M. David Assouline. Au grand maximum 300 000 !

M. Dominique de Legge. C’est sans doute ce dont vous avez peur… Eh bien, donnez la parole aux Français et nous saurons à quoi nous en tenir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le 10 janvier dernier, soit quelques jours avant la première manifestation d'ampleur à Paris contre le projet de mariage pour les couples de même sexe et, par là même, contre les bouleversements induits pour l'adoption et la filiation, j'ai signé l'appel à un référendum pour que chaque Français puisse peser toutes les conséquences de cette réforme et se prononcer en conscience.

Cet appel n’a pas été entendu par notre exécutif puisqu'il a maintenu l'inscription du projet de loi, en première lecture, à l’Assemblée nationale.

Je rappelle que parallèlement, le 13 novembre dernier, nos collègues députés avaient demandé, en vain, la création d'une commission spéciale et l'organisation d'un débat national.

La majorité avait pourtant là l’occasion de donner un signe d'apaisement aux Français, qui y auraient été sensibles, et les débats n’en auraient été que plus sains.

Mais non, votre majorité, madame la garde des sceaux, s'est enferrée dans la voie du refus d’un nécessaire débat national au motif qu'il s'agissait d'une promesse de campagne électorale.

Or, il est évident que M. Hollande n'a pas été élu avec l'accord des Français sur la totalité de son programme. Il commet donc l'erreur de considérer que tous les Français sont d'accord avec l'ouverture du mariage, et donc de l'adoption, aux couples homosexuels.

D'ailleurs, dans la litanie des renoncements successifs du Président de la République, cette promesse apparaît curieusement comme une des rares qui doivent être respectées coûte que coûte.

Pourquoi, si le Gouvernement est convaincu de l'adhésion d'une majorité de Français à ce projet de loi, n'organise-t-il pas un référendum ? Poser la question revient à y répondre…

Bien que la mobilisation de nos concitoyens ne fasse que s’amplifier et que deux manifestations d’ampleur croissante aient été organisées pour demander un référendum, le texte a été discuté et adopté par les députés.

Ceux qui, parmi les députés de l'opposition, ont demandé la tenue d'un référendum n’ont pas été davantage écoutés que lors de leur demande de constitution d’une commission spéciale.

Un tel débat de société mérite une autre approche. Comme vous l'avez vous-même dit, madame la garde des sceaux, cette « réforme de civilisation » effacera la filiation biologique par une filiation irréelle issue de deux hommes ou de deux femmes. Elle changera le mode de renouvellement des générations.

Un changement de société qui relève à ce point de l'intime ne saurait ni faire l’objet de consignes de vote, comme cela a malheureusement été le cas à l'Assemblée nationale, ni résulter du seul rapport de force entre majorité et opposition.

En effet, il règne actuellement une confusion entre le désir d'enfant et le droit à l'enfant. Si un tel droit était accordé, il faudrait poser la question de savoir si les lois sont des self-services destinés à satisfaire les désirs de tous et, si tel n’est pas le cas, se demander où est la limite.

Ce projet de loi divise profondément la nation alors qu’elle a au contraire besoin d'être soudée, à l’heure où nous devrions plutôt nous retrousser les manches et nous battre ensemble contre le chômage et les déficits publics.

Cette réforme est-elle donc si urgente qu'elle ne puisse être reportée ?

Alors, madame la garde des sceaux, donnons ensemble à nos concitoyens, avec le référendum, le droit au débat et au vote. En tant que législateur, sachons, mes chers collègues, nous effacer et rendre la décision au peuple souverain. N'oublions pas que c’est ce peuple que nous avons promis de servir, ce peuple dont nous avons promis de porter la voix.

Plus largement, engageons une réflexion anthropologique et éthique, approfondie et commune, sur le statut des enfants et sur leurs droits à une société humaine, respectueuse de la nature, des hommes et des générations futures.

