M. Michel Berson. Très bien ! Il faut le rappeler !

Mme Michèle André. Si nous devons fournir de tels efforts, c’est que la France est surendettée : 900 milliards d’euros de dettes de plus en dix ans ! La crise, si elle y est pour quelque chose, n’est pas seule responsable. Sans économies, elle ne pouvait conduire qu’à l’endettement et, par voie de conséquence, qu’au surendettement structurel que nous connaissons aujourd’hui et dont nous subissons les conséquences.

Le rapporteur général ayant amplement développé ce point, je ne m’étendrai pas sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, mais je veux saluer la démarche du Gouvernement : cette mesure illustre, outre la réactivité bienvenue et salutaire de sa part, le mariage difficile entre la recherche d’un dispositif simple et la nécessité de l’efficacité.

Depuis 2002, la place de la France dans la compétition internationale ne cesse de se dégrader : excédentaire en 2002, la balance commerciale est devenue déficitaire de plus de 70 milliards d’euros en 2011. Au cours de la même période, 700 000 emplois industriels ont disparu et 25 % des parts de marché à l’export ont disparu.

Le CICE a l’avantage de favoriser l’investissement et de donner de la respiration aux entreprises dès 2013 tandis que son financement sera reporté à 2014. Ce crédit d’impôt s’inscrit donc dans la logique du projet de loi de finances et en conserve la cohérence.

Le Gouvernement a trouvé la bonne mesure, jouant sur les conditions d’une réelle compétitivité, donnant de l’impulsion à l’investissement et recherchant la création d’emplois par les entreprises sans peser sur les ménages en 2013.

Le Gouvernement a en effet choisi de laisser la négociation sociale se saisir de la gouvernance de ce crédit d’impôt. C’est un changement profond au regard des habitudes françaises de considérer que c’est à la négociation, et non à la loi, d’instaurer des contreparties.

Le crédit d’impôt doit financer des efforts d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, d’embauche, de compétitivité, de conquête de nouveaux marchés, et non la distribution des dividendes ni la rémunération des dirigeants.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

Mme Michèle André. Saluons cette initiative. Elle est suffisamment simple pour être comprise de tous.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Oui !

Mme Michèle André. Grâce à ce changement, qui permettra à la négociation d’entreprise de prendre les décisions concernant la gouvernance du crédit d’impôt, les entreprises peuvent avoir confiance : dès 2013, elles pourront utiliser ce crédit d’impôt qui figurera dans leurs comptes.

Cela étant, nous devons faire preuve de vigilance, car pendant la crise de 2008-2010, ce ne sont pas les versements de dividendes qui ont servi de variable d’ajustement aux entreprises – les actionnaires ont été rétribués comme si rien ne s’était passé ! –, mais c’est l’investissement, la formation et l’emploi qui en ont souffert.

J’en profite pour saluer ce gouvernement actif et réactif, qui a pris l’initiative de créer la Banque publique d’investissement. La commission mixte paritaire, qui s’est réunie hier matin, nous a permis de trouver un terrain d’entente avec nos collègues députés. Nous allons en outre voter une loi bancaire qui engagera profondément notre pays dans une dynamique européenne bien nécessaire.

Pour conclure, je me réjouis que ce collectif budgétaire soit structuré autour de la recherche d’un meilleur équilibre des comptes de 2012, mais qu’il se penche aussi concrètement sur la problématique de la lutte contre les abus de l’optimisation fiscale et la fraude fiscale.

Je ne saluerai pas les nouveaux émigrés de Coblence, acteurs en tout genre de nouvelles fuites de Varennes, qui, en toute sincérité, ne font honneur ni à la morale républicaine, ni à l’image de la justice, ni à la solidarité nationale.

Pour toutes ces raisons, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe socialiste approuvera avec fierté, avec espoir, le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, pardonnez-moi d’aller directement au but de cette courte intervention, sans oublier de saluer au préalable la commission des finances, son président et son rapporteur général, pour le travail accompli.

J’évoquerai donc les articles 22 bis et 23 du projet de loi.

L’article 23 prévoit le relèvement du taux de TVA applicable aux opérations relatives aux équidés lorsque ceux-ci ne sont pas « normalement destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires ou dans la production agricole ». Il met en œuvre l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 8 mars dernier.

