compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaire :

M. Jacques Gillot.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Rappel au règlement

Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (projet n° 495, texte de la commission n° 581, rapport n° 580, avis nos 593, 598 et 601).

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour un rappel au règlement.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Articles additionnels avant l'article 1er

M. Christian Favier. Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 35 de notre règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.

Madame la ministre, hier, au cours de la discussion générale, la question de l’autonomie financière des collectivités territoriales a souvent été posée. Vous nous avez déclaré que ce sujet serait abordé lors de l’examen des lois de finances pour 2014 et pour 2015. Nous avons aussi appris que, à la fin du mois de juin, M. le Premier ministre annoncerait la mise en place d’un « pacte de confiance » entre l’État et les collectivités.

Pour le moment, une seule chose est sûre : après deux ans de baisse des dotations, les collectivités vont à nouveau voir leurs dotations réduites de 4,5 milliards d’euros dans les deux années à venir. C’est d’ailleurs ce que vous confirmez dans l’entretien qui paraît ce matin dans le journal Libération.

Cependant, vous annoncez aussi des mesures dont vous ne nous avez pas parlé hier. Pour la clarté des ambitions affichées par le projet de loi que nous examinons, et pour donner aux sénateurs l’ensemble des éléments leur permettant de légiférer, madame la ministre, il faut vous expliquer sur vos objectifs en termes de mutualisation des services des collectivités, en particulier au sein du bloc communal.

En effet, dans cette interview à Libération, vous dites vouloir atteindre, grâce à la mutualisation, des économies supplémentaires d’un montant de 2 milliards d’euros. Pour y parvenir, vous inclurez « un coefficient de mutualisation des services dans les critères de dotation », maniant ainsi la carotte et le bâton pour accélérer le mouvement alors que, dans le présent projet de loi, cette mutualisation est présentée comme devant être uniquement volontaire !

Madame la ministre, avant l’ouverture de nos travaux, il serait bon que vous apportiez des éclaircissements au Sénat sur les intentions que vous avez dévoilées ce matin dans la presse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la présidente, je vous remercie de m’accorder la parole, car il n’est pas d’usage de répondre à un rappel au règlement !

Mme la présidente. Il s’agissait plutôt d’une observation !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le sénateur Favier, le Gouvernement a effectivement pris un engagement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Un certain nombre d’observations avaient alors été formulées, notamment en ce qui concerne le maintien de l’enveloppe des dotations des collectivités locales en 2013 et l’abandon des orientations décidées par le précédent gouvernement, à savoir une réduction de cette enveloppe de 5 milliards d’euros par an pour contribuer à la réduction des déficits publics. Sur ce dernier point, il faut toujours rappeler que la charge de la dette, résultat de l’accumulation des déficits, équivaut au budget du ministère de l’éducation nationale.

Le Gouvernement avait donc pris l’engagement de réfléchir, avec le comité des finances locales, à une réforme, totale ou partielle, des dotations des collectivités territoriales. Cette réforme me paraît urgente, car une réduction de l’enveloppe des dotations de 1,5 milliard d’euros en 2014, puis en 2015, représente un effort considérable, même si l’ensemble de cette enveloppe reste de l’ordre de 80 milliards d’euros.

Premièrement, il faut sécuriser les ressources des départements. En effet, il n’est pas de bonne politique, même si cela a déjà été fait à deux reprises, de faire voter une enveloppe de crédits d’urgence pour les départements afin qu’ils puissent faire face à leurs obligations.

Le premier engagement du pacte de stabilité et de confiance, dont l’élaboration est confiée à Anne-Marie Escoffier, sera donc la constitution d’un groupe de travail chargé d’examiner les conditions d’un financement pérenne des conseils départementaux. Il s’agit essentiellement de chercher à remplacer les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, ressource dont vous avez tous souligné le caractère trop volatil et trop dépendant de la conjoncture économique, par un panier de ressources plus stables et, surtout, plus dynamiques.

Deuxièmement, les régions, en particulier depuis la transformation de la taxe professionnelle en cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, n’ont pratiquement plus de ressources fiscales et vivent essentiellement de dotations, situation contestable au regard du principe d’autonomie financière des collectivités locales. Il convient donc de leur affecter également une ressource fiscale dynamique, afin qu’elles ne dépendent pas uniquement des dotations de l’État.

