M. Jean-François Husson. Ce n’est pas possible ! C’est la police qui dit ça ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Isabelle Debré. … et que la plupart d’entre eux reposeront sur un effet d’aubaine, c’est-à-dire qu’ils auraient été créés de toute façon.

Je remarque, à cet égard, que le projet de loi exclut les moins de cinquante-cinq ans du dispositif. Pourquoi, monsieur le ministre, fixer cette borne d’âge ? Selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, le taux de chômage des plus de cinquante ans a augmenté de près de 16 % sur un an.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il faut savoir si la mesure créera des emplois ou pas !

Mme Isabelle Debré. Il semblerait légitime de les inclure dans le dispositif, ce que nous, parlementaires, ne pouvons faire sans nous exposer au couperet de l’article 40 de la Constitution.

Monsieur le ministre, le Gouvernement fait fausse route.

Un sénateur du groupe UMP. Tout à fait !

M. Michel Sapin, ministre. J’ai peur !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. On verra !

Mme Isabelle Debré. En effet, il ne suffit pas de créer de nouveaux dispositifs d’aide ni de brandir la menace de pénalités financières pour assurer des créations massives d’emploi.

M. Roland Courteau. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

Mme Isabelle Debré. C’est le développement de l’activité, soutenue par un environnement juridique et fiscal stable, favorable à l’investissement, et la baisse du coût du travail, qui crée des emplois. Or, votre gouvernement a multiplié les charges des entreprises ces derniers mois et augmenté les impôts des classes moyennes, méconnaissant ainsi la réalité du terrain des entreprises face à la situation économique qui se dégrade.

M. Charles Revet. Exactement !

Mme Isabelle Debré. Plus précisément, concernant le contrat de génération, dans le contexte économique actuel très incertain, l’aide financière qui lui est attachée ne semble pas déterminante pour enclencher une décision d’embauche non prévue par l’entreprise.

Comme nombre de mes collègues, je pense que l’emploi ne se décrète pas.

M. Ronan Kerdraon. L’aide financière le facilite !

Mme Isabelle Debré. Quant aux engagements pris par accords collectifs, ils sont inutilement contraignants pour nos entreprises. (M. Ronan Kerdraon s’exclame.) Nos discussions avec les partenaires sociaux sont révélatrices : ils ne jugent pas tenables les engagements qui seront pris, compte tenu de la conjoncture.

Selon une enquête de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, l’ANDRH, une majorité de directeurs des ressources humaines affirment que leur entreprise ne s’engagera pas fermement dans des objectifs chiffrés de recrutement et/ou de maintien dans l’emploi.

Par ailleurs, la procédure de validation du plan d’accord collectif, de groupe ou de branche, est lourde et compliquée alors que les entreprises ont besoin de règles lisibles : réalisation d’un diagnostic, négociation, validation par l’autorité administrative... En cas de désaccord, la procédure est encore plus longue.

Vous introduisez de la complexité dans la gestion des ressources humaines et vous créez des effets de seuil nuisant au développement des entreprises qui redoutent de subir de nouvelles contraintes légales.

En effet, le projet de loi crée une rupture d’égalité entre les entreprises en exposant à des sanctions celles qui comptent plus de 300 salariés.

Pourquoi faire preuve de tant de défiance à l’égard des entreprises de taille intermédiaire et des grandes entreprises ?

Non seulement elles ne bénéficient pas de l’aide à l’embauche, mais elles sont susceptibles d’être sanctionnées dès le 30 septembre prochain si elles ne déposent pas un accord ou un plan d’action devant l’autorité administrative !

Mme Isabelle Debré. Je pense qu’il faudrait au moins laisser plus de temps aux entreprises. C’est pourquoi je présenterai un amendement en ce sens.

Le climat de défiance dans lequel évoluent les grandes entreprises en France est un frein à leur développement, voire à leur maintien, sur notre territoire.

M. Gérard Longuet. Très juste, hélas !

Mme Isabelle Debré. Il aurait été plus logique et plus sain de ne viser que les entreprises de moins de 300 salariés sans sanctionner les autres.

