M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 11 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Il nous semblait préférable d’inscrire ce principe dans le présent texte. Néanmoins, compte tenu des avis de la commission et du Gouvernement, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Chapitre IV

L’évolution des recettes publiques

Article 12
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Article 14

Article 13

I. – L’incidence des mesures afférentes aux prélèvements obligatoires, adoptées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire à compter du 1er juillet 2012, ne peut être inférieure aux montants suivants exprimés, en milliards d’euros :

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

7

24

0

-1

-3

-7

 

L’incidence mentionnée au premier alinéa est appréciée une année donnée au regard de la situation de l’année précédente. 

II (nouveau). – À compter de l’année 2013, le montant annuel des dépenses fiscales ne peut excéder 70,8 milliards d’euros. En vue de l’appréciation du respect de cette orientation pluriannuelle, le calcul de la variation de ce montant d’une année sur l’autre comprend exclusivement l’incidence de la croissance spontanée et des créations, modifications et suppressions des dépenses mentionnées à la première phrase. – (Adopté.)

Chapitre V

Affectation des surplus de recettes

Article 13
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Article 15

Article 14

Les éventuels surplus, constatés par rapport aux évaluations de la loi de finances de l’année ou de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année, du produit des impositions de toutes natures établies au profit de l’État ou des cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base et aux organismes concourant à leur financement sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit public.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Dans l’esprit de ce projet de loi de programmation, il ne saurait être question de s’affranchir de la loi des marchés financiers.

M. Gérard Le Cam. Comme nous l’avons vu, au titre du présent projet de loi, les dépenses plafonnées ne sont ni les charges liées au versement des pensions – elles vont croître nécessairement du fait du vieillissement des salariés du secteur public et du nombre des départs en retraite prévisibles – ni les coûts liés au service de la dette.

Nous souffrirons peut-être de l’austérité, mais pour le plus grand bonheur des retraités allemands, du fonds souverain norvégien, de nos propres assurances vie et des fonds de pension américains : la France paiera les intérêts de la dette publique qu’elle a d’ores et déjà souscrite !

Et si d’aventure la croissance revient, spontanément engendrée par l’explosion des dépenses de recherche de nos entreprises, par leurs gains de parts de marché à l’exportation, leur innovation technologique permanente et leur conquête de créneaux porteurs, de nouvelles recettes budgétaires contribuant à améliorer la situation des comptes publics, que fera-t-on ?

Vous nous proposez de convertir les excédents en outils de remboursement anticipé de la dette, afin d’en diminuer au maximum le coût futur, qu’il s’agisse du principal comme des intérêts.

Rien dans ce projet de loi de programmation ne traduit la moindre tentative de s’affranchir de la pression des marchés financiers. Le Gouvernement n’a même pas encore décidé de prendre, par simple décret, la première mesure qui s’imposait après le relèvement du plafond du livret A : le relèvement du taux de centralisation pour tous les collecteurs de ce livret, au sein du fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts. Pourquoi ? Pour éviter que nous puissions savoir ce que les banques commerciales banalisées font des dépôts qu’elles collectent !

Rien, pour l’heure, ni dans les annonces officielles, ni dans le contenu de notre action européenne, ne semble faire de la France le fer de lance d’une action visant à modifier le rôle de la Banque centrale européenne en l’érigeant en partenaire attentif et efficace des politiques publiques.

Il est grand temps que la France, comme les autres États européens, puisse se refinancer à moindre coût auprès de la BCE. Il est grand temps que nous garantissions la solidité de l’euro par l’investissement, par le développement des infrastructures, par la croissance économique raisonnée et par l’emploi.

En tout état de cause, là est sans doute le meilleur moyen de nous libérer de la tutelle des marchés : ce procédé serait bien plus efficace que cet article 14, dont la suppression laissera la porte ouverte à un utile et fructueux travail de juste allocation des ressources que l’on aura pu dégager.