Nous sommes en démocratie, madame la garde des sceaux. Or les Français voient bien que l’on attente à leur droit au dialogue et à l'écoute. Je ne peux m'empêcher, comme mon collègue Jean-Noël Cardoux, de citer notre Président de la République déclarant en 2006, lors des manifestations contre le contrat premier embauche : « Quand il y a des milliers et des milliers de citoyens, jeunes ou moins jeunes, quand toutes les organisations syndicales représentées sans exception, quand de nombreuses associations d'étudiants et de parents d'élèves, sont aussi mobilisés, à quoi sert d'attendre la prochaine manifestation ? »

« Il suffirait, poursuivait-il, d'un mot, un seul, que le pouvoir hésite à prononcer : l'abrogation. […] Quand on a fait une erreur, il faut savoir l'effacer. »

Je vous en prie, madame la garde des sceaux, prenez le temps de la consultation et demandez au peuple ce qu'il attend véritablement.

Voilà pourquoi je soutiens la motion référendaire, que je vous invite, mes chers collègues, à voter à une large majorité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il n’est pas dans mon tempérament d’aller manifester. Pourtant, j’étais au Champs-de-Mars et avenue de la Grande-Armée.

Je me suis trouvée au milieu de familles,…

M. David Assouline. En mettant les enfants devant !

Mme Isabelle Debré. … de jeunes et de moins jeunes qui étaient un peu désemparés, un peu perdus, se demandant s’ils allaient être entendus.

Vous le savez tous ici, le sujet dépasse les clivages gauche-droite. Il y avait, dans la manifestation, des gens tant de gauche que de droite. J’ai entendu des manifestants dire qu’ils n’avaient pas élu François Hollande pour ça.

Vous prétendez qu’un référendum a eu lieu en mai. Il est vrai que le mariage pour tous constituait la proposition n° 31 de François Hollande, mais tous ceux qui l’ont élu ont-ils voté pour toutes ses propositions ? Si c’était le cas, la TVA sociale ne devrait pas pouvoir être instaurée. Or, a priori, elle va l’être !

M. David Assouline. Ils ont voté contre celle de Sarkozy !

Mme Isabelle Debré. Aujourd'hui la France va mal, le peuple français souffre de la crise.

Mme Éliane Assassi. À cause de qui ?

Mme Isabelle Debré. Les Français doutent, et ils doutent notamment de la représentation politique. Un référendum serait peut-être, justement, le meilleur moyen de les réconcilier avec la classe politique. Il faut leur donner la parole !

Vous dites, madame la garde des sceaux, qu’il s’agit d’égalité ; je vous réponds que l’égalité est réelle dans notre pays, mais c’est une égalité en droit, pas devant la nature !

M. David Assouline. Et les handicapés ?

Mme Isabelle Debré. Aujourd'hui, un couple homosexuel ne pourra pas donner la vie.

Mmes Éliane Assassi et Cécile Cukierman. Eh oui ! C’est le cas aujourd'hui !

Mme Isabelle Debré. Prenons l’exemple de deux couples hétérosexuels. L’un pourra procréer tandis que l’autre, pour des raisons tenant à la nature ou que la médecine peut expliquer, ne pourra malheureusement pas donner la vie. Peut-on parler d’égalité ?

Je le répète, nous ne pouvons pas être égaux face à la nature. Nous sommes égaux en droit. Lorsque vous parlez d’égalité, vous devriez donc vous en tenir à l’égalité en droit. En aucun cas, le mariage homosexuel ne donnera une égalité totale ! C’est impossible : jamais deux hommes ou deux femmes ne pourront donner naissance à un enfant ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Nous discutons de la motion référendaire ; nous dirons après pourquoi nous ne sommes pas favorables à ce texte et, à titre personnel, je m’expliquerai sur les droits de l’enfant, puisque, comme vous les savez dans cet hémicycle, je travaille au sein d’une association qui lutte contre la maltraitance des enfants depuis longtemps. Je réaffirmerai que l’éducation dans un couple homosexuel est possible et peut même être une très belle éducation. Là n’est pas le problème.

M. David Assouline. Tout le monde ne l’a pas dit aussi clairement dans votre camp !

Mme Isabelle Debré. À titre personnel, je crois que le modèle majoritaire doit, dans un système démocratique, trouver un gouvernement qui fasse écho à la volonté qui s’exprime par la voie du scrutin.

