M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l'article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je crois aux vertus de la répétition en matière de pédagogie, domaine où il reste manifestement encore beaucoup à faire quand j’entends mes collègues de l’opposition sénatoriale…

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans la discussion générale, l’article 1er a été nettement amélioré par l’Assemblée nationale.

Je me félicite, de nouveau, de l’abandon du croisement des données des fournisseurs avec celles de l’administration fiscale, de la rationalisation et de la simplification des critères de calcul des volumes de base, ainsi que de la suppression du dispositif relatif aux relations entre les locataires et les propriétaires. Je prends surtout bonne note du fait que le malus ne devient véritablement pénalisant qu’à partir de trois fois le volume de base de la consommation énergétique, au lieu de 1,5 fois, comme c’était initialement prévu.

Ces modifications vont dans le sens que nous souhaitions et des amendements que nous avions présentés en première lecture.

De nouvelles améliorations sont encore possibles ; c’est l’objet des amendements que nous avons déposés. Néanmoins, étant lucide, j’ai parfaitement conscience que leur « espérance de vie » risque d’être compromise par la suppression de l’article.

Le bonus, tel qu’il est conçu, non seulement sera dépourvu d’effet réellement incitatif, mais en plus ne profitera pas en priorité aux ménages modestes. Au contraire, le malus aura un effet sur les consommations excessives. Nous proposons précisément que son rendement serve non pas à alimenter un bonus qui ne toucherait pas forcément les personnes qui en ont le plus besoin, mais à favoriser la politique d’amélioration de la performance énergétique des logements.

Ainsi, on ferait d’une pierre deux coups : d’une part, on taxerait les consommations excessives et, d’autre part, on récupérerait à travers un fonds, appelé « fonds malus », les sommes ainsi dégagées pour aider les personnes en situation de précarité énergétique lesquelles, je le rappelle, ne seront que symboliquement taxées d’un malus minoré.

Cette manière de procéder présente encore l’avantage de distinguer clairement la taxe sur les consommations excessives des tarifs eux-mêmes ; de quoi rassurer ceux qui, à tort, voyaient dans le dispositif une remise en cause de la péréquation tarifaire. Avec le dispositif que nous préconisons, ce point ne souffrirait d’aucun doute puisqu’on ne toucherait pas à la péréquation tarifaire.

La suppression du bonus permettrait également de simplifier le dispositif en évitant la constitution d’un compte d’équilibrage complexe et porteur d’effets difficilement prévisibles. Les sommes prélevées sur le fonds seront celles qui auront été effectivement collectées, et non celles qui seraient estimées à partir de taux calculés a priori, sans correspondre toujours a posteriori aux montants effectivement perçus.

Enfin, et c’est encore un avantage important, la suppression du bonus sur la tranche de consommation inférieure au volume de base conduit logiquement à supprimer le premier malus portant sur la tranche intermédiaire, de façon à ne pas pénaliser les ménages n’ayant pas une consommation démesurée.

L’objectif étant aussi, et surtout, de détecter les logements énergivores, il paraîtrait plus judicieux de mettre en place un système d’alerte à destination d’un organisme approprié lorsque la consommation dépasse 250 % du volume de base.

L’article 1er va dans le sens d’une simplification accrue et d’une plus grande efficacité, avec un dispositif visant la détection des logements énergivores et l’amélioration de la performance énergétique via le fonds malus.

J’espère que nous aurons l’opportunité de faire vivre ce débat et que le couperet annoncé par les uns et les autres ne viendra pas interrompre nos discussions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l'article.

M. Jean-Claude Lenoir. Je n’avais pas envisagé de demander la parole puisque j’ai déposé un certain nombre d’amendements sur l’article 1er, mais je tenais à rebondir sur la remarque lucide de M. Mirassou. Ceux qui ont quelque chose à dire doivent en effet le faire maintenant, car cela ne sera plus possible si l’article est supprimé et si les amendements sur lesquels nous voulions nous exprimer deviennent sans objet.

Revenons à l’organisme ad hoc, cet hippocampéléphantocamélos ! (Sourires.)

Dans le cours du débat, l’hypothèse d’une gestion par ERDF a été évoquée. En octobre dernier, vous nous aviez pourtant affirmé en commission, madame la ministre, l’avoir écartée, car elle était trop coûteuse.

Mme Delphine Batho, ministre. Je n’ai jamais dit ça !

