M. le président. L'amendement n° 211 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

conjoint

insérer les mots :

de sexe différent

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Mes collègues et moi-même proposons de préciser que le droit de la filiation interdit une double filiation maternelle ou paternelle.

M. le président. L'amendement n° 120 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, Savary, B. Fournier, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Le dernier alinéa de l’article 345 du code civil est ainsi rédigé :

« S'il a plus de treize ans, l'adopté doit consentir personnellement à son adoption plénière, après avoir bénéficié d’un entretien avec un psychologue. Le consentement ne peut être recueilli selon les formes prévues au premier alinéa de l'article 348-3 moins de quinze jours après cet entretien. Le consentement peut être rétracté à tout moment jusqu'au prononcé de l'adoption. »

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 121 rectifié bis.

Je tiens à rendre justice à M. le rapporteur, car, comme l’a dit très justement Philippe Bas, il a tenté de contenir un certain nombre de dommages que le projet de loi, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, causait en matière d’adoption et même de pluriadoption. Nous sommes assez peu d’accord avec lui sur nombre de questions, mais, quand la vérité l’exige, nous rendons à César ce qui lui appartient !

Mesdames les ministres, je ne vois pas pour quelle raison vous pourriez être défavorables à l’amendement n° 120 rectifié bis. Il vise à permettre aux enfants de plus de treize ans, dans une période difficile, l’adolescence, où ils ont parfois du mal à formuler une volonté, de recevoir l’aide d’un psychologue avant de consentir à leur adoption. Nous pensons que, ainsi éclairés, ils pourront donner un consentement venant du cœur, qui soit véritablement réfléchi.

Je pense qu’on ne peut pas s’opposer à cette proposition. Mesdames les ministres, vous le pouvez d’autant moins que, pour vous qui voulez créer une filiation sociale, la volonté est extrêmement importante. Faire en sorte que celle des enfants de plus de treize ans soit éclairée est donc un objectif qui ne peut que vous agréer.

Quant à l’amendement n° 121 rectifié bis, il tend à proscrire les pratiques qui pourraient nous entraîner vers la PMA et vers la GPA ; il va de soi que, à cet égard, je ne suis pas du tout d’accord avec Mme Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Il n’est pas question de GPA dans le projet de loi !

M. Bruno Retailleau. J’ai bien compris, madame Benbassa, que vous souhaitiez régulariser la GPA pratiquée à l’étranger. Ce faisant, vous affaibliriez la cohérence de notre droit !

Mme Esther Benbassa. C’est faux ! Nous ne demandons par la GPA !

M. Bruno Retailleau. Du reste, même si je ne les partage pas, je respecte vos convictions, qui sont fermes et que vous assumez ; les convictions que j’estime le moins sont les convictions tièdes.

Ce projet de loi ouvre le droit à l’adoption. Néanmoins, pour que celle-ci se concrétise, il n’y a pas une infinité de solutions. L’adoption internationale n’en est pas une, puisque les enfants adoptables sont de moins en moins nombreux, pour de multiples raisons, parmi lesquelles la convention de La Haye, qui stipule qu’il faut d’abord épuiser toutes les solutions pour l’adoption dans le pays d’origine, et l’amélioration de la condition des femmes. Cette source devant être extrêmement faible, la voie de l’adoption sera celle du conjoint, soit qu’il y ait eu antérieurement un enfant, soit qu’on « fabrique », en quelque sorte, un enfant ad hoc.

C’est ici qu’un problème se pose, dans la mesure où le projet de loi peut conduire au contournement de certaines dispositions d’ordre public pour ouvrir la voie à la GPA et à la PMA de convenance, dont Alain Milon a eu raison de rappeler qu’elle pouvait aussi concerner des couples hétérosexuels. Je pense, notamment, à l’article 16 du code civil, qui prévoit l’indisponibilité du corps humain, et aux articles L. 2141-1 et L. 2141-2 du code de la santé publique. Pour notre part, nous affirmons de façon très claire que, pas plus pour aujourd’hui que pour demain, nous n’acceptons ces évolutions !