Compte tenu de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable : à nos yeux, il n’y a pas lieu de supprimer cet article qui indique clairement comment il conviendra d’appliquer, pendant la période de programmation, le 10° de l’article 34 de la LOLF. En effet, je rappelle qu’en vertu de cet article la première partie de la loi de finances « arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations de la loi de finances de l’année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l’État ».

Dans ces conditions, en supprimant l’article 14 du présent projet de loi de programmation, cet amendement conduirait en définitive à se départir d’une disposition fort utile. Partant, la commission des finances ne peut qu’être défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Chapitre VI

Limitation de la durée des niches fiscales et sociales

Article 14
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Article additionnel après l'article 15

Article 15

Les créations ou extensions de dépenses fiscales, d’une part, et les créations ou extensions de réductions, exonérations ou abattements d’assiette s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, d’autre part, instaurées par un texte promulgué à compter du 1er janvier 2013 ne sont applicables que pour une durée limitée, précisée par le texte qui les institue. – (Adopté.)

Article 15
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Article 16

Article additionnel après l'article 15

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les orientations définies aux articles 2, 2 bis, 3, 5, 9, 10, 11, 12 et 13 pourront être révisées pour prendre en compte les impacts du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi en termes d’allègement des prélèvements obligatoires et de baisse de la dépense publique, ce qui modifiera les trajectoires de l’ensemble des sous-secteurs des administrations publiques.

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre VII

Mise en œuvre de la programmation

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a présenté hier un pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Ce pacte comprend trente-cinq décisions portant sur huit leviers de compétitivité, dont l’allègement du coût du travail, la stimulation de l’innovation et le soutien de l'emploi des jeunes.

Ce pacte conduira à l’allègement de la charge fiscale des entreprises grâce à la création d’un « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi » qui montera en charge progressivement – 10 milliards d’euros en 2014, 15 milliards d’euros en 2015 et 20 milliards d’euros en 2016. Cette baisse de recettes pour l’État sera intégralement financée, d’une part, à hauteur de 10 milliards d’euros, par un effort supplémentaire d’économies sur les dépenses de l’ensemble des acteurs publics et, d’autre part, grâce à une modulation des taux de la TVA et une nouvelle fiscalité écologique, cette dernière devant intervenir la dernière année de ce plan triennal, pour un montant de 3 milliards d’euros.

Le financement de ce pacte est donc assuré de façon parfaitement équilibrée entre efforts en dépense et efforts en recettes.

En cela, ce pacte, qui devrait être adopté dans le cadre d’une loi de finances rectificative au premier trimestre de l’année prochaine, aura des conséquences sur la trajectoire en dépenses et en recettes, conséquences qui n’ont toutefois pas été intégrées dans le projet de loi de programmation du Gouvernement dans l’attente, précisément, du rapport de M. Gallois et de son diagnostic.

Chacun peut comprendre que la chronologie, compte tenu tant de ce rapport que de l’élaboration et de l’examen par le Parlement du projet de loi que nous examinons actuellement, ne permettait pas cette intégration.

Pour autant, étant équilibré, ce pacte ne modifiera pas les équilibres globaux de la trajectoire, qu’il s’agisse de la trajectoire de retour à l’équilibre du solde public ou de la trajectoire de désendettement.

Elle modifiera néanmoins la répartition de l’effort entre les recettes et les dépenses.

Jusqu’alors, cet effort se partageait pour moitié entre recettes et dépenses. À la suite de l’adoption de ce pacte, cette trajectoire sera modifiée et l’effort en dépenses l’emportera sur l’effort en recettes – 60 % pour l’un, 40 % pour l’autre, compte tenu des 10 milliards d’euros d’effort supplémentaire en dépenses proposés.

Plusieurs articles sont donc susceptibles d’être modifiés : les articles 2, 2 bis et 3, qui présentent des ratios relatifs aux dépenses publiques ; les articles 5 et 10, relatifs à l’évolution des dépenses de l’État ; l’article 9, relatif aux dépenses des régimes obligatoires de base ; enfin, l’article 11, relatif aux ressources des opérateurs.