M. Jean-Claude Lenoir. Cela figure dans le compte rendu de la commission, que j’ai relu tout à l’heure. Je le tiens à votre disposition…

EDF, l’actionnaire principal et unique d’ERDF, est-elle au courant de ce qui se prépare ? Pour ma part, je n’en sais rien.

Par ailleurs, quel sera le coût de l’hippocampéléphantocamélos ? Le rapporteur a affirmé en commission que le malus rapporterait 200 millions d’euros pour un coût de gestion de 50 millions d’euros qu’il se fait fort, par voie d’amendement, de faire tomber à 20 millions d’euros.

Permettez-moi de vous donner lecture du texte de l’Assemblée nationale : « à l’invitation de l’organisme, les consommateurs déclarent annuellement auprès de ce dernier, avant le 1er mai, les informations nécessaires ». Il faudra donc d’abord envoyer un courrier aux 30 millions de foyers concernés, ce qui représente, pour une simple lettre de moins de 20 grammes, un coût de 15 millions d’euros.

Je me suis renseigné auprès d’un certain nombre d’organismes chargés de collecter des informations, sur le taux de retour à ce genre de lettre : il est de 30 % ! Au bout de cinq ans, il est de 70 %. On peut donc supposer qu’un certain nombre de personnes ne répondront pas à la demande de renseignements. Le texte prévoit que, dans ce cas, « l’organisme met en demeure, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».

Or 70 % de foyers qui ne répondront pas, cela représente, pour 30 millions de clients, 20 millions de lettres. Connaissez-vous le prix d’un envoi avec accusé de réception ? Je viens de le vérifier à La Poste : 4,46 euros. Le coût total de l’opération s’élèvera donc à 90 millions d’euros. Par ailleurs, je me suis renseigné sur le coût lié à la mise sous enveloppe : 60 centimes d’euros par pli. Soit 18 millions d’euros pour l’ensemble !

La première année, alors que seulement 30 % des clients auront répondu, le dispositif coûtera 123 millions d’euros, sans compter le coût des salariés de l’organisme qui traitera les informations, les transmettra, ainsi que du contrôle.

Pour me faire une idée du problème, j’ai regardé les frais de fonctionnement du centre de perception de la redevance télévision, qui a été supprimé voilà quelques années. Selon un intéressant rapport de M. Didier Migaud au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, pour 1 700 personnes – je suis charitable, car chacun sait qu’il en faudra plus ! –, les frais de fonctionnement s’élevaient en francs, à l’époque, à quelque 125 millions d’euros.

La première année, compte tenu du déficit de réponses, le coût de l’opération s’élèvera à 248 millions d’euros. Lors des bonnes années, lorsque 70 % des personnes auront répondu, il passera à 203 millions d’euros pour 200 millions d’euros de recettes attendues. Voilà un extraordinaire système de lutte contre le chômage !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Vous mélangez tout !

M. Jean-Claude Lenoir. Vous prélevez de l’argent sur les factures d’électricité et vous créez un organisme, qui vérifiera ensuite si les abonnés remplissent bien les formulaires nécessaires à l’établissement de leur facture !

Il n’y a plus de bonus, car il se trouve complètement absorbé par le malus et par des frais de fonctionnement absolument exorbitants. N’est-ce pas d’ailleurs ce que Mme la ministre nous avait dit en commission ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.

M. François Fortassin. Madame la ministre, je me dis qu’il faut un esprit aussi lumineux que le vôtre pour comprendre quelque chose à ce texte !

Je plains beaucoup les clients : ceux qui auront un malus le contesteront, car ils n’auront rien compris,…

M. Gérard Longuet. Exactement !

M. François Fortassin. … et ceux qui bénéficieront d’un bonus seront très satisfaits de payer moins, mais sans savoir pourquoi !

M. Jean-Claude Lenoir. Très bon résumé !

M. François Fortassin. En définitive, ce texte est extrêmement bureaucratique. J’en demande par avance pardon à mes amis communistes, il me rappelle les anciens pays de l’Est, avec les résultats que l’on connaît !

Enfin, dernier élément, il y a ce que ne dit pas le texte.

Rien n’est dit, par exemple, sur les déperditions d’énergie du fait d’un mauvais entretien des réseaux, ou sur les syndicats départementaux d’électricité et d’énergie qui effectuent pourtant un travail extrêmement important pour améliorer ces réseaux. Si ceux-ci se dégradent, ce dispositif aura été à l’évidence un coup d’épée dans l’eau, puisqu’il y aura de fortes déperditions d’énergie, et donc du gaspillage.

