M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Madame la sénatrice, veuillez excuser l’absence de Frédéric Cuvillier, ministre des transports, de la mer et de la pêche, qui assiste en cette fin de matinée à Orly – j’aurais d'ailleurs pu être à ses côtés ! – au lancement de la nouvelle compagnie aérienne, « HOP ! ».

En matière de signalisation routière sur le réseau national, il s’agit de concilier deux principes : d’une part, l’équité de traitement de toutes les localités éligibles à un jalonnement vert – c’est le cas du secteur que vous évoquez ; d’autre part, la limitation du nombre de mentions possibles pour préserver la lisibilité par l’usager en tenant compte de ses possibilités de lecture dans un véhicule en déplacement, en termes de sécurité.

Ces deux principes régissent le schéma directeur actuel appliqué sur l’ensemble du territoire par les services de l’État, ainsi que les règles de signalisation en découlant.

Ainsi, pour ce qui concerne votre territoire, les éléments suivants m’ont été communiqués. Dans le schéma directeur national de signalisation d’Île-de-France, la mention était jusqu’à 1997 « Melun-Sénart » et concernait les deux agglomérations, ville nouvelle et préfecture. Au changement de nom en 1997, la mention « Melun-Sénart » est devenue « Sénart ». Depuis lors, et à l’occasion des travaux de modernisation du réseau, l’État met en conformité les panneaux de signalisation directionnelle avec le schéma directeur national de signalisation d’Île-de-France approuvé en décembre 2002, qui actait ce changement de dénomination de la ville nouvelle.

Aujourd’hui, les villes de Melun et de Sénart sont classées au même niveau d’importance pour leur jalonnement, compte tenu du statut de chef-lieu de département de Melun. Ainsi, par l’autoroute A4 en venant de Paris, puis par la Francilienne jusqu’à l’autoroute A5b, c’est Sénart rencontrée la première qui est signalée. En revanche, en venant des autoroutes A5 et A6, c’est Melun, rencontrée la première, qui est indiquée.

Les principes d’équité de traitement des localités et de limitation du nombre de mentions possibles pour plus de lisibilité, madame la sénatrice, paraissent, au cas particulier, parfaitement respectés.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir rappelé les règles concernant le jalonnement directionnel sur le plan national. Vous avez rappelé l’histoire des agglomérations de mon département ; je sais bien que la mention « Melun-Sénart », qui prévalait jusqu’en 1997, a disparu, laissant place à deux agglomérations distinctes.

Je comprends que l’on indique la première des agglomérations à la sortie de l’autoroute, mais il me semble tout de même fort dommage de ne pas mieux indiquer Melun – ou Sénart, d’ailleurs, sur d’autres voies –, afin d’éviter la confusion liée à la proximité des deux agglomérations.

Sur l’autoroute A4, par exemple – c’est un itinéraire que je connais bien –, Melun et Sénart sont annoncées, puis simplement Sénart sur la Francilienne. Cette signalisation est conforme aux règles, certes, mais les personnes qui ne connaissent pas la région peuvent penser qu’elles se ne trouvent plus sur la route menant à Melun. Des efforts pourraient donc être engagés sur ce point, d’autant plus que l’agglomération d’Évry, située dans le département voisin de l’Essonne, est indiquée, me semble-t-il.

Madame la ministre, je voulais vous faire part de cette situation, qui inquiète les habitants, mais surtout les entreprises et tous ceux qui font vivre l’agglomération melunaise. Je remercie le Gouvernement de s’être penché sur cette question et j’espère qu’une amélioration pourra être apportée.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

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Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour un rappel au règlement.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, mes chers collègues, ce rappel au règlement, que je fais au nom du groupe UDI-UC, se fonde sur l’article 29 de notre règlement et porte sur l’attitude du ministre de l’intérieur au sujet de la manifestation qui a eu lieu avant-hier, dimanche, à Paris, à l’occasion de la discussion au Parlement du projet de loi sur le mariage.

En l’occurrence, ce n’est pas le fond qui est en cause, chacun exprimant ses positions comme il l’entend.

Élu de Paris, je puis témoigner que la préfecture de police de Paris est une très belle machine, une structure très efficace – l’une des meilleures du monde –, rodée au maintien de l’ordre. Les fonctionnaires qui y travaillent sont d’une grande qualité et n’ont été que très rarement impliqués dans des dérapages.

