M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos entreprises souffrent de trois problèmes majeurs : l’atrophie de notre tissu économique intermédiaire, une spécialisation industrielle tournée essentiellement vers les grandes entreprises, un climat fiscal et financier anxiogène pour les entreprises à fort potentiel de développement. Cependant, celui qui surpasse tous les autres est le financement. Votre réponse s’appelle la BPI, pourquoi pas !

Le mal essentiel qui frappe notre tissu économique et industriel tient à la très faible marge et aux capacités d’investissements insuffisantes de nos entreprises depuis trente ans. Le taux de marge français est de 28 %, soit près de 10 points en dessous de la moyenne européenne, avec pour conséquence annexe mais majeure notre déficit commercial.

En effet, les faibles marges et la faiblesse de la trésorerie des PME sont un frein à leur développement et donc à l’exportation. Le matraquage fiscal aggrave cette situation et peine à créer un climat favorable au développement et à la croissance des entreprises. La BPI, dont le rôle est de faire face à la faiblesse de trésorerie des PME, aurait moins de nécessité d’être sans cette fiscalité handicapant terriblement la trésorerie de nos entreprises. Considérez l’Allemagne, qui a fait de sa fiscalité patrimoniale la source vive du Mittlestand, le dynamique tissu des PME-ETI.

Votre projet de loi a pour but d’améliorer l’accession des PME et des ETI à un système de financement public tourné principalement vers le long terme. C’est, je le souligne, un besoin vital pour nos entreprises.

À l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez déclaré que vous aviez la conviction que ce texte portera « une cause qui peut nous rassembler tous, sur tous les bancs : celle du financement de l’investissement, celle de la compétitivité de l’économie, celle du développement de nos entreprises et de nos territoires, bref, celle du redressement de notre pays ». Ce souhait est aussi le nôtre. Comment ne pas adhérer aux objectifs de la Banque publique d’investissement : innovation, développement, internationalisation des entreprises, simplification par un guichet unique, reconnaissance du rôle économique des régions ?

Vous présentez la BPI comme la banque des entreprises de croissance, du tissu économique de nos territoires, de la stratégie industrielle, un outil offensif et performant au service de la croissance et de l’emploi. Les emplois d’avenir, à destination des seules collectivités et des associations, n’endigueront pas le chômage. Leur utilité est exclusivement sociale et va à l’encontre de votre objectif de baisse du nombre de fonctionnaires. C’est grâce aux entreprises et à l’initiative privée que la France sortira de l’ornière et non grâce à des emplois publics déjà trop nombreux.

L’économie générale de la BPI est simple : il s’agit de rapprocher OSEO, la branche « entreprises » de la Caisse des dépôts et consignations et le FSI en une structure unique dans la mouture d’OSEO. Néanmoins, les trois établissements existants ont chacun leur spécificité. OSEO, la banque des PME, a pour fonction l’aide à l’innovation, la garantie des concours bancaires et des investisseurs en fonds propres et le financement en partenariat, avec des correspondants en région. Le Fonds stratégique d’investissement répond aux besoins en fonds propres d’entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française par une participation minoritaire au capital. CDC Entreprises participe au soutien des entreprises de longue date pour le développement industriel de notre pays. Je rappelle ces spécificités pour m’interroger sur leur fongibilité.

Le groupe UDI-UC vous questionne sur plusieurs points. Vaut-il mieux créer une seule grosse structure ou garder les trois qui existent et qui fonctionnent ? Votre formule dispose-t-elle de plus de souplesse, de réactivité pour répondre aux besoins des entreprises ? Une grosse structure aura-t-elle une force de frappe plus grande par l’addition des trois capacités financières ou, au contraire, sera-t-elle moins réactive ?

Je crains que toutes les missions que vous attribuez à cette banque n’entraînent beaucoup de pesanteur. Vous donnez à la BPI la mission de réindustrialiser la France, d’assurer notre transition énergétique, de garantir le respect de l’environnement, de favoriser l’activité économique ; c’est beaucoup, sans doute beaucoup trop. Je crains que le principe du couteau suisse à 42 milliards d’euros ne soit un peu irréaliste.

L’économiste néerlandais Jan Tinbergen avait déjà démontré qu’en matière de politique économique il fallait un outil dédié à un objectif bien défini. Or vous nous présentez un dispositif global tant dans ses missions que dans sa structure et dans ses objectifs. De plus, la structure finale de la holding composant la BPI n’est pas encore définie.

