Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Reichardt, vous affirmez que cette clause n’est pas adaptée à votre territoire. J’en prends acte ! Mais je ne vous apprendrai pas qu’en Alsace l’aménagement numérique fait l’objet de deux schémas distincts, l’un départemental, l’autre régional. Chacun reconnaît qu’il fallait absolument mener ces deux chantiers parallèles. Je comprends vos arguments comme ceux de M. Mézard, mais j’observe, dans chacun des deux cas, les mêmes contradictions et les mêmes difficultés.

De même, au niveau de votre agglomération, vous avez tous ensemble décidé de promouvoir le dossier « Strasbourg, ville européenne », jusqu’à ce que nous nous engagions, de notre côté, sur une sorte de « contrat de siège » au sujet du Parlement européen. Sans clause de compétence générale, une telle initiative n’aurait pas non plus été possible !

Je le répète, il s’agit d’un sujet complexe.

J’entends bien l’argument de M. Mézard : l’enjeu est également symbolique. Pour avoir relu les comptes rendus des débats de 2010, et pour avoir pris part aux discussions à l’Assemblée nationale à l’époque, je constate que l’on faisait déjà largement appel au symbole de la clause de compétence générale. Il s’agissait d’une demande de responsabilisation des élus et d’une invitation à leur faire confiance.

Comme l’a souligné M. Roche il y a quelques instants, certaines communes rurales, certaines communautés de communes ont besoin, en moyenne, d’un nouvel équipement tous les dix ans ! Le département ne pourrait prendre part à ces investissements sans clause de compétence générale. Est-ce le rôle du conseil général que de mener de telles actions ? On peut se poser la question. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une réalité et, à mon sens, il faut composer avec les réalités.

Enfin, j’entends l’argument de l’unité de la République, au nom de laquelle certains exigent des compétences exclusives. Toutefois, force est de constater que la France n’est pas uniforme : la France est diverse. On ne peut pas raisonner exactement de la même manière pour une région composée de communautés de communes et de départementaux ruraux, et pour une région comptant une ou deux métropoles. Les enjeux n’y ont ni la même portée ni le même sens !

Nous nous sommes inspirés à la fois des travaux menés dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale et des nombreux rapports rédigés par l’Association des maires de France. En effet, la plus forte demande est venue de ceux qui détenaient la clause de compétence générale. Les communes en sont dotées, de manière forte et claire, et l’AMF s’est beaucoup émue de son éventuelle suppression, particulièrement dans le monde rural : dans ces territoires où il y a peu de ressources et peu de population, l’aide du conseil général, hors de ses compétences strictes, peut permettre de réaliser un équipement important.

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je dois prendre en compte ces réalités, même si, en tant qu’être très rationnel et très républicain, j’entends tout argument s’opposant à la clause de compétence générale. Toutefois, en tant que ministre réaliste, parcourant régulièrement des territoires extrêmement divers, je constate que nous devons nous adapter aux réalités du terrain : je fais confiance aux élus pour user au mieux de cette clause de compétence générale.

Lorsque je sollicite de la coopération et de la coordination, je veux aussi signifier que nous ne disposons pas de moyens de cofinancement infinis. Nous ne pouvons pas multiplier éternellement les doublons. D’ailleurs, certains ont résolu le problème, nous le constaterons au cours de nos débats.

Je le répète, faisons un effort de coordination, de coopération et de gouvernance. Assumer une compétence, c’est répondre à deux types d’obligations : bien sûr, rendre service à une population, notamment en assurant une création d’activité ; mais aussi garder à l’esprit le souci de maîtriser la dépense publique.

Monsieur Karoutchi, vous me disiez hier que la région d’Île-de-France dépensait 240 millions d’euros pour le logement et, souhaitant qu’elle puisse continuer à le faire, vous me demandiez de ne pas « fermer » la zone dense parisienne. Mais que feriez-vous sans la clause de compétence générale ? De fait, le logement ne relève pas de la compétence des conseils régionaux. Nous sommes tous placés face à des situations de cette nature. Vous, au conseil régional de l’Île-de-France, vous faites partie de ceux qui défendent l’intervention en matière de logement et, lorsque, sur ce point précis, vous invoquez la clause générale de compétence, on vous suit !