Troisièmement, en ce qui concerne les communes, nous voulons maintenir le fonds de péréquation intercommunale, même si j’entends ici ou là que des collectivités engagées dans des projets d’investissement, mais qui disposent, heureusement pour elles, de plus de ressources que les autres, s’en plaignent un peu. Nous voulons donc tenir nos engagements concernant le fonds de péréquation. En revanche, nous pensons qu’il faut renforcer la péréquation verticale, car il n’est pas possible de compter uniquement sur la péréquation horizontale pour réduire les déséquilibres.

Il convient également d’examiner si des progrès ne pourraient pas être réalisés, en termes de justice, dans la définition de l’assiette de la dotation globale de fonctionnement.

Dans ce domaine, un certain nombre de communautés de communes rurales se sont lancées dans la mutualisation des services pour créer de nouveaux services en faveur des citoyens, en mettant en place, par exemple, un service à la petite enfance. Il faut encourager ces initiatives qui visent, en premier lieu, à rationaliser la dépense publique – nos concitoyens ne sauraient s’en plaindre – et, en second lieu, à permettre aux communautés de communes qui nouent des alliances entre elles, comme l’a fait la communauté de communes d’Annonay avec une autre communauté de communes, d’offrir de nouveaux services à leur population.

Enfin, il faudra aborder quelques questions difficiles, mais capitales pour les communes rurales. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus laisser se développer des villes tentaculaires, de même qu’il faut arrêter la prolifération de bourgs, villages ou hameaux vides, entourés de lotissements. Dès aujourd’hui, nous devons assumer la lourde responsabilité de garantir, à l’horizon de 2030, et encore plus de 2050, l’indépendance alimentaire de la France et de l’Europe. Nous savons qu’il ne sera alors plus possible d’importer, comme nous le faisons maintenant, des protéines végétales pour les transformer en protéines animales. Nous devons donc conserver un maximum de terres agricoles pour préserver l’équilibre de notre économie et de notre société.

Dans ce cadre, un projet de loi que Cécile Duflot déposera au nom du Gouvernement visera à protéger non seulement nos terres agricoles, mais aussi les périmètres de captage des eaux – nous connaissons déjà des soucis d’alimentation en eau potable –, les zones NDs, les zones Natura 2000, etc. Une communauté de communes rurale dont le territoire comporte une zone NDs, une zone de captage, une zone Natura 2000, une zone littorale ou une zone de montagne protégée, ainsi que des terres agricoles, ne peut plus construire et se trouve donc incapable d’accroître ses ressources fiscales. Dans les deux ans qui viennent, il faut que nous parvenions à intégrer dans la DGF la reconnaissance de la protection de ces mètres carrés précieux pour la vie, qu’il s’agisse des terres agricoles, de la protection des captages, etc.

Enfin, depuis longtemps, nous pensons – et Edmond Hervé a été à l’origine de cette réflexion – qu’il nous faut arriver, ensemble, à redéfinir nos assiettes fiscales locales. Nous n’aurons pas le temps d’envisager cette redéfinition dès la discussion du projet de loi de finances pour 2014, mais il faudra le faire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Cette démarche est importante, mais très difficile à engager en période de crise compte tenu du niveau déjà atteint par les prélèvements obligatoires. Je pense malgré tout, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce chantier est intéressant.

Aujourd’hui, la première garantie que peut vous donner le Gouvernement est donc la conclusion d’un pacte de confiance et de stabilité avec les collectivités territoriales, même si je mesure parfaitement ce que représente une diminution de 1,5 milliard d’euros de l’enveloppe globale des dotations.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je souhaite apporter une précision sur la notion centrale de mutualisation. Mon rôle consistant à rechercher quelle est la pensée du Sénat sur ce thème, je tiens à rappeler l’existence, d’une part, du rapport d’information intitulé Bilan et perspectives de l’intercommunalité à fiscalité propre, rendu en 2006 par notre collègue Philippe Dallier,…

M. René Vandierendonck, rapporteur. … dans lequel apparaît pour la première fois la notion de « coefficient d’intégration fonctionnelle » dans le calcul de la DGF, et, d’autre part, de l’excellent rapport d’information Un nouvel atout pour les collectivités territoriales : la mutualisation des moyens, de nos collègues Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido, rendu en 2010.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, puisque M. Favier a pris l’initiative d’ouvrir ce débat, je souhaite ajouter deux observations.

