M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, très simplement exprimé, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale garantit un bon budget aux personnes âgées et montre que la politique de l’âge est une priorité de notre gouvernement ; il comporte 360 millions d’euros de mesures nouvelles destinées à accompagner les personnes âgées risquant une perte d’autonomie et un objectif de progression des dépenses en leur direction de 4,6 %.

Par ailleurs, avec l’inscription, dès les premiers mois de la législature, de la réforme, si longtemps attendue, de la prise en charge de la perte d’autonomie dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement prouve sa volonté de faire de la cause de l’âge un axe prioritaire de son action.

Les expérimentations des parcours de santé que ce PLFSS met en place constituent la clé de l’avenir et de la soutenabilité de notre système de santé. Dans le cadre des projets pilotes qui seront déployés seront intégrés les services au cœur de l’accompagnement des personnes âgées à domicile : les services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD, et les services d’accompagnement et d’aide à domicile, les SAAD. Il est nécessaire de favoriser le rapprochement de ces services, afin que la réponse aux besoins de santé soit mieux coordonnée. Les élus des conseils généraux ici présents – j’ai moi-même été conseillère générale – ne le savent que trop bien.

Les services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD, qui regroupent aide à domicile et soins infirmiers, pourront également, dans le cadre de ces projets pilotes, déroger aux modalités réglementaires de financement et d’organisation. Un amendement en ce sens, issu d’un échange constructif entre les députés et le Gouvernement, a été voté par l’Assemblée nationale et nous nous en réjouissons. Le caractère « pilote » des projets dans lesquels pourront s’inscrire les SPASAD nous permettra de bénéficier d’enseignements utiles à l’amélioration de leur modèle de financement. Nous posons ainsi la première pierre indispensable à l’amélioration du « modèle SPASAD » et à son déploiement sur les territoires.

En commission des affaires sociales, certains d’entre vous, et en particulier M. le rapporteur Ronan Kerdraon, ont demandé qu’un rapport sur ces services polyvalents soit présenté au Parlement : je peux d’ores et déjà vous dire que je suis favorable à l’amendement déposé en ce sens.

Disons-le aussi, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale inscrit résolument la politique de l’âge dans la bataille de l’emploi.

La progression de l’objectif national de dépenses pour le secteur des personnes âgées sera de 4,6 % en 2013. Au sein de cette enveloppe, nous ouvrons 147 millions d’euros de crédits de médicalisation : concrètement, nous renforçons le nombre et la qualité des personnels encadrant les personnes âgées en établissement, ce qui permettra la création de 6 400 à 8 200 emplois dès l’année prochaine.

De plus, un nouveau fonds de restructuration de 50 millions d’euros va permettre de sauver plusieurs milliers d’emplois et de nous préparer à faire face au besoin de 300 000 emplois d’ici à 2020, tel que l’a établi la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. Les critères de répartition de ce fonds, définis dans une circulaire, ne privilégieront – je vous le dis d’ores et déjà – que l’effort de modernisation, de professionnalisation et d’intégration dans les parcours de santé.

Le Doubs, mais aussi le Rhône, et bien d’autres départements encore, ont engagé une démarche de modernisation, que je tiens à saluer. Nous encourageons ces expérimentations, comme le montre l’arrêté dont j’ai obtenu la publication rapide pour leur permettre d’être menées en toute sécurité juridique, mais aucune d’entre elles ne doit être privilégiée au détriment des autres : toutes seront évaluées en temps voulu, en fonction de l’amélioration de la qualité du service rendu à l’usager et des conditions d’exercice des professionnels.