L’article 22 bis a, quant à lui, été introduit par les députés sur l’initiative du Gouvernement. Il vise à abroger un dispositif issu de la loi de finances pour 2012 qui applique le taux réduit de TVA à la filière équine sportive. Cette abrogation n’interviendra qu’après la publication d’un décret par le Gouvernement et au plus tard le 31 décembre 2014. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que ce dispositif contesté par la Commission européenne ne sera abrogé qu’en cas de condamnation de notre pays au contentieux ?

Je profite donc de notre débat pour vous alerter, mes chers collègues, et pour vous interpeler, monsieur le ministre, sur l’impact dévastateur qu’aura le relèvement du taux de TVA applicable à la filière équine si aucun dispositif alternatif de soutien à la filière n’est mis en place.

Je citerai quelques chiffres.

Pour ce qui concerne le galop, cette mesure pourrait conduire près de 1 000 propriétaires à cesser leur activité. Elle risque d’aboutir à une baisse de 1 500 chevaux à l’entraînement ainsi qu’à près de 600 suppressions d’emplois dans les écuries de course. Il s’agira par ailleurs d’une mauvaise affaire financière pour l’État, avec une baisse de près de 30 millions d’euros de recettes fiscales liées aux paris hippiques.

S’agissant du trot, le relèvement du taux de TVA pourrait conduire à une réduction de 17 % des ventes de chevaux et de 14 % des chevaux à l’entraînement.

Le relèvement du taux de TVA applicable à la filière sportive, envisagé à terme par l’article 22 bis, pourrait provoquer la disparition de près de 2 000 centres équestres, la perte de près de 6 000 emplois directs, tout en favorisant le retour à des pratiques de travail illicites et d’associations non fiscalisées.

Ce sujet est donc loin d’être anecdotique.

La filière équine représente, je vous le rappelle, près de 75 000 emplois dans notre pays. Elle constitue une vraie filière agricole « aménageuse » du territoire et toujours créatrice d’emplois. Le relèvement du taux de TVA pourrait déstabiliser cette filière, qui constitue, à bien des égards, un modèle pour nos voisins européens.

Il ne s’agit pas pour moi d’appeler à rejeter les articles 22 bis et 23 et de demander le maintien du taux réduit de TVA pour l’ensemble de la filière équine. Une telle position serait irresponsable. La non-adoption de ces articles exposerait notre pays à une condamnation par la Cour de justice à payer plusieurs dizaines de millions d’euros d’amende. Encore pourrait-on les comparer aux recettes, pour l’État, provenant du PMU.

Pour autant, il est indispensable que les textes réglementaires qui suivront l’adoption de l’article 23 soient discutés en lien avec les professionnels et permettent la mise en place, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas – pays qui ont été condamnés comme la France –, de dispositifs protecteurs pour notre production nationale.

Il conviendra de prendre en compte les situations spécifiques des chevaux d’élevage : comment les qualifier aux différents âges de leur existence ? Quel taux s’appliquera à une pouliche sortant de l’entraînement qui prendrait, elle aussi, le chemin du haras après avoir fait l’objet d’une transaction ? Quel taux s’appliquera à un foal qui retourne au haras après avoir été vendu ? Qu’en sera-t-il d’un yearling vendu à un débourreur qui assurerait sa transformation pendant neuf mois avant de le représenter à une vente de chevaux montés de deux ans l’année suivante ? Où est la cohérence de l’activité d’élevage ?

Il revient par ailleurs au Gouvernement de prendre des mesures pour soutenir la filière équine. Je sais que les professionnels vous ont soumis une proposition : l’alignement du statut des propriétaires non-intervenants sur celui des éleveurs hors-sol ; ce sont souvent les mêmes.

Il s’agit d’une piste parmi d’autres qui permettrait de soutenir l’activité de la frange la plus fragile de la filière hippique. Ce sont en effet non seulement les grands propriétaires mais aussi les petits propriétaires qui assurent l’offre de jeu nécessaire pour les recettes de la filière, mais également de l’État. Il n’y a pas de grand propriétaire sans de nombreux petits propriétaires. Je voudrais vous rappeler que, sur les douze derniers mois, près de 40 % du volume d’enchères sur les ventes de trotteurs ou de pur-sang a été réalisé avec des acheteurs non assujettis.