D’ailleurs, lors de la manifestation du 13 janvier, qui avait rassemblé sensiblement le même nombre de manifestants que celle du 24 mars, aucun incident – je dis bien aucun ! – n’avait été déploré. Selon la préfecture elle-même, il s’agissait pourtant de la manifestation la plus importante depuis 1984, année qui a vu des foules extrêmement nombreuses défiler pour défendre l’école libre.

Le dimanche 24 mars, l’ambiance était tout autre : tensions lors des négociations sur le parcours de la manifestation ; blocage de la place de l’Étoile ; tenues anti-émeute généralisées pour les CRS et les gendarmes ; dotation exceptionnellement large des unités de maintien de l’ordre en aérosols et gaz lacrymogènes ; consignes données – beaucoup d’officiers, de gendarmes et de CRS que nous avons rencontrés nous l’ont confirmé – de « taper fort ».

Comme d’autres élus, j’étais sur place. J’ai vu des familles avec des poussettes ainsi que des personnes âgées atteintes par des gels lacrymogènes alors qu’elles regagnaient les transports en commun. J’ai vu des jeunes matraqués à terre par la police après avoir été bousculés par la foule paniquée, et j’ai ensuite appris que l’inspection générale des services avait refusé d’enregistrer leurs plaintes. J’ai vu des élus en état de choc.

Il se peut que quelques provocateurs se soient glissés dans la foule pacifique… Trente, selon la préfecture de police. En tout cas, sur plusieurs centaines de milliers de manifestants, la police n’a placé que six personnes en garde à vue.

On est donc en droit de s’interroger sur la teneur des consignes données par le ministre de l’intérieur à la préfecture de police : n’ont-elles pas été disproportionnées ? N’a-t-il pas, par son énervement, par sa volonté, peut-être, de dévaloriser cette manifestation, provoqué tout ce qu’il s’est passé ?

Il ne m’appartient pas de répondre à ces questions. Je ne fais que les formuler et je pense qu’il serait bon que les parlementaires puissent s’intéresser à ces incidents, en dehors du débat de fond sur le mariage.

Je demande donc, au nom groupe UDI-UC, la constitution, sinon d’une commission d’enquête, au moins d’une mission d’information sur ces événements, qui auraient pu très mal se terminer, et sur la responsabilité éventuelle du ministre de l’intérieur dans les débordements qui ont été constatés.

Le ministère de l’intérieur et la préfecture de police de Paris sont, je l’ai dit, de très belles machines, mais il faut que ces machines soient bien conduites. Or nous avons eu le sentiment que, lors de la manifestation de dimanche dernier, on avait induit chez les forces de l’ordre un état d’esprit tel que, s’il ne fait pas de doute que les fonctionnaires concernés ont avant tout cherché à bien faire leur travail, ils n’ont pas eu la réaction adéquate.

M. le président. Mon cher collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.

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Débat sur les conclusions de la mission commune d’information sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite du débat sur les conclusions de la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale (rapport d’information n° 611 [2011-2012].)

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avions entamé ce débat lors de notre séance du 30 janvier dernier.

M. Jean-Claude Lenoir. On a eu le temps de réfléchir ! (Sourires.)

M. le président. Conformément à la décision de la conférence des présidents, la parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Guené, rapporteur de la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques semaines, à travers l’étroite « fenêtre de tir » consentie par les amis des loups, j’avais pu brosser devant vous le tableau détaillé des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. Mais la plupart d’entre vous étaient sortis frustrés d’un débat tronqué.

Aujourd’hui, grâce à la pugnacité du groupe RDSE, nous pouvons mener notre exercice à bonne fin. Aussi, je tiens à remercier le président Jacques Mézard de m’avoir donné la possibilité de m’exprimer de nouveau, fût-ce de manière légèrement réduite, pour introduire la reprise attendue de ce débat.

Après avoir rappelé les insuffisances de la réforme et les ajustements qui restent à lui apporter après plusieurs lois de finances, je tenterai d’expliquer comment les textes affectent profondément le paysage fiscal et notre conception même des finances publiques.