Enfin, vous le savez, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie inscrit dans la loi le financement de la réforme de l’autonomie, auquel elle contribuera intégralement dès 2014, de telle manière que la vie des Français, de tous les Français, personnes âgées aidées, aidants, familles, professionnels, en soit nettement améliorée. Je tiens à insister sur ce point, notamment devant les sénateurs qui aujourd’hui s’interrogent sur la justice de cette contribution : pour une personne percevant une retraite de 1 320 euros, cette contribution s’élèvera à 4 euros ; elle touchera 8,8 millions de retraités et les retraités les moins aisés, soit 7,2 millions, en seront exemptés, nous l’avons dit. Le texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous l’avez constaté, a d’ailleurs évolué en ce sens à l’Assemblée nationale, et je crois que, aujourd’hui, on ne peut en aucun cas parler de mesure injuste.

Mme Éliane Assassi. C’est votre interprétation !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Les associations et syndicats de retraités que j’ai rencontrés l’entendent bien ainsi : cette disposition est aussi une mesure de solidarité intergénérationnelle; et les Français sont prêts à le comprendre. Si nous voulons réussir la réforme de la perte d’autonomie – pas seulement pour la prise en charge de la nôtre, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi pour celle de nos enfants et nos petits-enfants –, cette contribution additionnelle, encore une fois mesurée et cantonnée à la moitié des retraités, est non seulement nécessaire, mais également juste, puisqu’il s’agit d’un effort dédié, qui n’aura d’autre vocation…

M. Gilbert Barbier. Que de faire payer les riches !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. … que de financer cette réforme, selon les termes mêmes du code de l’action sociale et de la famille. C’est pourquoi je vous demanderai de faire preuve de responsabilité et de cohérence sur ce sujet au cours de ces débats.

C’est une grande cause pour notre gouvernement que celle de l’âge. Plus n’est besoin d’épiloguer sur les cinq années de promesses et d’annonces du gouvernement précédent ! J’espère que nos échanges de cette semaine seront fructueux et riches. Nous nous sommes mis au travail et nous vous en donnons la preuve dès l’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le redressement de nos comptes publics se fera, mais il se fera dans la solidarité et dans la justice.

Avec un ONDAM médico-social en progression de 4 % et une enveloppe de près de 9 milliards d’euros consacrée aux établissements et services médico-sociaux pour les personnes handicapées, en augmentation de 3,3 % – soit 286 millions d’euros de plus qu’en 2012 –, le Gouvernement affiche clairement son ambition : agir en faveur de nos concitoyens les plus vulnérables, malgré un contexte financier extrêmement difficile.

Ces crédits supplémentaires se répartiront de la manière suivante : outre les 35 millions d’euros de « rebasage », 126 millions d’euros de plus seront affectés aux mesures nouvelles, c’est-à-dire aux créations de places, et 122 millions d’euros le seront au soutien des établissements et des services médico-sociaux.

Parce que ce budget nous autorise à agir dans deux directions à la fois, 3 000 places nouvelles seront créées en 2013. Elles permettront d’amorcer un rééquilibrage, que nous poursuivrons au cours des prochaines années, en faveur de l’accueil des autistes, des personnes atteintes de handicap lourd, des polyhandicapés et des handicapés psychiques. Un retard certain a déjà été constaté à plusieurs reprises dans ce domaine.

Il nous faut également trouver des solutions innovantes, afin d’apporter des réponses particulières et spécifiques aux problèmes des personnes handicapées vieillissantes. Mme Delaunay et moi y travaillons. Il nous faut aussi remédier ici ou là aux disparités territoriales, que certains ont constatées dans leurs départements.

Parallèlement à la création de ces 3 000 places, nous donnerons aux structures existantes les moyens d’assurer aux personnes handicapées une prise en charge de qualité.

C’est sur ces points que nous marquons une rupture claire avec la politique du Gouvernement précédent.

Depuis deux ans, nous le savons, les établissements et services médico-sociaux ont été soumis à de très fortes contraintes financières. Celles-ci ont provoqué un décrochage important de l’ensemble des salaires du secteur. Le risque d’une baisse de la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des personnes en situation de handicap – elle commençait d’ailleurs à se faire sentir – était très fort.

Ce secteur, que vous connaissez en votre qualité d’élus locaux, mesdames, messieurs les sénateurs, est extrêmement vivace. Il compte 200 000 salariés et accueille 300 000 personnes handicapées, dont 150 000 mineurs. Ses établissements souffraient énormément ; il était donc urgent d’agir. C’est ce que nous proposons dans le cadre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, nous opérons un tournant : pour le Gouvernement, la qualité de la prise en charge des personnes handicapées est une priorité.

À cet effet, le taux de reconduction de la masse salariale sera de 1,4 %, ce qui représente un effort de 90 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’année précédente. Le même taux de reconduction sera appliqué aux autres dépenses de fonctionnement, soit 30 millions d’euros de plus que l’année précédente. C’est là, je tiens à le souligner, une mesure de justice. Elle donnera un peu d’air à un secteur qui en avait bien besoin et rendra du pouvoir d’achat à des centaines de salariés qui avaient décroché financièrement. Surtout, et c’est notre objectif principal, ne l’oublions pas, elle permettra d’accompagner mieux et plus précisément que nous ne le faisions jusqu’à présent les personnes en ayant le plus besoin.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement démontre qu’il s’engage pleinement en faveur des Français les plus fragiles et par là même qu’il est déterminé à agir pour la justice, cette justice qui est l’idéal de nombreux progressistes dans cette enceinte, cette justice qui nous motive souvent pour avancer et agir, cette justice pour laquelle les Français ont voté. Elle est portée, en quelque sorte, par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault et trouve sa traduction, j’en suis certaine – en tout cas, je le constate dans le domaine des personnes handicapées – dans le présent PLFSS.

Le projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui mérite d’être soutenu par tous ceux qui partagent cette exigence de justice et d’équité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle politique, celle qu’ont voulue les Français en portant François Hollande à la présidence de la République. Il s’agit d’une politique de protection et d’équité.

Protection d’abord : nous en avons vu la traduction dès les décisions prises au mois de juillet, à savoir la majoration de l’allocation de rentrée scolaire et le retour à la retraite à soixante ans pour certains travailleurs. Le texte que nous examinons aujourd’hui procède à de nouvelles avancées, notamment au remboursement à 100 % de l’interruption volontaire de grossesse.

Équité ensuite : c’est le principe directeur de la nouvelle majorité politique de ce pays en matière de prélèvements obligatoires. Les niches fiscales et sociales sont ainsi profondément remises en cause.

J’en viens maintenant au texte lui-même.

Un projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est un texte « tout en un » : il nous invite à porter notre regard sur le passé – c’est l’objet de la première partie, l’arrêté des comptes pour 2011 –, socle du budget social, à contempler le présent – c’est la finalité de la deuxième partie dédiée à l’actualisation des prévisions pour 2012 – et, enfin, à nous projeter vers l’avenir, l’année 2013. C’est ce que nous ferons lors de l’examen des troisième et quatrième parties, consacrées respectivement aux recettes et aux dépenses.

Notre héritage financier, c’est celui de la période 2008-2011. À tous points de vue, il constitue un lourd passif, tout d’abord en termes de solde structurel.

Fait anormal, en 2008, les administrations de sécurité sociale sont entrées en crise, en déficit structurel. Or les comptes sociaux devraient être en excédent structurel afin d’accumuler des réserves et d’être en mesure de faire face au défi du vieillissement de la population !

Plus impardonnable encore, le déficit structurel s’est creusé jusqu’en 2010, pour atteindre 0,9 point de PIB. À la crise s’est ajoutée une gestion peu responsable. Et le déficit structurel ne tend à se résorber que depuis 2011.

En 2009, la composante structurelle représentait 60 % du déficit des administrations de sécurité sociale. En 2010, cette part atteignait même 75 %. En 2011, le solde structurel représentait encore les deux tiers de ce déficit.

La responsabilité du creusement du solde structurel incombe en quasi-totalité au pilotage des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Par construction, le Fonds de réserve pour les retraites et la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, sont en excédent. L’UNEDIC, l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, peut être conjoncturellement déséquilibrée, dans des proportions importantes, mais le mode de gestion des partenaires sociaux tend vers l’équilibre structurel.

Sur le plan budgétaire, nous avons connu des déficits records dans les précédentes lois de financement de la sécurité sociale : 29,6 milliards d’euros en 2010, 22,6 milliards d’euros en 2011.

Sur le plan des comptes, à l’article 2 du présent PLFSS, il vous est proposé, mes chers collègues, d’approuver un rapport retraçant la situation patrimoniale, au 31 décembre 2011, inédit. Le passif financier net s’établit ainsi à cette date à 111,2 milliards d’euros, soit 5,5 % du PIB, contre 4,9 % du PIB un an plus tôt. L’endettement financier a atteint en fin d’année dernière 170 milliards d’euros, contre 147 milliards d’euros un an auparavant.

En 2012 – c’est le présent –, le déficit de l’ensemble des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse devrait être encore de l’ordre de 19,3 milliards d’euros, dont 13,1 milliards d’euros pour le régime général. Ce déficit représente le double de celui qui avait été enregistré en 2008.

Le déficit a été réduit de l’ordre de 10 milliards d’euros par rapport à 2010. Toutefois, cette réduction a été moins marquée en 2012 qu’en 2011, en raison d’une progression ralentie de la masse salariale et des recettes correspondantes.

En réalité, nous devons la bonne tenue relative de l’année 2012 aux collectifs budgétaires de l’exercice, en particulier à celui du 16 août. Rappelons que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 fixait un objectif de déficit pour le régime général de 13,8 milliards d’euros. Avant le vote du collectif de l’été, la Commission des comptes de la sécurité sociale anticipait, pour le régime général, un déficit de 15,5 milliards d’euros sur l’année. Après une première estimation des mesures contenues dans le collectif budgétaire, elle l’a réévalué à 14,6 milliards d’euros. Puis, au mois d’octobre, ayant estimé que le rendement des mesures votées au mois de juillet serait meilleur que prévu, elle a jugé que le déficit n’atteindrait finalement que 13,1 milliards d’euros.

C’est donc grâce au vote des collectifs budgétaires de 2012 que l’objectif du PLFSS pour 2012 a été non seulement tenu, mais dépassé.

Mes chers collègues, le Sénat avait ouvert la voie.

En effet, voilà un an, la nouvelle majorité sénatoriale prenait ses responsabilités. Elle adoptait des amendements majeurs dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, avec un double objectif : réduire les niches sociales et augmenter les prélèvements sur le capital. Ses initiatives s’inscrivaient dans la ligne des propositions de la Cour des comptes, laquelle estimait qu’il était possible de réduire les niches sociales de l’ordre de 10 milliards d’euros.

La nouvelle majorité du Sénat proposait plus de 8,2 milliards d’euros de recettes nouvelles, dont 5,2 milliards d’euros au profit de la sécurité sociale. Ces recettes étaient ciblées sur des niches sociales jugées à la fois inefficaces et inefficientes dans le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, lequel était présidé par M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances. Le gouvernement précédent avait refusé cette mise à niveau des recettes.

Lors de l’examen des collectifs budgétaires de 2012, et en particulier lors de celui du projet de loi de finances rectificative du 16 août, ont été adoptées les principales mesures que nous proposions à l’automne 2011. Toutes les propositions de réduction de niches sociales et la quasi-totalité de celles qui visaient à relever la taxation du capital ont été reprises. La gauche a ainsi nettement participé à l’amélioration des comptes de la sécurité sociale, à la diminution des niches et à une plus grande justice pour ce qui concerne la contribution de chacun à la protection sociale.