Chers collègues de la majorité, vous ne cessez de soutenir que la PMA et la GPA ne sont pas l’horizon à l’arrière-plan de ce projet de loi. En adoptant les amendements nos 120 rectifié bis et 121 rectifié bis, vous lèveriez toute ambiguïté et vous régleriez définitivement cette question ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 121 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau, Savary et Mayet.

L'amendement n° 164 rectifié est présenté par MM. Bécot, César, Cornu, Bordier, Houel, P. Leroy et Pointereau.

L'amendement n° 166 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.

L'amendement n° 202 est présenté par MM. Revet et Darniche.

L'amendement n° 251 est présenté par M. Gournac.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – L’article 345-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, l’adoption n’est pas permise lorsque l’enfant a été conçu dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou d’une technique de procréation médicale assistée interdite par la législation française. »

L’amendement n° 121 rectifié bis a été défendu.

La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 164 rectifié.

M. Michel Bécot. Il s’agit en réalité d’un amendement d’appel. Cette proposition soulève d'ailleurs un problème, sans nécessairement lui apporter de solution, du moins dans l’immédiat.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la PMA est autorisée en droit français, pour les couples de personnes de sexe différent, mais seulement pour raisons médicales. Quant à la GPA, notre législation l’interdit. Certains n’hésitent pas à contourner la loi en ayant recours à l’étranger à une PMA de convenance, selon la formule d’Alain Milon, ou à une GPA.

Ce contournement de la loi française peut être le fait de couples de personnes de sexe différent qui, ne remplissant pas les critères prévus par notre droit, se rendent à l’étranger pour bénéficier d’une PMA de convenance. Il est également le fait de couples de personnes de même sexe, qui ont recours à une PMA de convenance hors de France, par exemple en Belgique ou en Espagne.

Ceux qui recourent à ces méthodes de procréation interdites en France le font en connaissance de cause et sont informés des conséquences juridiques de leur démarche. Ils mettent le législateur devant un fait accompli en lui demandant d’y remédier. Est-ce bien notre rôle ? Faire appel à des méthodes de procréation interdites en France constitue un détournement de notre loi ; cette attitude est inadmissible, car les enfants ainsi conçus sont délibérément privés d’une filiation paternelle ou maternelle, afin d’être adoptés par le compagnon ou la compagne de la mère ou du père biologique.

En autorisant l’adoption par le compagnon ou la compagne du parent biologique d’un enfant issu d’une PMA ou d’une GPA pratiquée à l’étranger, nous ouvririons la porte à la légalisation de la PMA de convenance et de la GPA.

En effet, dans la mesure où, selon leurs moyens financiers, certains couples pourront se rendre à l’étranger et d’autres pas, il est inévitable qu’on nous demande dans peu de temps, au nom du principe d’égalité, d’autoriser la PMA de convenance et – pourquoi pas ? – la GPA en droit français.

Ainsi, l’adoption aura été un moyen de donner aux couples de personnes de même sexe la possibilité d’accéder à la PMA de convenance et à la GPA. Une fois ces méthodes procréatives autorisées, l’adoption n’aura plus d’objet : il n’y aura plus aucune raison d’attendre un agrément pendant des années, alors que, avec la PMA de convenance ou la GPA, on aura accès à l’enfant de son choix.

Assouplissons les conditions d’application, mais ne bouleversons pas tout le droit de la famille pour répondre au désir de quelques-uns ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour présenter l’amendement n° 166 rectifié.

M. Jean-Pierre Leleux. L’amendement que j’ai l’honneur de présenter, après que MM. Bruno Retailleau et Michel Bécot ont présenté les leurs, est un amendement de mesure. Non pas au sens d’un amendement d’équilibre, mais au sens où son adoption permettra, mesdames les ministres, de mesurer votre sincérité.

Vous avez souligné que la PMA ne faisait pas du tout partie du périmètre de ce projet de loi, et la GPA encore moins. Nous voulons bien vous croire, de même que nous voulons bien croire le Premier ministre et le Président de la République, lequel a assuré que, tant qu’il serait en fonction, la GPA ne serait pas autorisée dans notre pays.