Tel est l’objet du présent amendement, dont le dépôt, je le précise, ne pose aucune difficulté d’ordre constitutionnel. En effet, la loi de programmation pluriannuelle n’étant pas une loi de finances au sens de la loi organique, l’examen d’un amendement en priorité par l’Assemblée nationale n’est pas requis. Le fait que cet amendement soit examiné d’abord par le Sénat ne soulève donc aucune difficulté de nature constitutionnelle.

Quant à la méthode, j’indique que les 10 milliards d’euros d’économies annoncées sont en pleine cohérence avec le chantier de modernisation de l’État que le Gouvernement a ouvert dès cet été. Il va sans dire que ce chantier sera poursuivi et mené à son terme.

Tout à l’heure, à l’occasion de l’examen d’autres amendements, nous avons vu que ce chantier ne devrait pas épargner les opérateurs de l’État, sauf à considérer que l’État, qui est censé contrôler ces opérateurs, verrait cet effort réservé à ses seules ressources, les opérateurs en étant exonérés. Ne serait-ce qu’en termes de loyauté, une telle situation ne pourrait être acceptée.

J’avais évoqué, dans mon propos liminaire, cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, et je viens de vous en présenter l’économie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons bien conscience que le Gouvernement, en place depuis quelques mois, a découvert une situation difficile.

Cela étant, comme nous l’avons constaté au cours des semaines passées, la difficulté apparaît d’autant plus grande que de nombreuses annonces avaient été différées, notamment sur le terrain économique, en termes de licenciements ou de capacité industrielle.

Bref, nous en avons tous conscience, au cours des deux ou trois mois écoulés, la situation a été très douloureusement ressentie par nombre de nos concitoyens. Les comparaisons qui ont pu être faites au niveau européen montrent à quel point la France souffre aujourd’hui d’un handicap, et il est largement reconnu.

Il était donc urgent que le Gouvernement puisse prendre en charge cette situation. Il s’est appuyé pour cela sur le rapport Gallois. Louis Gallois a été entendu ce matin même au Sénat, et son exposé fut particulièrement éclairant sur le diagnostic.

On ne va pas s’étendre ici sur les responsabilités. Il faut en revanche reconnaître que le Gouvernement a été très réactif, en procédant immédiatement à un certain nombre d’annonces.

Or ces annonces vont en effet entraîner certaines modifications au sein de la programmation, sans qu’elles conduisent pour autant à remettre en question le solde immédiat, le solde structurel et la trajectoire dans son ensemble.

Si donc les équilibres sont maintenus globalement, il va de soi qu’il n’y a pas de remise en cause de l’esprit même de ce projet de loi de programmation.

En revanche, comme M. le ministre délégué vient de le souligner, il convient de préciser les répartitions internes entre les sous-secteurs de l’administration. Un travail fin, de plusieurs jours, sera nécessaire pour arriver à mettre au point la répartition définitive, notamment pour inclure dans la programmation pluriannuelle les réductions de dépenses supplémentaires.

Il paraissait logique que, par souci de sincérité, le Gouvernement fournisse des précisions sur ses objectifs lors de cette lecture au Sénat. Nous lui sommes donc reconnaissants d’avoir témoigné de son respect du Parlement en déposant cet amendement. Pour ma part, il me paraîtrait impensable qu’une loi de programmation puisse être promulguée qui ne prendrait pas en compte l’ensemble des mesures envisagées et publiquement annoncées aujourd’hui.

J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que nous avons déjà vécu une telle situation, lorsque la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a été promulguée, alors que tout le monde savait très bien que son contenu ne tenait absolument pas la route !

À l’inverse, tout est aujourd’hui clairement mis sur la table. Le Gouvernement prend des engagements, apporte les informations nécessaires et s’engage sur les articles qu’il y a lieu de modifier, lesquels sont cités dans le corps même de l’amendement.

Mes chers collègues, imaginez ce qu’aurait été la situation du Parlement, et du Sénat en particulier aujourd’hui, si cet amendement n’avait pas été déposé. Que n’aurait-on entendu sur un gouvernement qui bafoue les droits du Parlement et se livre à des annonces sans même que le Sénat soit informé des modalités de mise en œuvre de ces modifications !