La Cour des comptes avait spécifiquement indiqué dans son rapport de juillet dernier relatif au financement de l’économie que la réunion des compétences d’OSEO, du FSI et de la branche « entreprises » de la Caisses des dépôts et consignations risquait de générer des difficultés pratiques, car ce sont des métiers différents. Monsieur le ministre, je suis surpris que vous n’ayez pas suivi les recommandations de la Cour – une fois de plus, serais-je tenté d’ajouter.

Dès lors, je ne peux qu’être inquiet. La force de frappe de 42 milliards d’euros sera-t-elle suffisante au regard des nouvelles exigences prudentielles que la crise financière nous a imposées ? La BPI devra être soumise à l’application de normes prudentielles de deux types selon la nature de son activité : celles de la Caisse des dépôts et consignations pour les fonds propres et celles de Bâle III pour les emprunts garantis. Comment s’articulera cette gestion prudentielle ? Ce n’est pas vraiment clair ; c’est même assez obscur.

Bâle III et le règlement CRD 4 maintiennent le ratio de solvabilité à 8 %, mais créent des coussins supplémentaires de fonds propres afin d’assurer la continuité de l’activité de l’entreprise. Cette pondération des actifs en fonction des risques signifie qu’il faudra disposer de fonds propres plus importants pour des actifs plus risqués.

Le rôle de la BPI se distingue de celui des banques privées. Cette banque publique devra financer ou garantir le risque des TPE, des PME et des ETI, que les banques privées ne veulent pas prendre en charge. Le financement des PME à long terme, le plus risqué, est donc l’une des raisons d’être de la BPI. La nouvelle Banque publique d’investissement a pour consigne de se comporter en investisseur avisé. Certes, les trois organismes qui la composent ont une réputation de compétence, mais le spectre du Crédit lyonnais hante toujours nos mémoires.

Enfin, monsieur le ministre, je ne peux être que dubitatif concernant la gouvernance du groupe BPI. Elle porte en germe des conflits d’intérêts, en raison de la participation des politiques – un élu pourrait être tenté de privilégier un territoire dont il est issu ou qu’il représente – et car le risque existe que les projets de long terme à fort potentiel soient négligés au profit du sauvetage d’entreprises, ces entreprises que Jean-Pierre Jouyet comparait à des « canards boiteux ».

La définition de la doctrine d’intervention relèvera du comité d’orientation. Quelle sera l’articulation entre l’État, qui doit définir une stratégie, et les régions, qui demandent à jouer un rôle actif dans ce processus de décision ? Quelle sera l’articulation avec le Commissariat général à l’investissement, avec le futur commissariat général à la stratégie et à la prospective ? Cette complexité rendra très difficile sa mise en œuvre et risque d’entraîner des lenteurs administratives, ce qui est le contraire du but recherché.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il y a un vrai risque !

M. Aymeri de Montesquiou. Quant à la part des PME dans les exportations, elle est de 9,8 %, alors que ces entreprises représentent plus de 97 % des sociétés françaises, qu’elles emploient près de 7 millions de salariés, réalisent 34 % du chiffre d’affaires et 42 % de la valeur ajoutée ! Comment les inciter, les aider à exporter ?

Vous l’avez souligné, monsieur le ministre, nous manquons d’instruments efficaces de soutien à l’export, contrairement à nos voisins allemands et italiens, qui comptent respectivement deux et trois fois plus de PME que la France. En outre, ces entreprises ont une forte pulsion exportatrice et l’habitude de travailler en meute.

Aujourd’hui, deux structures fonctionnent pour aider les entreprises à l’international : Ubifrance, établissement public, qui œuvre à la promotion de nos entreprises à l’extérieur, et la COFACE, établissement privé, qui assure leurs risques.

Vous envisagez de les intégrer à la BPI dans un second temps. Comment allez-vous fusionner un établissement public et un établissement privé, même si on peut en espérer une complémentarité sur le terrain ? L’écart est grand entre une promotion publique généraliste et un établissement privé qui peut avoir tendance à mettre en avant, pour refuser un dossier, les risques du pays ou du futur client. Quoi qu’il en soit, la démarche est ardue.