Mme la présidente. L'amendement n° 255 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Jouanno et MM. Détraigne, Guerriau, J. Boyer, Dubois, Marseille, Capo-Canellas, Delahaye et Arthuis, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. L’article 2 rétablit donc une clause de compétence générale qui, en fait, n’a pas encore été réellement supprimée puisque la loi du 16 décembre 2010 prévoyait que cette suppression n’interviendrait qu’au 1er janvier 2015.

Il y a quelques instants, M. le rapporteur affirmait que l’Europe se riait de nous. Elle a bien de quoi : nous supprimons une mesure qui n’a pas encore été mise en œuvre ! Faire et défaire, c’est toujours travailler, diront certains, mais, pour ma part, je ne saisis pas !

Ce que je comprends, c’est l’inquiétude qu’inspire à Mme la ministre la perspective de devoir expliquer la nouvelle loi à nos concitoyens ! Force est de le reconnaître, même après avoir lu, relu et étudié ce texte, nous sommes nombreux à nous y perdre un peu. Le « choc de simplification » est très loin ! Pourtant, nous avons besoin de simplification dans nos territoires. En particulier, il nous faut identifier clairement les responsabilités de chacun.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est ce que j’ai dit !

M. Vincent Delahaye. Dans ce cadre, la clause de compétence générale a pour effet de diluer les responsabilités.

J’entends bien que, de temps à autre, la ruralité a besoin d’une intervention conjointe et qu’il faut répondre, ici ou là, à des problèmes particuliers. Néanmoins, j’entends également que certains exécutifs ont du mal à satisfaire des demandes, qui semblent pourtant légitimes. Or, quand elles sont présentées dans les règles, et parfois avec force, il est difficile de dire non ! C’est donc à nous, législateur, de donner à nos collectivités les armes pour résister, le cas échéant, à ces requêtes, afin qu’elles n’aillent pas trop loin.

Bien sûr, je comprends les objections qui peuvent être émises par certains présidents de conseils généraux. À cet égard, nous pourrions éventuellement préciser, par une rédaction légèrement différente, les conditions d’une intervention ponctuelle, permettant de satisfaire les véritables besoins des localités.

Mais pourquoi rétablir cette clause de compétence générale pour tout le monde et dans tous les domaines, alors que ce dont nous avons besoin, c’est non pas de schémas supplémentaires, mais de sous ? Or, ces sous, on ne les a pas !

Beaucoup de départements, dont le mien, se sont lancés dans un certain nombre de politiques, mais disent maintenant aux communes – et si je peux en témoigner, c’est bien grâce au cumul des mandats, qui permet tout de même d’avoir une certaine expérience – qu’ils n’ont plus les moyens de continuer et qui se retirent des actions en question. Résultat : les communes restent seules face à la dépense ! Or ces politiques ont été développées en partenariat avec le conseil général alors qu’elles ne ressortissaient pas à son strict domaine de compétences. Les maires se retrouvent donc le bec dans l’eau, face à de lourdes charges et face à des électeurs qui leur disent : « Mais, monsieur le maire, vous allez tout de même maintenir ce service, non ? »

Gouverner, c’est choisir. Donc, à un moment donné, il faut décider. Or on a le sentiment que le présent texte n’opère pas de choix. Il ajoute encore une couche de schémas, de plans, de conférences et des pactes. À mon sens, les conséquences seront dramatiques pour la démocratie locale comme pour les finances locales.

Voilà pourquoi, au nom de mes nombreux collègues du groupe UDI-UC qui ont cosigné le présent amendement, je propose la suppression de l’article 2.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.

M. Edmond Hervé. Mes chers collègues, n’abusons pas de la notion de complexité ! Nous vivons dans une société complexe : les régimes de sécurité sociale sont complexes, notre système fiscal, notre organisation scolaire ou universitaire sont complexes. Un effort de simplification est sûrement nécessaire, mais le législateur doit assumer une responsabilité pédagogique essentielle. Méfions-nous donc de la répétition de ces accusations de complexité, parce que, en fin de compte, elles entretiennent un certain populisme et une certaine hostilité à l’égard des élites et des décideurs.

En ce qui concerne la clause de compétence générale, je dois avouer qu’il y a un raisonnement dont la logique m’échappe.

