M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Marie-Arlette Carlotti, qui est chargée de la question du handicap au sein du Gouvernement.

Mme Isabelle Debré. Il n’y a personne, alors !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Cette question étant relative à l’accessibilité dans le domaine des transports, nous la portons collectivement. Elle est en effet importante, puisqu’elle concerne les difficultés d’application de la loi auxquelles doivent faire face nombre de collectivités.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées dispose que les services de transport collectif devront être accessibles aux personnes handicapées et à mobilité réduite le 12 février 2015 au plus tard.

Cet objectif est essentiel, indispensable et même indiscutable, et cela fait déjà un certain nombre d’années que le principe en a été posé. Je tiens d’ailleurs, à cette occasion, à souligner le travail considérable réalisé par les différentes collectivités pour se mettre à niveau afin de rendre les transports accessibles, qu’il s’agisse des bus, de la voirie ou des gares. Bref, d’innombrables travaux, qui ont effectivement un coût. Toutefois, force est aussi de constater que de trop nombreuses collectivités n’ont pas encore adopté ne serait-ce que le schéma directeur d’accessibilité. Or ce travail de diagnostic préalable est indispensable, car il permet de programmer dans le temps les dépenses nécessaires pour parvenir à ce haut niveau d’accessibilité et, éventuellement, de détecter les difficultés et d’avancer dans ce domaine. Le coût de ces investissements est réel et important, mais il existe une dynamique qu’il convient de souligner et d’encourager.

J’étais moi-même élu local, monsieur le sénateur, et je ne méconnais pas les difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités à cet égard. Le Gouvernement en est pleinement conscient. Jean-Marc Ayrault a d’ailleurs confié à l’une de vos collègues, Claire-Lise Campion, une mission visant à définir, avec les acteurs de terrain, les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs en 2015.

Je tiens à souligner que cette question n’est méconnue ni du Gouvernement ni du Président de la République ; vous avez en effet eu l’occasion, monsieur le sénateur, de l’évoquer devant lui et ma collègue Marie-Arlette Carlotti, voilà quelques jours, lors d’une réunion avec les présidents de conseil général.

Si la concertation est importante, l’exigence l’est aussi. Lors d’une rencontre avec les représentants de la Fédération nationale des transports de voyageurs, j’ai appris que seuls 15 % de la flotte étaient au niveau d’accessibilité requis pour les personnes handicapées. C’est insuffisant ! On m’a également dit, et je le fais vérifier par les services de mon ministère, qu’il existait encore des appels d’offre pour du matériel roulant ne répondant pas aux normes d’adaptabilité et d’accès pour les personnes handicapées. (Oh ! sur plusieurs travées de l’UMP.) Cela doit être vérifié. (M. Alain Gournac s’exclame.) Je m’engage, pour ma part, à faire en sorte que l’information soit donnée.

Votre collègue Catherine Procaccia avait rappelé ici même, à l’occasion d’une question orale, combien il était important de faire œuvre d’information, notamment pour convaincre les taxis d’accepter les chiens-guides d’aveugles.

Au-delà des obligations d’ordre matériel ou financier, il faut aussi adopter un comportement à l’égard des personnes handicapées. C’est indispensable si nous voulons mieux vivre ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires, en remplacement de M. Thierry Repentin et de Mme Anne-Marie Escoffier, nommés membre du Gouvernement.

La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, a fait connaître qu’elle propose les candidatures de M. Marc Daunis pour siéger au sein du conseil d’administration de l’établissement public Parcs nationaux de France et de M. Stéphane Mazars pour siéger, en qualité de membre suppléant, au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à élargir la contribution de solidarité pour l'autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie
Discussion générale (suite)

Allocation personnalisée d'autonomie

Adoption d'une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à élargir la contribution de solidarité pour l'autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de loi tendant à élargir la contribution de solidarité pour l’autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie (proposition n° 391 [2011-2012], rapport n° 59).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Roche, auteur de la proposition de loi, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Roche, auteur de la proposition de loi, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’exercice auquel je me livre devant vous cet après-midi constitue pour moi une première. Je l’avoue dès à présent, je n’ai aucunement la prétention de proposer une solution miracle et définitive à la question du financement de la dépendance.

M. Yvon Collin. Hélas !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Eh oui !

M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. On la prendrait tout de suite ! (Sourires.)

M. Gérard Roche, rapporteur. Si mon ambition est plus limitée, ma détermination n’en est pas moindre, tant me paraît urgente la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui.

L’objet de cette proposition de loi est simple : apporter une ressource pérenne au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, afin d’alléger la charge croissante que cette prestation fait actuellement peser sur les budgets départementaux.