Premièrement, vous avez raison, madame la ministre : il est essentiel de se pencher sur la question de la révision des valeurs locatives. En effet, les impositions locales sont devenues totalement injustes dans la mesure où elles reposent sur des critères qui n’ont plus de rapport avec la réalité. Toutefois, depuis une trentaine d’années – et tous les gouvernements sont concernés –, cette révision a toujours été différée. Le gouvernement qui décidera d’avancer dans ce domaine – peut-être d’une manière déconcentrée, notre collègue François Marc a présenté des propositions et Edmond Hervé travaille sur cette question depuis très longtemps – prendra une décision historique ! Je souhaite que le mérite d’une telle initiative revienne au gouvernement que vous représentez, madame la ministre !

Deuxièmement, en ce qui concerne l’aménagement périurbain, je suis presque partisan d’un moratoire sur les terres agricoles. Il n’est pas raisonnable de laisser disparaître, tous les sept ans, l’équivalent de la superficie d’un département – auparavant, cette transformation se faisait en dix ans ! Une telle évolution est déraisonnable, et il faut la maîtriser : j’espère que le projet de loi que nous présentera Mme Duflot y contribuera.

J’émets simplement une réserve par rapport à votre suggestion concernant la DGF, madame la ministre. Si l’on examine l’histoire de cette dotation, on constate que la prise en compte d’une grande quantité de facteurs avait abouti à rendre cette dernière extrêmement complexe : soixante-dix facteurs étaient pris en compte à un moment donné, jusqu’à ce que Daniel Hoeffel décide de cristalliser le dispositif en une « dotation forfaitaire », qui l’a pérennisé.

M. Pierre-Yves Collombat. Il suffit de réviser les coefficients démographiques !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Si l’on veut réformer la DGF, je préconise une simplification, afin de prendre en compte un nombre réduit de facteurs, liés au potentiel fiscal, à l’effort fiscal, à la population, par exemple. Plus on complique l’outil en le sophistiquant, moins il est productif et lisible, ce qui préjudicie à la péréquation.

Discussion des articles

Mme la présidente. Mes chers collègues, les motions de procédure ayant été repoussées lors de la précédente séance, nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

TITRE Ier

CLARIFICATION DES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET COORDINATION DES ACTEURS

Chapitre Ier

Le rétablissement de la clause de compétence générale

Rappel au règlement
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Article 1er (Supprimé)

Articles additionnels avant l'article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 429, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est abrogée.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2010, soit voilà moins de trois ans, le Sénat adoptait à une très courte majorité la loi de réforme des collectivités territoriales.

La gauche, dans son ensemble, rejointe par certains sénateurs d’autres sensibilités, avait alors combattu ce texte.

En le rejetant, nous avions refusé la mise en place du conseiller territorial. Nous avions également refusé l’obligation faite aux communes de rejoindre à marche forcée des intercommunalités au périmètre élargi et aux compétences renforcées, sans compter la fin des financements croisés, la mise en place des métropoles et des pôles métropolitains, le développement des fusions entre collectivités territoriales.

C’était tout cela la loi de 2010, et c’est tout cela que la gauche, alors minoritaire, avait combattu. Elle avait été rejointe par des centaines de milliers d’élus locaux qui refusaient cette réforme.

Beaucoup d’analystes politiques faisaient d’ailleurs de ce combat contre cette réforme l’une des raisons premières du passage à gauche de la Haute Assemblée.

Or, aujourd’hui, qu’en est-il de cette réforme ? Eh bien, elle s’applique ! Les intercommunalités vont se mettre en place partout, alors même que 30 % des départements n’ont pas adopté leur schéma de coopération intercommunale. Les préfets disposent toujours des pouvoirs pour contraindre les élus les plus récalcitrants. Et le Conseil constitutionnel a considéré que limiter la libre administration des collectivités territoriales relevait de l’intérêt général ! Je pense ici aux élus de la côte rouennaise notamment concernés par cette marche forcée intercommunale.

Finalement, mis à part le conseiller territorial dont le Sénat a voté l’abrogation sur proposition de notre groupe, la loi s’applique normalement.

Mieux, la loi sur les élections locales, que nous avons votée voilà quelque temps, met en musique l’une des mesures phares de la loi de 2010 – je veux parler de l’élection au suffrage universel, par fléchage, des conseillers communautaires – alors qu’une majorité d’élus locaux – 61 % – s’y étaient opposés durant les états généraux de la démocratie territoriale organisés en octobre dernier par le Sénat.

