, paraît-il, des avancées obtenues par le chef de l’État. À cet égard il, me semble que l’échec de la fusion entre EADS et British Aerospace, du fait de l’opposition de l’Allemagne, montre qu’on en est encore loin !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est une très bonne nouvelle !

Mme Éliane Assassi. Cela augure mal de l’avenir et des décisions que vous souhaiteriez voir prendre lors du prochain Conseil européen des 18 et 19 octobre pour jeter les bases d’une gouvernance économique européenne, ce que j’appelle, pour ma part, fédéralisme autoritaire…

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les élus communistes républicains et citoyens se battent avec des milliers et des milliers de citoyens, avec des dizaines et des dizaines d’organisations et d'associations pour une Communauté européenne solidaire, sociale, démocratique et écologique : on est donc bien loin des caricatures verbales faites ce matin et encore tout à l'heure de notre position ! Du reste, étrangère à toute paranoïa, je ne me suis sentie nullement insultée par ces propos, qui ne méritent que mon dédain !

Oui, n'en déplaise à certains, nous voulons une Europe où primerait enfin l’être humain, non les critères de l'argent roi et de la finance folle.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Votre ennemi, c’est la finance !

Mme Éliane Assassi. Et c'est parce que ce traité ne nous semble pas prendre ce chemin que nous vous confirmons notre vote contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Pierre Chevènement applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. C’est à titre personnel que je souhaitais initialement expliquer mon vote, mais, étant entouré de trois collègues de mon groupe qui ne partagent pas les mêmes convictions que moi, j'ai le sentiment qu’il m’incombe aussi de préciser que la majorité des membres de ce groupe votera le présent projet de loi de ratification.

Nous avons entendu trop de références littéraires pour que j'y succombe à mon tour ! (Sourires.) Aussi, je prendrai une référence iconographique : la photographie de Maurice Faure signant le traité de Rome, à côté de Konrad Adenauer, lequel avait souhaité sa présence dans la capitale italienne eu égard à la contribution qu’il avait apportée à l’élaboration de ce document.

J’en viens à quelques considérations personnelles.

Bien entendu, en dépit des affinités idéologiques que j'ai avec Jean-Pierre Chevènement, je ne partage pas l’ensemble de son argumentation. Au-delà des chiffres, deux principes fondamentaux ont toujours guidé mon action.

En premier lieu, on accède au pouvoir par certains moyens, mais on gouverne par d'autres moyens.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il vaut mieux l’avouer !

M. Nicolas Alfonsi. C'est une évidence et il ne faut pas voir dans mon propos la marque d’un quelconque cynisme, mais, paradoxalement, la manifestation d'une sincérité permanente.

En second lieu, il faut prendre en compte ce qu’il est convenu d’appeler le principe de réalité. Nous pouvons tourner très longtemps en rond, annoncer que, bientôt, nous allons « refonder ». Mais j’observe qu’on « refonde » tout le temps ! Théoriquement, une refondation porte, par définition, sur un objet unique ; or, en l’occurrence, elle porte sur quarante objets différents, ce qui rend toute entreprise de reconstruction particulièrement difficile.

Au fond, le seul argument qui vaille, c’est celui de la dette. Il y a le feu à la maison et nous courons le danger de subir une hausse des taux d'intérêt, ce qui nous contraindrait à payer, dans trois, quatre ou cinq mois, quelques milliards d'euros supplémentaires. Que pourrions-nous alors faire ? Pourrions-nous « refonder » en quelques mois ? Évidemment non ! Dès lors, le problème se pose en termes simples : la politique n’étant que le choix entre deux inconvénients, je choisis le moindre, et je voterai le texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE respecte toujours les convictions et les positions de chacun de ses membres.

De fait, au sein de notre groupe, pas plus que dans d’autres groupes de la Haute Assemblée, ou de l’Assemblée nationale, ce projet de loi autorisant la ratification du TSCG ne fait l’unanimité. Il reste que la majorité de ses membres votera pour la ratification ; c’est en leur nom que je m’exprime en cet instant.