Il serait intéressant, d’ailleurs, mes chers collègues, de recenser toutes les sanctions encourues par les entreprises dans leur vie quotidienne.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il serait surtout intéressant de recenser toutes les exonérations dont elles bénéficient !

Mme Isabelle Debré. Vous allez en ajouter une nouvelle, ce qui n’est guère surprenant de la part d’un gouvernement dont certains ministres manifestent une véritable défiance à l’encontre des chefs d’entreprise, allant même parfois jusqu’à les invectiver ! (Eh oui ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

Autre point important de désaccord avec votre projet, vous nous présentez un texte dont le financement n’est même pas assuré.

Le contrat de génération coûtera annuellement 1 milliard d’euros.

Selon vos déclarations, le contrat de génération sera intégré au pacte de compétitivité et financé dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, grâce aux économies sur les dépenses publiques. Sur quels postes, monsieur le ministre, les économies porteront-elles ?

Vous savez communiquer sur le nombre d’emplois susceptibles d’être engendrés par les emplois d’avenir et les contrats de génération, mais pourquoi ne pas communiquer aussi sur leur financement ?

Au lieu de concentrer les efforts financiers de l’État sur de nouveaux dispositifs qui, on le sait, n’atteindront pas leurs objectifs, le Gouvernement devrait plutôt renforcer les contrats existants.

Ainsi, alors que 1 milliard d’euros par an sera destiné au contrat de génération, le budget dédié à l’apprentissage ne représentera dans le même temps que 838 millions d’euros. L’apprentissage, l’alternance sont des dispositifs qui fonctionnent, dont vous devriez promouvoir le développement (Mme Gisèle Printz s’exclame.), n’est-ce pas, monsieur Repentin ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est ce qui va être fait !

Mme Isabelle Debré. Dernier grief et non le moindre : le Gouvernement nous présente ce projet de loi en procédure accélérée, malgré l’importance du sujet. Pourtant, au mois de juillet, monsieur le ministre du travail, vous déclariez vouloir laisser aux partenaires sociaux et au Parlement tout le temps dont ils auraient besoin pour effectuer un examen approfondi de vos propositions. Pourquoi ce changement ? Le mécontentement de l’opinion publique en est-il la cause ?

Procédure accélérée, donc. Mais mieux encore, nos collègues députés ont examiné le texte en commission le jour même de sa présentation en conseil des ministres. D’où le dépôt de deux motions en séance, qui furent bien sûr rejetées.

De même, est-il normal, messieurs les ministres, que nous ayons, en tant que membres de la commission des affaires sociales du Sénat, pris connaissance du rapport de Mme Demontès le lendemain de votre audition ? Je ne le pense pas.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cela prouve que nous travaillons vite et bien !

M. Roland Courteau. Et même très bien !

Mme Isabelle Debré. Il est vrai que Mme Demontès travaille très rapidement jour et nuit, mais cela est quand même tout à fait surprenant. Et même si je suis très admirative de l’efficacité de Mme le rapporteur, cela m’apparaît comme un manque de respect. C’est profondément regrettable, surtout sur un sujet d’une telle importance.

M. Ronan Kerdraon. Il y a eu d’autres exemples dans le passé !

Mme Isabelle Debré. Je déplore donc que, depuis le début de la législature, le rôle du Parlement se réduise à enregistrer l’action gouvernementale.

M. Ronan Kerdraon. C’est vous qui dites ça ?

Mme Isabelle Debré. Quant au rôle des partenaires sociaux, nous ne remettons nullement en cause la valeur de leur travail.

M. Roland Courteau. Quand même !

Mme Isabelle Debré. Tout à fait ! L’accord national interprofessionnel à l’origine de ce projet de loi a été adopté à l’unanimité, le 19 octobre dernier. Je salue ce dialogue social fructueux, rendu possible grâce à la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.), votée par la précédente majorité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Et grâce à la volonté du gouvernement actuel !

Mme Isabelle Debré. Il revient maintenant au Parlement de se prononcer sur le bien-fondé d’un tel texte, ce que nous faisons aujourd’hui.

Le groupe de l’UMP, dans sa majorité, ne votera pas ce texte. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) En effet, nous le considérons comme une perte de temps et d’argent public dans la lutte contre le chômage.