Pour notre part, nous avions déposé dès le printemps 2011 une proposition de loi demandant l’abrogation de cette loi dans son ensemble. Nous n’avons pas changé d’avis sur le contenu de la loi de 2010. Il est donc naturel que nous vous proposions au début de nos débats un amendement tendant à cette abrogation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable. Toute loi de la République s’applique, même si certaines dispositions, comme celles qui concernaient le conseiller territorial, ont été abrogées.

Je tiens à répéter ici ce que j’ai dit dans mon propos liminaire : les métropoles ont été créées par cette loi. C’est un constat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Il s’y oppose d’autant plus que, comme cela vient d’être rappelé, beaucoup de schémas ont été adoptés. Il serait totalement injuste de changer aujourd’hui les démarches en cours de route. En effet, ceux qui ont fait l’effort d’aller vite, de chercher les meilleures solutions possible, verraient comme une grave injustice ce revirement brutal visant à tenir compte de ceux qui n’ont pas réussi – pour quantité de raisons, souvent objectives, je ne le nie pas – à se mettre d’accord sur le schéma. En agissant de la sorte, on créerait une inégalité assez violente entre les collectivités territoriales.

Le projet de loi réécrit un certain nombre de passages, dont celui sur les métropoles.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, même si l’intercommunalité est compliquée à achever dans un certain nombre de départements, nous voulons ajouter l’obligation d’une carte intercommunale pour la première couronne de l’Île-de-France. On ne pourrait pas, en même temps, supprimer les obligations pour les autres ! Restons à égalité, de droits et d’engagements, en tout cas !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, certains voudraient faire porter à la loi de 2010 le poids de tous les malheurs du monde. Franchement, je trouve que c’est quand même très exagéré ! Cette loi contenait des dispositions de différentes natures. La disposition concernant le conseiller territorial était très controversée, et les avis étaient en effet très partagés. Mais vous avez abrogé cette disposition.

Cela étant, il y avait des choses fort intéressantes dans cette loi. Le bouclage de l’intercommunalité ? Certains pourraient trouver étonnant que je prenne la parole pour dire que j’en pense du bien. Mais la question est de savoir : l’intercommunalité, pour quoi faire ? Sur quels périmètres ? Avec quelles compétences ? Avec quels moyens financiers ? Je pense que le vrai débat est là. M. le rapporteur l’a rappelé, dans un rapport de 2006 que j’avais remis au Sénat au nom de l’Observatoire de la décentralisation, j’avais suggéré la création d’un coefficient d’intégration fonctionnelle pour privilégier les intercommunalités qui avaient du sens et un vrai projet. Il s’agissait de les différencier des intercommunalités « coquilles vides », qui couraient après les dotations généreusement distribuées pour inciter les élus à entrer dans les intercommunalités.

Aujourd’hui, l’intercommunalité ne me paraît plus être un sujet. C’est bien vers cela que nous devons aller. Encore faut-il des intercommunalités différenciées en fonction de la nature du territoire. C’est la thèse que je défends pour le Grand Paris qui, quelque part, est une forme d’intercommunalité, la métropole. Le tout, c’est en effet d’adapter le modèle intercommunal à la spécificité du territoire.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne vous suivrai pas dans cette direction, madame Cukierman.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, force est de constater l’étroite parenté du projet de loi déposé par le Gouvernement et du texte de la commission avec la réforme résultant de la loi de décembre 2010 que la gauche, dans son ensemble, avait pourtant combattue.

Ainsi, si le conseiller territorial a disparu, on peut dire que la conférence territoriale le remplace. Les schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services, prévus dans le texte de 2010 pour les départements et les régions, ont été élargis à l’ensemble des collectivités dans le cadre du pacte de gouvernance que vous nous proposez de mettre en place, madame la ministre.

Les autres points communs sont nombreux, tout particulièrement en ce qui concerne les métropoles. Votre texte initial comme celui de la commission ne font qu’élargir le nombre de ces dernières et renforcer leurs compétences au détriment des communes qui en seront automatiquement membres sans avoir à en décider.