Ce texte, j’en ai été le premier signataire voilà plusieurs mois avec les membres du groupe Union centriste et républicaine ainsi qu’avec plusieurs de mes collègues du groupe Union pour un mouvement populaire. Je sais que son objectif est partagé bien au-delà des clivages politiques. La qualité tant de l’accueil dont cette proposition de loi a bénéficié la semaine dernière en commission que des débats qu’elle a suscités me laisse espérer qu’il en sera de même dans cet hémicycle et – qui sait ? – nous parviendrons peut-être à trouver un point de consensus.

Pourquoi cette proposition de loi ? Je commencerai par vous rappeler quelques éléments de contexte.

L’APA a été créée par la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie, en remplacement de la prestation spécifique dépendance, la PSD, qui avait été instituée en 1997 sur l’initiative de notre assemblée. Au 31 décembre 2011, 1 199 267 personnes bénéficiaient de l’APA, pour un coût total de près de 5,3 milliards d’euros, soit près de 20 % de l’ensemble des dépenses d’aide sociale des départements.

Destinée aux personnes âgées de soixante ans et plus en situation de perte d’autonomie, l’APA est une prestation en nature, attribuée sans conditions de ressources, même si son montant varie en fonction du revenu du bénéficiaire ainsi que de son degré de dépendance défini à l’aide de la grille AGGIR – autonomie gérontologie groupe iso-ressources.

Environ 60 % des bénéficiaires de l’APA perçoivent l’aide à domicile, les 40 % restants percevant l’aide en établissement. Les plans d’aide notifiés aux bénéficiaires de l’aide à domicile sont définis dans la limite de plafonds fixés à l’échelon national par voie réglementaire. Cela signifie en pratique que les départements ont en charge la gestion d’une prestation dont ils ne maîtrisent pas pleinement la définition des paramètres.

Contrairement à la prestation spécifique dépendance, l’APA ne peut pas faire l’objet d’une récupération sur succession. Elle est en outre ouverte aux personnes relevant des GIR 1 à 4, le GIR 1 correspondant au degré le plus sévère de dépendance, tandis que la PSD n’était versée qu’aux demandeurs classés dans les GIR 1 à 3.

Depuis sa création, le financement de l’APA est assuré conjointement par les départements et par une contribution dite « de solidarité nationale » versée dans un premier temps par le fonds de financement de l’APA, le FFAPA, puis par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA.

Le FFAPA était alimenté par deux types de ressources : une participation des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse et une part de 0,1 point de CSG.

La loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a apporté une ressource supplémentaire au financement de l’APA, la contribution de solidarité pour l’autonomie, la CSA, en même temps qu’elle a créé une nouvelle structure, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, chargée de centraliser l’ensemble des financements destinés au secteur médico-social.

La CSA est elle-même composée de prélèvements de deux types, au taux identique de 0,3 % : le premier prélèvement est acquitté par les employeurs publics et privés sur les revenus salariaux, en contrepartie de la « journée de solidarité » ; le second prend la forme d’une contribution additionnelle de 0,3 % au prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.

En 2011, le rendement de la CSA s’est élevé à 2,3 milliards d’euros.

Notons cependant que la loi encadre très fortement l’utilisation de cette ressource au sein du budget de la CNSA, dont seule une fraction, limitée à 20 %, est allouée spécifiquement au financement de l’APA. La loi prévoit également un mécanisme de péréquation pour la répartition entre les départements du concours de la CNSA. Cette répartition dépend de quatre critères : le nombre de personnes âgées de soixante-quinze ans et plus ; le montant des dépenses d’APA ; le potentiel fiscal ; le nombre de foyers bénéficiaires du « RSA socle » non majoré.

Ce dispositif est complété par un mécanisme de correction visant à garantir que le rapport entre les dépenses des départements au titre de l’APA et leur potentiel fiscal ne puisse excéder un taux fixé par voie réglementaire ; ce taux est actuellement de 30 %.

En pratique, l’évolution des concours du FFAPA puis de la CNSA n’a pas permis de garantir une participation équilibrée et équitable de l’État au financement de l’APA. En effet, la montée en charge du dispositif a été à la fois plus rapide et plus forte que cela n’avait été anticipé au moment du vote de la loi du 20 juillet 2001. Pourtant, dès cette époque, notre ancien collègue Alain Vasselle, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires sociales, pointait la fragilité des estimations de progression des dépenses et du dispositif de financement envisagé, dont il estimait qu’il était « source de graves menaces pour les finances locales et les finances sociales ».