Où en sont les réflexions du Gouvernement sur cette question ? Compte-t-il se mobiliser pour soutenir notre filière équine, y compris auprès de l’Europe ? Le refus de l’assujettissement proposé créerait une distorsion de concurrence avec la Grande-Bretagne, notre grand concurrent, qui a adopté un dispositif similaire.

Je sais que M. le ministre de l’agriculture a entendu ces arguments et que, lors de sa campagne, M. le Président de la République avait quant à lui indiqué : « Je ferai regarder attentivement toute mesure qui permettrait d’atténuer, pour les propriétaires de chevaux, l’impact du changement de taux de TVA. »

La filière équine est en danger. Sans vouloir faire de catastrophisme, je voudrais simplement, mais avec conviction, attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’adapter cette disposition très lourde à la réalité de la situation de cette filière. Il l’a envisagé pour le sport équestre ; il faut le faire aussi pour les courses, qui, encore une fois, sont le nerf de la guerre de toute la filière.

Ce point est très important pour l’avenir de la ruralité, qui est l’un des sujets du jour. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain.

M. Jean Germain. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative est dans la ligne de l’action gouvernementale, qui tend à approfondir la construction européenne, manifester notre sérieux budgétaire et améliorer la compétitivité de notre pays.

Ce projet de loi de finances rectificative renforce la crédibilité de la France et sa parole ; on le voit à la façon dont il est commenté à l’extérieur de notre pays.

Il intervient dans un contexte de quasi-récession. Il s’agit de « caler » une politique économique alors que nous connaissons actuellement un sensible ralentissement de la demande, un excédent de capacités de production des entreprises, un défaut d’offres compétitives – le rapport Gallois l’a montré –, et tout cela dans une période où il faut réduire les déficits.

Donc, l’exercice est difficile. Est-il réussi ? À mon sens oui.

Tout d’abord, ce projet de loi de finances rectificative réduit les déficits sans peser sur la consommation en 2013, tout en donnant une impulsion à l’emploi par le CICE – j’y reviendrai dans quelques instants –, mais aussi par la promotion des emplois d’avenir, des contrats de génération, et sans affecter à court terme la demande puisque, d’un point de vue fiscal, il instaure une justice distributive.

Sur un plan purement technique, ce budget augmente la réserve de précaution de 1,5 milliard d’euros, conserve les normes « zéro valeur » et « zéro volume » et garantit la diminution des frais financiers de 2,4 milliards d’euros. Le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, M. Carrez, l’a lui-même relevé.

Il est évidemment d’autres sujets dont traite ce projet de loi de finances rectificative, touchant à la fraude fiscale, à l’approbation de la directive anti-blanchiment et du plan communautaire de lutte contre la fraude fiscale. L’accord trouvé avec le gouvernement belge sur Dexia est abordé dans ce texte, mais notre collègue Maurice Vincent en parlera plus longuement. En outre, une garantie est offerte à la banque PSA-finances.

Je voudrais revenir sur le crédit d’impôt compétitivité-emploi qui me semble être une mesure tout à fait décisive bien qu’elle ait été éreintée successivement sur les travées de l’opposition sénatoriale…

M. Philippe Marini. C’est notre droit !

M. Jean Germain. … mais aussi dans certains rangs de la majorité.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est incompréhensible !

M. Jean Germain. Tout à fait !

Une mesure aussi décriée par des élus de différents horizons serait-elle forcément mauvaise ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Non !

M. Jean Germain. Pas du tout ! (M. Albéric de Montgolfier s’exclame.)

Effectivement, le Président de la République et le Gouvernement font aujourd'hui des choix qui s’écartent quelque peu de la politique de droite menée ces dernières années, mais aussi d’un certain nombre de décisions retenues par la gauche lorsqu’elle était au pouvoir. Car il faut bien tenir compte du monde tel qu’il est aujourd'hui !

On a parlé tout à l’heure de recettes appliquées dans le passé. Elles sont nombreuses, mais n’ont jamais produit l’effet escompté. L’enjeu est de pouvoir redonner de l’entrain à notre économie et d’inverser la courbe du chômage à la fin de 2013. Les résultats obtenus seront notre seul juge de paix.