Il est indéniable que la réforme de la taxe professionnelle a renforcé la compétitivité des entreprises, ainsi que l’établissent tous les rapports. Rappelons que seules 20 % des entreprises ont été reconnues perdantes, alors que 20 % d’entre elles ont connu la stabilité et que les 60 % restantes, relevant essentiellement du secteur industriel, ont enregistré une évolution favorable de leur imposition – l’allégement allant de 30 % à 80 % –, certes au détriment des services et au prix de quelques désagréments pour l’intérim.

Pour l’État, la réforme a eu un coût de l’ordre de 4,5 milliards d’euros en régime de croisière, après une année charnière qui lui en aura coûté le double. En revanche, l’État a « fixé » l’hémorragie que lui imposaient les contreparties aux collectivités locales au titre de cet impôt et dont il était le principal pourvoyeur : c’est là le gain essentiel qu’il en a retiré. Il a, en quelque sorte, « payé pour solde de tout compte ».

Enfin, s’agissant des collectivités locales, si elles ont été indemnisées à l’euro près, ce que plus personne ne conteste, la réforme a profondément affecté leur relations avec l’État ; j’y reviendrai.

D’un point de vue pratique, l’incidence majeure de la réforme est le rebasage de la ressource sur les ménages, notamment pour le bloc communal, et sur une part d’impôt économique considérablement diminuée, qui évolue désormais au même rythme que la richesse nationale. Cela induit une dynamique nouvelle, corrélée à l’évolution économique et aux capacités contributives des habitants.

Les parlementaires ont, à cet égard, dû affiner considérablement les critères, de manière à corriger les anomalies et à tenir compte du poids de l’histoire. Nous ne reviendrons pas sur ce travail fastidieux, mais nous soulignerons les résultats obtenus et la nécessité de poursuivre la tâche.

Les deux dernières lois de finances ont procédé à des ajustements afin de mieux prendre en compte les établissements industriels et leurs spécificités, tout comme leurs effectifs, et introduit certaines mesures préconisées par notre rapport sénatorial, telle l’indexation de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER.

À l’heure actuelle, subsiste la problématique liée à la poursuite de la mise en place de la péréquation, corollaire essentiel du nouveau système, car le fondement de la ressource nouvelle des collectivités et son dynamisme asymétrique exigent une appréciation de la richesse en stock, mais aussi une appréciation des charges des collectivités.

La mise en œuvre de ces corrections est l’un des chantiers essentiels sur lesquels le Parlement est appelé à travailler.

Il importe que la montée en puissance programmée puisse suivre le calendrier fixé, mais en prenant garde au contexte contraint que nous traversons et en liant l’effort aux flux annuels.

S’agissant du bloc communal, nous pouvons nous féliciter du cap maintenu par le Gouvernement quant à la progression du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, voire son rattrapage.

Comme la répartition sur la base du coefficient d’intégration fiscale – CIF – à l’échelon intercommunal, l’introduction du revenu des habitants – il vient modifier le prélèvement à hauteur de 20 % – constitue une correction utile apportée par la loi de finances pour 2013 au profit de certains territoires urbains.

Le dossier de l’appréciation des charges de centralité reste également ouvert. Il conviendra sans nul doute d’introduire des correctifs en déplafonnant progressivement le prélèvement du FPIC et du FSRIF – fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France –, mais nous devons aussi attendre que l’Île-de-France puisse ajuster son propre système en tenant compte des besoins spécifiques et différenciés de son territoire, qui n’a pas encore, rappelons-le, opéré sa mutation intercommunale.

Il reste beaucoup plus de travail au sujet des mécanismes de solidarité concernant les régions et les départements, ces collectivités ayant apporté moins d’attention auxdits mécanismes. Elles auraient sans doute intérêt à faire rapidement des propositions concrètes à cet égard.

Sur le plan technique, monsieur le ministre, il convient d’insister sur les trois pierres d’achoppement subsistant autour de la CET, la contribution économique territoriale.

Il s’agit tout d’abord du dossier de la cotisation minimale au titre de la contribution foncière des entreprises – ce qu’on appelle la « CFE minimale » –, que le Gouvernement n’a pas voulu régler définitivement dans la dernière loi de finances. Nous avions proposé un plafonnement sur la valeur ajoutée, à l’instar de ce qui existe pour les autres contribuables. Il est indispensable de le décider pour 2014, en temps utile, dans un cadre constitutionnel durable.

