M. Bruno Sido. C’est nettement insuffisant !

M. Jean-Léonce Dupont. Les gouvernements successifs ont annoncé et parfois présenté des projets de simplification administrative et d’allégement des normes. Des parlementaires ont également déposé des textes en ce sens. Les dernières initiatives sont venues de M. Warsmann à l’Assemblée nationale et de M. Doligé au Sénat, mais, pour que leurs propositions de loi soient discutées, le parcours du combattant a été tel que l’on en vient à se demander si la volonté de simplification du Gouvernement est bien réelle.

M. Gérard Larcher. Clairement !

M. Jean-Léonce Dupont. Mercredi dernier, le Président de la République a promis un « choc de simplification administrative » pour les entreprises. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir. Des chocs, il y en a eu ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Léonce Dupont. Attendons la concrétisation de cette promesse supplémentaire, mais j’appelle aussi de mes vœux un choc de simplification normative pour les collectivités.

En tant qu’élus, nous dénonçons tous l’excès de normes et ses conséquences : charges financières insupportables pour les collectivités, situations de blocage ou d’absurdité, inégalités entre citoyens du fait de l’application ou de la non-application des normes, inégalités entre les territoires et frein au développement économique de ces derniers.

Les rapports se succèdent, des constats sont dressés, mais, hélas ! sans qu’aucune suite ou presque ne leur soit donnée.

Pour ma part, je trouve intéressante l’idée de l’instauration d’un principe de proportionnalité des normes et de leur possible adaptation à la situation financière des collectivités comme aux réalités locales.

La loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005 est un exemple de ces textes inspirés par de bonnes intentions qui, sur le terrain, posent des difficultés techniques et financières considérables, notamment aux petites communes. Nous avons la chance de vivre dans un pays doté d’un riche patrimoine. L’accessibilité de tous les lieux publics aux personnes handicapées dès 2015 est un bel objectif, mais un véritable casse-tête pour bon nombre d’élus !

Il ne s’agit pas de plaider pour un retour en arrière ou pour le non-respect de la loi, mais un peu de souplesse me paraît indispensable si l’on ne veut pas enrayer l’action locale, déjà très contrainte.

Quant à l’asphyxie financière, nos concitoyens n’en ont pas réellement conscience, mais elle constitue le plus grand danger qui menace les collectivités territoriales.

Dans son Rapport d’information portant contribution à un bilan de la décentralisation, M. Hervé pose cette question cruciale : que valent les principes constitutionnels relatifs à la décentralisation ?

Proclamer l’autonomie financière des collectivités, c’est très bien, mais, sans l’autonomie fiscale, l’autonomie devient un leurre, une « illusion constitutionnelle ».

Avec la diminution de l’autonomie fiscale, qu’accentue encore la réforme de la taxe professionnelle, la portée du principe de libre administration des collectivités territoriales se trouve réduite. Or l’autonomie locale se mesure aux moyens dont dispose la collectivité, à son champ de compétences, à l’indépendance de ses décideurs et aux prérogatives de ces derniers en matière d’intervention, à la nature de ses liens avec l’État.

L’autonomie fiscale de la région est aujourd’hui de moins de 10 %, celle du département de 16 %, celle de l’ensemble des communes et des EPCI de l’ordre de 40 %. Ces chiffres illustrent la marge de manœuvre de plus en plus ténue des collectivités.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !

M. Jean-Léonce Dupont. Certains départements n’ont-ils pas craint la cessation de paiement du fait de la compensation très insuffisante des dépenses sociales obligatoires, qui plombent leurs budgets, surtout dans les plus ruraux d’entre eux ?

M. Bruno Sido. Exact !

M. Alain Néri. Cela ne date pas d’aujourd’hui !

M. Jean-Léonce Dupont. Alors que l’État se désengage chaque jour un peu plus pour ce qui est de l’investissement public comme de l’exercice de nombreuses compétences, il garde la main sur des ressources qui devraient normalement financer les nouvelles missions des territoires.