Nous voulons que l’Europe avance, qu’elle progresse vers plus de démocratie et de solidarité. Pour nous, ce traité ne peut pas être séparé du contexte européen qui prévaut depuis quelques mois. En effet, les 28 et 29 juin dernier, sous l’impulsion du nouveau Président de la République, l’Europe s’est engagée dans une nouvelle voie : celle de la croissance et de la solidarité.

Nous pouvons donc, en toute confiance, autoriser la ratification de ce traité. D’ailleurs, il est heureux qu’une très large majorité des membres de notre Haute Assemblée, élus de la majorité comme de l’opposition, approuvent ce texte et, par là même, la réorientation de l’Europe.

Ne nous y trompons pas : c’est sur l’avenir de l’Europe que nous avons à nous prononcer aujourd’hui. Or, sur une question aussi centrale, nous devrions, me semble-t-il, dépasser nos divergences et former une véritable union nationale.

Nous considérons que l’avenir de la France est dans l’Europe et que l’intérêt de nos concitoyens doit prévaloir sur les calculs électoralistes de certains, qui choisissent de faire de Bruxelles un bouc émissaire permanent – et bien commode !

Avec la ratification de ce traité, il y va de notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens, et même au-delà des frontières de l’Union. En tout cas, si nous ne ratifiions pas ce traité, comment, la voix de la France pourrait-elle continuer à être entendue et prise au sérieux à l’échelon européen ?

En réalité, l’Europe est déjà passée à l’étape suivante, et en ne ratifiant pas ce traité, c’est toute la construction, toute la réorientation de l’Europe que nous mettrions en péril, ce qui serait bien sûr très préjudiciable à notre pays.

L’objectif de ce traité n’est pas contestable en soi ; il correspond d’ailleurs à un engagement déjà présent dans notre Constitution, celui d’équilibrer les comptes publics. Il s’agit d’affirmer notre volonté de redresser nos finances publiques, comme le Gouvernement s’y est déjà engagé.

En outre, ainsi que cela a été souligné au cours de nos discussions, la règle contenue dans ce traité qui limite le déficit structurel à 0,5 % est plus souple et plus pertinente économiquement que la règle des 3 %, en solde effectif, contenue dans le Pacte de stabilité et de croissance.

C’est donc en commençant par ratifier le TSCG que nous pourrons dépasser la logique unilatérale de la discipline budgétaire. Si la discipline est utile, elle doit surtout avoir pour contrepartie la solidarité. Une solidarité accrue en Europe, c’est ce que nous appelons de nos vœux.

Mes chers collègues, cessons de regarder vers le passé et projetons-nous dans l’avenir, voyons les avancées qui sont en train de s’accomplir et poursuivons la construction d’une Europe plus solidaire et plus démocratique. Cela passera notamment par une harmonisation des normes sociales et fiscales, comme nous le soutenons depuis des années.

Compte tenu du rééquilibrage de la construction européenne déjà opéré depuis juin dernier, et qu’il ne faudrait surtout pas remettre en question, la majorité des membres du RDSE et des sénateurs radicaux de gauche votera ce projet de loi de ratification.

Étant élu du département du Lot, qui ne fournissait, disait-on jadis, que des pierres et des ministres, je me souviens que Maurice Faure, originaire de ce département, qui fut un jeune, sémillant et brillant secrétaire d’État aux affaires étrangères, avait à ce titre négocié en 1956 et 1957 le traité de Rome, et cela, m’a-t-il confié, contre l’avis de tout l’appareil du Quai d’Orsay. C’est lui qui a signé ce traité parce que Christian Pineau, alors ministre des affaires étrangères, a considéré qu’il devait recueillir les fruits de son labeur.

Je me situe dans cette lignée. Maurice Faure a été président du conseil général du Lot, député, sénateur, ministre. Pensant à lui, qui, malgré ses quatre-vingt-dix ans, est toujours en forme, je n’en suis qu’encore plus heureux de voter pour l’Europe.