Rien n’est dit non plus des consommateurs, de plus en plus nombreux, notamment dans les régions méridionales de notre pays, qui utilisent beaucoup la climatisation. Celle-ci leur coûte beaucoup plus cher que le chauffage en hiver. Là encore, je n’ai rien vu dans le texte qui puisse nous éclairer à ce sujet.

Même si vous avez tenté de nous éblouir, nous ne sommes pas pour autant éclairés, madame la ministre ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Je reconnais la finesse de votre raisonnement, monsieur Lenoir, mais permettez-moi de vous dire que vous déformez les chiffres. Ceux que j’ai donnés en commission ne concernaient que le malus. Autrement dit, vous ne pouvez pas faire le calcul sur les 30 millions d’abonnés, mais seulement sur le dernier quartile qui dépasserait les 300 %.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Il convient donc de diviser par quatre le coût de gestion estimé, puisqu’il ne reste plus à traiter, éventuellement, que 25 % des abonnés.

M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas ce qui est écrit dans la proposition de loi !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Vous faites un calcul sur l’ensemble des abonnés, alors que le malus que je vous avais indiqué en commission ne portait que sur le dernier quartile.

M. Jean-Claude Lenoir. Qu’est-ce que cela rapporte ?

M. Jean-Jacques Mirassou. Quatre fois moins !

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Je découvre ce texte, n’ayant pas le bonheur d’appartenir aux commissions compétentes sur ce texte. Il m’apparaît toutefois qu’il y a un problème de chiffres. Même si l’on ne se fonde que sur le dernier quartile, cher président Raoul, cela fait tout de même 7,5 millions de consommateurs. Et s’il s’agit de répartir 200 millions d’euros, un rapide calcul me conduit à penser qu’on parle de 30 euros par an et par consommateur. Tout ça pour ça !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. En écoutant M. Lenoir, j’étais tentée de lui dire : il y a une solution ; on ne fait rien, on reste les bras croisés et on regarde ce qui se passe.

M. Gérard Longuet. On laisse les prix arbitrer !

Mme Delphine Batho, ministre. Premier point, il n’y a pas en l’occurrence de coût de gestion dans la mesure où le mécanisme de bonus-malus s’autofinance, y compris l’administration du système.

Second point, en commission, j’ai comparé le coût de la gestion par l’administration fiscale à celui de la gestion par un organisme ad hoc.

M. Ladislas Poniatowski. Ce ne sont pas des chiffres !

Mme Delphine Batho, ministre. Le choix qui a été fait, à la suite d’un certain nombre de remarques émanant de parlementaires, qui ont notamment auditionné les responsables d’ERDF, c’est de confier la gestion à un groupe ad hoc, qui pourra être un GIP, pourquoi pas ERDF si celle-ci le souhaite. Ce choix n’est pas déterminé aujourd’hui.

D’après les estimations qui ont été faites, les coûts de gestion du bonus-malus seront strictement les mêmes que ceux des tarifs sociaux, c’est-à-dire à peu près 5 % des sommes qui sont en jeu, pas davantage. Il n’y a donc pas à entretenir de fantasme sur les coûts faramineux de ce système.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par Mme Schurch, M. Le Cam, Mme Didier, M. Vergès, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier, Fischer et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Pasquet et M. Watrin.

L'amendement n° 27 est présenté par MM. Lenoir, Poniatowski et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 67 est présenté par MM. Merceron, Capo-Canellas et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Mireille Schurch pour présenter l'amendement n° 2.

Mme Mireille Schurch. Cet article 1er, bien que réécrit, conserve intact le principe d’une modulation du tarif en fonction du niveau de consommation et de la localisation. Or la population, nous l’avons largement souligné, étant composée de ménages hétérogènes, il est impossible de calculer un volume de référence adapté à chaque consommateur, et ce malgré toutes les exceptions que vous pourriez intégrer dans le dispositif. La loi se doit d’être au plus près de la réalité, et le droit n’est pas une pure abstraction.

Nous continuons, et nous ne sommes pas les seuls, à mettre en cause, voire même à nier, la pertinence de ce dispositif en termes tant écologiques, économiques que sociaux. Associations de consommateurs, élus locaux, salariés du secteur, économistes, universitaires de tous bords, bailleurs sociaux, tous nous ont interpellés. Pourquoi le principe tarifaire que vous nous présentez comme une évidence n’est-il pas universellement adopté ? Pourquoi la Belgique, l’Allemagne et l’Italie ont-elles abandonné le projet,…

M. Daniel Raoul, rapporteur. Et l’Espagne ?

Mme Mireille Schurch. … alors que leurs habitudes de consommation, sont proches des nôtres ? Tout simplement parce que le dispositif proposé est inefficace dans ses trois volets et trop complexe à mettre en œuvre !