Est-il anormal de proposer un crédit d’impôt pour relancer la compétitivité ? Nullement. J’entends les condamnations qui, ici ou là, évoquent un cadeau qui serait fait aux entreprises, aux patrons. (M. Albéric de Montgolfier s’exclame.) Ce n’est bien sûr pas vous que je visais à l’instant, mon cher collègue. (Sourires.)

Pour créer des emplois, il faut tout de même des entreprises qui dégagent des marges !

M. Albéric de Montgolfier. Ça, c’est vrai ! Très bien !

M. Jean Germain. Sinon ce n’est pas possible ! Qu’on m’explique comment créer des emplois si les entreprises n’enregistrent que des pertes !

Nous ne souhaitons naturellement pas revenir à une économie socialiste administrée,…

Mme Michèle André. Oh non, cela ne marche pas !

M. Jean Germain. … le réalisme socialiste ayant, en économie, à peu près le même succès qu’en peinture. (Nouveaux sourires.)

De surcroît, le crédit d’impôt compétitivité est soutenu par de nombreux économistes à travers le monde. Un certain nombre d’États des États-Unis ont du reste créé un dispositif de cette nature.

Cela étant, cette mesure est-elle appliquée trop rapidement ? Et faut-il fixer des conditions à son application ?

L’instauration de ce crédit d’impôt serait trop brutale, à en croire le chœur qui se fait entendre sur certaines travées. Pas du tout ! Car enfin, nul n’ignore la situation dans laquelle se trouvent la France et l’Europe actuellement.

M. Jean Germain. Faut-il vraiment, dans une telle conjoncture, prendre son temps, discuter, reprendre l’ouvrage encore et encore, le polir sans cesse ? Sûrement pas !

En tant qu’ancien professeur de droit, j’ai bien conscience que les règles de la procédure parlementaire sont quelque peu bousculées. Certes ! Mais, à mes yeux, les circonstances le justifient. On peut très bien ne pas être d’accord avec cette analyse. Pour ma part, je la crois pertinente.

La compétitivité des entreprises est un sujet important.

Monsieur le président de la commission des finances, je ne considère pas le rapport Gallois comme la vérité révélée, pas plus, du reste, que l’Ancien Testament ou le Nouveau Testament, qui sont également tout à fait respectables !

M. Philippe Marini. Ils ne sont pas tout à fait du même ordre ! En tout cas, ils sont plus durables !

M. Jean Germain. J’en conviens, mais le rapport Gallois n’en renferme pas moins des vérités,…

M. Philippe Marini. Sans doute !

M. Jean Germain. … j’en suis intimement persuadé.

Voilà pourquoi il faut mettre en œuvre un certain nombre de préconisations de ce rapport, et le faire rapidement. Pourquoi ? Parce que les entreprises ont besoin de préparer leurs investissements ; parce que ce sont ces investissements qui, en définitive, vont créer la croissance et, partant, susciter des embauches. Il faut donc agir promptement ! C’est ce que fait le Gouvernement et, à mon sens, c’est une bonne chose.

De plus, d’un point de vue comptable, les entreprises doivent pouvoir, dès le 1er janvier 2013, se présenter devant leur banque en leur soumettant un bilan tenant compte de ce crédit d’impôt, dont la mise en œuvre doit aller de pair avec celle de la BPI.

Mes chers collègues, un patron de PME dynamique, qui accepte d’assumer une certaine gouvernance de son entreprise, et dont l’unique but n’est pas d’accaparer tous les profits de cette dernière, mérite d’être aidé. Voilà pourquoi, dès le 1er janvier 2013, un tel chef d’entreprise doit pouvoir se présenter devant la BPI en déclarant : « Dans les conditions actuelles, je pense pouvoir bénéficier d’un crédit d’impôt. » Dès lors, la banque lui accordera un emprunt dans les conditions plus favorables, en tenant compte de ce crédit d’impôt inscrit à son bilan.

À mon avis, il est astucieux de faire en sorte que les intérêts ne soient versés qu’à compter de 2014 et étalés sur trois ans. En effet, ce système permet de ne pas tuer la demande dans notre pays au cours de l’année 2013, durant laquelle nous pourrons par ailleurs réfléchir à la manière de réaménager notre système de TVA.

Cette disposition peut être critiquable, mais elle peut également être soutenue. Pour ma part, je la soutiens.

M. Philippe Marini. C’est légitime !

M. Jean Germain. Ce n’est qu’à la fin de 2013 et surtout, en fait, de 2014 que l’on pourra porter un jugement sur ce crédit d’impôt.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jean Germain. De même que certains censeurs peuvent se montrer très sévères sur ce sujet, d’autres – et c’est mon cas – sont en droit de considérer qu’il s’agit d’une très bonne mesure, tout à fait novatrice.

M. Yvon Collin. Dont acte !

M. Philippe Marini. Il n’y a pas de procès sans avocat ni procureur !

M. Jean Germain. Pour ma part, j’assume d’autant plus volontiers cette position que je n’ai jamais considéré la TVA comme un impôt à éliminer, et ce n’est pas la première fois que je l’affirme.

Je le rappelle, en Suède et en Norvège, les taux de TVA s’élèvent à 25 % sur les biens et services et à 12 % sur l’alimentation, tandis que le taux d’impôt sur les sociétés ne s’établit, quant à lui, qu’à 28 %. Mais cela ne peut se faire que parce qu’il existe une véritable justice dans l’imposition des revenus. Pourquoi la TVA est-elle considérée, dans notre pays, comme un impôt très injuste ? Parce que, parallèlement, notre impôt sur le revenu est non seulement peu progressif, mais souffre d’une accumulation de niches fiscales !

M. Yvon Collin. C’est vrai !

M. Albéric de Montgolfier. L’outre-mer ! Le « Girardin » !

M. Jean Germain. Ainsi, les contribuables les moins aidés considèrent qu’ils payent plus d’impôts que les autres.

Toutefois, dès lors qu’on rétablit la justice de l’impôt sur le revenu, la TVA devient beaucoup plus défendable.

M. Jean Germain. Là réside la différence entre la mesure présentée aujourd’hui et la réforme proposée il y a un an par le précédent gouvernement.

Je le souligne, Thomas Piketty, qui est un économiste de renommée mondiale – il travaille notamment au sein des équipes de recherche de Harvard, qui comptent plusieurs prix Nobel – nous indique que les 10 % des Français les moins aisés consacrent 13 % de leurs revenus à la TVA quand les 60 % qui se trouvent au-dessus y consacrent 11 % de leurs revenus. Il est donc vrai que la TVA pèse plus sur les bas revenus.

Cela étant, je le répète, en rétablissant la justice et la progressivité de l’impôt sur le revenu, on efface cette injustice de la TVA, dont la part dans les revenus ne commence à décroître de nouveau que pour les 0,1 % des contribuables les plus riches. Il me semble donc que nous disposons d’une véritable marge de manœuvre, en France, pour l’augmentation de la TVA.

M. Philippe Marini. Sur ce point, nous sommes d’accord !

M. Jean Germain. Je répondrai brièvement aux propos de M. le président de la commission des finances quant à l’opportunité de consacrer ce crédit d’impôt aux salaires inférieurs à 2,5 SMIC.

Je le rappelle, à l’heure actuelle, 85 % des salariés de notre pays gagnent moins de 2,5 SMIC, et plus de 50 % des salariés sont rémunérés en dessous de 1,6 SMIC. Il faut tout de même en tenir compte, car il faut restituer du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

À ceux qui, dans les rangs de la gauche, demandent la conditionnalité de ce crédit d’impôts, je réponds simplement : bien sûr, une part de conditionnalité est nécessaire pour garantir l’équité de ce dispositif. Cependant, tout l’enjeu sera de ne pas créer une usine à gaz. (M. Michel Teston acquiesce.) En effet, il ne faut pas que cette conditionnalité se transforme, de facto, en une impossibilité de bénéficier de ce crédit d’impôt.

On peut considérer que, dès lors que les entreprises auront une gouvernance modernisée et seront exemplaires en matière de rémunération des dirigeants comme de civisme fiscal, les bonnes conditions seront réunies.