M. Philippe Marini. Vous en entendrez encore davantage !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas le cas, monsieur le ministre délégué, et le Sénat, me semble-t-il, doit aujourd’hui remercier le Gouvernement, tant pour sa réactivité que pour son respect absolu du Sénat.

Je demande donc à notre assemblée de voter l’amendement n° 13, que la commission des finances a adopté tout à l’heure par treize voix contre douze. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.

M. Albéric de Montgolfier. Mon intervention portera non sur le fond de l’amendement, auquel on peut sans doute souscrire – le fait de prendre en compte les dernières hypothèses nous semble absolument normal, et nous l’avions d’ailleurs demandé lors de la discussion générale –, mais sur la procédure.

Tout à l’heure, lors de la réunion de la commission, M. le rapporteur général a déclaré que, à la suite de cet amendement, le Gouvernement proposerait, en commission mixte paritaire, un nouveau texte qui tiendrait compte de ces hypothèses.

Mes chers collègues, la situation serait assez inédite. Concrètement, ni l’Assemblée nationale ni le Sénat n’auraient examiné le texte qui serait soumis à la commission mixte paritaire. Sur le plan constitutionnel, il y aurait matière à interrogation.

Je souscris pleinement aux propos de M. le ministre délégué : étant donné qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi de finances, le texte n’a pas à être d’abord présenté à l’Assemblée nationale.

En revanche, présenter en commission mixte paritaire un texte totalement nouveau, totalement révisé, qui n’aurait préalablement été examiné par aucune des deux chambres, cela pose un problème de méthode.

C’est la raison pour laquelle je souhaiterais savoir quelles suites le Gouvernement entend donner à cet article.

Vous prévoyez, monsieur le ministre délégué, que les orientations « pourront être révisées », mais nous aimerions savoir quand elles pourront l’être, selon quelles modalités et dans quels textes – est-ce en commission mixte paritaire, dans la future loi de finances rectificative ? Avant de nous prononcer, nous avons besoin, me semble-t-il, d’obtenir des précisions sur ces points.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je m’inscrirai, vous vous en doutez, mes chers collègues, dans le droit fil de l’intervention de notre collègue Albéric de Montgolfier.

Imaginez que, maire ou président de l’exécutif d’une collectivité, j’annonce à mes collègues que, au sein du budget soumis à leur vote, je dois inclure, au dernier moment, une enveloppe extrêmement importante ; qu’en conséquence, sur un certain nombre de sujets aussi cruciaux que les investissements, les dépenses à caractère social ou de personnel, je leur demande un blanc-seing pour pouvoir effectuer les modifications importantes qui s’imposeront ; que de surcroît je ne leur soumettrai pas les décisions qui auront été prises mais qu’ils doivent me faire confiance pour organiser au mieux la répartition au niveau de la collectivité.

Imaginez un instant la réaction…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous oubliez qu’il ne s’agit pas d’une loi de finances !

M. Éric Doligé. Certes, mais la ficelle est quand même un peu grosse.

Sous prétexte qu’il s’agit de la même trajectoire, du même solde et du même esprit, vous nous demandez de vous laisser procéder aux répartitions que vous jugez opportunes à l’intérieur de ce cadre.

Les sommes en jeu ne sont quand même pas dérisoires ! Je veux bien que ce ne soit pas une loi de finances, mais il s’agit quand même d’un engagement fort, dont on n’aura pas discuté.

Vous pourrez donc faire la répartition comme vous le souhaitez entre les différents partenaires. À propos des collectivités, on a vu tout à l’heure que l’on ne savait pas très bien lesquelles seraient représentées. Imaginons, par exemple, que l’on annonce à un groupe de collectivités que l’on va leur faire reporter 100 millions d’euros de charges supplémentaires : si les régions sont un peu plus puissantes dans la discussion avec le Premier ministre, elles obtiendront que l’effort pèse un peu plus lourdement sur les départements ou sur les communes.

Non, vraiment, vous le voyez, il serait intéressant que cette répartition donne lieu à un débat collectif et public, et que la discussion ne se limite pas à l’examen d’un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 15 du projet de loi.