Cette Europe à laquelle je suis attaché n’est pas l’Europe technocratique, qui interdit, par exemple, la vente du fromage au lait cru, ni l’Europe du rosé artificiel, ni l’Europe au sein de laquelle un technocrate bruxellois s’étonne que, à Séville, on fasse la sieste pendant l’été, sous prétexte qu’il faut harmoniser les règles entre les pays membres de l’Union.

M. Albéric de Montgolfier. Et les truffes ?

M. Jean-Claude Requier. Cette Europe à laquelle je suis attaché, c’est l’Europe du progrès, une Europe humaniste, une Europe qui doit s’occuper des grands équipements et infrastructures, sans régir la vie quotidienne de chacun. C’est ce sens-là que je donnerai à mon vote.

À l’Europe, je demande de nous mener sur la voie du progrès et, surtout, de nous faire un peu rêver ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà vingt ans, au moment de l’union monétaire, les Européens les plus convaincus étaient persuadés que cet événement précéderait une union politique, devenue indispensable. Or cela ne s’est pas produit et nous en subissons encore les conséquences, car nous devons gérer la crise résultant de cette déficience. Auparavant, l’Europe avait toujours fonctionné en reposant sur des équilibres successifs.

Lors de ce débat, qui doit aboutir à la validation d’un traité ayant pour objet de corriger les traités antérieurs, chacun a exprimé ses convictions. Nous avons constaté, monsieur le ministre, à quel point vous étiez compétent. Vous êtes tenace, courageux et possédez une capacité de répartie : autant de qualités qui sont absolument nécessaires pour défendre notre volonté de réorienter l’Europe avec nos vingt-six – bientôt vingt-sept – partenaires européens.

Au-delà de la crise de l’euro, plusieurs négociations sont en cours, notamment sur la prochaine période budgétaire, l’obligation de convergence fiscale, qui a été évoquée à plusieurs reprises, et l’union bancaire, indispensable en contrepartie de ce traité. Pour cela, monsieur le ministre, vos qualités seront précieuses.

Par ce vote que vous nous demandez au nom du Gouvernement, nous vous donnons en quelque sorte une mission, et nous serons à vos côtés pour la remplir. Nous souhaitons démontrer que le traité, les institutions européennes, les États membres seront utiles à l’ensemble des citoyens européens au cours des prochaines années. Vous savez combien nous avons ressenti le doute qui est apparu à ce sujet lors des campagnes électorales.

Le combat sera difficile, mais il faudra le mener avec l’ensemble de nos partenaires européens. Nous nous battrons avec vous, et commençons aujourd'hui en votant ce projet de loi de ratification. Ce traité marque le début d’une nouvelle aventure. Elle sera longue et périlleuse, mais elle mérite toute notre persévérance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe écologiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe CRC, l’autre, de l'UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 3 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 306
Contre 32

Le Sénat a définitivement adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP, ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE. – Mme Leila Aïchi applaudit également.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire
 

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 15 octobre 2012 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Proposition de résolution relative aux ressortissants de nationalités roumaine et bulgare, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mme Aline Archimbaud et les membres du groupe écologiste (n° 590, 2011-2012).

2. Proposition de loi relative à la création de la Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement, présentée par Mme Marie-Christine Blandin et les membres du groupe écologiste (n° 747, 2011-2012) ;

Rapport de M. Ronan Dantec, fait au nom de la commission du développement durable (n° 24, 2012-2013) ;

Rapport pour avis de Mme Aline Archimbaud, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 32, 2012-2013).

De dix-huit heures trente à dix-neuf heures trente et de vingt et une heures trente à minuit trente :

3. Proposition de loi visant à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes, présentée par M. Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE (n° 564, 2011-2012) ;

Rapport de M. Pierre-Yves Collombat, fait au nom de la commission des lois (n° 13, 2012 2013) ;

Texte de la commission (n° 14, 2012-2013).

4. Proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, présentée par M. Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE (n° 576, 2011-2012)

Rapport de M. Gilbert Barbier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 10, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 11, 2012-2013)

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART