M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, par mon propos, qui complète celui de mon collègue Jérôme Cahuzac, je souhaite attirer votre attention sur les enjeux des politiques de retraite, de santé et de famille que nous vous proposons dans ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la mandature.

Avec ce texte, qui marque une inversion par rapport à la politique menée au cours des années précédentes, le Gouvernement a l’ambition de répondre à une attente, à savoir la réhabilitation de l’expression « protection sociale », très dévoyée ces derniers temps. D’aucuns ont parlé à n’en plus finir de « rupture », une rupture non seulement avec le passé, mais également avec les fondements de notre contrat républicain et les valeurs dominantes de notre pays. En son nom, de très nombreuses régressions ont été justifiées.

Une régression sociale d’abord, lorsqu’un nombre croissant de nos concitoyens rencontrent des difficultés financières pour faire face aux aléas de la vie, à la vieillesse ou à la maladie.

Une régression quant à nos valeurs fondatrices ensuite, lorsque le discours sur l’assistanat devient un leitmotiv et sert surtout d’alibi pour ébranler les piliers de notre système de protection.

Une régression politique, enfin, lorsque le renoncement à notre modèle social semble masqué par des choix tactiques, qui n’ont pas été soumis à nos concitoyens.

Le bilan du dernier quinquennat est sans appel. Les droits sociaux n’ont cessé de reculer et – Jérôme Cahuzac l’a indiqué – la dette a atteint un niveau record. La situation des Français est doublement détériorée : ils doivent maintenant payer plus alors qu’ils sont moins bien protégés.

Le recul des droits sociaux s’est traduit non seulement par une réforme injuste des retraites qui a frappé en particulier celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt, mais aussi par la limitation de l’accès aux soins et l’affaiblissement du niveau de protection de nos concitoyens.

En quoi consiste la facture dont nous avons hérité ? Un déficit cumulé de 90 milliards d’euros sur le seul dernier quinquennat, déficit qui pèse sur les choix que nous devons aujourd'hui effectuer.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale marque une inversion radicale des priorités : nous faisons le choix, assumé, de ne pas faire porter d’efforts nouveaux sur les assurés. Alors même que nous sommes confrontés à une double exigence – faire les économies que requiert la situation budgétaire difficile de notre pays et apporter de nouvelles réponses sociales aux attentes de nos concitoyens –, nous avons donc choisi de ne pas demander aux assurés de renoncer à des droits ou à des protections.

Je le dis sans ambages, pour nous, la protection sociale est non pas un fardeau, mais un atout dans la compétition internationale. Puisque nous sommes engagés depuis quelque temps dans un débat sur la compétitivité de l’économie française, je tiens à répéter en cet instant de manière extrêmement forte que, même si notre compétitivité a incontestablement reculé au cours des dernières années, le niveau de notre protection sociale constitue une manière de renforcer l’attractivité de la France et la situation des salariés. Au fond, c’est la certitude d’être protégés qui permet à nos concitoyens de prendre des risques et qui, au niveau collectif, garantit un système de solidarité important.

La ligne d’horizon du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est bien le renforcement de la protection des Français.

Protéger les citoyens consiste d’abord à donner à chacun d’entre eux la garantie d’avoir accès aux soins sans obstacle financier, social ou territorial.

La progression de l’ONDAM, c'est-à-dire des dépenses de santé et d’assurance maladie, pour 2013 a été fixée à 2,7 %. Je sais que l’annonce de ce taux, dont le niveau est supérieur à celui de 2,5 % arrêté auparavant, a suscité de nombreuses discussions. De la sorte, nous voulons marquer la priorité que nous donnons à la santé. Par rapport à 2012, ce sont ainsi 4,6 milliards d’euros supplémentaires qui seront investis pour la santé de nos concitoyens. La croissance des dépenses consacrées à l’hôpital sera par ailleurs strictement équilibrée avec celle des soins de ville, soit légèrement moins de 2 milliards d’euros dans les deux cas. Enfin, 650 millions d’euros supplémentaires seront affectés au secteur médico-social.

Dans le même temps, comme l’a rappelé Jérôme Cahuzac, nous prévoyons d’allouer 1,5 milliard d’euros de recettes supplémentaires à l’assurance maladie grâce, notamment, à la mise en place de taxes comportementales et à la suppression de niches sociales. Voilà, là encore, un signe de la priorité que constitue la santé des Français pour le Gouvernement.

Protéger les Français, c’est également assurer la pérennité de notre système de retraites par répartition. La consolidation de ce système nécessite de garantir le contrat entre les générations, lequel est aujourd'hui – il faut bien le dire – peu lisible et relativement incertain pour les plus jeunes. Alors qu’ils sont âgés de trente ou de trente-cinq ans, certains d’entre eux se demandent s’ils pourront continuer à bénéficier de la solidarité nationale et collective une fois arrivés à l’âge de la retraite.

L’une des exigences qui s’imposent à nous, c’est d’apporter, grâce aux mesures que nous vous proposons, une visibilité durable à nos systèmes de retraite, afin de garantir aux Français qu’ils peuvent compter sur la solidarité nationale.

Or la réforme de 2010, qui devait résoudre toutes les difficultés, a, en réalité, profondément fragilisé notre système de retraite. Si aucune mesure n’avait été prise depuis notre arrivée aux responsabilités, le déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse s’élèverait aujourd'hui à 10,2 milliards d’euros. Nous le ramènerons à 6,6 milliards d’euros, en consacrant 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour l’année 2013, ce qui est un signe de nos priorités, de notre engagement et de notre volonté.

Le Fonds de solidarité vieillesse et les différents régimes de retraite bénéficieront d’une partie des recettes nouvelles. Le financement de la politique de lutte contre la perte d’autonomie sera complété par la cotisation que nous souhaitons instaurer sur les retraites et qui concernera les retraités qui sont aujourd'hui imposables.

Je tiens à le dire, je suis pleinement consciente des difficultés auxquelles sont aujourd'hui confrontés les conseils généraux dans la mise en œuvre de la politique en faveur des personnes âgées. C'est la raison pour laquelle, à l’occasion d’une rencontre avec les membres de l’Association des départements de France, le Président de la République a annoncé la création d’un fonds de soutien exceptionnel aux départements qui connaissent des difficultés financières, doté de 170 millions d’euros.

Pour le long terme, lors de cette même rencontre, il a été décidé d’engager une concertation entre, d’un côté, le Gouvernement et, de l’autre, les conseils généraux pour déterminer les modalités d’un financement pérenne et durable de l’ensemble des allocations universelles. Nous pensons aux allocations dédiées au handicap – Marie-Arlette Carlotti les évoquera certainement –, mais évidemment aussi à l’allocation personnalisée d’autonomie.

À partir du moment où le Gouvernement fait le choix, affirmé et assumé, de ne pas faire reposer sur des assurances privées ou sur la capacité privée des Français la responsabilité de la prise en charge de la perte d’autonomie et, en fin de parcours, de la dépendance, c’est par un mode de financement solidaire qu’il faut envisager la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie.

Qui dit solidarité dit contribution de l’ensemble de nos concitoyens, dès lors que leurs revenus le leur permettent. C’est dans cet esprit que nous avons souhaité les mettre à contribution, y compris les retraités, en tout cas, et j’insiste sur ce point, ceux d’entre eux qui sont imposables.

L’assainissement financier des régimes de retraite n’est pas une fin en soi, même si nous devons garder à l’esprit cette exigence. Il nous revient aujourd’hui de réparer des injustices qui touchent certaines catégories de retraités. C’est pourquoi le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de permettre aux travailleurs non salariés agricoles de bénéficier de points de retraite gratuits en compensation des périodes d’invalidité et de maladie et de donner aux travailleurs de l’amiante le droit de prendre leur retraite à soixante ans, quel que soit leur régime.

De façon plus générale, l’année 2013 sera déterminante pour garantir l’avenir de nos retraites. En consolidant les différents régimes, nous posons dès aujourd’hui, comme l’a rappelé Jérôme Cahuzac, les bases d’une concertation à venir avec les partenaires sociaux.

Protéger les Français, c’est encore donner la priorité à la famille. Dominique Bertinotti reviendra sur ce point dans quelques instants. Je tiens à le redire, la défense de la famille n’appartient à aucune formation politique. Les choix qui ont été effectués ces dernières années montrent d’ailleurs bien qu’elle n’est pas le monopole de l’actuelle opposition.

Dès le mois de juillet dernier, nous avons pris la décision d’augmenter de 25 % l’allocation de rentrée scolaire. Cette mesure a bénéficié à 5 millions d’enfants et à 3 millions de familles. Dans le même esprit, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale tend à instaurer le tiers payant des dépenses de garde d’enfant pour les familles modestes.

Ce texte va également beaucoup plus loin, en reconnaissant l’égalité des droits. La famille doit accompagner les mutations de notre société. Si vous confirmez des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, mesdames, messieurs les sénateurs, sera créé un congé de paternité et d’accueil du jeune enfant pour ouvrir le congé de paternité à la personne qui vit avec la mère.

Au cours des années passées, le Gouvernement avait retiré 350 millions d’euros à la branche famille. À l’inverse, entre la loi de finances rectificative et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous vous proposons d’affecter 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires à cette même branche.

Protéger les Français, c’est aussi les assurer contre les risques liés au travail.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles présentera un excédent d’environ 300 millions d’euros en 2013, après avoir été déficitaire de 100 millions d’euros en 2012.

S’agissant plus particulièrement des travailleurs de l’amiante, un rapport me sera remis le 1er juillet 2013, lequel évaluera les voies d’accès à leur allocation de cessation anticipée d’activité, afin de leur rendre justice.

Protéger les Français, c’est enfin rendre réel et pleinement effectif l’accès aux droits.

À cet égard, le Gouvernement a fait le choix de renforcer l’attention qu’il porte aux problèmes rencontrés par les jeunes femmes dans le domaine de l’accès à la contraception.

Ainsi, le projet de loi que je vous présente aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit d’étendre le remboursement des moyens contraceptifs déjà remboursés, de manière à assurer une prise en charge à 100 % pour les mineures âgées de quinze à dix-sept ans révolus.

Il vise également à garantir la prise en charge à 100 % des interruptions volontaires de grossesse – les IVG – et, même si cela n’apparaît pas dans les dispositions du texte, l’ONDAM a été calculé en tenant compte de la revalorisation des actes d’IVG qui était demandée par les établissements et les professionnels de santé ; j’insiste sur ce point.

Au-delà, il s’agit pour nous d’engager des réformes de structure importantes, car nous avons le devoir de moderniser la protection sociale. En effet, nous devons faire face aux profondes évolutions que connaît notre société. Ainsi, le présent texte doit nous permettre de mieux relever les défis liés au vieillissement de la population et à l’évolution des pathologies, mais aussi de mieux répondre aux attentes des Français.

Le premier axe de la modernisation engagée consiste à renforcer notre politique d’économies.

Alors que certains nous accusent de matraquage fiscal, je tiens à rappeler de manière très claire que le PLFSS que nous présentons prévoit 2,4 milliards d’euros d’économies, dont 1 milliard d’euros portera sur la politique du médicament, via la mise en avant de la place et du rôle des génériques. Par ailleurs, la rationalisation des achats et la maîtrise des dépenses nous permettront de réaliser 650 millions d’euros d’économies à l’hôpital.

Enfin, nous réaliserons le reste des économies – soit un montant comparable à celui des économies accomplies à l’hôpital – dans le domaine de la médecine de ville, grâce à une meilleure organisation des parcours et à la maîtrise médicalisée des dépenses.

Le deuxième axe de la modernisation consiste à diminuer progressivement le reste à charge pour les Français, soit la somme qui demeurera à leur charge après le remboursement de la sécurité sociale et, le cas échéant, des mutuelles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’accepte pas qu’une part croissante de nos concitoyens soit amenée à renoncer à se soigner pour des raisons financières. Il est de notre responsabilité commune de permettre à chacun d’avoir accès à des soins de qualité au tarif opposable.

C’est d’ailleurs le sens de la négociation relative aux dépassements d’honoraires, laquelle a abouti, le 25 octobre dernier, à la signature d’un accord par la majorité des syndicats représentatifs. Grâce à ce dernier, les Français pourront, demain, être mieux soignés, mieux pris en charge et mieux accompagnés.