Il nous faut poursuivre le redressement des comptes en 2013. Le déficit de la sécurité sociale est une anomalie que nous devons nous employer à faire cesser au plus tôt.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, l’effort de redressement des comptes représentait 29,8 % du déficit tendanciel. Le Gouvernement nous propose de faire un effort plus important en 2013, puisqu’il représenterait 32,3 % du solde tendanciel.

La répartition de l’effort est aussi très différente entre le PLFSS pour 2012 et le PLFSS pour 2013.

Les mesures nouvelles en recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 s’appuyaient à 73 % sur de nouvelles taxes et seulement à 10 % sur la réduction des niches sociales. Pour 2013, le Gouvernement fait davantage reposer l’effort sur la suppression des niches sociales. Elles constituent 35 % des mesures nouvelles en recettes. Je citerai ainsi le déplafonnement des cotisations maladie du régime des indépendants, l’assujettissement des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social, le passage du forfait au réel pour l’emploi d’un salarié à domicile, ou bien encore l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les salaires.

Les mesures nouvelles en dépenses portent essentiellement sur la branche maladie. Je les détaillerai ultérieurement, lorsque j’aborderai l’assurance maladie.

Le poids du passé, c’est la dette sociale, dette que nous devrons financer encore durant de longues années. Aucune reprise de dette de la branche famille et de la branche maladie par la CADES n’est prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Il existe pourtant une opportunité au regard des taux courts particulièrement attractifs dont bénéficie l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, en 2012, lesquels pourraient se maintenir à un niveau favorable en 2013. C’est donc l’ACOSS qui financera à court terme le déficit de 2012.

Je tiens cependant à exprimer ma constance et ma cohérence s’agissant des principes de bonne gestion : dette et trésorerie ne doivent pas être confondues. Je souhaite donc une reprise des déficits de 2012 et de 2013 de la branche famille et de la branche maladie par la CADES au plus tôt, c’est-à-dire désormais en 2014.

Pour la période 2012-2017, les projections prévoient un déficit cumulé de ces deux branches de 34,6 milliards d’euros. Dans l’hypothèse d’une évolution au fil de l’eau de leur déficit, le surcroît nécessaire de recettes nouvelles sera, à compter de 2014, de l’ordre de 3,5 milliards d’euros, ce qui représente l’équivalent de 0,25 point de CRDS. Et gardons à l’esprit que l’extinction de la CADES est envisagée dès 2024. Pour éviter des charges plus lourdes encore, il nous faut organiser, année après année, la reprise par la CADES des déficits sociaux.

Telles sont les principales considérations que je souhaitais livrer à au Sénat sur les recettes et l’équilibre.

Le présent texte est profondément respectueux des engagements exprimés voilà un an par la majorité sénatoriale. Pour la première fois, en matière de niches sociales, nous passons des discours aux actes. Certes, cela fait parfois grincer des dents, mais la réduction des niches sociales est une œuvre nécessaire et juste si nous voulons obtenir des recettes à la hauteur des besoins sociaux – santé, retraites, dépendance, famille – que nous devons financer.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales a déposé un amendement primordial tendant à rétablir l’article 14 du PLFSS relatif à la réforme des prélèvements sociaux applicables aux carried interests, article supprimé par l'Assemblée nationale. Il y a là une question fondamentale d’équité.

Nous souhaitons aussi innover en matière de fiscalité nutritionnelle. Nous désirons non pas mettre en place une nouvelle logique de rendement, mais envoyer un signal important. Nos habitudes alimentaires ont changé ; nous recourons de manière croissante aux produits industriels. Ce changement est à la source d’une industrie agroalimentaire, que je souhaite florissante, à condition de veiller à la qualité de ce que nous mangeons. C’est dans cet esprit que la commission des affaires sociales vous présentera un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 23 bis et à créer une taxe additionnelle sur les huiles de palme et de coprah. En effet, la haute teneur en acides gras saturés de ces dernières doit conduire les industriels à y recourir avec modération. La taxe que nous proposons doit les y inciter.