Vous avez annoncé une réforme bancaire, la création d’une place boursière dédiée aux PME-ETI en 2013 et une réforme de l’épargne afin d’inciter les Français à investir dans l’économie. Ce sont des idées intéressantes. Pourriez-vous nous donner des précisions sur ces réformes à venir ?

Monsieur le ministre, votre projet de loi part d’une bonne intention, mais il suscite plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses.

M. Roland Courteau. Tout de même…

M. Aymeri de Montesquiou. En outre, la fiscalité que vous venez de mettre en place assèche les capacités d’investissement des entreprises. Elle est donc tout sauf incitative.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Aymeri de Montesquiou. Elle obère aussi fortement les marges, lesquelles comptent parmi les plus faibles, je le répète, de l’Union européenne. Elle ne peut pas non plus attirer une épargne que vous avez déjà orientée vers le livret A. Dans ce contexte fiscal et compte tenu de la création de la tranche d’imposition à 75 %, vous vous mettez à l’abri des investisseurs étrangers...

M. Christian Bourquin. Les pauvres !

M. Aymeri de Montesquiou. Le projet de loi relatif à la Banque publique d’investissement n’est pas une mauvaise initiative et le guichet unique est une bonne idée, mais, ayant été mal préparé, il contient trop d’imprécisions et d’incertitudes pour que le groupe de l'UDI-UC le vote en l’état. Par conséquent, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)

M. Roland Courteau. C’est regrettable !

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.

M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui porte création de la Banque publique d’investissement, laquelle était le premier des engagements figurant dans le projet présidentiel de François Hollande.

M. Roland du Luart. Cette banque est censée compenser l’accès rendu plus difficile des entreprises aux prêts bancaires, à la suite de l’instauration de nouvelles règles prudentielles de solvabilité des banques.

À cet égard, n’en faisons pas plus que nécessaire. Les États-Unis ont, eux, différé la mise en œuvre de Bâle III et ne se sont engagés sur aucun calendrier.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Roland du Luart. Mais, comme toujours, en France, nous allons plus loin que les normes européennes. Résultat : nous asséchons nos possibilités !

Pour lutter contre les problèmes de financement et les manques de fonds propres, la BPI pourra mettre en œuvre une logique proche de celle de l’investisseur souverain, capable d’entrer au capital de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française en vue de stabiliser leur actionnariat.

La nouvelle stratégie de la BPI s’appuiera sur deux priorités nationales pour la croissance et la compétitivité : le soutien à l’innovation et l’accompagnement des entreprises à l’international. Grâce à l’ensemble de ses outils de financement et d’investissement, la BPI soutiendra les stratégies nationales de développement de filières.

La BPI offrira un ensemble de services au travers de guichets uniques régionaux d’un même réseau de distribution, au plus près des entreprises.

Par ailleurs, la BPI développera une offre de services et d’accompagnement des entreprises dans leurs projets de développement.

La gouvernance nationale et régionale de la BPI incarne un nouveau partenariat entre l’État, la Caisse des dépôts et consignations et les régions. Les régions et la BPI créeront ainsi ensemble des plateformes communes d’accueil des entreprises pour leurs besoins de financement en matière de prêts, de garanties et de fonds propres.

Selon le Gouvernement et sa majorité, un trop grand nombre d’acteurs institutionnels seraient compétents pour prendre en charge les besoins de financement des entreprises : OSEO, l’État, la Caisse des dépôts et des consignations, le Fonds stratégique d’investissement et les régions, à travers leurs stratégies de développement économique. Cependant, les données macroéconomiques dont nous disposons, notamment celles qui figurent dans l’étude d’impact, montrent que le problème est plus d’ordre qualitatif que quantitatif.

Il est en effet naïf, mes chers collègues, de croire que le dispositif actuel conduirait l’économie française à perdre 5 points de croissance des investissements, surtout que le volume des interventions de l’État ne représente en moyenne guère plus de 5 % des marchés de produits financiers auxquels il prend part, sauf pour les crédits-bails immobiliers, où OSEO représente 8 % du total de ces crédits.

Une question se pose donc sur le dispositif français : la multiplicité des acteurs est-elle de nature à aider nos entreprises, cette division du travail permettant une distinction des rôles, une réelle expertise des acteurs institutionnels et donc une aide adaptée à chaque entreprise ? Ou alors peut-on considérer qu’elle limite les synergies, empêche le partage des connaissances entre créanciers et actionnaires éventuels, ce partage étant indispensable pour offrir l’aide la plus appropriée à nos entreprises ?