Je voudrais, à cet égard, citer Claude Lévi-Strauss : « On a mis dans la tête des gens que la société relevait de la pensée abstraite alors qu’elle est faite d’habitudes, d’usages, et qu’en broyant ceci sous les meules de la raison, on pulvérise des genres de vie fondés sur une longue tradition, on réduit les individus à l’état d’atomes interchangeables et anonymes. La liberté véritable ne peut avoir qu’un contenu concret. »

Mes chers collègues, la République se grandit toujours dans les moments où elle cherche à dégager une position commune. C’est pourquoi nous devons rendre la parole aux Français. Je voterai donc la motion qu’a présentée notre collègue Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bécot.

M. Michel Bécot. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, M. Gélard nous a apporté, hier après-midi, un précieux et nouvel éclairage…

M. David Assouline. Je n’ai rien compris !

M. Michel Bécot. … sur le texte que Mme la garde des sceaux nous a présenté.

Ce matin, M. Retailleau nous a donné une remarquable explication sur sa proposition de motion référendaire.

Vous savez, madame la garde des sceaux, que ce projet de loi ouvrant le droit au mariage et à l’adoption pour des couples de même sexe est de nature à déstabiliser profondément la société française. Le mariage se trouve, en effet, au fondement de notre pacte social. C’est un acte juridique visant à établir un cadre institutionnel pour un couple constitué d’un homme et d’une femme qui décident de fonder une famille, première cellule de notre société.

Ce n’est pas une ruse, madame la garde des sceaux. Ce contrat, qui accorde des droits, impose des devoirs. Il assure une protection juridique aux plus fragiles des membres d’une famille, au premier rang desquels les enfants. Mariage et filiation sont intimement liés.

C’est pourquoi nous ne pouvons vous laisser agir comme si ce projet de loi ne visait qu’à répondre à une demande d’égalité entre les citoyens adultes. Ce double basculement ne peut se faire sans l’accord des Français : ils ne comprendraient pas qu’on puisse les exclure d’un processus de décision qui concerne aussi leur vie personnelle, leur vie intime, l’avenir de leurs enfants et leur vision de la famille.

C’est le sens des manifestations successives organisées ces derniers mois, manifestations d’une ampleur historiques qui ont rassemblé des millions de participants exprimant ainsi leurs inquiétudes face à cette révolution de notre droit de la famille.

C’est pourquoi nous demandons au Président de la République, qui se veut soucieux de rétablir le dialogue social et de recueillir l’adhésion d’une majorité de Français à ses réformes, de faire le choix de l’apaisement et du dialogue en organisant un référendum législatif dans les conditions que prévoit notre Constitution.

Toute autre décision serait un déni de démocratie, une manière de diviser les Français dans une période qui exige, au contraire, le rassemblement le plus large autour de nos valeurs républicaines.

Madame la garde des sceaux, les Français sont inquiets. Ils ont peur pour leurs enfants. Je crois très sincèrement que nous devons faire confiance au peuple français et, mes chers collègues, que nous devons, ce soir, voter ensemble la motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, par le dépôt de cette motion référendaire, nous faisons appel en dernier ressort à l'arbitrage du peuple par la voie du référendum.

Nous en appelons à cet arbitrage pour une raison simple : lorsqu'on s'attaque à l'essence même de l'institution du mariage et aux structures de la famille, on demande son avis au peuple. Voilà pourquoi il faut le consulter.

De plus, il convient de souligner que cet appel à la souveraineté populaire est parfaitement légitime.

Certains assurent, avec ce qu’ils croient être de l’habileté, que les Français se sont déjà prononcés sur le mariage pour tous en votant pour François Hollande. De fait, avec cette théorie, nulle pédagogie, nul travail de persuasion, nulle confrontation des idées n’est nécessaire puisque le peuple a déjà tranché !

Il est étrange cependant que ceux qui étaient dans l’opposition il y a moins d'un an n'aient pas mis en pratique cette conception de la vie démocratique. Ils auraient pu le faire lorsque la précédente majorité appliquait son programme sur les heures supplémentaires et les retraites : sachant que tout cela figurait dans notre programme, comment ont-ils pu oser défier la souveraineté populaire qui s'était exprimée en 2007 ?

Non, mes chers collègues, vous voyez bien que cette conception du débat publique n'est pas viable.

Heureusement que nous ne l'avons pas mise en pratique pour les différentes mesures qu’il nous a été donné de prendre au cours de la précédente législature ! À cet égard, je tiens à rappeler les efforts de pédagogie réalisés à l’occasion des lois « Grenelle de l'environnement », de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », s’agissant notamment des heures supplémentaires, de la réforme des retraites de 2010 et de bien d'autres lois encore.