Il sera également impératif d’adapter la répartition de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, aux caractéristiques des groupes. En effet, actuellement, les décisions d’organisation juridique des groupes permettent de déterminer largement les lieux de répartition de la valeur ajoutée. Sachant que ces groupes réalisent plus de la moitié de la valeur ajoutée au niveau national et qu’ils sont concentrés sur certaines zones, le mécanisme n’est pas neutre...

Il a été proposé, dans le rapport parlementaire, que cet aspect soit corrigé pour ramener les principes à ceux qui régissent les entreprises multi-établissements classiques. Tant Valérie Pécresse que son successeur, Jérôme Cahuzac, ont prétexté le besoin de simulations pour envisager d’en modifier l’approche. Mais le phénomène est maintenant parfaitement identifié.

Enfin, subsistera la mesure des incidences de la revalorisation des valeurs locatives, dont le calendrier est désormais établi. Cette dernière révolution fiscale produira de nouvelles modifications sur la géographie fiscale locale, mais aussi sur la fiscalité locale, car elle porte également en germe une nouvelle carte des richesses et, par là même, des critères qui sont utilisés pour la péréquation de ces mêmes richesses sur le territoire.

Cette réforme est d’autant plus nécessaire que la perte du levier fiscal impose la revalorisation permanente de la matière fiscale, de manière différenciée.

Convenons à cet égard que la mise en place d’une nouvelle fiscalité locale qui ne s’appuie plus pour l’essentiel sur le levier fiscal doit pouvoir bénéficier d’un renseignement, d’une expertise et de rapports permanents qui ne soient pas à la seule discrétion du Gouvernement.

Il faut que les parlementaires puissent disposer en permanence des simulations et des états nécessaires, de façon qu’ils n’aient pas à s’en remettre à la seule expertise de leurs associations d’élus, dont les rapports de prospectives sont au demeurant très intéressants. Il est urgent de mettre à la disposition des parlementaires les outils et les sources nécessaires à une veille et à une mise à jour permanentes de la fiscalité locale.

Venons-en maintenant à l’aspect prospectif et aux conséquences les plus durables de cette réforme.

La taxe professionnelle a vu le jour à la fin des Trente glorieuses, sur des bases conceptuelles liées à une ère de croissance, ainsi qu’à une volonté d’autonomie fiscale des collectivités locales et de transfert de compétences à ces dernières, de façon à leur permettre d’assumer elles-mêmes, en lieu et place de l’État, les besoins de reconstruction et de développement.

Le texte sur la taxe professionnelle, dont les fondements remontent à 1959, arriva à maturité alors que nous venions juste de changer d’époque, avec le choc pétrolier de 1974 et, en 1975, la fin des budgets en équilibre : ces deux événements vont placer le pays en situation de crise, laquelle ira crescendo avec la mondialisation.

La taxe professionnelle en subira très rapidement les conséquences avec la suppression de la part salaires en 1987, avec sa compensation relative en 1999, au grand dam d’un État soucieux de ses finances, avec la prise en compte de la valeur ajoutée à travers les modifications de 1979 et 2006, qui portaient déjà en germe la réforme de 2009.

Comme l’indique le rapport Fouquet, dès lors que la taxe professionnelle n’était plus portée que par les seuls investissements, elle était condamnée.

Alors que les collectivités se réjouissaient de la liberté fiscale acquise, ailleurs, on réfléchissait à de nouvelles étapes. L’État était déjà en période de contrainte, et l’on va assister à un chassé-croisé de mesures contradictoires, avec l’illusion d’une autonomie fiscale, les collectivités étant en fait, à travers des dégrèvements croissants, de plus en plus financées par l’État.

Il faudra attendre la charnière de 2002-2004, avec l’inscription de l’article 72-2 dans la Constitution, pour que l’horizon bascule. Cependant, sur le moment, le monde élu n’a pas perçu la portée de cette disposition. Le Gouvernement et l’administration venaient d’imposer définitivement la norme de référence : exit l’autonomie fiscale ; l’autonomie financière était née !