Pour résumer – de manière un peu caricaturale, je vous l’accorde –, l’État transfère certes des ressources fiscales, mais des ressources archaïques et peu dynamiques, en décalage avec les véritables besoins de financement des politiques publiques locales.

M. Bruno Sido. Et cela, une fois pour toutes !

M. Jean-Léonce Dupont. Dans ce contexte, je ne peux que soutenir la proposition de résolution de M. Gaudin. C’est un rappel opportun en forme de signal d’alarme au moment où s’annonce un acte III de la décentralisation.

Les avant-projets ont été décriés au sein de tous les groupes et certains ont qualifié le projet de loi de texte fourre-tout, anachronique, monstrueux, plaçant les collectivités en situation de servitude…

Avant l’examen au Sénat de ce texte, que nous examinerons avec une extrême vigilance, il reste quelques jours au Gouvernement pour affiner sa copie ou, devrais-je dire, ses copies. Il doit présenter des textes d’orientation clairs et respectueux de la libre administration des collectivités, afin qu’elles demeurent le premier investisseur public en France, avec des budgets équilibrés et une dette publique locale plus de dix fois inférieure à la dette de l’État, et qu’aucune collectivité ne puisse exercer demain de tutelle sur une autre, fût-ce par l’artifice de la présence de l’État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

MM. Bruno Sido et Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer Mme la ministre pour le sérieux de son travail et pour son courage dans l’accomplissement d’une mission difficile ; je veux lui dire aussi que, personnellement, je regrette qu’elle n’ait pas été directement chargée de la préparation de l’acte III de la décentralisation. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

Chers collègues de l’UMP, nous voterons cette proposition de résolution, même si nous pensons, permettez-moi de vous le dire, qu’elle se dissoudra dans une joyeuse unanimité…

M. Gérard Larcher. Ce ne sera déjà pas si mal, par les temps qui courent !

M. Jacques Mézard. Elle se fonde en effet sur la Constitution, que tous nous respectons.

M. Bruno Sido. C’est assez habile !

M. Jacques Mézard. Certes, cher collègue, mais cela fait un peu « pschitt », compte tenu des évolutions de ces derniers jours…

M. Bruno Sido. Ça, nous n’y sommes pour rien !

M. Jacques Mézard. Ce débat n’en a pas moins un intérêt, car il montre – et je m’adresse à nos collègues de l’UMP comme à ceux du groupe socialiste – que vous avez tout simplement l’art de vouloir faire quand vous êtes dans l’opposition ce que vous n’avez pas fait quand vous étiez dans la majorité, et réciproquement.

Toutefois, permettez au jacobin que je suis – il en reste encore ! – de ne pas faire sienne l’euphorie de M. Raffarin. Chez les Girondins, je crains d’ailleurs particulièrement les nouveaux convertis.

M. Jean-Pierre Raffarin. Oh ! Oh ! Grave erreur !

M. Jacques Mézard. J’ai fait partie de la mission Belot au sujet de l’« évaporation » des départements. Qui peut avoir oublié les propos qui se tenaient alors ? J’entends maintenant des odes aux départements, mais, si je puis me permettre, voici ce qui manque à mon sens à ces réformes successives dont nous avons toujours le sentiment qu’elles sont absolument indispensables : une prospective politique, une vision politique et du courage politique !

Les uns et les autres, nous constatons en effet, à chaque étape, que les blocages sont immenses.

M. Bruno Sido. Ça, c’est vrai.

M. Jacques Mézard. On commence par consulter les représentants des associations de toutes les strates, qui chacun dise naturellement que, chez eux, tout va bien, même si tout irait encore mieux s’ils avaient un peu plus, et, évidemment, que les étapes successives des décentralisations ont amené des progrès, mais aussi, malheureusement, beaucoup de complexité et aucune clarification.

C’est là qu’est la vraie difficulté.

M. Larcher a évoqué l’excellent travail de la mission Belot. Ce fut en effet un bel effort de l’ensemble du Sénat, dans toutes ses composantes. Nous étions parvenus, je crois, à un assez large consensus. Hélas ! ce consensus a été détruit, le gouvernement d’alors ayant cru opportun de prendre des dispositions qui n’y correspondaient pas.