Pour autant, puisque l’adoption de ce texte est inévitable étant donné la représentation des courants politiques au sein du Parlement, nous déposerons des amendements.

M. Charles Revet. Bien sûr !

Mme Isabelle Debré. Nous tenterons ainsi de revenir sur certaines dispositions introduites à l’Assemblée nationale, qui complexifient encore le dispositif et sont en contradiction avec l’accord signé par les partenaires sociaux.

Par notre vote, nous voulons dénoncer une loi d’affichage, un dispositif coûteux et inefficace (Mme Nathalie Goulet s’exclame.), une perte de moyens et de temps alors qu’il est urgent de s’attaquer aux vrais problèmes, comme le gouvernement précédent avait commencé à le faire (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. On ne s’en était pas aperçu !

M. Alain Néri. Je rêve !

Mme Isabelle Debré. … sur des dossiers cruciaux pour notre économie : aide à la recherche et à l’innovation, flexibilité,…

M. Ronan Kerdraon. On n’a pas la même liste !

Mme Isabelle Debré. … réduction des dépenses publiques,…

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ah bon ?

Mme Isabelle Debré. … réforme de la formation initiale et professionnelle,...

M. Alain Néri. Avec quel succès !

Mme Isabelle Debré. … TVA anti-délocalisation,…

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le bouclier fiscal ! La loi TEPA !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. La réforme des retraites !

Mme Isabelle Debré. … mesures incontournables pour améliorer la compétitivité de nos entreprises et lutter contre le fléau du chômage.

M. Alain Néri. On s’en est rendu compte !

Mme Isabelle Debré. Notre pays a besoin de réformes d’ampleur et d’une maîtrise des dépenses publiques, et non d’une multiplication d’initiatives hasardeuses. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mmes Chantal Jouanno et Sylvie Goy-Chavent applaudissent également.)

(M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été souligné à plusieurs reprises et le sera encore au cours de nos débats, le taux d’emploi des jeunes et celui des seniors restent faibles en France, notamment en comparaison de ceux qui sont constatés chez nos voisins européens.

Autrement dit, on ne trouverait dans nos entreprises que des plus de 25 ans – voire de 30 ans – et des moins de 55 ans – voire de 50 ans. L’ensemble de l’activité des entreprises reposerait donc sur une part réduite de la population active.

Outre les conséquences pour les personnes et pour notre société, cet état de fait traduit une vision très « court-termiste ».

Pour l’entreprise, d’abord : comment penser la pérennisation d’une entreprise, d’une activité, sans penser le renouvellement générationnel et le transfert de compétences ?

Pour la société, ensuite : comment envisager la pérennité des systèmes de cohésion et de solidarité nationale sans permettre aux jeunes adultes de construire leur vie d’adulte ?

Est-ce la course généralisée au jeunisme qui, paradoxalement, nous conduit à « infantiliser » les jeunes adultes en les cantonnant aux emplois précaires, aux CDD, intérim et stages (M. André Trillard s’exclame.), si bien que l’âge moyen d’accès au premier emploi stable est de 28 ans ?

Est-ce cette même course au jeunisme qui nous conduit à « socialiser » le coût de la sortie prématurée des salariés plus âgés de l’entreprise et de l’emploi, pesant dès lors davantage sur les comptes sociaux ?

Le contrat de génération invite ici à un changement de regard et d’attitude. Il encourage une réconciliation générationnelle au sein de l’entreprise, une mise en perspective des projets de l’entreprise avec la politique de formation et de ressources humaines et des recrutements sur des emplois stables. Ce sont trois faits saillants du contrat de génération que je voudrais développer.

Le contrat de génération est une opportunité de réconciliation générationnelle au sein de l’entreprise.

Combien de salariés âgés constatent, au moment de prendre leur retraite, qu’ils ne seront pas remplacés ? Est-ce à dire qu’ils étaient inutiles à l’entreprise ? Est-ce à dire que l’expérience acquise en termes tant de savoir-faire que de savoir-être n’a pas d’intérêt ?