Tout d’abord, cet accord rend désormais impossibles les dépassements abusifs.

J’interviens à cette tribune alors que certains professionnels de la santé sont aujourd'hui mobilisés…

M. Gilbert Barbier. En grève, voulez-vous dire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Or l’ensemble des professionnels, des médecins ou des représentants des syndicats que j’ai pu rencontrer m’ont indiqué la nécessité de mettre un terme aux dépassements abusifs, dont ils reconnaissent unanimement eux-mêmes qu’ils ont des répercussions négatives sur l’ensemble de la profession.

Il me paraît donc étonnant que certains ne comprennent pas, voire refusent, l’institution d’un seuil au-delà duquel les dépassements seront considérés comme abusifs alors même que la sanction des 5 % de médecins pratiquant des tarifs qui ne sont pas défendables suscite l’unanimité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

De plus, toujours dans le cadre de l’accord susvisé, les médecins se sont engagés à geler les tarifs de leurs consultations, dès lors qu’ils souscriraient au contrat d’accès aux soins. En retour, leurs patients seront mieux remboursés par l’assurance maladie, et j’insiste sur ce point. En outre, une série d’actes pratiqués en secteur 1, c’est-à-dire remboursés par la sécurité sociale, seront revalorisés.

Certains soutiennent que des dépassements d’honoraires sont effectués parce que les tarifs de la sécurité sociale n’ont pas été revalorisés au cours des années passées.

Or, d’une part, dans le contexte économique actuel, que personne ne peut ignorer – d'ailleurs, certains évoquent la nécessité de tenir compte de la gravité de la situation –, je ne vois pas comment nous pourrions, en quelques semaines, ni même en quelques mois, opérer le rattrapage de décennies de non-augmentation ou d’insuffisantes augmentations de ces tarifs !

D’autre part, contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, l’accord qui a été signé le 25 octobre dernier prévoit une revalorisation, en particulier d’actes de chirurgie, au cours des trois années à venir.

Par ailleurs, toujours selon cet accord, 5 millions de personnes supplémentaires bénéficieront de consultations au tarif remboursé par la sécurité sociale, même si leur médecin pratique des dépassements d’honoraires : au total, demain, 10 millions de Français auront droit au tarif de la sécurité sociale lorsqu’ils consulteront leur médecin.

Le troisième et dernier axe de la modernisation consiste à réorganiser notre système de santé pour garantir, sur le territoire, un égal accès aux soins.

Il s’agit de réaménager la médecine de proximité et de faire en sorte de mieux structurer sa relation avec l’hôpital public.

Parce qu’il occupe une place singulière dans notre système de santé, l’hôpital public doit voir réaffirmer la spécificité de ses missions. C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi réintroduit la notion de « service public hospitalier », ce qui a des traductions très concrètes en termes de mécanismes de financement.

Ainsi, le texte prévoit que soit mis fin à la convergence tarifaire entre établissements privés et publics. Concrètement, l’hôpital public, qui exerce des missions particulières, comme la formation ou l’accueil de personnes en grande précarité, ne sera plus financé de la même façon que les établissements privés.

À ce sujet, je tiens à souligner dans cette enceinte qu’un rapport sénatorial, adopté à l’unanimité par tous les partis représentés dans cet hémicycle, appelait, dans ses conclusions, à une révision des mécanismes de financement de l’hôpital public et de tarification à l’activité, ainsi qu’à un arrêt de la convergence tarifaire. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste font un signe d’assentiment.)

Cette évolution du financement est donc un élément tout à fait important.

Cela étant, la démarche de confiance que j’ai engagée s’est traduite, le 7 septembre dernier, par le lancement d’un pacte pour l’hôpital, dont l’ambition est de renouer le lien qui unit les responsables politiques à la communauté hospitalière.

Pour ce qui est de l’activité libérale pratiquée à l’hôpital public, sujet qui revient dans le débat de manière régulière, j’ai confié à Mme Dominique Laurent une mission de concertation, qui doit porter non seulement sur les honoraires pratiqués, mais aussi sur leur transparence, sur la manière dont les médecins exercent cette activité libérale, ainsi que sur l’existence de files d’attente. Sur ce dernier point, je crois qu’un consensus se dégage aujourd'hui pour considérer qu’il n’est pas normal que l’on puisse obtenir plus rapidement un rendez-vous quand on opte pour une consultation privée plutôt que pour une consultation publique.