M. Jacques Mézard. Récemment se sont tenus les états généraux de la démocratie territoriale. Beaucoup de choses utiles ont été dites et il y a eu, dans nos départements, une véritable consultation. Nous avons, les uns et les autres, entendu ce que nous disaient nos collègues, élus de nos collectivités locales.

Je regrette que le Gouvernement ne tire pas totalement les conclusions de ces états généraux, car les mêmes difficultés, les mêmes blocages sont au rendez-vous.

Tant qu’une politique ne sera pas définie et présentée par le Gouvernement comme étant sa politique, que les uns ou les autres en veuillent ou non, et tant que ces uns et ces autres seront consultés à longueur d’année alors même qu’ils répondent systématiquement la même chose, il sera difficile de clarifier les relations entre les collectivités et l’État.

Je le répète, je reste fortement jacobin et je déplore que la Ve République ait purement et simplement abandonné toute véritable politique d’aménagement du territoire. Nous le percevons tous les jours, et de plus en plus, que les gouvernements soient de droite ou de gauche !

Chers collègues de l’UMP, nous voterons cette excellente proposition de résolution sans aucun état d’âme,...

M. Philippe Dallier. Très bien !

M. Jacques Mézard. … non seulement par attachement à la Constitution, mais aussi parce que nous souscrivons au constat que vous dressez.

Au demeurant, j’ai le sentiment que la quasi-totalité de la Haute Assemblée s’apprête à voter en sa faveur. Aussi faudrait-il que nous nous demandions s’il ne serait pas possible de mettre ce consensus autour de la Constitution à profit pour faire œuvre utile ensemble, avec une véritable volonté politique.

M. Jean-Pierre Raffarin. On est d’accord !

M. Jean-Léonce Dupont. C’est l’objet de la mission !

M. Jacques Mézard. Cela ne fera pas nécessairement plaisir à tout le monde et en tout lieu, mais c’est ce que le pays attend de nous.

Vous nous rappelez des réalités importantes, mais Jean-Pierre Sueur avait raison de dire que, lorsque vous soulignez que l’autonomie financière est une garantie constitutionnelle en vertu de laquelle les collectivités territoriales doivent bénéficier de ressources propres, vous oubliez qu’avec la réforme de la taxe professionnelle vous n’avez pas donné l’exemple !

M. Alain Néri. Nos collègues ont la mémoire courte !

M. Jacques Mézard. Quand vous nous dites qu’il faut affirmer la nécessité d’une compensation intégrale des transferts de compétences de l’État vers les collectivités, je suis tenté de rappeler que tous les gouvernements, quelle que soit leur sensibilité politique, ont, malheureusement, porté atteinte à ce principe…

M. Jacques Mézard. … et qu’il est temps de revenir à de véritables équilibres. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Sur ce point, nous sommes d’accord !

M. Bruno Sido. C’est le sens de ce texte !

M. Jacques Mézard. Vous avez eu dix ans pour le faire !

Enfin, quand vous concluez en rappelant la nécessité de développer une politique volontariste en faveur de la ruralité…

M. Jacques Mézard. … et d’assurer une répartition équitable des moyens entre tous les territoires de la République, permettez-moi de vous répondre en tant qu’élu d’un département très rural – à ce propos, je tiens, et Gérard Larcher le sait, à ce que l’élu local puisse être également parlementaire –,…

M. Philippe Dallier. Très bien !

M. Jacques Mézard. … que jamais au cours de son histoire mon département n’a été autant victime que pendant les six dernières années d’une politique d’abandon, de désertification et de retrait des services publics.

M. Jacques Mézard. Ça, il faut que vous l’entendiez, car c’est précisément ce que, les uns comme les autres, vous ne devez plus faire ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette journée du 3 avril 2013 devait être une belle journée, car marquée, pour la première fois dans l’histoire du Parlement, par le vote d’un texte à l’initiative du groupe écologiste (Murmures sur les travées de l'UMP.), la proposition de loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, dont l’avenir montrera qu’elle est loin d’être anodine !