Nous souffrons des pertes de savoir-faire associées au déficit d’anticipation des départs à la retraite. Nous souffrons d’une politique encourageant à pousser dehors les salariés âgés trop chers, moins « dociles » et moins « malléables » (M. André Trillard s’exclame.), trop exigeants, encouragés en cela par les dispositifs de préretraite.

Les représentations sociales négatives à l’égard des salariés âgés ont la vie dure. Le Centre d’études et de recherche sur les qualifications publiait en 2011 les travaux d’Isabelle Faurie sur le vieillissement et l’emploi. Que nous apprenaient les enquêtes menées auprès des recruteurs ?

Il y a tout d’abord le discours officiel : « Sur les treize entreprises interrogées, toutes exposent un discours d’égalité des chances et se gardent d’une quelconque mise à l’écart des seniors à l’embauche. »

Il y a ensuite le discours tenu pendant les entretiens. « Ce n’est pas un critère euh qu’on retient ou qu’on écarte de nos recrutements » (entreprise P, secteur transport). « On n’est pas fermé sur les seniors... les seniors ne nous dérangent pas » (entreprise S, secteur construction). On voit le ton !

« On n’a aucune euh… on ne refuse pas du tout les seniors. On n’a pas du tout une politique avec des tranches d’âge à sélectionner. C’est vrai qu’il y a beaucoup plus de jeunes qui se présentent...» (entreprise I, secteur finance et assurances). On voit très bien où se situe le problème.

Et les actes ?

« Cependant, toutes [les entreprises] constatent que, dans les faits, la très grande majorité des recrutements concerne des salariés de moins de 50 ans. L’embauche d’un senior fait […] figure d’exception ».

Voici d’autres extraits des entretiens : « Je crois qu’il nous est arrivé d’embaucher un chauffeur qui avait 50 ans » (entreprise C, secteur transport). « J’ai recruté il y a deux ans un senior, euh, je dirais, de manière provocatrice, qu’il fait un peu “tâche”... il faudrait qu’on en recrute plus » (entreprise O, secteur finance et assurances).

Toujours dans l’enquête de Mme Faurie, voici ce qu’on peut également lire : « À quelques mois de l’obligation de signer un accord, rares sont les engagements chiffrés sur l’augmentation de la part des plus de 50 ans dans les recrutements. Une seule entreprise (entreprise O, secteur finance et assurance) a fixé un accord chiffré sur le recrutement des seniors et signé une charte contre l’exclusion. »

Voilà qui devrait tempérer la confiance de Mme Debré dans les entreprises !

Les seniors ont pourtant un rôle essentiel dans la transmission des savoirs, qu’il s’agisse de savoirs pratiques ou de savoir-être. Tout au long de leur carrière, ils ont acquis de l’expérience et ont appris à repérer les enjeux stratégiques leur permettant d’éviter les erreurs et les « pièges ».

M. le ministre de l’emploi se souvient sans doute de l’exemple donné par ma collègue Mme Blandin lors de son audition par le groupe écologiste : il concernait les anciens agents de la SNCF aujourd’hui à la retraite que l’on sollicite, à partir des archives des registres du personnel, pour venir apprendre à leurs successeurs comment réparer les ponts SNCF à cause d’une visserie spécifique.

Pour employer les termes usités par le « milieu » des ressources humaines, une gestion active des âges au travail est toujours nécessaire.

En privilégiant le transfert de compétences, le contrat de génération participe à relever ce défi essentiel pour l’entreprise, celui de sa pérennisation.

Le contrat de génération est également une opportunité pour l’entreprise de « penser » son avenir, sa stratégie de développement, ses besoins en ressources humaines, des notions qui doivent parler aux entrepreneurs.

L’obligation donnée de traduire dans un accord ou un plan d’action l’anticipation des évolutions de métiers, le renouvellement générationnel et la présence de toutes les générations dans l’entreprise est donc un gage de pérennisation – et non pas une contrainte, je le dis à Mme Debré – et inscrit l’entreprise dans une perspective de long terme où l’on pense moins rentabilité immédiate que pérennité.