Certes, la pédagogie n'implique pas de déboucher sur un large consensus, mais elle implique de laisser s'exprimer des opinions divergentes et de ne pas user d'arguments d'autorité et d'anathèmes pour étouffer toute contestation.

Or, dans le débat que nous avons depuis plusieurs mois, nous avons passé et nous passons encore notre temps à défendre notre droit à l’expression d’opinions contradictoires.

Pendant de long mois, contester le bien-fondé du mariage pour tous relevait d’une nouvelle forme de fascisme,…

M. Roland Courteau. C’est nouveau !

Mme Catherine Troendle. … d’une homophobie latente ou de tous ces qualificatifs qu’on emploie lorsqu’on veut être certain de ne pas avoir à débattre. De fait, le débat a été pollué par cette question simple : a-t-on le droit de débattre de l’opportunité du mariage pour tous ?

Pendant des mois, nous avons donc perdu de très longues heures dans des conférences, des débats, des émissions médiatiques, dans les salons, sur les marchés, dans les bistros à débattre du débat !

En conséquence, le choix de société qui nous est proposé ici n’a pas suivi le parcours habituel de ces politiques publiques qui, ordinairement, font l’objet d’un processus de maturation qui doit conduire à un débat relativement apaisé.

Alors, mes chers collègues, ne vous demandez pas pourquoi, y compris devant le Parlement, le débat demeure toujours aussi pesant ! Cette pesanteur n’a de fait qu’une seule cause : l’incapacité des Français et des corps intermédiaires qui ne sont pas favorables au projet de loi à s’exprimer.

En effet, le débat a été confisqué par la coalition de quelques lobbies radicaux se revendiquant de communautés qui ne les ont jamais mandatés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Peu importe de savoir quelles communautés devaient représenter ces lobbies puisque, de fait, il n’y a rien qui puisse nous prouver que ces organisations ou associations de quelques centaines de membres soient bel et bien les représentantes de communautés de plusieurs millions de membres. Par conséquent, il n’y a rien qui puisse justifier l’écoute dont ces lobbies ont pu bénéficier auprès du Gouvernement.

À l’inverse, à la faveur d’un rééquilibrage de la censure médiatique, d’un rééquilibrage dans l’accès aux médias, immédiatement, des voix discordantes ont pu s’élever contre ce « hold-up intellectuel ». En quelques semaines, l’opinion a commencé à s’emparer du sujet, faisant abstraction de la vindicte de quelques leaders d’opinions, appliquant implacablement la devise selon laquelle il ne faut pas laisser de « liberté aux ennemis de la liberté ».

Pour tout cela, puisque le débat a été confisqué depuis trop longtemps, puisque les opinions contradictoires ont été cachées, avant d’être stigmatisées,…

Mme Catherine Troendle. … il faut donner la possibilité au peuple de s’exprimer à travers une consultation nationale.

Ce référendum sera ainsi l’occasion pour tous les Français de donner leur plus profond sentiment sur cette question de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.

Laissez donc les Français construire leur propre opinion, laissez-les choisir ce qui est bon pour eux ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy. (Enfin ! sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bonnefoy. Mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, je tiens à rappeler une nouvelle fois les raisons qui nous poussent à rejeter cette motion référendaire.

La raison principale est, bien évidemment, d’ordre constitutionnel.

Cela a été rappelé à maintes reprises, ici-même ce matin, mais aussi à l’Assemblée nationale au mois de janvier dernier : l’article 11 de la Constitution ne permet pas de demander un référendum sur une question de société. (Si ! sur plusieurs sénateurs du groupe UMP.)

Vous le savez d’ailleurs très bien, car vous en êtes en partie responsables ! Si vous l’aviez voulu, il fallait l’intégrer dans la révision constitutionnelle de 2008, cela vous a déjà été dit.

M. Jean-Claude Lenoir. « Social » est synonyme de « sociétal » !

Mme Nicole Bonnefoy. Souvenez-vous des propositions qui avaient été faites en ce sens à l’Assemblée nationale et que la garde des sceaux de l’époque, pourtant de votre bord politique, avait rejetées.