À moi, comme, j’en suis sûr, à beaucoup d’entre vous, cette journée apparaît finalement bien triste pour l’image de la démocratie, et je tenais à le dire en préambule.

Concernant la discussion en cours, je n’insisterai pas sur l’exposé, trop sommaire, que les auteurs de la proposition de résolution font de l’histoire de la décentralisation. Je n’insisterai pas non plus sur le fait que la décentralisation commence bien en 1982 : la date de 2003, à laquelle M. Gaudin tient tant, ne correspond qu’à la dernière étape d’une longue construction qui a bien commencé en 1982 et qui est encore loin d’être achevée.

Je constate cependant que MM. Raffarin et Larcher sont, comme leur groupe, attachés à la décentralisation. Je souhaite y voir le signe que vous vous apprêtez, mes chers collègues, à collaborer de manière constructive avec les groupes de la majorité afin de dégager les propositions fortes dont l’ensemble de notre organisation territoriale a besoin pour affronter les immenses défis qui sont devant nous.

Enfin, je relève que la proposition de résolution aborde également les conditions effectives de l’exercice de la décentralisation, notamment à travers la garantie des transferts de ressources afférentes aux compétences transmises, et l’exercice d’une certaine autonomie fiscale.

C’est d’ailleurs un soulagement de constater que votre groupe se préoccupe de ne pas dépouiller les collectivités, que votre famille politique a pourtant trop souvent contribué à mettre en difficulté en leur transférant des ressources insuffisantes au vu des charges dévolues, notamment en 2003 !

Le strict respect de l’article 72-2 de la Constitution est, en effet, une condition sine qua non de la décentralisation. La position des écologistes au sujet de l’échelon communal est cependant quelque peu différente de la vôtre.

Je parle en connaissance de cause et avec le recul d’une certaine expérience, étant maire de Saint-Nolff, dans le Morbihan, depuis 1995 : s’il est essentiel, en l’état actuel, de maintenir les communes, des grandes aux plus petites, c’est non pas pour qu’elles fassent semblant de s’occuper de tous les sujets, mais bien pour préserver un échelon de proximité avec les citoyennes et les citoyens et pour permettre à ceux-ci de tisser un lien avec leurs élus locaux directs.

Ne faisons pas semblant ! La grande majorité des communes ne pourraient pas répondre à l’ensemble des exigences qu’impose la clause de compétence générale. Vous connaissez comme moi la situation financière de beaucoup d’entre elles. Les plus petites peuvent à peine assurer le cœur de leur domaine d’intervention !

La commune, en l’état actuel de notre organisation territoriale, devra rester l’échelon privilégié de la démocratie locale. L’organisation du débat public, la concertation et la « co-construction » des politiques publiques avec les citoyennes et les citoyens ne peuvent être organisés que dans la proximité. La commune doit rester l’échelon privilégié de la démocratie citoyenne, garante des services publics de grande proximité.

Pour dire notre attachement à la commune, laissez-moi vous citer Tocqueville : « C’est […] dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. » Ces mots peuvent encore être médités aujourd’hui.

Nous ne pouvons pas nous voiler la face. Pour des raisons d’efficacité, de coût et de cohérence, les problèmes de transport, d’infrastructures, d’assainissement ou encore de gestion des déchets ne peuvent être gérés au niveau des communes. Elles n’en ont ni les moyens ni, souvent, les compétences, en termes de services municipaux.

Nous sommes favorables à une organisation territoriale centrée sur deux échelons d’avenir principaux : les intercommunalités et les régions. Ce sont les seuls échelons actuellement capables de recouper des territoires cohérents tout en disposant de ressources financières suffisantes pour relever les défis auxquels nos territoires font face.

La réforme territoriale à venir n’aboutira à rien de bon si chacun cherche à préserver ses intérêts particuliers à chaque échelon de notre mille-feuille territorial.

Nos régions ont montré, à travers le pluralisme de leur composition, qu’elles étaient capables de gérer des enjeux complexes sur des territoires vastes en étant clairement identifiées dans leurs domaines de compétence.