Le Gouvernement a pris le parti du rapprochement des acteurs institutionnels de l’aide au financement de l’entreprise. Si cette démarche peut être considérée comme positive sur le papier, elle ne change en réalité concrètement que peu de chose, et les ajustements proposés ne permettront pas le redressement productif que le Gouvernement appelle de ses vœux.

La question, mes chers collègues, est de savoir ce que la BPI apporte de plus que ce qui existe déjà : OSEO, qui a fait ses preuves pour l’activité de prêt, la CDC Entreprises, pour l’activité de financement en fonds propres, et la partie PME du FSI.

Le Syndicat national de la banque et du crédit, dans un communiqué, a déclaré le 17 septembre dernier qu’il s’inquiétait « de l’extrême précipitation avec laquelle le projet semble vouloir être mené. […] La création de la BPI ne peut en aucun cas se résumer à simplement agglomérer des compétences existantes, reconnues et qui fonctionnent bien [...], au risque d’aboutir à une nouvelle structure qui ne fonctionnera pas avec toute l’efficacité indispensable ».

Le projet du Gouvernement ne donne en effet aucune garantie ni sur la qualité des décisions qui seront prises pour soutenir les entreprises d’avenir et la croissance ni sur les moyens financiers mobilisés.

Sous couvert de rationalisation des outils existants, il ne faudrait pas aboutir à la création d’une entité moins efficace. À cet égard, je partage la crainte de M. Marini.

De plus, si le pilotage semble se simplifier, le nombre d’acteurs reste le même, et une certaine division du travail perdure entre les acteurs. En effet, le guichet unique régional ne comprendra que les services de la BPI, c’est-à-dire les anciens services d’OSEO. Le FSI Régions gardera ses antennes, comme Ubifrance et la COFACE.

En outre, des rapports conflictuels peuvent émerger entre la BPI, détenue pour moitié par la CDC, et ses filiales, en particulier OSEO. On peut penser que la CDC aura du mal à contrôler réellement une filiale dont les fonds propres seront aussi importants que les siens.

Ainsi, l’ensemble du spectre des besoins de financement de ces entreprises sera présent dans une même structure d’accueil. C’est bien là le seul point positif du projet de loi. Il faudra cependant veiller à ce que ce guichet ne cristallise pas l’ensemble des attentes des entrepreneurs, car d’autres structures continueront d’exister.

Par ailleurs, la gestion de ce dispositif risque de poser problème, dans la mesure où un rôle démesuré est accordé aux exécutifs et aux élus régionaux. Ceux-ci vont en effet occuper deux des quinze sièges du conseil d’administration de la BPI, participer aux comités régionaux d’orientation chargés de formuler un avis sur l’exercice des missions de la BPI à l’échelon régional et, surtout, participer au comité national d’orientation de la BPI, lequel sera dirigé par un président de région.

Nous savons que Bercy avait imaginé au départ un système centralisé, mais, suite à un lobbying intense, le président de l’Association des régions de France a obtenu l’arbitrage de Matignon en faveur d’un projet régionaliste.

M. Christian Bourquin. Mais non ! Il y a eu des discussions, c’est tout !

M. Roland du Luart. C’est vous qui le dites !

M. Christian Bourquin. J’y étais !

M. Roland du Luart. Des questions se posent : n’y a-t-il pas un risque de politisation des choix d’investissement et de conflits d’intérêts ?

M. Roland du Luart. Les régions demandent le pilotage du tissu économique régional, mais n’y a-t-il pas un risque que l’outil BPI, aux mains des décideurs politiques, soit détourné de son objet ? Dans la mesure où les comités régionaux d’orientation seront présidés par les présidents de conseil régional, il existe à mon sens un fort risque de conflit d’intérêts entre les élus et les entrepreneurs. Ils ne sont pas sans rappeler les sociétés de développement régional, au destin tristement funeste.

Le recours à un financement à 100 % public rappelle les précédents fâcheux que nous avons connus dans les années quatre-vingt-dix : la quasi-faillite du Crédit lyonnais, évoquée par Aymeri de Montesquiou à l’instant, ainsi que l’écroulement des sociétés de développement régional, ces établissements ayant justement été créés pour apporter du capital aux PME. La crise bancaire de l’époque, la mauvaise gestion, le contrôle insuffisant et les pressions politiques avaient eu raison des deux.