J’en viens maintenant à l’assurance maladie.

Les dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base sont estimées à 190 milliards d’euros en 2013. Le déficit devrait diminuer légèrement pour s’établir à 5,1 milliards d’euros. L’ONDAM, qui correspond à la plus grande part de ces dépenses, est fixé à 175,4 milliards d’euros pour 2013, soit une progression de 2,7 % par rapport à 2012. Quant aux soins de ville et à l’ONDAM hospitalier, ils progresseront chacun de 2,6 % en 2013. In fine, une enveloppe supplémentaire de 4,6 milliards d’euros sera dédiée à la santé, enveloppe qui inclut, bien sûr, la progression de 4 % de l’ONDAM médico-social.

Alors que le rythme spontané des dépenses d’assurance maladie est estimé à 4,1 % pour 2013, respecter un ONDAM à 2,7 % exige de prendre des mesures pour limiter leur croissance automatique. Ces mesures se chiffreront à 2,4 milliards d’euros en 2013, dont un peu plus de 1 milliard d’euros viseront les produits de santé.

Nous le mesurons bien, l’ONDAM de 2013 et, plus encore, ceux des années suivantes sont exigeants. Ils requièrent des réformes de structure pour que notre système de santé accompagne au mieux le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques.

Ces réformes ont été engagées par le Gouvernement. Certaines trouvent déjà une traduction dans le PLFSS pour 2013. Pour autant, madame la ministre, nous aurons besoin d’adopter une loi relative à l’accès aux soins ainsi qu’une loi de santé publique pour traduire le changement de cap que vous avez initié.

Renforcer les soins de proximité et l’accès aux soins, redéfinir le service public hospitalier et adopter des mesures de justice : telles sont les priorités que comporte le PLFSS qui nous est soumis.

Renforcer les soins de proximité et l’accès aux soins passe d’abord par la lutte contre les dépassements d’honoraires, chantier laissé trop longtemps à l’abandon et que le présent gouvernement a pris à bras-le-corps. Le résultat des négociations conventionnelles devra naturellement être jugé à l’aune de la mise en œuvre de l’avenant n° 8 à la convention des médecins libéraux, mais je suis persuadé que celui-ci porte en germe une profonde réorientation. Il permettra, notamment, d’appliquer les tarifs opposables aux bénéficiaires de l’aide pour une complémentaire santé, l’ACS, et de geler puis de modérer les dépassements à l’échelle de chaque praticien, donc sans effet d’aubaine possible. Il permettra également d’améliorer les tarifs opposables et de revaloriser les prises en charge pour les médecins de secteur 1.

En termes structurels, il prolonge donc l’évolution vers un meilleur équilibre entre la rémunération à l’acte, qui doit naturellement perdurer, et la capitation sur objectifs de santé publique, qui doit être développée en complément.

Le PLFSS contient d’autres mesures allant dans le sens du renforcement des soins de proximité.

Il s’agit, bien sûr, de la reconnaissance et de la valorisation de la coordination à l’échelle pluriprofessionnelle, aspect essentiel pour mieux répartir les compétences entre les professionnels de santé. La commission des affaires sociales a d’ailleurs décidé de travailler sur cette question.

Il s’agit également de l’amélioration de la permanence des soins. Plus généralement, il sera nécessaire d’évaluer rapidement les conséquences des diverses modifications apportées ces dernières années, tels que le passage de l’obligation au volontariat et le transfert de la compétence aux agences régionales de santé, les ARS.

Il s’agit aussi de la lutte contre les déserts médicaux, de l’expérimentation du tiers payant pour les étudiants et de celle du parcours de santé pour les personnes âgées courant un risque de perte d’autonomie.