Bien d’autres remarques mériteraient naturellement d’être formulées : je les réserve pour une autre intervention.

Je tiens simplement à remercier de nouveau M. le rapporteur général de la présentation synthétique qu’il a faite des différentes mesures de ce collectif budgétaire. Bien entendu, je voterai, ainsi que les membres du groupe socialiste, le présent projet de loi de finances rectificative, avec espoir, avec dynamisme et avec plaisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 contient plusieurs articles majeurs qui traduisent la politique de redressement des comptes publics et, parallèlement, d’amélioration de la compétitivité et de l’emploi proposée avec courage par le Gouvernement.

En effet, la situation de notre pays, marquée d’une part par un alourdissement sans précédent de sa dette – de l’ordre de 900 milliards d’euros depuis 2002 – et, de l’autre, par les effets de la crise économique internationale qui dure depuis plus de quatre ans, exige cet effort considérable et désormais urgent. Elle commande également de tout faire pour favoriser la croissance et l’emploi. La voie est donc étroite, mais c’est la seule possible pour notre pays, sa jeunesse et les générations futures.

Je n’évoquerai pas à cette tribune les articles essentiels relatifs au crédit d’impôt compétitivité et à la TVA, que de nombreux orateurs viennent d’aborder brillamment, pour pouvoir me concentrer sur trois aspects qui ont également leur importance : premièrement, la nécessaire adaptation de la loi de suppression de la taxe professionnelle, compte tenu de ses conséquences sur la cotisation foncière des entreprises ; deuxièmement, le soutien aux collectivités et acteurs publics touchés par les emprunts toxiques ; troisièmement, enfin, la nouvelle recapitalisation de Dexia.

Tout d’abord, j’évoquerai la CFE. En effet, un certain nombre d’artisans et de commerçants ont brutalement découvert, voici quelques semaines, les effets pervers de dispositions relatives à cette cotisation, induits par la suppression de la taxe professionnelle.

Sans entrer dans les détails, je rappellerai que cette réforme a coûté près de 8 milliards d’euros au contribuable et s’est révélée très favorable à 80 % des entreprises. Avec le crédit d’impôt compétitivité que nous allons voter, c’est donc au bas mot 28 milliards d’euros qui auront été accordés aux entreprises en quelques années à peine. C’est là un effort considérable de la Nation au bénéfice des entreprises.

À mon sens, cet effort doit engager, en retour, les entreprises à un véritable effort d’investissement et de création d’emplois, même si, c’est vrai, 10 % d’entre elles – à savoir les commerçants et artisans que j’évoquais – ont à l’inverse été excessivement taxées en 2012 et le seraient de nouveau en 2013 sans la modification des textes en vigueur. (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.)

Il faudra donc réparer cette injustice en adoptant, au sein de l’article 17, des dispositions tendant à permettre aux collectivités de modifier rapidement leurs délibérations antérieures, afin de revenir à une CFE raisonnable pour les catégories concernées.

J’en viens au problème désormais bien connu des emprunts toxiques, qui pénalisent fortement plus de 1 600 collectivités et acteurs publics.

J’aborde ce sujet non par plaisir ou par habitude – je rappelle qu’en tant qu’élu local, pour ma part, je n’ai jamais souscrit aucun emprunt de ce type – mais parce que je suis animé par une double conviction.

Ma première conviction est même une certitude : la quasi-totalité des élus locaux concernés ont été de bonne foi, même s’il existe nécessairement quelques exceptions – en tout petit nombre –, mis face à des propositions de crédits parfaitement pensées et conceptualisées par des organismes financiers nécessairement plus compétents qu’eux en la matière.

En résulte la nécessité de mobiliser les banques, pour financer la solution de ce problème qu’elles ont elles-mêmes provoqué, et non pas l’ensemble des collectivités territoriales. À défaut, les 10 milliards d’euros qu’il sera, en tout état de cause, nécessaire de dégager au cours des années à venir pour acquitter les coûts de sortie ou indemnités de remboursement anticipé, pèseront très lourdement sur les contribuables locaux. Cette solution serait à la fois injuste et irréaliste, en raison de la concentration de ces 10 milliards d’euros sur 1 600 collectivités.