Le Président de la République ayant affirmé que la GPA ne sera jamais en vigueur en France, vous devez évidemment, madame la garde des sceaux, accompagner cette volonté présidentielle, qui honore M. Hollande, en bloquant le périmètre de la « glissade ». Or vous avez l’occasion, avec cet amendement que j’ai qualifié de « mesure », de prouver votre sincérité, en interdisant l’adoption dans le cadre d’une GPA.

Dans l’attente de votre réponse, je puis vous dire que nous serions très heureux si vous émettiez un avis favorable sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 202.

M. Charles Revet. Cet amendement, que j’ai déposé avec mon collègue Philippe Darniche, tend à s’inscrire dans la même démarche que les précédents.

En raison des multiples interrogations soulevées par le texte, nous souhaitons introduire certaines sécurités, comme vient de le dire mon collègue Jean-Pierre Leleux, pour nous garantir contre des excès ou des effets qui pourraient se produire à la suite de l’adoption de ce texte.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui est identique à celui de nos collègues : cela témoigne de l’importance que nous accordons à cette question, qui suscite chez nous de vives inquiétudes.

M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter l’amendement n° 251.

M. Alain Gournac. Madame la garde des sceaux, je vous ai écoutée tout à l’heure avec une attention soutenue. J’ai été en partie convaincu par tout ce que vous avez dit : comme nous, vous avez le souci de l’intérêt de l’enfant, ce dont je ne doutais d’ailleurs pas.

Vous l’avez affirmé clairement, le texte est borné et se limite au mariage entre personnes du même sexe et à l’adoption. Pour moi, les choses sont donc claires. Votre position correspond d’ailleurs à celle du Président de la République, cela vient d’être rappelé. Certains de vos collègues n’ont pas dit la même chose, mais nous avons l’habitude d’une telle situation.

Pour soutenir votre positionnement, j’ai souhaité inscrire dans le texte, afin de prévenir tout risque éventuel, l’interdiction de l’adoption pour les enfants conçus par PMA ou GPA, disposition qui se révélera utile lors de l’examen du projet de loi à venir sur la famille.

Le fait d’inscrire noir sur blanc une telle mesure sécurise chacun d’entre nous et protège les enfants. (M. Jean-Patrick Courtois applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 231 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet et Couderc, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – L’article 345-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, l’adoption n’est pas permise lorsque l’enfant a été conçu dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou d’une technique de procréation médicale assistée ne respectant pas les conditions posées par la législation française. »

La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. J’ai déjà défendu cet amendement dans le cadre de mon intervention précédente.

Comme l’a souligné à l’instant mon collègue Alain Gournac, la réponse est simple, et nous l’attendons.

Dans la mesure où la loi interdit aujourd’hui la gestation pour autrui et circonscrit l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation aux seules couples dont l’infertilité est d’origine médicale, une entorse à ces principes aurait des conséquences en cascade contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant et à la dignité humaine : organisation par la loi de la conception d’enfants privés de père ou de mère, violation des lois fondamentales de la bioéthique, qui ne peuvent être modifiées sans recourir à un large débat préalable, et, surtout, en cas de GPA, atteinte à la dignité des femmes et au principe fondamental d’indisponibilité du corps humain.

Autoriser l’adoption d’enfants conçus à l’étranger dans le cadre de pratiques interdites en France reviendrait in fine à légitimer et légaliser ces pratiques. C’est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement soit adopté par le Sénat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 81 rectifié quinquies, on ne peut, sur le fond, qu’être d’accord avec M. Gélard. Je l’ai dit plusieurs fois, la législation actuelle de l’adoption plénière n’est pas adaptée aux réalités de l’adoption, notamment concernant la possibilité pour les enfants de connaître leurs origines. Une telle situation nécessite une réforme, tout le monde l’a dit ici.

Dans un tel cadre, M. Gélard choisit d’avoir recours au bazooka, et même à l’arme atomique : il propose ainsi de supprimer totalement l’ensemble de la législation sur l’adoption. Si son amendement était adopté, plus personne ne pourrait adopter, y compris les couples hétérosexuels, et les procédures en cours s’arrêteraient immédiatement.

On voit bien que M. Gélard veut, par ce biais, insister lourdement auprès du Gouvernement pour que celui-ci revoie rapidement la législation sur l’adoption, comme je le souhaite moi-même d'ailleurs. Toutefois, il sait très bien que cet amendement ne peut pas être adopté en l’état. La commission des lois y est donc défavorable.