Nous sommes unanimes, sachant que la France de même que nos collectivités sont très diverses, à plaider la cause de la différenciation et de l’adaptation. Madame la ministre, je suis en plein accord avec vous : si nous cherchons à permettre des adaptations, de manière à prendre en compte les différences, il faut que les collectivités aient la possibilité d’exercer un choix. C’est la clause de compétence générale qui leur permet d’adapter leur action, de sélectionner des politiques.

Par ailleurs, je suis d’accord avec M. Delahaye : la clause de compétence générale n’emporte aucune obligation et son usage est strictement facultatif. On peut, à partir de là, établir des politiques spécifiques. Lorsqu’une demande de subvention est présentée, il est tout à fait possible de la refuser ! Dans un tel cas, les élus font un choix politique et, si leur refus est motivé par des raisons objectives, il n’y a pas de recours pour excès de pouvoir qui puisse prospérer !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Hervé Maurey et moi-même, ainsi qu’un certain nombre d’autres collègues, avons longtemps hésité avant de nous associer à cet amendement de suppression.

En vérité, cet amendement a déjà suscité le débat avant même que Vincent Delahaye ne le présente, avec le talent qu’on lui connaît.

Pour résumer ce débat, je dirai que nous sommes en présence de deux positions très voisines, qui ne se distinguent que par des nuances très ténues. Selon les uns, il faut rétablir la clause de compétence générale pour ne pas l’utiliser ; selon les autres, il vaut mieux y renoncer afin de permettre une vraie clarification.

Une seule chose est sûre pour tout le monde : nous n’avons plus les moyens de développer des politiques qui s’écartent trop de nos compétences obligatoires. En même temps, Gérard Roche l’a expliqué, dans certains cas, comme en secteur rural, il faut savoir « arranger les bidons », comme on dit !

Le texte de 2010 ouvrait quelques issues de secours, car cette réforme n’était pas aussi systématique que certains l’ont prétendu. Elle partait de l’idée qu’il fallait supprimer la clause de compétence générale, mais permettre des ajustements.

Le président Mézard a très bien exposé ce qui fonde notre raisonnement : évidemment, il n’est pas simple de supprimer cette clause de compétence générale, mais cette suppression a déjà eu lieu. En 2010, une réforme difficile – un peu « chirurgicale », avouons-le – a été votée après de longs débats. Au moment où l’on nous dit que le pays doit être réformé et qu’il faut faire des efforts, il est paradoxal de revenir sur cette réforme douloureuse, qui avait la vertu de clarifier la situation.

Je n’intenterai à personne un procès en complexité, car nous pouvons nous renvoyer indéfiniment cet argument. Comme l’a dit Mme la ministre, si l’on rétablit la clause de compétence générale, il faut l’assortir de dispositifs d’accompagnement qui, bien que la commission des lois ait tenté de les décomplexifier, ne sont pas d’une grande simplicité.

Voilà pourquoi nous en sommes parvenus à la conclusion que la réforme de 2010 avait le mérite d’une certaine clarté, ce qui nous a conduits à proposer la suppression de l’article 2.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je suis d’accord avec Mme la ministre et M. Hervé : notre société est complexe et il ne faut pas essayer de tout faire entrer dans des cases.

J’évoquais tout à l’heure le cas de la région Île-de-France ; j’y reviens quelques instants. La clause de compétence générale a fait que la région est intervenue dans des domaines où, à mon sens, elle n’aurait pas dû intervenir. On me répondra que ce n’est pas grave si ces interventions, en matière de services d’urgence, de logement, etc., ont eu pour résultat d’apporter des améliorations dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Il reste que, son budget n’étant pas extensible et les dotations de l’État n’augmentant pas, la région s’est trouvée à court d’argent : elle a dû emprunter, et donc s’endetter, ce qui l’amène aujourd’hui à limiter les crédits dans les domaines qui relèvent de ses compétences premières.

Quand je hurle, avec tous mes collègues du conseil régional, sur l’état des transports franciliens, le président Huchon me répond qu’il investit au maximum des capacités de la région.

Je ne dis pas que nous avons tort d’intervenir dans un certain nombre de domaines, madame la ministre. J’insiste seulement sur le fait que nos budgets sont très contraints : nous ne pouvons pas accroître notre budget parce que nous n’avons quasiment plus de ressources propres et qu’il ne nous reste pratiquement plus que des dotations. Comme ces dotations sont en baisse, le budget de la région diminue ! Si nous avons de plus en plus de dettes et de plus en plus de difficultés à rembourser nos emprunts, nous réduisons nos interventions à peu près dans tous les domaines, et d’abord dans ceux qui relèvent de nos compétences premières. C’est un vrai sujet de préoccupation !