Sur proposition de son rapporteur général, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté un amendement tendant à la suppression de dispositions introduites par l’Assemblée nationale, mesures qui donnaient le sentiment que le Parlement souhaitait se prononcer avant que Mme Laurent, qui vient d’engager ses travaux, ne rende ses conclusions. Souhaitant que toute sa place soit donnée à la concertation, je souscris à l’initiative de M. Daudigny.

En parallèle du rôle de l’hôpital, la place de pivot de la médecine libérale dans notre système de santé doit être réaffirmée.

Dans certains territoires, accéder à un médecin est parfois devenu difficile. Nous devons engager avec détermination le combat contre les déserts médicaux.

Sur ce sujet, je tiens à répéter dans cette enceinte que je suis fermement opposée à toute mesure de coercition : la liberté d’installation des médecins n’a jamais été et ne sera pas remise en cause par le Gouvernement. Très concrètement, dès 2013, nous prévoyons de créer 200 postes de praticiens territoriaux de médecine générale. Les députés ont amendé cette mesure pour permettre à des médecins salariés des hôpitaux, des centres de santé ou des centres mutualistes de participer à la lutte contre la désertification médicale.

Dans quelques semaines, j’aurai l’occasion d’annoncer un plan global de lutte contre les déserts médicaux, sujet auquel, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous êtes très attentifs.

Hélas, il n’existe pas de mesure miracle pour enrayer ce phénomène, qui s’est propagé au cours des dernières années. En revanche, l’adoption d’un ensemble de dispositions répondant aux attentes des jeunes professionnels nous permettra d’avancer, comme une meilleure revalorisation du travail en équipe ou une meilleure prise en compte de la localisation des soins d’urgence.

Pour terminer, dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons prévu un certain nombre de taxes comportementales, destinées à orienter l’attitude de certains de nos concitoyens à l’égard, en particulier, du tabac ou de l’alcool. Au cours de l’année prochaine sera examiné un grand projet de loi relatif à la santé publique ; il devra affirmer les principes d’organisation et les priorités de la santé publique, ainsi que la manière de mieux prendre en compte la prévention. Je souhaite que l’examen du présent texte nous permette d’amorcer ce débat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le choix, assumé, du Gouvernement est double : engager de façon résolue les comptes sociaux pour garantir la protection des Français face aux aléas de la vie ; affirmer de manière claire notre volonté de maintenir notre système de protection sociale, sans lequel il ne saurait y avoir de pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)

(M. Jean-Claude Carle remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme mes collègues Jérôme Cahuzac et Marisol Touraine l’ont précédemment déclaré, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, déposé dans une période de forte contrainte budgétaire, témoigne de l’attachement du Gouvernement à la politique familiale.

Vous n’êtes pas sans savoir que la jeunesse est au cœur du projet porté par le Président de la République. La politique familiale contribuera à la réalisation de son engagement à cet égard.

Ce soutien déterminé à la politique familiale et à la jeunesse s’inscrit en rupture par rapport à la politique menée par le précédent gouvernement. (M. Henri de Raincourt s’exclame.) Ce dernier, comme Jérôme Cahuzac vient de le rappeler, a laissé le déficit se creuser, en inscrivant des dépenses supplémentaires à la charge de la branche famille, sans prévoir de recettes équivalentes. Il a ensuite retiré à cette même branche une part de contribution sociale généralisée, à l’occasion du dernier transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, en 2011. Enfin, il a sous-indexé la revalorisation des prestations familiales et préféré stigmatiser les familles – par exemple, en suspendant les allocations familiales – plutôt que développer le soutien à la parentalité.

Avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, nous voulons rompre avec cette politique et faire porter notre effort sur trois axes prioritaires : le rétablissement de l’équilibre financier de la branche famille, l’action en faveur des familles les plus modestes, l’engagement pour l’égalité entre les familles.