Tout cela n’est pas d’une grande clarté…

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis. Il est vrai que l’on nous demande d’acheter un lapin dans un sac, et un sac bien opaque ! (Sourires.) C’est incontestablement un acte de confiance auquel nous invite le Gouvernement.

Je voudrais pour ma part exprimer ma reconnaissance à nos collègues socialistes : l’augmentation de la TVA n’est plus un tabou ! Il s’agit d’un progrès considérable dans nos débats politiques. Merci d’avoir osé faire ainsi mouvement ! Nous sommes dans la bonne direction.

Je voudrais aussi saluer la créativité de Bercy – chacun reconnaît l’expertise des services du ministère – et du Gouvernement.

En effet, avoir recours à un crédit d’impôt constitue un mode de financement assez innovant. On dit aux entrepreneurs : vous bénéficierez de réductions de charges sociales, mais nous allons sanctuariser les taux de cotisations. On pourra ainsi continuer à dire que la France a les taux les plus élevés, mais ce n’est pas grave, car, en fin d’exercice, on vous remboursera une partie des charges sociales que vous aurez versées.

Cela permet aussi d’assurer une certaine tranquillité au sein des partenaires sociaux, qui considéreront qu’ils peuvent toujours disposer des mêmes ressources, et que, dans ces conditions, leur légitimité n’est pas remise en cause pour gérer paritairement les caisses concernées – je pense notamment aux allocations familiales et, peut-être, à l’assurance maladie.

Mais il est vrai, monsieur le ministre délégué, que le crédit d’impôt pour les entreprises, cela existe déjà, avec le crédit d’impôt recherche. Les sommes en jeu sont toutefois nettement moins élevées. Et je vous rends attentif au fait que le II de l’article 199 ter D du code général des impôts autorise quelques remboursements immédiats, notamment pour les jeunes entreprises innovantes et dans un certain nombre de situations particulières.

Est-ce à dire que le remboursement des charges sociales dont il est question pourra s’opérer dans les mêmes conditions, dès la première année ? J’attire alors votre attention sur le fait que le solde budgétaire en serait affecté.

Le crédit d’impôt recherche représente grosso modo 4 milliards d’euros, soit 0,4 % du PIB. En comparaison, le pacte proposé par le Gouvernement, c’est du lourd ! Il représentera en effet 10 milliards d’euros à la fin de l’année 2013, 15 milliards d’euros à la fin de l’année 2014 et 20 milliards d’euros, soit 1 % du PIB, à la fin de l’année 2015.

Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué, je voudrais m’assurer que, vu sous l’angle de la comptabilité maastrichtienne, cette mesure ne va pas poser quelques problèmes…

Avoir recours ainsi, d’une manière aussi systématique, au crédit d’impôt, c’est s’affranchir de l’obligation de sincérité budgétaire.

Vous avez dit que les entreprises constateraient leurs créances après la fermeture de l’exercice. Cependant, il y a des entreprises qui clôturent leur exercice non pas au 31 décembre mais en cours d’année. Ces sociétés-là seront fondées à se prévaloir du remboursement prévu avant la fin de l’exercice budgétaire, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences sur le solde budgétaire, j’attire votre attention sur ce point.

Finalement, je comprends mieux l’utilité de la BPI, la Banque publique d’investissement. Ce matin, M. Gallois nous disait que l’important était de réduire les délais de paiement, qui mettent en difficulté nombre d’entreprises. Et voilà que l’État propose aux entreprises d’alléger leurs charges sociales dès 2013, mais en leur demandant de lui faire crédit jusqu’en 2014, afin qu’il puisse, à ce moment-là seulement, les rembourser.

Cela signifie donc que, sur les 40 milliards d’euros de la BPI, dont on se demande encore d’où viendront les capitaux propres, au moins 20 milliards d’euros devront être prêtés aux entreprises afin qu’elles puissent se prévaloir de l’allègement des charges sociales et le financer elles-mêmes…

Tant d’aléas me rendent sceptique. Si l’orientation est bonne, je pense que le compte n’y est véritablement pas et j’ai peine à croire que le choc de compétitivité tant attendu soit au rendez-vous de nos espoirs.