En 2009, la réforme de la taxe professionnelle, a priori à destination des entreprises, vient porter le coup de grâce en diminuant le poids de l’économie dans la ressource locale, en figeant les taux et en réaffectant les impôts par niveaux, souvent sous forme de parts d’impôt national.

Pour être tout à fait complète, cette réforme exigeait un second pilier, celui de la péréquation horizontale : en effet, si elle a réduit le poids de la richesse économique dans la ressource, elle n’en a pas moins laissé subsister les inégalités territoriales accumulées. En même temps, la réforme permet à l’État de substituer la péréquation horizontale à la péréquation verticale dont il était comptable, dernier verrou posé sur le dispositif, avant que ne vienne s’ajouter la rationalisation des compétences, qui nous occupera dans les deux mois à venir.

Il est important de souligner ce double mouvement contradictoire, où le cheminement des élus s’est heurté à une radicalisation de l’administration et des gouvernements, et où les élus ont accusé un temps de retard par rapport à l’évolution de l’histoire fiscale.

Cela ne veut pas dire que ce mouvement est inéluctable et ne peut être inversé ; cela signifie seulement que les circonstances l’imposent pour quelques décennies et qu’il importe d’en prendre acte, à l’instar de nos collègues européens.

Je formulerai une interrogation supplémentaire, en lien avec la réduction drastique des dotations qui vient de nous être annoncée : 4,5 milliards d’euros sur deux ans, soit 6 % de leur montant.

Si l’on peut comprendre une telle décision dans le contexte que je viens d’évoquer, il importe que sa nécessité soit rapidement et largement admise et que, en outre, la répartition de l’effort au sein des niveaux de collectivités soit équitablement répartie.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet, dans le cadre de la nouvelle gouvernance qui s’installe ?

Pour terminer sur une note prospective, je souhaite dire que la taxe professionnelle ne correspond pas seulement à une grande réforme fiscale technique ; elle doit aussi être lue, selon la formule du professeur Michel Bouvier, comme « le basculement tangible d’un monde quasi révolu, fondé sur une régulation par des États nationaux maîtres de leurs choix financiers, à un autre, fondé sur des espaces supranationaux intégrant des espaces territoriaux et fonctionnels à autonomie financière limitée ».

La crise que nous traversons accélère cette évolution avec une violence inaccoutumée, en poussant à une plus forte intégration des acteurs publics locaux, nationaux et européens, et à la mise en place d’outils nouveaux, comme le Conseil des exécutifs, hier, ou, demain, le Haut Conseil des territoires, auquel nous devons donner force opérationnelle au plus vite, dans le cadre d’un véritable dialogue.

C’est l’équilibre de la société et du lien social qui est en jeu, avec une nouvelle forme de gouvernance qui intégrera démocratie, solidarité et liberté. Le seul risque que comporte l’exercice, c’est que cette intégration prenne la voie d’une recentralisation.

Aussi, souhaitons que le Parlement ne se contente pas de considérer cet épisode comme celui d’une réforme réalisée à la hâte ou souffrant d’improvisation, où les uns et les autres auraient failli, car il passerait alors à côté de l’histoire fiscale de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été rappelé par Jacques Mézard le 30 janvier, dans l’espace réservé du RDSE, le débat sur les suites de la suppression de la taxe professionnelle a été organisé sur l’initiative de notre groupe, qui est aussi à l’origine de la constitution de la mission commune d’information que présida notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier, mission dont les conclusions et le rapport en deux tomes ont été rendus public au mois de juin 2012.

Un tel débat avait toute sa place dans une semaine sénatoriale de contrôle. C’est pourquoi nous nous réjouissons qu’il puisse être poursuivi précisément dans ce cadre-là aujourd’hui.

La tenue de ce débat dans notre hémicycle ne pouvait plus attendre, car les conclusions de la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale méritent que le Gouvernement fournisse certains éclaircissements, informe la Haute Assemblée de ses intentions en la matière et, plus largement, nous dise comment il appréhende la question de plus en plus sensible des finances des collectivités territoriales.

Sur cette question, mon groupe s’enorgueillit d’être en pointe et de remplir ainsi la mission que nous confère, à nous sénateurs de la République, l’article 24 de la Constitution.