Or, sur la période 2003-2009, les dépenses brutes d’APA ont augmenté de 5,9 % en moyenne annuelle, tandis que la participation du FFAPA puis de la CNSA ne progressait que de 0,9 % en moyenne par an. De ce fait, les dépenses restant à la charge des départements ont augmenté en moyenne de 8,8 % par an entre 2003 et 2009. Le taux de couverture des dépenses d’APA par le FFAPA puis par la CNSA, qui s’élevait à 43 % en 2002, est descendu sous la barre des 30 % en 2001, avant de remonter très légèrement à 30,8 % en 2011. Cette même année, les départements ont supporté une charge nette de 3,7 milliards d’euros, un chiffre en augmentation continue depuis 2002.

Pourquoi une telle dégradation de la participation de l’État au financement de l’APA ? Celle-ci s’explique avant tout par le fait qu’aucune disposition législative ne permet aujourd’hui de répartir de façon satisfaisante le financement de l’APA entre l’État et les départements. Notre Haute Assemblée avait bien conscience des risques liés à une montée en charge insuffisamment contrôlée de l’APA lorsqu’elle a examiné le projet de loi créant cette prestation, puisqu’elle avait adopté en première lecture un amendement du rapporteur pour avis de la commission des finances, Michel Mercier, qui prévoyait explicitement que la prestation serait financée à parts égales par l’État et les départements. Cette disposition a cependant été supprimée par l’Assemblée nationale – nous le regrettons –, et l’idée d’un financement à parité est demeurée un engagement informel rapidement contredit par les faits.

Or la situation financière des départements exige un nouvel équilibre dans le financement de l’APA.

En décembre 2010, déjà, trois propositions de loi identiques déposées par le groupe socialiste, le RDSE et le groupe CRC, relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements – RSA, APA et prestation de compensation du handicap, PCH –, ont été débattues au Sénat.

En juin 2011, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par les départements de Seine-Saint-Denis et de l’Hérault, a certes jugé que le mécanisme de compensation financière prévu pour le financement de l’APA ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, mais il a émis deux réserves d’interprétation, appelant les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités dans le cas où les concours apportés par la CNSA et les mécanismes de péréquation entre départements ne permettraient plus d’assurer le respect du ratio de 30 % entre leurs charges nettes et leur potentiel fiscal.

À mon sens, cette décision du Conseil constitutionnel ouvre la voie à une évolution législative destinée à sécuriser le financement de l’APA comme celle que je vous propose aujourd'hui.

J’en viens donc au dispositif de cette proposition de loi.

Son article 1er étend l’assiette de la CSA aux revenus des travailleurs indépendants et aux pensions de retraite, afin que ceux-ci soient soumis, tout comme les revenus salariaux, à une contribution de 0,3 %. Il s’agit selon moi d’une mesure d’équité. Certains objecteront que le prélèvement qui pèse actuellement sur les revenus salariaux ne vient pas obérer le pouvoir d’achat des salariés, dans la mesure où il est acquitté par les employeurs en contrepartie d’une journée de travail supplémentaire non rémunérée. Cependant, s’il n’y a pas de perte nette de pouvoir d’achat pour les salariés, ces derniers participent bien à l’effort de solidarité nationale en acceptant de travailler gratuitement une journée supplémentaire.

Obliger les travailleurs indépendants et les retraités à effectuer une journée de travail non rémunérée n’aurait aucun sens, cela va de soi. Mais est-ce une raison pour les dispenser de toute forme de participation à l’effort de solidarité nationale envers les personnes âgées dépendantes ? Je ne le crois pas, et mon avis rejoint celui d’une personne concernée au premier chef par l’article 1er de la proposition de loi : le président du Régime social des indépendants. Lors de son audition, ce dernier a officiellement déclaré qu’il soutenait le dispositif de la proposition de loi, nonobstant l’effort substantiel – une augmentation de près de un milliard d’euros de leurs cotisations maladie – que le PLFSS pour 2013 prévoit déjà de demander aux travailleurs indépendants. Je tiens à saluer avec force cette position responsable et courageuse, qui témoigne d’une prise de conscience de l’effort de solidarité que nous devons tous consentir envers nos aînés.

Il est vrai que le président de la Confédération française des retraités, auquel j’ai également demandé son opinion sur la proposition de loi, s’est montré moins enthousiaste. (Rires.)

M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Gérard Roche, rapporteur. À ses yeux, en effet, une telle contribution ferait peser une charge discriminatoire sur les retraités, qui, en matière de cotisations sociales, ne sont pas les nantis ou les privilégiés que certains se plaisent trop facilement à décrire.