Monsieur Milon, l’amendement n° 208 rectifié bis a un double objet. Vous souhaitez, dans la ligne de ce que vous avez déjà dit, interdire l’adoption pour les couples de même sexe, et cela en dépit de votre adhésion au texte. Or, vous le savez très bien, la CEDH n’aurait pas été d’accord avec un mariage qui n’implique pas l’adoption pour tous les couples.

En revanche, vous proposez également, ce qui est assez curieux, d’autoriser l’adoption par le « partenaire » du parent. Or ce terme n’existe pas en droit. Si le couple vit en concubinage, le partenaire du parent sera, aux yeux de la loi, un célibataire. Il pourra adopter ou pas, cela dépendra de l’agrément et du jugement d’adoption. S’il s’agit d’un pacsé – il aurait fallu le dire ! –, l’adoption est aujourd’hui interdite. Au demeurant, un amendement visant à autoriser l’adoption plénière par les couples pacsés a été déposé sur ce texte.

Par conséquent, bien que cet amendement vise deux sujets tout à fait distincts, la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 238 de Mme Esther Benbassa est tout à fait différent et contraire, dans un certain sens, aux amendements identiques qui suivent. Il s’agit de prendre en compte des situations qui existent aujourd’hui. En effet, certains enfants, nés par PMA ou GPA au sein d’un couple, n’ont pas le même statut que les autres. La circulaire de Mme la garde des sceaux a réglé uniquement le problème, dans certains cas, de leur nationalité. S’agissant de leur état civil, la difficulté demeure.

Vous proposez, madame Benbassa, de rendre ces enfants adoptables, quel que soit le mode de conception du conjoint.

Même si je comprends tout à fait le sens de votre amendement, même si, comme vous, en tant que rapporteur du texte, j’ai reçu un certain nombre d’associations ou de familles qui sont dans ce cas, je ne puis émettre un avis favorable sur cet amendement. Je vous invite donc, à titre personnel, à le retirer. Sinon, il sera repoussé, même si, à la suite d’un vote quelque peu compliqué, la commission s’y était déclarée favorable. Je serais en effet surpris que la majorité de nos collègues soutienne aujourd’hui un tel amendement. En commission, on peut entrer et sortir… (Sourires.)

M. Gérard Larcher. En séance aussi !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Certes. Mais en séance, il y a des délégations de vote !

L’amendement n° 211 rectifié bis de M. Milon est très proche de l’amendement n° 208 rectifié bis, puisqu’il tend à interdire l’adoption plénière pour les couples de même sexe, la réservant aux couples de sexes différents. La commission y est défavorable.

L’amendement n° 120 rectifié bis est intéressant, bien qu’il soit curieux. Tout d’abord, monsieur Retailleau, je vous remercie des paroles obligeantes que vous avez prononcées à mon égard.

M. Bruno Retailleau. Ce n’est que justice !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne manquerai pas de vous retourner la pareille. (Sourires.)

Il s’agit de prévoir que, dans le cadre d’une adoption nationale – et non pas internationale, pour laquelle le jugement a lieu à l’étranger –, le mineur de plus de 13 ans est appelé à consentir à son adoption. Le conseil de famille, vous le savez mieux que moi puisque vous êtes président d’un conseil général, comme nombre de nos collègues ici, propose l’adoption. Si l’enfant de moins de 13 ans ne veut pas être adopté, je serais très surpris – je me réfère sur ce point à nos collègues directement concernés – que le conseil général l’y oblige.

Sans doute n’avez-vous pas, monsieur le sénateur, une confiance extrême dans les enquêtes d’aide sociale qui seront diligentées ou dans le juge. Selon vous, un entretien avec un psychologue doit forcément avoir lieu.

Pourtant, quand le dossier arrive devant le tribunal, il est déjà assez fourni. Dans une existence antérieure, en tant que substitut près la première chambre du tribunal de Créteil, je traitais de nombreuses affaires d’adoption. Je me souviens que les dossiers du conseil général comportaient une enquête très complète de l’aide sociale, ainsi qu’une enquête médico-psychologique ou psychologique.