Mme Nicole Bonnefoy. Vous ne pouvez donc pas feindre la surprise aujourd’hui quand nous vous expliquons que votre demande n’est pas recevable.

Vous êtes bien ici dans une posture purement politique et démagogique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Troendle. Pas du tout !

Mme Nicole Bonnefoy. Car, comme je le disais lors de mon intervention en discussion générale, comme le rappelait Alain Anziani ce matin, le référendum que vous appelez de vos vœux a déjà eu lieu, ne vous en déplaise. Le 6 mai dernier, ce sont 18 millions de Français qui se sont déplacés vers les urnes (Mêmes mouvements.) pour donner à François Hollande toute la légitimité d’appliquer son programme, programme dans lequel le mariage pour les couples de même sexe a toujours été inscrit.

En demandant aujourd’hui l’organisation d’un référendum, vous respectez bien peu la voix de ces Français.

Par ailleurs, vous ne cessez de répéter que le Gouvernement prive ici la société d’un débat fondamental. Mais que vous faut-il de plus ?

Je vous rappelle encore que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe était inscrite dans le programme de François Hollande dès le mois de janvier 2011 ; le projet de loi a été présenté au conseil des ministres le 7 novembre dernier, puis les rapporteurs sur ce texte, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ont organisé respectivement des dizaines d’auditions pendant plusieurs semaines, en recevant l’ensemble des représentants de la société civile dans leur diversité.

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !

Mme Nicole Bonnefoy. De surcroît, il ne vous aura pas échappé que, depuis plusieurs mois, les médias se sont emparés de ce sujet et qu’il ne se passe pas un jour sans que nous en débattions.

Le débat a donc bien eu lieu, et il a lieu encore aujourd’hui dans cet hémicycle. Certes, nous ne sommes pas d’accord, mais ce n’est pas pour autant que nous sommes devant un quelconque déni de démocratie.

Le Parlement doit jouer son rôle, mes chers collègues ! Ne l’opposez pas au peuple !

Pour conclure, je dirai que nos débats nous confirment une chose évidente : il y a bien un fossé idéologique entre nous, entre les progressistes, qui souhaitent donner toujours plus d’égalité et de droits aux citoyens (Protestations sur les travées de l'UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.), et les conservateurs, qui considèrent, comme nous l’avons entendu ce matin, que le mariage fait partie de notre patrimoine et, à ce titre, serait une institution intangible.

Ce n’est pas notre vision de la société. La famille n’est pas une institution figée. Il ne peut y avoir de loi « immuable » qui la régisse. Le projet de loi qui nous est proposé aujourd’hui vise justement à accompagner des évolutions sociales et sociétales.

Il s’agit de reconnaître des droits essentiels à des milliers de Français, mes chers collègues, qui existent, qui nous écoutent, ne l’oubliez jamais, et qui se voient privés de ces droits du fait de leur orientation sexuelle.

Ce texte d’égalité et de progrès social a toute sa légitimité depuis le 6 mai dernier. C’est pour toutes ces raisons que le groupe socialiste votera contre cette motion ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion de renvoi au référendum.

Je rappelle que, en application de l’article 68 du règlement, l’adoption par le Sénat d’une motion de référendum suspend, si elle est commencée, la discussion du projet de loi.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n°126 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 164
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

En conséquence, la motion de renvoi au référendum est rejetée et le Sénat va poursuivre la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je remercie très chaleureusement les sénatrices et sénateurs qui ont permis que le débat sur ce texte extrêmement important se poursuive, ainsi que tous ceux qui ont exprimé avec franchise et conviction leur position.

Il serait facile pour nous tous de considérer que s’en remettre au peuple est l’alpha et l’oméga de la politique. Mme Cayeux a eu l’amabilité de nous dire que ni le Président de la République ni moi-même ne sortirions affaiblis de cette consultation, sauf que nous ne jouons pas ici notre réputation.

Nous sommes respectueux de la loi fondamentale. Elle pose les conditions dans lesquelles une consultation peut se faire ; elle dit la nécessité de la prise de responsabilité de l’exécutif. Nous prenons cette responsabilité, avec tous les désagréments que cela peut supposer. Nous remercions donc ceux qui ont permis au débat de se poursuivre sur ce texte important. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

(M. Didier Guillaume remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)