J’ajoute que François Hollande justifie la création de la BPI par le contexte macroéconomique, lequel serait très défavorable au crédit. Or, bien que la crise économique ait affecté de nombreux pans de notre économie – c’est la vérité ! –, force est de constater que les encours de crédits à l’ensemble des PME n’ont cessé de croître, y compris lorsque la crise économique en était à son paroxysme. Ainsi les encours de crédits à moyen et long terme aux PME ont-ils progressé de 4,4 % entre avril 2011 et avril 2012.

De la même manière, l’ensemble des investissements des entreprises non financières progresse sur la même période de 7,2 %.

Par conséquent, les constats alarmistes sur l’état du financement de nos PME à la fin de la précédente législature doivent être quelque peu pondérés.

Pour être très précis, c’est le financement des PMI qui, aujourd’hui, crée des difficultés.

En conclusion, le Gouvernement est favorable à un rapprochement des acteurs du financement des entreprises. Les rapprochements se concentrent dans l’accueil et le rapport aux entrepreneurs et non dans un pilotage national commun des structures. Des synergies peuvent se développer entre ces acteurs et les entreprises. Ce nouveau dispositif risque de faire de l’ombre aux anciennes structures, qui ne seront pas toutes remplacées. Je le répète, la question du pilotage du comité national d’orientation et des antennes régionales de la BPI peut entraîner de graves difficultés.

Le risque qu’un phénomène de type « Crédit lyonnais » se répète est envisageable. Il serait dû non pas au montant des investissements, que le projet de loi ne modifie pas, mais à l’opacité de la gouvernance, qui peut entraîner des choix irrationnels.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP a décidé de voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Germain.

M. Jean Germain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un certain nombre de sujets semblent inquiéter nos collègues de l’opposition. Ils parlent du projet de banque publique d’investissement comme d’un objet non identifié, arrivé presque par hasard sur notre sol.

Avant d’apaiser leurs craintes, je voudrais, monsieur le ministre, vous féliciter pour la cohérence des projets qui, sous votre autorité, nous sont présentés depuis quelques semaines.

À une période où les mots que l’on entend le plus souvent sont « insécurité économique », « baisse du niveau de vie », « pauvreté », « déréglementation », « mondialisation », « méfiance », « désillusion », « impuissance du politique », « échec du marché » – malgré sa puissance immense, celui-ci ne porte pas en lui de valeurs morales –, l’action du Gouvernement affirme sa cohérence et annonce le raffermissement du rôle de l’État.

Le projet de loi de finances pour 2013 œuvre en faveur de la réduction du déficit, avec une augmentation de la fiscalité axée sur ceux qui peuvent le mieux assumer cet effort. Le financement des dépenses de notre pays et de notre économie est maintenu dans des conditions et à des taux intéressants. Enfin, la publication du rapport Gallois sur la politique industrielle de la France et l’amélioration de notre compétitivité a été immédiatement suivie d’effets.

Tout cela me semble cohérent et marque une approche nuancée, équilibrée, visant à une juste répartition des rôles entre les marchés et l’État.

Le projet de loi relatif à la création de la BPI va dans le même sens que ceux qui nous ont été présentés depuis quelques semaines : il s’attache à trouver les moyens de stimuler l’économie en période de crise et de déficit budgétaire.

Si la tâche était facile, les dix dernières années auraient dû permettre de nous en rendre compte.

La création de la BPI ne nous inquiète pas.

M. Richard Yung. Au contraire !

M. Jean Germain. C’est un geste fort, fait en direction des entrepreneurs et des PME, qui sont l’une des clés du redressement de notre pays.

Je ne m’étendrai pas sur les questions techniques, relatives, notamment, à la gouvernance de ce nouvel organe.

Dans son intervention, le président de la commission des finances a quelque peu ironisé sur l’image utilisée par M. le ministre, lorsqu’il a présenté la BPI comme le porte-avions du pacte de compétitivité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il vaudrait mieux en avoir deux !

M. Jean Germain. On a connu d’autres porte-avions qui nous ont coûté très cher et dont le fonctionnement laissait à désirer !

Il a également ironisé sur la puissance de feu de la BPI, ainsi que sur les fonds propres souscrits et non libérés. Enfin, il a émis un doute sur la libération par la BPI de 42 milliards d’euros.