L’ouverture du dispositif aux entrepreneurs individuels, dans un souci de transmission des entreprises est, à cet égard, intéressante et peut aider les TPE de l’artisanat ou du commerce ayant du personnel et les PME ayant moins de cinquante salariés, celles qui ont le plus de difficulté à transmettre du fait des compétences variées requises pour le repreneur.

Si, avec le contrat de génération, le senior ne doit plus être un poids, qu’en est-il du jeune adulte ?

Le contrat de génération se présente comme perspective d’emploi stable et d’intégration à l’entreprise pour les jeunes adultes. En affichant des objectifs d’embauche en CDI – j’y insiste tant cela est devenu rare – et sur du temps plein – j’y insiste également –,…

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous avez raison d’y insister !

M. Jean Desessard. … le contrat de génération positionne les jeunes comme des salariés à part entière de l’entreprise. Mais c’est aussi et surtout un statut dans la population active et la société.

Comme l’a dit Mme la rapporteur, CDD, intérim ou stages représentent 55 % de l’emploi des 15-24 ans. Or la structure de la société offre-t-elle la possibilité de construire sa vie quand on est en contrat précaire ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Non !

M. Jean Desessard. À toute agence immobilière ou propriétaire privé, il faut aujourd’hui présenter un CDI, un revenu net représentant trois à quatre fois le loyer, un garant. Ajouté aux certificats divers et variés, ce ne sont plus des dossiers de location qu’on présente mais l’étalage de tous les détails de sa vie… C’est parfois pire qu’un entretien d’embauche !

Tout le monde en souffre évidemment. Mais cette situation concerne davantage les jeunes alors qu’ils aspirent à accéder à leur premier logement autonome, à faire leurs premiers investissements et à construire leur vie privée.

Dans d’autres pays, on s’assure simplement que vous êtes solvables !

Alors, à défaut d’un changement structurel, se donner pour objectif le recrutement en CDI est une nécessité. C’est pourquoi, sans surprise, monsieur le ministre, je vous annonce que le groupe écologiste, à l’unanimité, approuve la création du contrat de génération. (M. Jackie Pierre s’exclame.)

Toutefois (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.), j’ai quelques petits questionnements.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’était trop beau !

M. Jean Desessard. Le contrat de génération peut-il être créateur d’emploi de façon collective ?

La précarisation croissante de l’emploi ne risque-t-elle pas de limiter les effets bénéfiques du contrat de génération ?

Résolvons-nous l’ensemble des problèmes d’emploi des seniors ?

Je disais tout à l’heure que le contrat de génération était une opportunité pour une « réconciliation » intergénérationnelle dans l’entreprise. Mais il ne faudrait pas que cette opportunité tourne à la guerre des générations par un jeu de chaises musicales.

Cette crainte est justifiée par le fait que, à conjoncture économique égale, nous risquons d’assister à un transfert entre « catégories d’âge » : aujourd’hui, les jeunes et les seniors sont privilégiés au détriment des « intermédiaires », mais demain ce sera peut-être l’inverse… Tel n'est pas l'objectif.

Il faut éviter les effets d'aubaine ; réserver le dispositif aux PME et aux TPE y contribue. Pour autant, sommes-nous vraiment à l'abri de ces effets, qui sont évalués à 65 % ? Profiteront donc du dispositif des entreprises qui, aide financière ou pas, auraient embauché sur des postes existants.

Le contrat de génération peut-il alors contribuer à créer de l’emploi par une spirale positive, nous évitant le jeu de chaises musicales entre générations ? Sur ce sujet, j'attends beaucoup du débat que nous allons avoir.

En commission, madame la rapporteur, vous avez cité l’exemple finlandais, qui montrerait que des mesures similaires au contrat de génération ont eu un effet catalyseur et accélérateur, notamment parce qu’elles mettent l’accent sur l’emploi des seniors.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Nous en débattrons, cher collègue ! À l’occasion de l’examen de ce texte, j’aimerais que cette question puisse être affinée afin de compléter les dispositions de nos politiques sociale et économique.

Concernant les jeunes adultes, si le contrat de génération leur offre des perspectives d’intégration, nous devons aussi prendre conscience de l'ensemble des difficultés qu’ils rencontrent et, par conséquent, nous atteler à la place des jeunes dans l’entreprise, et notamment à la problématique des stages.