Si le juge estime que ces documents sont insuffisants, si l’enfant, qu’il peut entendre, soulève des difficultés, il peut alors ordonner de procéder à des examens complémentaires avant de rendre son jugement. Selon moi, le juge fera ce qu’il faut pour être suffisamment éclairé avant de prononcer l’adoption, laquelle, vous l’avez tous dit, implique que l’enfant appartient totalement à la famille de ses parents. Sauf si la législation est éventuellement modifiée, il perd alors tout lien avec sa famille d’origine, qui peut toujours se réveiller un jour, même s’il n’en a plus officiellement.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, estimant qu’il n’était pas totalement nécessaire et que son adoption aurait pour conséquence de surcharger le texte. En effet, les conditions qu’il vise à prévoir peuvent d’ores et déjà être mises en œuvre par le juge.

Quant aux amendements identiques nos 121 rectifié bis, 164 rectifié, 166 rectifié, 202 et 251, leur esprit est totalement contraire à celui qui a été défendu par Mme Benbassa. Ils visent en effet à interdire totalement l’adoption si les enfants sont nés par PMA ou GPA.

Pour ce qui concerne la GPA, le problème a été réglé, mes chers collègues, par un arrêt du 6 avril 2011 rendu par la première chambre de la Cour de cassation, laquelle a considéré que l’adoption n’était pas possible si la conception de l’enfant s’inscrivait dans une démarche contraire à notre droit et au principe d’ordre public.

Par ailleurs, je considère qu’il est prématuré de traiter aujourd’hui de la PMA. Cela revient à anticiper ce qui sera peut-être fait plus tard et dont nous ne savons rien. Je pense donc que ces amendements doivent être rejetés.

Enfin, j’ajoute que rapporteur de ce texte est celui de la commission des lois, donc de l’ensemble du Sénat. Il donne l’avis de la commission. Il peut arriver, comme tout à l’heure, qu’il s’agisse d’un avis personnel, mais on voit très bien que, finalement, cet avis personnel aurait correspondu dans d’autres circonstances à celui de la commission. Le rapporteur est donc, mes chers collègues, à votre entière disposition.

Je demande simplement à ceux qui ont été les plus assidus à nos réunions préalables de faciliter, au stade où nous en sommes parvenus, l’avancée de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le doyen Gélard a lui-même qualifié l’amendement n° 81 rectifié quinquies d’« arme atomique ». C’est bien mon avis : cet amendement vise en effet à abroger la totalité du titre VIII du livre Ier du code civil, qui comprend les articles 343 à 370-5, c'est-à-dire à supprimer toute possibilité d’adoption en éliminant les dispositions juridiques qui encadrent cette possibilité, et ce alors même que, nous le savons tous, des procédures d’adoption sont en cours.

M. le rapporteur a eu raison d’assimiler cet amendement à une interpellation forte ; c’est même le moins qu’on puisse en dire, parce que l’arme atomique est totalement destructrice : aucun de nous ne survivrait à son utilisation ! Il nous reste pourtant de si belles choses à faire !

Le Gouvernement entend parfaitement votre interpellation, monsieur Gélard. Je réitère l’engagement qui a été pris : dans le cadre du projet de loi sur la famille, nous travaillerons en profondeur sur l’ensemble de notre régime d’adoption, parce qu’il existe effectivement des interrogations de fond à son sujet.

Comme il me coûte toujours de vous être désagréable, monsieur le doyen Gélard, je n’émettrai pas d’avis défavorable sur votre amendement. Cependant, le Gouvernement, la commission et l’ensemble des parlementaires ayant entendu votre interpellation, peut-être déciderez-vous de le retirer.

L’amendement n° 120 rectifié bis de Bruno Retailleau vise à inscrire dans la loi l’obligation pour les adoptés de plus de treize ans, qui, aux termes du code civil, doivent déjà consentir à leur adoption, de s’entretenir préalablement avec un psychologue. La décision d’accorder à l’adopté l’assistance d’un psychologue, d’une assistance sociale, d’un médecin ou d’un psychiatre, est une décision d’ordre pratique, dont il appartient au magistrat en charge de l’affaire d’apprécier l’opportunité. En l’état actuel du droit, le juge peut déjà décider, si l’enfant en fait la demande ou si son attitude donne à penser que cela serait nécessaire, d’organiser pour l’adopté un entretien avec un psychologue, un médecin, un aide médico-psychologue ou tout autre spécialiste. Le droit actuel va donc plus loin que ce que vous demandez, monsieur le sénateur, puisque vous ne réclamez qu’un entretien avec un psychologue.