Voilà pourquoi je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en tant que juriste, en tant que praticien du droit, je suis vraiment surpris, voire choqué de ce que l’on nous demande de faire. Par ailleurs, sur le plan économique, mon impatience est grande de pouvoir appréhender le projet de loi de finances rectificative qui devrait développer toutes ces mesures. Mais restons-en, dans un premier temps, au stade de la procédure.

Aux termes de votre amendement, les orientations définies aux différents articles visés « pourront être révisées pour prendre en compte les impacts du pacte national » ― formulation élégante, mais nous y sommes habitués, et ce n’est pas l’essentiel.

Monsieur le ministre délégué, « pourront être révisées », c’est une tautologie. Toute loi peut modifier une loi antérieure. Soit on rectifie dans ce texte les chiffres, même indicatifs, de la programmation budgétaire, soit on s’abstient, car, si je ne me trompe, monsieur le ministre délégué, vous enclenchez un processus qui va nécessiter plusieurs mois de mise au point. Vous nous dites vous-même qu’au premier trimestre 2013 nous aurons à examiner un projet de loi de finances rectificative. J’imagine qu’il va susciter beaucoup de commentaires, que des contradictions vont s’exprimer sur les différentes mesures de ce que le Premier ministre et vous-même appelez un « pacte national ».

Je serais tenté, monsieur le président, si j’en avais la possibilité, de suggérer un sous-amendement visant à substituer les termes : « seront révisées » aux mots : « pourront être révisées ». Ce serait une contrainte, un objectif que le Gouvernement s’assignerait et que le Parlement partagerait. Le libellé serait déjà plus clair et le dispositif un peu plus normatif.

Toujours sur la procédure, je m’interroge ensuite, comme tout à l’heure notre collègue Albéric de Montgolfier, sur le moment où vous réviserez. Vous avez évoqué, peut-être en aparté, lors de la discussion générale, la possibilité que cette révision des articles concernés intervienne par le dépôt d’un nouvel amendement en commission mixte paritaire. Nous l’avons bien entendu ; nous ne l’avons pas inventé.

Il faut alors que l’on nous explique : nous avions un texte ; la procédure accélérée est engagée, donc une lecture à l’Assemblée nationale, une lecture au Sénat. Nous sommes au Sénat le lendemain de l’annonce du Premier ministre et vous nous dites que les articles visés « pourront être » révisés. Quand le seront-ils ? Le seront-ils en commission mixte paritaire ? Le seront-ils, plus naturellement, une fois que la loi de finances rectificative aura été votée ?

Je voudrais, monsieur le ministre délégué, que vous répondiez clairement à cette question, pour que le Sénat sache ce que le Gouvernement entend faire.

Au demeurant, je pense qu’il est juridiquement possible que la loi de finances rectificative révise elle-même la perspective dont il est question, et même qu’elle comporte une annexe qui fournisse la nouvelle série de chiffres.

Enfin, monsieur le ministre délégué, si je comprends bien, les « sous-secteurs des administrations publiques », ce sont l’État, les organismes divers d’administration centrale, les ODAC, la sécurité sociale, les collectivités locales. Cela ne représente pas beaucoup de lignes. Est-il si difficile de nous transmettre cette information complète en temps utile pour que ce texte ait un sens ?

En conclusion, je voudrais dire que je partage le constat de notre collègue Jean Arthuis, qui a fort justement relevé une contradiction : s’il doit s’agir d’un choc, il faut bien que quelque chose se passe dès 2013 ! Or vous nous avez dit que le projet de loi de finances pour 2013 lui-même ne serait pas modifié par le « pacte » annoncé. Mais comment veut-on qu’il y ait un nouveau climat dans le monde des entreprises s’il n’y a aucun moyen concret ? Or il peut y avoir un moyen concret : des créances dont disposeraient les entreprises en question. Mais, s’il y a créances d’un côté, il faut bien qu’il y ait dettes de l’autre !