Ma seconde conviction est qu’il est de notre intérêt commun de résoudre rapidement ce problème pour éclaircir à nouveau l’horizon des acteurs publics concernés, qui regroupent également des centres hospitaliers et des sociétés d’habitat social, en leur permettant de poursuivre leurs projets d’investissement au service de l’emploi. C’est un enjeu particulièrement important dans la conjoncture actuelle.

Pour la première fois, le Gouvernement s’empare sérieusement de la question, via la création d’un fonds de soutien aux collectivités. C’est un premier pas, mais l’ambition, le mode de financement et le fonctionnement de ce dispositif appellent, à mon sens, des modifications significatives pour gagner à la fois en justice et en efficacité.

Enfin, j’évoquerai Dexia, dont ce qu’il est convenu d’appeler le plan de « résolution ordonnée », selon le vocabulaire de la Commission européenne – il s’agit en réalité du démantèlement et de la réorganisation progressive de cette banque, aux frais du contribuable – conduit le Gouvernement à proposer une participation de 2,6 milliards d’euros à sa recapitalisation, et une augmentation des garanties à hauteur de 38,7 milliards d’euros. Je le rappelle, il ne s’agit là que de la participation de la France : des montants légèrement supérieurs sont également apportés par la Belgique, ce qui illustre l’ampleur du problème.

Il ne s’agit pas pour moi de contester ces décisions, rendues inévitables par le caractère systémique de Dexia, mais je crois nécessaire de relever trois points.

Premièrement, cette déconfiture a déjà coûté 5,6 milliards d’euros à la France depuis 2008, sans compter l’augmentation de garantie que je viens d’évoquer. Le processus de résolution en cours va conduire à transférer à la collectivité toute la responsabilité du portefeuille de la filiale Dexia Municipal Agency, ou DexMA, via le Nouvel établissement de crédit, le NEC. Or ce portefeuille abrite 6,5 milliards d’euros de crédits toxiques, porteurs d’un risque avoisinant les 5 milliards d’euros.

Deuxièmement, s’ajoutent 2,5 milliards d’euros de crédits toxiques présents chez Dexia crédit local. Bref, la probabilité, ou plutôt la certitude des pertes avoisinent, pour ces seuls produits, les 7 milliards d’euros. Hélas, ce n’est pas tout !

En effet, troisièmement, tant DexMA que Dexia crédit local sont porteurs d’autres risques potentiellement élevés à travers leurs filiales, notamment étrangères, et certains autres actifs qu’elles possèdent.

Nous sommes donc placés face à une situation aussi complexe que dangereuse, concernant l’évolution de ce dossier : avec un total de 9 milliards d’euros de crédits toxiques, l’État, qui est le nouvel actionnaire, se trouve directement en face des 1 600 collectivités territoriales concernées. La situation risque de devenir ubuesque puisqu’on va de facto opposer le contribuable national aux contribuables locaux de ces 1 600 collectivités !

J’espère que, sur ce point, l’État ne se comportera pas en actionnaire arrogant et agressif à l’égard des collectivités. Un rapport de l’Inspection générale des finances, récemment rendu public par certains médias, suggère hélas cette attitude, et sans ambiguïté. Ce choix serait non seulement inefficace, car il est probable que Dexia et, partant, l’État perdent bon nombre de contentieux, mais aussi particulièrement choquant.

Il convient donc d’ouvrir une autre voie, fondée sur la volonté ferme de limiter au maximum le coût pour le contribuable, qu’il soit national ou local : cette méthode impose, contrairement à la précédente, la concertation et la recherche de financements plus justes et plus adaptés.

L’ensemble du dossier Dexia atteint aujourd’hui un tel degré de complexité et induit de telles incertitudes qu’il serait selon moi utile de conduire une mission d’information sur ce sujet. Les travaux de celle-ci nous permettraient d’y voir plus clair et d’anticiper correctement les conséquences qui se profilent pour les années à venir.

En effet, il est indispensable d’évaluer correctement la situation dont hérite le Gouvernement. Il est impératif de comprendre dans le détail comment une banque publique unanimement respectée il y a encore quelques années a pu s’engager dans de pareilles dérives, et comment les institutions de contrôle ont pu à ce point être mystifiées.