Aussi, pour envisager un changement réel, une autre vision et construire d’autres propositions, comme nous le ferons tout au long de nos débats sur ce texte, il y a une décision préalable incontournable à prendre, celle d’abroger cette loi de 2010 et d’écrire une nouvelle page en faveur des droits et libertés des communes, des départements et des régions, pour le développement de leur coopération sur la base de projet de territoire fondé sur la responsabilité partagée et le volontariat.

En abrogeant cette loi, il nous faudra – nous en sommes conscients – tout reprendre, tout réécrire : mais cela permettrait ainsi au Sénat, qui vient d’adopter une résolution allant dans ce sens, de mettre en cohérence ses volontés affichées et ses actes.

Pour notre part, nous y sommes prêts. La mission d’information que nous venons de mettre en place ainsi que les travaux de notre délégation à la décentralisation devraient largement contribuer à l’écriture tant attendue d’une nouvelle page du développement de notre démocratie locale au service de la réponse aux besoins et aux attentes de nos concitoyens, véritable acte III de la décentralisation. C’est le sens et la volonté portés par cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 429.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 247 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 20
Contre 326

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Claude Carle. La loi de 2010 était une bonne loi !

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 430, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsqu’il est envisagé de créer une nouvelle collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier le périmètre d’une collectivité territoriale existante, il est procédé à la consultation, par voie référendaire, des électeurs inscrits dans les collectivités intéressées.

Un décret du Conseil d’État précise les conditions de cette consultation.

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. La loi de 2010 dont nous venons de demander l’abrogation créait les conditions d’un développement des fusions entre collectivités territoriales, ainsi que de la création de nouvelles collectivités territoriales.

Pour notre part, nous nous étions opposés à de telles possibilités pour la raison essentielle que notre République est une et indivisible. Les mêmes collectivités territoriales doivent pouvoir exister partout sur l’ensemble du territoire et disposer des mêmes prérogatives. C’est pour nous un principe républicain et l’un des fondements de l’égalité entre les citoyens.

Si des dérogations à cette règle peuvent être envisagées, elles ne peuvent l’être qu’avec le soutien des citoyens et en organisant l’expression de la souveraineté populaire.

Tel est le sens de notre amendement.

L’actualité récente en Alsace, ou moins récemment en Corse, a montré que des élus ont parfois des projets de fusion de collectivités territoriales sans pour autant bénéficier du soutien de leur population.

Le projet de loi que nous examinons prévoit la création d’une nouvelle collectivité territoriale, la métropole de Lyon, et la réduction du territoire du département du Rhône, sans pour autant qu’il soit envisagé de donner la parole aux citoyens de ces territoires. Il y a là un déficit démocratique extrêmement grave. De tels changements ne peuvent résulter simplement d’un petit arrangement entre le président du conseil général et le maire de Lyon !

Dans ces conditions, il nous semble nécessaire de préciser dans le projet de loi que toute modification du territoire d’une collectivité territoriale, de la plus petite à la plus grande, de même que toute création d’une nouvelle collectivité territoriale, même si elle est prévue dans la loi, doivent être soumises à référendum afin que les citoyens puissent faire part de leur accord ou de leur désaccord sur de tels projets, lesquels les concernent au premier chef. L’article 72-1 de la Constitution prévoit d’ailleurs expressément cette possibilité. Nous vous proposons de la rendre effective.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 74 est présenté par Mme Pasquet.

L'amendement n° 126 est présenté par M. Povinelli, Mme Ghali et MM. Andreoni et Guérini.

L'amendement n° 182 est présenté par Mlle Joissains.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute modification du statut ou du périmètre d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale est précédé de l’obligation de consulter les habitants par voie de référendum.

Le référendum est organisé par le représentant de l’État dans chaque commune ou dans chaque établissement public de coopération intercommunale concerné dans les deux mois qui suivent la proposition de transformation quels qu’en soient le motif ou l’origine.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l’amendement n° 74.

Mme Isabelle Pasquet. Je serai brève, cet amendement visant, comme l’amendement n° 430, présenté à l’instant par M. Favier, à renforcer la démocratie locale.

Les citoyens aspirent à une plus grande participation à la vie et au développement de leur territoire. Il s’agit là d’une pratique démocratique incontournable, comme cela a été longuement expliqué hier lors de la discussion générale.

J’espère donc que cet amendement sera adopté. Cela permettrait d’envoyer un signal fort en faveur de la démocratie de proximité.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Povinelli, pour présenter l'amendement n° 126.

M. Roland Povinelli. Je partage l’avis de Mme Pasquet.