Désormais, les vingt-cinq propositions formulées par la mission d’information sont autant de pistes pour « limiter les dégâts », dont les effets se font toujours sentir, causés par la réforme de la taxe professionnelle, mais aussi pour apporter des compléments utiles sur des points qui n’ont pas été traités jusqu’à présent.

Malheureusement, l’évaluation des conséquences de la réforme s’est révélée particulièrement délicate compte tenu des difficultés rencontrées par les membres de la mission pour obtenir certains chiffres et informations.

En effet, un des éléments les plus frappants, à la lecture de ce rapport, est bien le déficit d’informations qu’ont constaté les auteurs et dont ils ont eux-mêmes souffert. Je citerai quelques passages très révélateurs.

Le rapport rappelle, par exemple, qu’«aucune estimation n’a été fournie par le Gouvernement s’agissant des conséquences de [la] nouvelle définition des potentiels fiscal et financier, sur le classement des communes et des EPCI en fonction de leur potentiel par habitant ».

À propos des fonds de péréquation de la CVAE, on peut lire : « Votre rapporteur regrette que, malgré les travaux approfondis menés par la commission des finances sur ce sujet, le Gouvernement n’ait procédé à aucune évaluation détaillée des conséquences de ces dispositifs de péréquation pour les départements et les régions. »

Ce constat a conduit les membres de la mission à recommander de « renforcer les dispositifs départemental et régional de péréquation de la CVAE et [de] simuler leurs effets en amont de l’examen de la loi de finances pour 2013 » ; il s’agit de leur seizième proposition.

De telles simulations ont, certes, été partiellement fournies avec le projet de loi de finances pour 2013, dont l’article 69 revoyait en profondeur le fonctionnement et les modalités de répartition des fonds de péréquation de la CVAE, qui doivent être mis en place cette année. Cependant, le rôle des parlementaires est nécessairement contraint par le fait qu’ils n’ont pas les moyens de réaliser leurs propres simulations, donc d’élaborer des propositions alternatives de manière éclairée, ce qui est tout à fait regrettable. Il me semble en effet indispensable que, dans une démocratie parlementaire moderne, le Parlement dispose de toutes les simulations nécessaires pour éclairer les décisions qu’il prend.

Mais nous n’avons pas tous la même préoccupation si l’on en juge par le vote des députés, qui ont, lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi de finances pour 2013, adopté un amendement gouvernemental modifiant à nouveau totalement les modalités de fonctionnement des fonds de péréquation de la CVAE, et ce sans aucune simulation.

Je pourrais citer de nombreux autres passages du rapport qui relèvent l’absence d’information et de simulation sur tel ou tel point. C’est significatif du peu de cas qui est fait du rôle et des droits du Parlement et des parlementaires. Nous regrettons qu’il en soit ainsi et, monsieur le ministre, puisque vous êtes nouveau à ce poste, nous espérons que vous faciliterez au maximum la diffusion des informations demandées par les parlementaires, notamment à vos services de Bercy, qui font parfois de la rétention…

Je reviens maintenant aux conclusions du rapport de la mission. Que nous apprend-il ?

Tout d’abord, que l’effet « positif » attendu de la réforme de la taxe professionnelle sur les entreprises n’est pas aussi évident qu’il y paraît et, surtout, pas aussi mirobolant que ce qu’on nous avait laissé entrevoir.

Certes, cette réforme a été bénéfique pour un nombre non négligeable d’entreprises, notamment dans le secteur industriel, mais trois ans après sa mise en œuvre, la situation n’a pas fondamentalement changé, car les ressorts de notre perte de compétitivité, qui se poursuit depuis plus de dix ans, comme l’a rappelé l’excellent rapport de Louis Gallois, se trouvent ailleurs.

En outre, cette réforme a été pénalisante pour un certain nombre de petites entreprises, notamment des artisans et des commerçants.

Elle ne s’est pas non plus traduite par des créations d’emplois, contrairement à ce qui était prévu et annoncé. De nouvelles mesures doivent donc être mises en place d’urgence pour restaurer la compétitivité, la croissance et l’emploi. Le Gouvernement s’y attache et le groupe RDSE lui apporte tout son soutien à cet égard.

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, le principal constat du rapport est sans appel : la réforme de la taxe professionnelle a eu pour conséquence de les maintenir dans un état d’incertitude quant à leurs ressources fiscales et budgétaires.