Si vous demandez aux Franciliens ce qu’ils pensent des transports publics, ils expriment leur mécontentement. Pourtant, je reconnais que la région fait des efforts – car mes critiques sont plus modérées que la moyenne –, mais ceux-ci demeurent insuffisants au regard des besoins. Pourquoi ? Parce que la région ne dispose plus de marges de manœuvre financières.

La loi de 2010, en supprimant la clause de compétence générale, permettait malgré tout certaines initiatives dans l’« interstitiel », selon l’expression désormais consacrée. Des solutions auraient pu être trouvées, sans placer les élus sous la pression permanente des demandes venant de toutes parts. En effet, ils sont à l’écoute des citoyens et des associations qui expriment des besoins, et cette écoute est normale et légitime.

À quoi sert-il d’avoir des communes, des intercommunalités, des départements, des régions, si tous les niveaux doivent répondre à toutes les demandes ? Nous n’avons plus la capacité financière de le faire. Donc, si je demande que l’on ne maintienne pas la clause de compétence générale pour les régions, c’est pour les protéger ! Protégez-nous de la pression extérieure ! Nous ne pouvons pas assumer nos responsabilités si nous avons des budgets en baisse et si nous continuons de subir toutes sortes de pressions ! (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)

M. André Reichardt. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je voterai l’amendement de nos collègues centristes.

Madame la ministre, à l’origine, votre texte obéissait à une logique précise, que vous nous avez expliquée dans votre propos liminaire. Le rétablissement de la clause de compétence générale était équilibré par le fameux pacte de gouvernance, assorti de sanctions si les collectivités locales ne se mettaient pas d’accord. Nous étions dans une logique de « donnant-donnant », avec un moyen de contrainte fort à l’égard des collectivités territoriales.

La commission des lois a estimé que ce pacte de gouvernance n’était pas bon et l’a supprimé. La logique devrait donc vous amener, madame la ministre, à reconsidérer votre position sur cette clause de compétence générale.

En 2010, les débats avaient été difficiles dans cet hémicycle, mais nous avions, me semble-t-il, trouvé un bon compromis. Aujourd’hui, nous pourrions chercher à améliorer le texte de 2010. Au lieu de cela, vous voulez rétablir la clause de compétence générale, peut-être parce qu’elle relève du symbole, mais vous envoyez ainsi un mauvais signal et je ne suis pas certain que nos concitoyens le comprendront.

En effet, si je me méfie, comme nous y a invité notre collègue Edmond Hervé, des populistes qui voudraient rendre les élus locaux responsables de tous les maux du pays – on a parfois entendu des propos malheureux à cet égard –, il n’en reste pas moins que 95 % de nos concitoyens ne comprennent rien à notre système ! Conserver la clause de compétence générale ne peut que conforter les jugements négatifs portés sur les collectivités locales.

Une clarification s’impose : voyons s’il faut ajuster les dispositions de 2010 en fonction des territoires, mais revenir à l’ancien système serait une erreur.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Ce débat est très intéressant et met en évidence les difficultés que soulève cette question. Je tiens cependant à attirer l’attention de mes collègues sur le fait que, si chaque collectivité se recentre sur ses propres compétences, il n’est pas sûr que nous obtiendrons un résultat cohérent en termes d’aménagement du territoire ou de politique de solidarité entre territoires.

Si les communes n’ont plus les moyens d’entretenir leur voirie communale, c’est évidemment embêtant ! Mais si elles en ont les moyens et que les routes communales débouchent sur des routes départementales mal entretenues, ce n’est pas très cohérent ! Et si les routes départementales sont belles, comme je l’ai parfois vu sur certains territoires, nettement plus belles que les routes nationales, qui voient passer 20 000 véhicules par jour, sans avoir été élargies à deux fois deux voies, le résultat n’est pas non plus cohérent, et nos concitoyens comprennent encore moins !

Prenons l’exemple des transports scolaires : si les départements veulent faire des économies, leur mission se limite à la seule organisation de ces transports. Ils en ont également assumé le financement jusqu’à présent parce qu’ils en avaient les moyens. Demain, s’ils ne peuvent plus financer le transport des élèves des écoles maternelles et élémentaires ni celui des lycéens, ils enverront la note aux communes ou à la région ! La complémentarité entre les niveaux de collectivités est donc évidente, d’où naît nécessairement une certaine complexité.