Il faudra également réfléchir à l’approfondissement de leur pouvoir d’adaptation réglementaire. Sur ce point, je souhaite que l’analyse écologiste nourrisse les débats, notamment à travers le concept de fédéralisme différencié qui nous est cher. Il contient en perspective l’idée d’une Europe politique, sociale, économique et écologique, c'est-à-dire d’une Europe qui ne se limite pas à une Europe de marché !

Le Parlement a fini par adopter un texte garantissant la désignation directe par les citoyens des élus siégeant au sein des intercommunalités. Ce texte ne correspond pas aux attentes des écologistes sur certains aspects, notamment le pluralisme et la représentation du territoire, mais il s’agit d’un vrai premier pas. Nous devons aller plus loin, afin de faire émerger des projets de territoire correspondant aux spécificités des différents bassins de vie et d’activité.

Nous restons, en revanche, sceptiques sur le maintien des départements. Il serait sans doute plus efficace de transférer leurs compétences vers les deux échelons précédemment cités. Le rapport de force nous est défavorable sur ce point, j’en conviens, mais gageons que le bon sens et l’intérêt général guideront nos décisions pour un avenir de nos territoires équilibré et écologique.

S’il partage donc beaucoup des termes de cette résolution, le groupe écologiste ne prendra pas part au vote, car ce texte ne nous semble pas dénué d’arrière-pensées conservatrices qui, elles, ne nous conviennent pas ! (Exclamations sur les travées de l'UMP. ― Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Bruno Sido. Procès d’intention !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, me voici devant vous, ministre heureux,…

M. Stéphane Mazars. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … plein d’espérances (Sourires ironiques sur les travées de l'UMP.) et satisfait : satisfait d’avoir entendu la fantastique aventure de la décentralisation telle que vous l’avez contée, monsieur Raffarin, et heureux d’avoir entendu réaffirmer les grands principes fondateurs qui régissent les collectivités territoriales de notre République, principes consacrés par la Constitution.

Le principe essentiel, celui de la libre administration des collectivités locales par des conseillers élus, a été mis en œuvre dès la première loi de décentralisation : le 2 mars 1982 est ainsi une date importante, un vrai moment de rupture, voire de révolution par rapport au système antérieur.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Voilà qu’était supprimée la tutelle administrative et financière a priori exercée par le préfet et que l’exécutif était transféré du département ou de la région à l’élu local !

Les collectivités locales bénéficient depuis lors d’une personnalité juridique propre, distincte de celle de l’État. Elles ont des droits et des obligations, elles gèrent librement les affaires qui relèvent de leur compétence, elles possèdent un patrimoine, elles disposent d’agents dotés du statut spécifique de la fonction publique territoriale, elles gèrent de façon autonome un budget.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003, dont vous avez souligné l’importance, est venue, en effet, conforter ces avancées et a doté les collectivités d’un pouvoir réglementaire supplémentaire pour l’exercice de leurs compétences.

Elle a également offert aux collectivités territoriales la possibilité, sous certaines conditions, de déroger à titre expérimental aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. Ce point a, comme on ne l’a peut-être pas suffisamment souligné ce soir, une incidence importante dans notre vie de tous les jours.

Je suis donc un ministre satisfait de partager avec vous les principes déclinés dans cette proposition de résolution, principes qui découlent tous ce celui de la libre administration des collectivités.

Le principe d’autonomie financière, affirmé à l’article 72-2 de la Constitution, impose que les collectivités disposent de ressources suffisantes pour que le poids de leurs dépenses obligatoires puisse être calculé à leur aune.

Je vous ai entendu les uns et les autres rappeler les problèmes financiers que nous avons connus par le passé. Ces problèmes, qui ont été recensés, nous voulons aujourd'hui les corriger dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité auquel nous travaillons ensemble avec le comité des finances locales et dans le cadre de groupes de travail idoines.

L’article 72-2 énonce ensuite le principe de compensation des transferts de compétence. Je ne veux pas oublier le rôle primordial de la commission consultative d’évaluation des charges, qui doit être la garante de cette compensation.