Pour la sobriété, le tarif progressif, qui ne concerne que les ménages et non le secteur tertiaire, ne permettra pas, comme vous le souhaitez, madame la ministre, « la réalisation d’économies d’énergie massives ». Pire, il peut entraîner des effets contreproductifs. C’est le fameux effet rebond. En effet, d’une manière perverse, le bonus croît avec la consommation dans les limites du volume de base. C’est donc une incitation à consommer.

Supposons que le volume de référence soit de 100 et que je consomme habituellement 60 parce que je suis, comme la majorité de nos concitoyens, attentive à ma facture. Avec ce système, en consommant 95, je bénéficie d’un super bonus. Pourquoi dès lors m’en priver ?

Avec ce dispositif, les ménages les plus malins augmenteront leur consommation jusqu’à atteindre le plafond du volume autorisé. Les autres percevront un bonus moins important, s’ils en perçoivent un. De plus, ce système récompensera les ménages aisés habitant une maison neuve et bien isolée.

Le dispositif ne prend pas en compte la pointe de consommation. Le coût économique et environnemental de l’électricité dépend surtout de l’heure et du jour où elle est consommée, et non pas seulement du volume total de consommation. Il faut dès lors inciter les consommateurs à consommer différemment dans le temps, en promouvant une offre de grilles tarifaires plus adaptée aux réalités de vie de nos concitoyens. C’est un peu le cas aujourd'hui, mais ce n’est pas extraordinairement valorisé.

Enfin, pour que l’équilibre financier du dispositif soit assuré, il faudrait un malus élevé qui toucherait suffisamment de foyers pour compenser le bonus et les frais de fonctionnement du dispositif. Or il est répété à l’envi que le malus ne touchera que très peu de foyers. Pour le moment ! Les volumes et les paliers du bonus malus pouvant être modifiés par voie réglementaire, vous nous demandez un blanc-seing.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour présenter l’amendement n° 27.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, mes chers collègues, n’en tirez aucune conclusion, mais je trouve que l’argumentation développée par Mme Schurch est parfaite.

Les arguments qu’elle a avancés sont aussi les nôtres. Cela ne veut pas dire, j’y insiste, que nous sommes en train de nous épauler contre le gouvernement en place. Nous faisons simplement preuve de pragmatisme.

Je ne reprendrai pas les points qui ont déjà été développés, mais vous avez bien compris que nous sommes hostiles à ce dispositif extrêmement compliqué, qui va pénaliser les plus modestes.

Vous m’avez dit à cet égard, madame la ministre, que les personnes qui bénéficient des tarifs sociaux ne seraient pas touchées. Vous m’avez mal entendu ! Si vous relisez mon intervention, vous constaterez que j’ai parlé des foyers modestes, des classes moyennes. Ces personnes vont effectivement être les grandes victimes du système proposé, auquel nous sommes opposés. C’est pourquoi nous allons voter cet amendement de suppression de l’article 1er, avec toutes les conséquences que cela implique.

Parce que nous jugions que ce système était mauvais, vous avez suggéré, madame le ministre, qu’on ne fasse rien.

M. Jean-Jacques Mirassou. Elle n’a pas dit ça !

M. Jean-Claude Lenoir. Selon vous, être contre, c’est ne rien faire. Il y a un décalage important entre votre façon d’envisager cette question et la nôtre !

Le problème en France, je l’ai dit lors de la discussion générale, c’est la pointe de consommation ; c’est elle qui coûte cher et qui produit le plus de CO2. Si le nucléaire est quasiment un ruban de même forme du matin au soir, en revanche, le gaz et le charbon constituent les variables d’ajustement, comme on peut le vérifier en regardant les graphiques publiés quotidiennement par RTE.

Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, le prix de l’électricité varie tout au long de la journée. Il n’est pas au même niveau le matin, le midi, l’après-midi, le soir ou la nuit. En définitive, une véritable politique d’économie d’énergie, notamment en matière d’électricité, serait celle qui agirait, non pas en aval du compteur, comme vous le proposez dans ce texte, mais en amont. Le client adapterait son mode de consommation en fonction des offres qui lui sont faites, compte tenu du prix marginal de l’électricité le jour, la nuit, dans la semaine, etc. Pour cela, un maillon est nécessaire : le compteur communicant.