Madame la ministre, vous avez évoqué le sujet des cités scolaires. Je souscris à votre analyse ainsi qu’à celle de M. Karoutchi. J’ai été conseiller régional et conseiller général pendant dix-huit ans : cela m’a permis de comparer comment fonctionnaient les deux collectivités.

À l’origine, les régions jouaient véritablement un rôle de réflexion et d’orientation stratégique : elles s’occupaient de la formation professionnelle, des grands équipements, de la recherche, de l’enseignement supérieur.

On a commencé par leur confier les lycées, ce qui représentait déjà une mission de réalisation, d’investissement.

M. Daniel Dubois. Et de gestion !

M. René-Paul Savary. On peut se demander si les départements, qui s’étaient vu attribuer la responsabilité des collèges, n’auraient pas pu s’occuper également des lycées, dans un souci de rationalisation, et à condition de leur en donner les moyens, bien sûr !

Dans un second temps, on a confié les TOS aux régions, et cela a effectivement tout fait basculer, cela a totalement dénaturé leur vocation. Avant cette réforme, ma région n’employait que 200 personnes et 80 % du budget étaient consacrés à des dépenses d’intervention, les 20 % restants suffisant à couvrir le fonctionnement. Aujourd’hui, la structure du budget des régions est similaire à celle des budgets des départements !

En outre, la logique du transfert de cette compétence n’a pas été menée à son terme puisque les gestionnaires d’établissement dépendent toujours de l’éducation nationale, et non de leur collectivité de rattachement : ils sont donc soumis à une double hiérarchie. Où est la rationalisation ?

Madame la ministre, vous avez pointé des sujets sur lesquels il pourrait y avoir de véritables évolutions, mais, là, il faut absolument faire bouger les lignes !

Nous aurions pu vous suivre si vous nous aviez présenté une clarification des différentes missions, en fonction des ambitions de chaque niveau de collectivité. Je n’ai malheureusement pas l’impression que nos débats vont remédier fondamentalement à la complexité du système !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Voilà un sujet sensationnel ! Il peut alimenter plusieurs congrès des maires ! Il suffit de dire à la tribune que l’on est favorable à la clause de compétence générale pour que tout le monde se dise : « Ah ! En voilà un qui nous aime ! » Et de l’applaudir pendant vingt minutes ! Le même peut annoncer ensuite la suppression des dotations parce qu’il n’y a plus d’argent, personne n’y fait attention et l’affaire est réglée ! (Sourires sur différentes travées.)

Il faut distinguer la clause de compétence générale de la possibilité pour une collectivité de financer quelque chose qui est décidé par une autre collectivité. Ce sont deux notions tout à fait différentes, et il ne faut pas les confondre si l’on veut tant soit peu avancer.

Par exemple, l’État se débrouille fort bien pour obtenir des financements d’autres collectivités : alors qu’il est compétent pour construire des universités, il lui arrive de demander à la région, au département ou à la commune d’apporter leur contribution. Qu’il y ait clause de compétence générale ou pas, cela ne change rien du tout. ! Si l’on a envie de financer ceci ou cela, on le finance ! Si l’on n’en a pas envie, on ne verse rien !

La clause de compétence générale est une notion juridique qui désigne le pouvoir de commencer. Si les départements financent beaucoup d’équipements communaux, des constructions d’écoles, notamment, ce n’est pas au titre de la clause de compétence générale. Un département a ainsi le sentiment de participer à l’aménagement du territoire.

La confusion entre les deux notions donne surtout l’occasion de faire des colloques ! Et puis, pendant qu’on parle, on ne pense pas aux malheurs… Voilà la réalité ! Tant qu’on glose sur la clause de compétence générale, qu’on passe des heures à s’étriper sur ce thème, on oublie les mauvais moments, ceux où l’on constate que la caisse est vide ! Alors, on parle, on parle, la journée se termine, et on peut recommencer le lendemain ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)

Mme Cukierman peut vous le dire : il arrive au département du Rhône de financer des petites choses dans le département de la Loire, au titre de la compétence générale. Mais, au titre de l’utilité générale, c’était quelque chose de bien plus important.