Dans la mesure où les dispositions en vigueur répondent déjà à votre inquiétude, et parce que votre amendement tend à transformer en règle juridique une disposition d’ordre pratique, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Plusieurs amendements concernent l’adoption d’enfants conçus par GPA. Il existe deux cas de figure : soit le recours à la GPA est présumé, soit il est certain. Je commencerai par donner l’avis du Gouvernement sur votre amendement n° 238, madame Benbassa.

Les cas où le recours à la GPA est certain sont rarissimes, convenons-en, puisque le recours à la GPA est contraire à l’ordre public français. Le Président de la République et le Premier ministre ont d'ailleurs tous deux réaffirmé qu’il n’était pas question de revenir sur le principe d’indisponibilité du corps humain, ni même d’ouvrir ne serait-ce qu’un débat sur la GPA, pendant toute la durée du quinquennat. Le Premier ministre a indiqué que, sous réserve de l’appréciation qu’il portera sur le rapport du Comité consultatif national d’éthique, l’ouverture de la PMA aux couples de personnes de même sexe figurera dans le projet de loi sur la famille, mais il n’y a pas la moindre ambiguïté au sujet de la GPA : le Président de la République a été formel.

Je le répète, les cas où le recours à la GPA est certain sont extrêmement rares. Un jugement de 2003 a affirmé que, lorsque le recours à la GPA était établi, l’adoption de l’enfant n’était pas autorisée. Cette jurisprudence constitue notre référence. Introduire dans notre droit la possibilité d’adopter un enfant conçu par GPA contreviendrait aux dispositions du code civil, et notamment à son article 16-7, qui interdit très clairement le recours à la GPA. Il s’agit d’un principe d’ordre public, c'est-à-dire d’un principe absolu, auquel il est impossible de déroger. Bien entendu, si le recours à la GPA n’est pas certain mais seulement présumé, et si le juge estime qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’autoriser son adoption, je ne doute pas qu’il prononcera cette autorisation.

Pour l’ensemble de ces raisons, madame Benbassa, je vous invite à retirer votre amendement. Le débat que vous avez provoqué était nécessaire, car des éclaircissements devaient être apportés. Maintenant qu’ils l’ont été, je pense que vous pouvez retirer votre amendement, car je suis certaine que vous ne souhaitez pas aller contre l’ordre public français en la matière.

M. Bruno Sido. Ni en toute autre matière !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela va de soi ! J’ai parlé de cette matière parce que c’est de celle-là que nous débattons. Nous aurons l’occasion de confirmer notre attachement à l’ordre public en d’autres circonstances, monsieur Sido.

S'agissant des amendements qui visent à interdire la GPA, je n’en vois pas l’utilité, puisque la GPA est déjà interdite par notre droit. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote sur l’amendement n° 81 rectifié quinquies. (Vives manifestations d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est tout de même malheureux : dès que je veux prendre la parole, la fièvre s’empare de certaines travées ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Madame la garde des sceaux, je souhaite vous poser une question qui fait écho à celle que se posent actuellement tous les maires. Je pense donc que vous aurez à cœur d’y répondre à un moment ou à un autre.

Vous avez déclaré hier que le nouveau livret de famille – je sais bien qu’il relève du domaine réglementaire, mais il n’en concerne pas moins tous les maires – serait un document unique. Un certain nombre d’entre nous avaient pourtant compris, au vu notamment de vos propos à l’Assemblée nationale, que les termes « père » et « mère » ne disparaîtraient pas et qu’il y aurait à l’avenir trois livrets de famille. Je souhaiterais donc, madame la garde des sceaux, que vous nous donniez des précisions à ce sujet. Je pense que tous les maires de notre pays apprécieraient que vous le fassiez. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)