Pour ce qui concerne le premier axe, en six mois, entre la loi de finances rectificative pour 2012 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, près de un milliard d’euros de ressources nouvelles auront été affectés à la branche famille. Le déficit de cette branche aurait dû s’élever à 3,3 milliards d’euros en 2013 ; grâce à l’action du Gouvernement, il sera ramené à 2,7 milliards d’euros, ce qui annule l’incidence financière de la crise. Cet effort constitue un signe clair en direction non seulement des partenaires sociaux chargés de la branche famille, mais aussi de l’ensemble des parents ; nous le poursuivrons en respectant une trajectoire de retour de la branche famille à l’équilibre d’ici à 2017.

Le deuxième axe privilégié par le Gouvernement est l’accentuation de son action en faveur des familles les plus modestes.

Tout d’abord, Marisol Touraine l’a rappelé, la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire a été l’une des premières mesures du quinquennat. Cette réforme juste était également responsable, puisque la disposition a été compensée par une recette nouvelle.

Ensuite, le Gouvernement cherche des solutions pour favoriser l’accès à la garde des enfants des familles modestes qui travaillent. Il envisage ainsi, dans le cadre d’une expérimentation, le versement du complément du mode de garde en tiers payant. Contraintes d’avancer les frais de garde, certaines familles modestes peuvent renoncer à faire garder leur enfant pour cette raison : l’accès à l’emploi des parents, en particulier celui des femmes, s’en trouve ainsi dégradé. Dans le même temps, et souvent sur les mêmes territoires, certaines assistantes maternelles gardent moins d’enfants qu’elles ne sont autorisées à le faire, faute de parents en mesure de procéder à l’avance de frais. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoit donc, je le répète dans le cadre d’une expérimentation, que les familles disposant de ressources inférieures au revenu garanti dans le cadre du revenu de solidarité active seront dispensées de l’avance de la totalité des frais, puisque l’aide de la caisse d’allocations familiales sera directement versée à l’assistante maternelle.

Enfin, à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a introduit un système qui permettra de prévenir l’expulsion des familles en difficulté sans léser les bailleurs : cette mesure s’inscrit dans la continuité de sa politique en faveur des familles modestes. Le dispositif juridique est simple : il consiste à prévoir, pour les trois allocations logement – à savoir l’aide personnalisée au logement, l’allocation de logement sociale et l’allocation de logement familiale –, un rétablissement automatique de l’allocation lorsqu’un dossier de surendettement a été déclaré recevable.

Troisième et dernier axe prioritaire, le Gouvernement s’engage en faveur de l’égalité entre les familles, avec la création d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant ouvert au père et au partenaire du parent contribuant à l’éducation de l’enfant. Cette mesure répond aux recommandations émises par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, dès 2007, ainsi qu’à une exigence d’égalité entre les salariés, certaines entreprises ou collectivités locales offrant déjà ce congé, les autres ne le proposant pas. La discussion des articles nous donnera l’occasion de préciser la portée et le contenu de ce dispositif, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 n’est qu’une étape. Le Gouvernement va poursuivre son action et accompagner la réflexion sur l’architecture des prestations familiales ouverte à l’occasion de la grande conférence sociale qui s’est tenue les 9 et 10 juillet dernier. À cette occasion, les partenaires sociaux ont souligné la nécessité d’une meilleure adéquation entre les dispositifs et les besoins des familles. Cette réflexion se poursuivra notamment dans le cadre d’un Haut conseil de la famille aux missions et à la composition élargies. Cette nouvelle politique conjuguera harmonieusement soutien à la natalité, participation effective des femmes à l’activité économique et protection des intérêts des familles les plus fragiles.

La politique familiale, vous le savez, ne peut se résumer aux seules prestations familiales : le Gouvernement souhaite également intensifier le développement des services aux familles, autrement dit des missions de service public à l’enfance et aux familles. Pour cela, la politique familiale doit cibler deux priorités : le renforcement de l’accueil des jeunes enfants, ainsi qu’une politique rénovée de soutien à la parentalité. Nous nous fonderons sur le travail mené dans le cadre d’une concertation citoyenne pour préparer la prochaine convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales prévue pour le premier trimestre de l’année 2013. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)