M. Gérard Longuet. Évidemment !

M. Jean-Claude Lenoir. Sous le précédent gouvernement, j’ai participé à une commission d’enquête sénatoriale sur le coût réel de l’électricité, présidée par Ladislas Poniatowski. Elle a notamment conclu, ce qui a d’ailleurs été validé par la suite, que nous avions besoin, en France, de ce compteur communicant. Vous avez dû vous pencher sur ce dossier, éminemment sensible, madame la ministre. Si ERDF engage le processus de fabrication et d’installation de compteurs communicants, comme il vous revient de le lui demander, le client disposera d’un outil lui permettant d’être vraiment responsable.

M. Gérard Longuet. Exactement !

M. Jean-Claude Lenoir. Or, en l’espèce, vous demandez au client, en fonction de sa consommation de l’année écoulée, s’il a bien ou mal fait. Dans ces conditions, il aura le sentiment d’être injustement pénalisé.

J’ajouterai un dernier argument. Comme l’a dit avec beaucoup de pertinence Gérard Longuet, mettre en place un tel dispositif pour octroyer finalement un bonus de 30 euros par an en moyenne aux clients qui ne dépasseraient pas le cadre administrativement fixé par un certain nombre de décrets et d’arrêtés, c’est franchement disproportionné. L’énormité de ce dispositif ainsi que cet hippocampéléphantocamélos qu’est l’organisme ad hoc nous conduisent à rejeter cette disposition.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron, pour présenter l'amendement n° 67.

M. Jean-Claude Merceron. Cet amendement a également pour objet de supprimer l’article 1er de la proposition de loi.

Je l’ai indiqué lors de la discussion générale, les sénateurs du groupe UDI-UC partagent les objectifs de sobriété et de performance énergétique. La lutte contre la précarité énergétique doit être une priorité, mais elle suppose que l’on commence par améliorer l’efficacité des logements et par aider les ménages à maîtriser leur consommation. Cela passe par des aides à l’isolation de l’habitat et par le développement de compteurs dits intelligents.

Nous n’acceptons pas l’instauration de ce bonus-malus, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, il est injuste. Ce seront souvent les plus faibles et les plus précaires qui devront payer le malus, car ils vivent dans des logements passoires, alors que les plus aisés, qui pourront isoler leur logement, bénéficieront d’un bonus.

Par ailleurs, ce mécanisme n’arrive pas au bon moment. Il faut d’abord accompagner les ménages. Il faut aussi attendre les conclusions du débat national sur la transition énergétique.

Enfin, il est complexe. Même dans sa nouvelle rédaction, le dispositif n’est pas intelligible, et on peut même s’interroger sur sa constitutionnalité.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que le bonus-malus soit retiré de ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. La commission a émis ce matin un avis favorable sur les trois amendements, à mon corps défendant.

M. Gérard Longuet. C’est élégant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Tout d’abord, madame Schurch, je souligne que l’objectif du bonus est de rendre l’énergie moins chère. Or cet objectif est atteint.

M. Gérard Longuet. Trente euros par an !

Mme Delphine Batho, ministre. Pour ce qui concerne l’effet rebond, je précise que 75 % des Français, soit trois sur quatre, bénéficieront du bonus, et paieront donc leur électricité et leur gaz moins cher.

Puisque vous m’invitez à parler de la pointe, monsieur Lenoir, je rappelle qu’en dix ans de gouvernement de droite, celle-ci a augmenté de 28 %. C’est le bilan auquel nous devons faire face aujourd’hui !

La lutte contre la pointe est effectivement l’une des priorités du Gouvernement.

Nous cherchons à développer des solutions tous azimuts, en amont comme en aval : je pense à l'effacement, au déploiement des smart grids – nous allons évoquer ce point lors du débat national sur la transition énergétique –, aux réseaux intelligents et aux compteurs intelligents. S’agissant de ce dernier dossier, qui est passionnant, je rappelle que le précédent gouvernement avait complètement « plombé » le projet en cours. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. Arrêtez ! Changez de disque…

M. Ladislas Poniatowski. Caricature ! Mettez-vous au niveau de cette assemblée !

Mme Delphine Batho, ministre. C'est pourtant la réalité : j'ai hérité d'une situation dans laquelle les associations de consommateurs étaient vent debout contre le projet de déploiement des compteurs Linky. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Ladislas Poniatowski. Ce n’est pas bien de dire cela !