M. Christian Bourquin. Plus que cela !

M. Jean Germain. Je tiens à le dire, nous pensons qu’il est possible d’augmenter les impôts pour les entreprises qui n’investissent pas et de les réduire pour celles qui le font et qui créent des emplois. Avec ce moyen, nous nous donnons plus de chances de relancer la croissance que par les réductions d’impôts généralisées que réclament certains milieux d’affaires et qui ont été menées ces dernières années.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jean Germain. Si l’économie de l’offre prônée par la droite a exagéré l’importance des incitations fiscales, notamment en matière d’imposition des sociétés, elle a complètement sous-estimé celle des autres politiques.

La BPI sera l’outil des entrepreneurs, qui financera les stratégies et les parcours de développement dans toutes leurs dimensions. Elle ne sera pas un nouveau guichet distribuant des aides par à-coups. C’est ce que devra proposer, bien sûr, son comité national d’orientation.

La BPI ne devra pas perdre d’argent. Elle devra fixer le seuil de sa rentabilité, à partir du moment où elle aura à chercher des capitaux dans un certain nombre de secteurs. Toutefois, cette rentabilité ne sera pas celle qui est en vigueur au sein du secteur bancaire privé. Nous aurons, évidemment, à en discuter.

La BPI, donc, sera plus qu’une banque. Naturellement, elle doit s’intégrer dans le processus de décentralisation. La place des régions dans le système mis en place doit correspondre à celle que nous les imaginons avoir en matière de développement économique.

M. Marc Daunis. C’est certain !

M. Jean Germain. Nous trouvons dans les rapports de Pierre Duquesne, sur l’épargne réglementée, et de Bruno Parent, que vous avez cité dans votre introduction, monsieur le ministre, un certain nombre de réponses aux questions qui ont été posées par les orateurs de l’opposition. Ces derniers se demandaient si les missions confiées à la BPI n’étaient pas celles qui sont déjà mises en œuvre par OSEO, le Fonds stratégique d’investissement, le FSI, ou le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise, le NACRE. Or tel n’est pas du tout le cas !

Il faut aller plus loin qu’on ne le fait traditionnellement. Ainsi, une partie de l’épargne réglementée, notamment, si je me réfère aux propos du Président de la République, celle qui est récoltée par le biais du livret de développement durable, pourra être dirigée vers la BPI.

Une première portion de cette épargne pourrait être affectée au renforcement des dispositifs publics de prêts et de garanties de la BPI.

Tout d’abord, un fonds public dédié aux prêts aux PME et aux entreprises innovantes, notamment en matière environnementale, sans cofinancement privé, pourrait être destiné à pallier les défaillances de marché, c’est-à-dire dans les cas où les financements privés ne parviennent pas à être mobilisés. Il faudra, bien sûr, un système de garanties, financé par une cotisation des emprunteurs, pour prémunir la BPI face au risque de défaut.

Nous pensons aussi qu’un fonds obligataire construit sur le même principe que France Investissement pourrait investir dans des emprunts émis par des PME et des entreprises de taille intermédiaire, les ETI, pour soutenir, notamment, la conversion écologique de leur modèle de développement.

Un fonds de crédit à l’exportation pourrait également être destiné à accompagner les PME et les ETI, avec une garantie publique de la COFACE.

Enfin, le renforcement des possibilités offertes par OSEO en matière de garantie pourrait se substituer pour partie à la garantie bancaire privée requise dans un certain nombre de cas, tels que les dispositifs d’avance sur commande.

Une deuxième portion des ressources résultant du doublement du plafond du livret de développement durable pourrait permettre de renforcer des dispositifs publics de soutien en fonds propres et quasi-fonds propres proposés par la BPI, moyen s’ajoutant à celui des prêts.

Je pense notamment au renforcement des moyens publics alloués à France Investissement, qui permettrait de soutenir le capital-investissement durable, intégrant dans sa gestion des critères environnementaux, sociaux, et de responsabilité sociale.

Un fonds centré sur les besoins en capital et en quasi-capital des entreprises de la filière des énergies renouvelables pourrait également être doté de ressources.

Enfin, un « fonds de fonds » de type « mezzanine », construit sur le même principe que France Investissement, pourrait être, lui aussi, doté de moyens. Il s’agit d’un segment important pour les PME. Il se rapproche du prêt participatif, à la disposition des entreprises qui n’ont pas accès au marché boursier.