Cela revient cependant à oublier que la proposition de loi prévoit que les pensions les plus modestes ne seront pas soumises à la contribution. Cela revient également à refuser d’effectuer un calcul très simple. Prenons l’exemple d’un retraité percevant une pension mensuelle de 1 000 euros, étant rappelé que le montant moyen des pensions de retraite s’établit aujourd’hui à 1 216 euros par mois. Pour ce retraité, acquitter la CSA représentera un effort de 36 euros par an. S’il fait partie du groupe iso-ressources 4, le GIR 4, le montant de l’APA mensuelle s’élève au maximum, une fois acquitté le ticket modérateur, à environ 490 euros par mois. Cela signifie que le montant dont il devra s’acquitter chaque année au titre de la CSA représentera un peu plus de 7 % de l’aide qu’il reçoit chaque mois au titre de l’APA.

S’agit-il réellement d’un effort démesuré, d’autant que l’enjeu essentiel est de maintenir la capacité des départements à verser une prestation dont nous savons qu’elle a permis de faire considérablement reculer l’âge moyen d’entrée en établissement pour les personnes âgées dépendantes ?

L’article 3 de la proposition de loi affecte l’ensemble de la contribution nouvellement créée à la section II du budget de la CNSA, c’est-à-dire au financement de l’APA. D’après les chiffrages que nous avons pu obtenir, le produit de cette ressource supplémentaire devrait être compris entre 884 et 910 millions d’euros : 700 millions d’euros seraient recueillis auprès des personnes retraitées, entre 166 et 180 millions d’euros auprès des travailleurs indépendants non agricoles, et de 18 à 30 millions d’euros auprès des travailleurs indépendants agricoles.

Un tel montant permettrait de rapprocher fortement de la barre des 50 % le taux de couverture des dépenses d’APA par la CNSA, comme le demandent les conseils généraux.

Le texte dont nous allons débattre est évidemment imparfait, et je vous proposerai trois amendements cosignés par l’ensemble du groupe de l’UDI-UC, ainsi que par René-Paul Savary, afin d’en améliorer la rédaction.

Le premier amendement a pour objet d’élargir l’assiette de la CSA aux travailleurs indépendants agricoles, et d’en exclure explicitement les pensions de retraite les plus modestes. Le deuxième amendement tend à supprimer l’article 2, qui visait à effectuer une coordination avec le code du travail sans objet pour les travailleurs indépendants et les retraités. Enfin, le troisième amendement vise à apporter plusieurs améliorations rédactionnelles à l’article 3 et à modifier l’équilibre fixé dans le code de l’action sociale et des familles entre la part du produit de la CSA qui est destinée aux personnes âgées et celle qui est allouée aux personnes handicapées.

Comme je l’ai rappelé au début de mon intervention, la proposition de loi que je présente devant vous a été enregistrée à la présidence du Sénat il y a maintenant plusieurs mois, le 21 février 2012 précisément. Le hasard du calendrier parlementaire veut que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour quelques semaines à peine avant que le PLFSS pour 2013, dont l’examen a débuté à l’Assemblée nationale, soit débattu dans notre Haute Assemblée. Or l’article 16 de ce projet de loi crée une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie sur les pensions de retraite, c’est-à-dire un dispositif exactement équivalent à celui que comporte ma proposition de loi.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Eh oui !

M. Gérard Roche, rapporteur. Sans doute faudrait-il se réjouir de cette convergence de vues.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Sans doute !

M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission. Certainement !

M. Gérard Roche, rapporteur. Notons cependant que, dans sa version initiale, le PLFSS pour 2013 prévoit une montée en charge progressive de la CASA, son taux devant s’établir à 0,15 % en 2013 avant d’être porté à 0,30 % les années suivantes. Par ailleurs, la CASA serait affectée dans un premier temps au fonds de solidarité vieillesse, le FSV, avant d’être mise en réserve, à partir de 2014, au sein d’une nouvelle section du budget de la CNSA, « au profit de l’amélioration de la prise en charge de la perte d’autonomie ».

Pour le Gouvernement, il s’agit de prouver dès à présent sa volonté de mobiliser les ressources nécessaires au financement de la réforme de la dépendance annoncée pour 2014.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. C’est vrai !

M. Gérard Roche, rapporteur. L’option choisie me laisse cependant perplexe.

Pourquoi mettre ces recettes nouvelles en réserve alors qu’elles pourraient avoir une utilité certaine dès aujourd'hui ? Les départements ne peuvent pas attendre une année ou deux un hypothétique rééquilibrage du financement de l’APA. Ils ont besoin que l’État s’engage à leurs côtés dès maintenant, et de manière équitable, dans le financement de la perte d’autonomie.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. C’est ce qu’il fait !