Mme Delphine Batho, ministre. Pourtant, c'est la réalité, monsieur Poniatowski ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande d’écouter Mme la ministre. Si vous souhaitez intervenir, je vous donnerai la parole par la suite !

Veuillez poursuivre, madame la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Ce que nous avons essayé de faire, c’est de reconstruire méthodiquement et patiemment un consensus national autour du compteur Linky. Je me réjouis d’apprendre que vous étiez favorables à ce projet.

Nous travaillons sur le déploiement industriel du compteur Linky, afin que celui-ci devienne un outil au service tant des consommateurs que de la politique de maîtrise de l'énergie. Pour que chacun puisse connaître en temps réel le niveau de sa consommation d'énergie et du bonus-malus, des applications seront disponibles sur les smartphones et les ordinateurs. Voilà le dispositif que nous allons déployer !

M. Christian Cambon. C’est ce que nous voulons aussi. Pourquoi ne pas le dire gentiment !

Mme Delphine Batho, ministre. En conséquence, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. À ce stade de la discussion, je serais tenté de dire que nos collègues de la droite sénatoriale en font un peu trop !

Comment expliquer, cher Jean-Claude Lenoir, que vous vous empressiez de disqualifier un dispositif dont vous avez préconisé, quelques minutes auparavant, qu’il soit testé pendant pas moins de cinq années ?

Voter ces amendements reviendrait à annihiler tout ce que vous avez dit auparavant sur ce dispositif. Comme je le disais ce matin en commission, vous auriez dû proposer que l’expérimentation dure non pas cinq ans, mais cinq minutes, voire cinq secondes !

Vous avez, les uns et les autres, déployé une argumentation à charge. Votre principe de départ, ou devrais-je dire votre postulat, c’était de voter contre tout, et d’essayer ensuite de trouver des explications…

Je me demande si l’un de nos arguments pourrait vous conduire – par un réflexe de bon sens, pourrais-je dire ! – à adopter le dispositif, ou si vous auriez voté contre en toute hypothèse. En effet, depuis le début, vous ne dites que non !

Vous l’avez vous-même souligné, la situation est devenue intenable pour bon nombre de nos concitoyens. Je voudrais vous parler, monsieur Lenoir, d'une famille que je ne connais pas personnellement, mais qui habite dans une cité que je connais bien, la cité Amouroux, située au cœur de mon canton.

Cette famille vit dans un logement des années soixante appartenant à des propriétaires peu scrupuleux. Nous sommes ici bien loin du compteur Linky puisque ce logement, dépourvu de toute isolation, est chauffé par des radiateurs ressemblant à des grille-pain – la solution technique la moins onéreuse – qu’ils ne peuvent allumer en hiver, faute de ressources financières suffisantes. Pardonnez ma véhémence, mais il me semble que vous sautez par-dessus ce type de cas avec une trop grande facilité.

S'agissant de l'obsession dont vous faites preuve à l’égard du compteur Linky, j'ai déjà eu l'occasion de vous rappeler que cette opportunité, loin d’être inintéressante, s'adressera de fait préférentiellement à ceux qui sont à l’autre bout du spectre : ces foyers qui disposent de toutes les facilités leur permettant de vivre dans une habitation convenable du point de vue de la performance thermique ; ils ont d'ailleurs également, le plus souvent, une voiture hybride. Eux auront les moyens, grâce au compteur intelligent, d'améliorer la performance thermique de leur logement, en vérifiant qu'il vaut décidément mieux faire sa vaisselle à 11 heures 38 qu’à 12 heures 43 !

Au moment où je vous parle, monsieur Lenoir, ce ne sont pas ces personnes qui m’intéressent, a fortiori avec l'effet rebond qui les incitera peut-être à consommer davantage.

Notre obsession, c'est de prendre en compte, en faisant preuve non de commisération mais d’intérêt, le sort de cette famille de la cité Amouroux, du canton 7 de Toulouse. Et des cités comme celle-là, il y en a des centaines ! Vous n’avez cessé de disqualifier cette catégorie de personnes au cours du débat. Pourtant, rien ne vous empêchait de prendre part, avec un minimum de bonne foi, à cet exercice d’intelligence collective qui consiste à tirer un texte vers le haut.

J'ai cru comprendre que vous étiez, pour de multiples raisons, un spécialiste de ce secteur d'activité.