Mme Cécile Cukierman. C’est pour cela que, ce matin, on a parlé de financement !

M. Michel Mercier. Voilà ! Je suis heureux de vous avoir un peu chatouillée, madame Cukierman. Cela marche bien, et il n’y a pas de raison de s’en priver ! (M. Roger Karoutchi pouffe.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Les membres du groupe CRC ne voteront pas l’amendement visant à supprimer la clause de compétence générale pour les départements et pour les régions.

Je vois dans cette clause de compétence générale un acte de confiance à l’égard des élus et je pense que, dans la période présente, les élus attendent aussi de la part du Gouvernement cet acte de confiance et de respect de leur liberté qu’est la possibilité de faire les choix de gestion qui leur semblent importants. Ces choix sont souvent le résultat de débats qui mettent en relief les besoins des populations.

Il ne s’agit pas de tout faire, mais nos concitoyens attendent parfois de nous des réponses à des problèmes extrêmement importants qui ont été complètement délaissés par l’État.

Il en va ainsi pour le logement, qui ne relève pas de la compétence du département. Dans le Val-de-Marne, où je suis élu, des logements sociaux ont parfois été mal entretenus, faute de moyens. Il a donc fallu engager des programmes de rénovation urbaine, souvent, d’ailleurs, à l’incitation du Gouvernement. À l’époque, c’était Jean-Louis Borloo qui nous y avait poussés, dans le cadre des programmes ANRU. Notre département s’y est engagé, à côté de l’État, à hauteur de 120 millions d’euros.

Si nous l’avons fait, c’est pour éviter à des dizaines de milliers de familles de continuer à vivre dans des conditions inacceptables, dans des logements qui se dégradaient. Mais nous étions en mesure de le faire ! Or il était très important de parvenir à corriger ainsi des inégalités sociales à l’échelon du territoire et de répondre à des besoins fondamentaux.

Nos collègues Savary et Roche ont montré, à l’aide d’exemples très concrets, combien il est aujourd’hui important de pouvoir apporter ces réponses.

Nous butons, il est vrai, sur des problèmes financiers qui, au bout du compte, risquent de nous priver, malgré notre volonté, de la possibilité de faire jouer la clause de compétence générale, pour nous cantonner à nos seules compétences obligatoires. À terme, cela conduirait à enfermer nos collectivités dans des politiques très encadrées, voire à devenir de simples guichets. On en viendrait à se demander si le niveau de collectivité considéré est bien utile !

Derrière cette clause de compétence générale, c’est donc aussi la question de l’avenir des collectivités elles-mêmes qui est posée. C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons, pour notre part, que la commission et le Gouvernement proposent le rétablissement de la clause de compétence générale pour les régions et les départements.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Pour les multiples raisons que j’ai indiquées tout à l’heure, je soutiendrai l’amendement de nos collègues centristes.

Madame la ministre, je reconnais que, si l’on faisait deux colonnes retraçant les « plus » et les « moins » de la clause de compétence générale, elles seraient certainement d’une longueur à peu près équivalente.

Néanmoins, il faut aussi appliquer ce que l’on appelle en allemand la Realpolitik. À ce titre, la première question qui se pose est celle des moyens dont nous disposons. Nous devons évidemment tenir compte de la nécessité actuelle de maîtriser la dépense publique. Or j’ai le sentiment que la clause de compétence générale ne milite pas en ce sens. Nous allons bien le voir : si, demain, cette clause de compétence générale est réintroduite dans les départements et les régions, comme le disait tout à l’heure mon collègue et ami René-Paul Savary, elle ne sera guère utilisée, et je pense même qu’elle risque de ne pas l’être du tout !

Enfin, je ne vois pas pourquoi, madame la ministre, avec des blocs de compétences très explicitement fléchés pour les différentes strates de collectivités, il ne serait pas possible, demain, d’avoir, pour Strasbourg, un contrat de « ville européenne ». Les Alsaciens sont si attachés à la vocation européenne de Strasbourg que, j’en suis intimement persuadé, chacune des strates ne manquerait pas, dans le cadre de son bloc de compétences, de contribuer à l’élaboration d’un futur contrat triennal. C’est, en effet, en additionnant ces diverses actions, ces divers projets, que nous obtiendrions la cohérence de ce contrat.

Pardonnez-moi de vous le dire aussi directement, madame la ministre, mais cet argument ne tenait pas.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.