Redéfinir le service public hospitalier constitue un deuxième axe du présent PLFSS.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, a présenté au mois de juillet dernier, sur l’initiative de Jacky Le Menn et Alain Milon, un rapport sur le financement des établissements de santé. Par ailleurs, nous avons tenu un débat en séance sur ce sujet le 1er octobre. Je me félicite que plusieurs mesures que nous proposions alors figurent dans le présent PLFSS. Ainsi, un travail de contrôle du Sénat débouche rapidement sur des mesures législatives.

Je pense, bien sûr, au processus de convergence tarifaire, que le PLFSS prévoit d’abroger, mais aussi à l’élargissement de l’assiette des crédits mis en réserve en début d’année, au-delà des seules missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC.

En outre, le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés va être abondé d’une enveloppe supplémentaire de 189 millions d’euros par rapport à 2012, ce qui permettra notamment – point très important – d’investir dans les systèmes d’information.

Enfin, le PLFSS prévoit de reporter l’entrée en vigueur de la tarification à l’activité dans les hôpitaux locaux, de décaler la suppression des tarifs journaliers de prestations et programme la mise en œuvre de la facturation individuelle. Madame la ministre, même si je comprends les difficultés techniques que rencontrent les établissements, ce dernier projet me semble essentiel si l’on veut avancer dans le domaine de la création de véritables parcours de santé.

La dernière priorité que j’identifie dans le présent PLFSS porte sur les mesures de justice. Elles concernent les demandeurs d’emploi, les personnes détenues et les exploitants agricoles.

Je ne saurais oublier les avancées importantes que le Gouvernement a proposées en faveur des femmes : remboursement à 100 % de l’IVG et de la contraception pour les mineures, revalorisation tarifaire des activités d’IVG pour mettre un terme à la fermeture de services.

Après avoir évoqué – certes rapidement, mais nous étudierons les articles au cours des prochains jours – le contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, je souhaite m’arrêter quelques instants sur deux sujets très distincts : les médicaments et l’information du Parlement.

En 2013, comme en 2012, la maîtrise de l’ONDAM reposera largement sur des baisses de prix de médicaments.

Alors que les objectifs d’évolution des dépenses d’assurance maladie sont, je l’ai dit, exigeants pour la période de programmation 2012-2017, nous devons être bien conscients du fait que continuer de faire reposer majoritairement la maîtrise de l’ONDAM sur des baisses de prix se heurtera, à un moment ou à un autre, à certaines limites. Et je ne parle pas des questions en matière de compétitivité économique pour notre pays que cela soulève. Cette remarque concerne également certaines baisses de tarifs, par exemple dans le secteur de la biologie médicale.

Prenons tout de même la mesure des chiffres : globalement, les remboursements de l’assurance maladie relatifs à des médicaments s’élèvent à 27 milliards d’euros. Notons cependant que les économies réalisées dans ce domaine atteignent un peu plus de 2 milliards d’euros pour les seules années 2012 et 2013.

Or, sur une longue période, l’augmentation des dépenses de médicaments ne résulte ni d’un « effet prix », nettement négatif ces dix dernières années, ni d’un « effet volume », lequel a été stable. Elle est uniquement due à un effet de structure, c’est-à-dire à un déplacement de la prescription vers des médicaments plus coûteux.

Cet « effet structure » est complexe à contrecarrer : il découle à la fois de stratégies délibérées des entreprises et des habitudes de prescription « à la française ». Mieux et moins prescrire me semble devoir être un objectif prioritaire, les baisses de prix ne constituant que des réponses de court terme.

Sur mon initiative, la commission des affaires sociales a déposé plusieurs amendements visant à engager le débat sur ces questions. Elle propose, notamment, d’anticiper au 1er janvier 2014 la prescription en dénomination commune internationale.