Enfin, nous sommes tous attachés au principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

Je ne soulignerai pas assez combien le principe de libre administration est fondamental. Il est la colonne vertébrale, le véritable principe fondateur des collectivités locales, acteurs majeurs aux côtés de l’État, qui a placé en elles sa confiance pour servir l’intérêt du citoyen.

Dans votre proposition de résolution, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez choisi de consacrer tout particulièrement la commune, cellule de base, à l’image des alvéoles indépendantes mais qui ensemble forment la ruche d’abeilles toutes solidaires. Je voudrais utiliser la belle devise de Marguerite d’Autriche, veuve de Philibert le beau : « Fors une, infortune » : s’il en manque une, c’est l’infortune !

Qui réfuterait que la commune, lieu d’attache des citoyens, place irremplaçable des élus, joue un rôle clé qui implique que soit confirmée, comme l’a fait le Président de la République, la clause de compétence générale ?

Personne par ailleurs ne conteste aujourd'hui l’intercommunalité, qui s’est mise progressivement en place. Je ne remonterai pas aux syndicats de communes, qui ont plus de cent ans, ni à la loi de 1999, loi fondamentale qui a imposé l’intercommunalité.

La loi du 16 décembre 2010, qui a repris la précédente, a conduit à ce que notre territoire soit organisé de façon telle que seules cinquante-neuf communes restaient isolées à la fin de l’année 2012, si l’on exclut les communes appartenant à la petite couronne parisienne,…

M. Philippe Dallier. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … et celles qui sont situées dans les îles maritimes mono-communales. Cela signifie que l’ensemble du territoire est aujourd'hui organisé en intercommunalités.

L’intercommunalité est bien le lieu où l’on tient compte de la réalité des territoires et où se rapprochent les communes sur la base de projets partagés dans le cadre d’une véritable communauté de destins et de desseins. D’ailleurs, si l’on ne parvient pas à mettre en place un partage de projets, à réaliser une communauté de destins, on n’atteint pas, me semble-t-il, l’objectif de l’intercommunalité.

L’intercommunalité se veut un véritable lieu de proximité avec les citoyens, qui leur apporte un meilleur service, tout en participant à la maîtrise des dépenses.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux que me rendre aux raisons qui ont motivé votre proposition de résolution, stricte observance de la Constitution, qui prépare la réflexion que nous engagerons ensemble dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, à savoir l’acte III de la décentralisation, souvent évoqué.

Le texte que nous proposerons s’appuiera sur trois principes fondateurs auxquels nous sommes tous, je le sais, attachés : l’unité de la République, la diversité des territoires et, enfin, la subsidiarité. Ces principes devront guider notre action, car le texte devra répondre à des objectifs de simplicité, d’efficacité et de maîtrise des dépenses.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est à ce rendez-vous que je vous convie dans les prochains jours, afin que nous élaborions ensemble un texte rédigé dans le strict respect de la Constitution qui satisfera les attentes de nos concitoyens. (Applaudissements.)

M. Jean-Claude Lenoir. Espérons-le !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 1er de la Constitution,

Vu l’article 24 de la Constitution,

Vu l’article 72 de la Constitution,

Vu l’article 72-2 de la Constitution,

Déclare son attachement à l’organisation décentralisée de la République française ;

Rappelle que le principe de libre administration des collectivités territoriales, principe de rang constitutionnel, s’impose au législateur et à toutes les autorités administratives ;

Rappelle que l’autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle de bénéficier de ressources propres ;

Affirme la nécessité d’une compensation intégrale des transferts de compétences de l’État vers les collectivités ;

Rappelle qu’aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ;

Réaffirme la place fondamentale de la commune comme pivot de l’organisation et du dialogue territorial, située au plus près des besoins des populations et premier échelon de la vie démocratique ;

Souligne que les communes sont dotées d’une clause générale de compétence, sur laquelle il ne saurait être question de revenir ;

Réaffirme que l’intercommunalité est un outil de coopération et de développement au service des communes, dans le respect du principe de subsidiarité ;

Rappelle la nécessité de développer une politique volontaire en faveur de la ruralité et d’assurer une répartition équitable des moyens entre tous les territoires de la République.