M. Gérard Roche, rapporteur. L’article 16 du PLFSS pour 2013 a été adopté ce matin par l’Assemblée nationale, après avoir été modifié par plusieurs amendements déposés par Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

Ces amendements ont substantiellement modifié le dispositif initial. L’entrée en vigueur de la CASA est décalée du 1er janvier au 1er avril 2013, mais le taux de la contribution est porté à 0,3 % dès cette date. Par ailleurs, la CASA ne sera due que par les seuls retraités assujettis au taux plein de contribution sociale généralisée. Ces opérations aux effets opposés devraient malgré tout conduire à un rendement de la CASA légèrement supérieur en 2013 aux 350 millions d’euros prévus par le Gouvernement.

Le dernier changement est essentiellement une mesure d’affichage : certes, l’ensemble du produit de la CASA sera affecté au budget de la CNSA dès 2013, mais, dans le même temps, on lui retire – à due concurrence, semble-t-il – une part de CSG qui sera dirigée vers le FSV afin de préserver les ressources de ce dernier l’année prochaine.

En d’autres termes, on reprend d’une main ce que l’on a donné de l’autre : l’opération est neutre pour la CNSA mais rien ne change pour les départements. Madame la ministre déléguée, vous en conviendrez, un tel mécanisme peut difficilement satisfaire les départements !

L’article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale sera examiné au Sénat dans les prochaines semaines. Gageons que cet examen sera l’occasion de débats constructifs sur le rôle de l’État et des départements dans le financement de la perte d’autonomie et espérons qu’un dispositif moins jésuite et plus satisfaisant pour les départements pourra alors être trouvé par la Haute Assemblée.

Quoi qu’il en soit, l’examen quasi concomitant de la présente proposition de loi et de l’article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale montre bien qu’il est urgent de régler la question du financement de l’APA.

Je suis également très attentif aux engagements pris lundi dernier lorsque le Président de la République, accompagné du Premier ministre et de plusieurs membres du Gouvernement, a rencontré des représentants de l’Assemblée des départements de France. La mise en place d’un fonds d’urgence de 170 millions d’euros dédié aux départements les plus fragiles semble aujourd’hui acquise et l’État s’engage à ce que des ressources pérennes et suffisantes soient mobilisées à partir de 2014 afin de permettre aux départements de faire face au financement de l’APA, du RSA et de la PCH.

Madame la ministre déléguée, ne pensez pas que je reste sourd ou indifférent à ces annonces. Mais pourquoi attendre 2014 ? Pourquoi ne pas agir dès maintenant au-delà des mesures d’urgence ?

Certes, le texte que je vous présente aujourd’hui n’apporte qu’une réponse partielle à la question du financement de la perte d’autonomie, mais cette réponse me semble constituer un tout cohérent et lisible qui n’obère en rien les projets de réforme qui pourront être envisagés en 2014. Elle contribue également à asseoir la CSA sur des bases plus équitables en ne la faisant plus peser sur les seuls travailleurs salariés. En outre, pourquoi se priver d’envoyer dès à présent un signe fort aux départements les assurant que l’État les accompagne et les soutient dans la mission qu’ils remplissent auprès de nos aînés et qui fait aujourd’hui pleinement partie de leur identité ?

La semaine dernière, la commission des affaires sociales ne s’est pas prononcée sur le présent texte, afin de permettre la discussion en séance publique de la proposition de loi initiale, conformément à l’accord politique passé entre les présidents de groupes du Sénat relatif à l’examen des propositions de loi émanant des groupes d’opposition ou minoritaires.

Tout en espérant de tout cœur que cette proposition de loi sera adoptée, je suis confiant dans le fait que notre débat de ce jour sera riche et animé et permettra de tracer des pistes pour un partage plus équilibré des responsabilités et des charges entre l’État et les départements.

Beaucoup reste à faire, notamment pour ce qui concerne la résolution de la lourde question du reste à charge supporté par les personnes âgées dépendantes en établissement. Mais si, comme nous le savons, la route qui doit nous mener vers une réforme globale de la perte d’autonomie est encore longue, il est d’autant plus urgent de l’entamer dès maintenant.

N’ayons pas peur de franchir aujourd’hui une première étape. Celle-ci, pragmatique, sera donc modeste, mais elle sera également durable et source d’une plus grande équité dans la participation de l’ensemble de nos concitoyens à l’effort de solidarité envers nos aînés, un effort qui nous incombe à tous. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP, ainsi que sur les travées du groupe écologiste.)