Pour ce qui concerne les prix, le sujet est largement débattu. Certes, des écarts persistent avec nos principaux voisins vis-à-vis de certaines classes thérapeutiques ou de certains médicaments. Ils proviennent notamment du mécanisme de régulation que la France a choisi de mettre en place à travers le Comité économique des produits de santé, le CEPS, autrement dit une négociation globale entre les pouvoirs publics et les entreprises.

Il est vrai, par ailleurs, que le prix des génériques est relativement élevé. Le Gouvernement prévoit de réaliser 300 millions d’euros d’économies sur ce poste en 2013. En réalité, cette situation s’explique par la forte proportion de médicaments génériques fabriqués en France ou en Europe et par l’attribution de marges élevées aux pharmaciens, décision qui répondait à l’objectif d’accélérer la substitution.

De manière générale, les comparaisons internationales sont délicates à manier, selon que l’on examine les prix à la sortie de l’usine et les prix finaux, incluant les marges et les taxes.

Plusieurs articles du présent PLFSS nous ont amenés à considérer les différentes taxes et contributions des entreprises pharmaceutiques. Sans entrer dans le débat relatif à leur niveau, je suis tout de même inquiet de leur complexité et de leur multitude. Nous aurions intérêt à simplifier le système ; c’est d’ailleurs le chemin qu’esquisse l’article 24. Pouvez-vous m’indiquer, madame la ministre, les orientations que vous entendez prendre sur ce sujet ?

Je me fais également l’écho des inquiétudes relatives à l’inclusion des frais de congrès dans la contribution relative aux dépenses de promotion, à la suite d’un amendement voté par l’Assemblée nationale ; quel sera l’impact exact de cet élargissement de l’assiette ?

Nous ne pourrons pas échapper à une remise à plat d’ensemble du marché du médicament et à une prise en compte à la fois de la santé publique, des équilibres de l’assurance maladie et de la compétitivité de notre pays, ce dernier point constituant, je le sais, une priorité pour le Gouvernement.

Je souhaitais également évoquer la question de l’information du Parlement.

Je dois confesser que, depuis plusieurs années, ce sujet ne m’apporte pas satisfaction. Les annexes aux PLFSS comportent beaucoup d’informations, mais elles ne respectent pas toujours les dispositions de la loi organique. Différents textes prévoient la remise de rapports, certainement trop nombreux, d’ailleurs. Mais ceux-ci nous sont souvent transmis tardivement, quand ils le sont !

Lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, le Parlement vote plusieurs dotations de l’assurance maladie à des fonds et organismes, d’importance inégale, mais, à mon sens, trop sont fixées par arrêté.

Je pense bien sûr au nouveau fonds d’intervention régional, qui mobilise tout de même 1,5 milliard d’euros de crédits en 2012, dont 1,3 milliard d’euros de la part de l’assurance maladie. Madame la ministre, aucune information n’a pu m’être fournie sur la dotation de ce fonds en 2013 ; je ne peux que le regretter.

Derniers exemples, nous n’avons d’informations ni sur les modalités de la mise en réserve de crédits ni sur le montant et la répartition des MIGAC. Nous en avons d’ailleurs rapidement parlé lors des débats sur la loi de programmation.

Il est vrai que plusieurs dispositifs sont en cours de réforme, et je sais que nous pouvons compter sur votre engagement en faveur d’une meilleure information des parlementaires, madame la ministre.

En conclusion, je réaffirme ce que j’ai dit en commission. Ce projet de loi de financement constitue un réel changement de cap pour notre système de protection sociale : nous réduisons les déficits, nous maîtrisons les dépenses sans dérembourser, ni faire peser de nouvelles charges sur les patients, nous améliorons les droits de certaines catégories de la population et, surtout, nous investissons pour l’avenir.

Nous le savons bien, notre système de santé a été mis à rude épreuve ces dernières années. Les tensions sont nombreuses. Les approches doivent aujourd’hui être globales, et les solutions construites en concertation avec l’ensemble des acteurs, professionnels de santé et patients. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)