Il faudrait ici pointer les stratégies de « gestion des ressources humaines ».

Pourquoi les jeunes adultes ont-ils tant de difficultés à trouver des emplois stables ? C’est parce qu’on trouve toujours le moyen d’embaucher une personne sous un statut plus précaire pour effectuer les mêmes tâches.

Ces « invisibles » des entreprises servent à limiter les embauches, dans cette optique « court-termiste » qui devient la règle. Oui, mes chers collègues, je me méfie des entreprises et de leur politique d'embauche !

L’augmentation exponentielle du nombre de stagiaires ces dernières années est venue faciliter la déstructuration du marché de l’emploi et le blocage de l’évolution salariale.

À la fois variable d’ajustement et main-d’œuvre docile, sous-payée, sans droits et invisible, les stagiaires sont mis en concurrence avec les autres employés, particulièrement avec les plus précarisés.

Passant du CCD à l’intérim puis au stagiaire, certaines entreprises s’ajustent au plus près, tout en profitant des contrats aidés et autres exonérations.

S’il apparaît toujours difficile d’agir contre la mise en concurrence mondiale, un encadrement plus strict des stages permettrait d’agir sur la mise en concurrence locale.

La recherche de la réduction du coût du travail pousse à une segmentation de la société qui est déjà à l’œuvre : deux tiers des personnes ont un emploi sécurisé, tandis qu’un tiers est dans la prise de risque permanente, entre CDD et sous-emploi.

Le contrat de génération ouvre une fenêtre d’opportunité pour rétablir l’équilibre, mais il doit être accompagné d’autres mesures d’encadrement. Les objectifs d’embauche en CDI ne doivent pas masquer un recours massif à d’autres contrats précaires.

Enfin, il a été introduit dans le texte la possibilité d’embaucher un senior. C’est un point positif, mais, comme le montraient les déclarations des employeurs auxquelles j’ai précédemment fait allusion, on part de très loin.

Si les chiffres nous confirment que le taux d’emploi des seniors progresse régulièrement depuis le début des années 2000, le décrochage à l’âge de 56-57 ans reste important, et ce alors même que l’âge de la retraite a été repoussé.

Malgré ce report de l’âge de la retraite, malgré la suppression, depuis le 1er janvier 2012, de la dispense de recherche d’emploi, 1 million de seniors pointent au chômage, et pour 438 jours en moyenne, soit deux fois plus longtemps que l’ensemble des demandeurs d’emploi ! En fin de droits, sans avoir atteint l’âge repoussé de la retraite, ces seniors se retrouvent aux minima sociaux et tombent dans la pauvreté.

M. le Premier ministre a annoncé le rétablissement partiel de l’AER, l’allocation équivalent retraite,…

M. Alain Néri. C’est une bonne chose !

M. Jean Desessard. Effectivement !

… mais en le conditionnant au fait d’avoir été inscrit comme demandeur d’emploi avant le 31 décembre 2010. C’est dommage !

M. Alain Néri. Ça peut s’améliorer !

M. Jean Desessard. Cette condition restreint trop l’accès à l’AER, qui concerne pourtant un faible nombre de personnes. L’étendre à tous ceux et celles qui auraient pu y prétendre serait la moindre des choses.

En conclusion, malgré les observations que je viens de faire et le risque que ce dispositif soit considéré comme la solution à tout, nous soutenons le contrat de génération.

M. Alain Néri. C’est du bon sens !

M. Jean Desessard. L’idée sous-tendue du lien entre tous les salariés d’une même entreprise et de la promotion de l’intergénérationnel s’inscrit dans une vision profondément moderne de l’entreprise, celle d’une entreprise citoyenne, garante d’un développement durable. À nous de transformer cette idée prometteuse en création d'emplois pour atteindre notre objectif commun : un emploi pour toutes et tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, comme cela a été précisé tout à l’heure, nous allons maintenant interrompre cette discussion générale pour aborder le débat préalable à la réunion du Conseil européen, et nous la reprendrons à vingt-deux heures trente.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant création du contrat de génération
Discussion générale (suite)