Mme Marie-France Beaufils. La clause de compétence générale ne doit pas faire oublier qu’il existe aussi des compétences particulières bien précises, déjà affirmées, et que la population connaît, pour peu qu’on l’en informe.

Pour moi, la clause de compétence générale est liée au suffrage universel et à l’importance des choix politiques affirmés pour la collectivité, à partir des projets qui sont présentés au sein d’un programme lorsque s’engage une campagne électorale : ce sera le cas avec les prochaines élections municipales.

Les candidats aux élections cantonales ou régionales présentent un projet d’avenir pour le conseil départemental ou le conseil régional. Parmi les choix proposés, certains vont concerner les compétences obligatoires et d’autres porteront sur des sujets qui relèvent de la compétence générale. Il faut aussi prendre ses responsabilités et assumer ce que l’on va choisir de faire ou de ne pas faire.

Nous y refusons-nous ? Je crois que non ! C’est quand même le fond de la démarche politique à laquelle nous voulons faire participer nos concitoyens. Sans clause de compétence générale, les conseils généraux deviendraient, en quelque sorte, des agences destinées à mettre en œuvre des politiques définies à l’échelon national. Est-ce ce que nous cherchons ? Je ne le pense pas ! Si l’on veut garder à notre démocratie ce lien avec le territoire, si l’on veut préserver cette capacité d’agir au sein de cette importante vie locale dans laquelle le citoyen doit reprendre toute sa place, il faut véritablement garder la compétence générale pour l’ensemble de nos collectivités.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 255 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 247 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l’adoption 154
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 872, présenté par M. Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Rédiger ainsi ces alinéas : 

1° L’article L. 3211-1 est ainsi rédigé : 

« Art. L. 3211-1. - Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département. 

« Il statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et sur tous les objets d’intérêt départemental dont il est saisi. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, visant à sécuriser la définition des compétences du conseil général.

Dans un même souci, je vous proposerai tout à l’heure un amendement tendant à sécuriser les compétences du conseil régional, même s’il n’a pas été examiné en commission.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 240 rectifié bis est présenté par MM. Cazeau, Mazuir et Boutant, Mmes Bonnefoy et Nicoux, MM. Daudigny et Jeannerot, Mme Blondin, MM. Marc, Le Menn, Chastan, Miquel, Eblé, Mirassou, Auban, Rainaud, Vairetto, Krattinger, J. Gillot et Lozach, Mme Durrieu, MM. Rome, Camani et Labazée et Mme Bataille.

L'amendement n° 392 est présenté par M. Fortassin.

L'amendement n° 433 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes. » ;

La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l’amendement n° 240 rectifié bis.

M. Bernard Cazeau. Je le retire au profit de l’amendement n° 872.

Mme la présidente. L'amendement n° 240 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 392 n’est pas défendu.

La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l'amendement n° 433.

M. Christian Favier. Cet amendement vise à souligner le rôle et la place du département.

Nous nous réjouissons du rétablissement de la clause de compétence générale, qui est une caractéristique essentielle des collectivités territoriales, permettant d’ailleurs de distinguer un EPCI d’une collectivité territoriale. C’est important, même si la loi de 2010 reconnaît que le conseil général comme le conseil régional peuvent « se saisir de tout objet d’intérêt départemental [ou régional] pour laquelle la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ».

Je rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît implicitement que la clause générale de compétence est une composante de la libre administration des collectivités territoriales, garantie par l’article 72 de la Constitution. Dotées d’attributions effectives, les collectivités locales doivent également conserver leur vocation générale.

Comme cela a été dit précédemment, l’institution départementale joue un rôle essentiel. Elle accompagne les communes dans leurs projets. Elle est le relais de la solidarité en faveur de nos concitoyens, qu’il s’agisse des enfants, des jeunes, des personnes âgées ou des personnes handicapées. Enfin, elle poursuit l’action de dynamisation de nos territoires. Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes particulièrement attachés au maintien de cet échelon territorial.

Cet amendement, en définissant un socle de compétences inaliénables, vise à réaffirmer, mais surtout à sécuriser, l’existence même des départements, car, contrairement à d’autres sénateurs, nous pensons, comme la majorité de nos concitoyens, que le département reste un échelon pertinent – pas uniquement dans les zones rurales – et qu’il contribue à renforcer la cohérence et l’attractivité territoriale malgré la compétition européenne. Chaque jour, dans nos départements, nous travaillons pour corriger les inégalités territoriales, notamment grâce à nos politiques d’investissement.

Aujourd’hui, le département est, avec la commune, l’échelon le mieux identifié. Il fait sens pour conforter des projets communaux et intercommunaux. Il permet le bien-vivre ensemble. Il est donc un échelon essentiel de la cohésion sociale.

Les départements, on le sait, ont réussi à fédérer les acteurs de la vie sociale et culturelle, à construire très souvent de véritables politiques de proximité dans les domaines de la culture, de la petite enfance, de l’éducation, de la préservation de l’environnement, du logement, des transports, mais aussi des « déplacements doux », du soutien aux associations, des coopérations décentralisées dans le secteur de la solidarité internationale en direction de telle ou telle région du monde, de la lutte contre les nuisances et les risques.

De fait, les départements sont bien devenus des services publics accessibles et cohérents à une échelle de territoire qui reste appréhendable par tout un chacun, mais également des partenaires privilégiés des communes.

Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 180 rectifié ter est présenté par MM. Adnot, Savary, Sido, Détraigne, Béchu, Doligé, Laménie, P. Leroy, Dériot et Pointereau.

L'amendement n° 239 rectifié bis est présenté par MM. Cazeau, Mazuir et Boutant, Mmes Bonnefoy et Nicoux, MM. Miquel, Jeannerot et Daudigny, Mme Blondin, MM. Marc, Le Menn, Bérit-Débat, Eblé, Auban, Mirassou, Rainaud, Krattinger, J. Gillot et Lozach, Mme Durrieu, MM. Rome, Camani et Labazée et Mme Bataille.

L'amendement n° 391 rectifié est présenté par MM. Fortassin et Collombat.

L'amendement n° 440 rectifié est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l'amendement n° 180 rectifié ter.

M. René-Paul Savary. Cet amendement vise à rétablir le dernier aliéna de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel le conseil général « donne son avis sur tous les objets sur lesquels il est consulté en vertu des lois et règlements ou dont il est saisi par les ministres, et notamment sur les changements proposés aux limites territoriales du département, des arrondissements, des cantons et des communes et sur la désignation de leur chef-lieu ».

Ne pas rétablir cet alinéa serait contraire à la loi instituant le binôme, qui vient d’être adoptée, puisqu’elle prévoit clairement que les départements doivent être consultés dans le cadre du redécoupage des cantons. Cette loi précise même que les départements doivent se prononcer dans un délai de six semaines sur la proposition de découpage du ministère de l’intérieur.

Les départements sont le reflet des territoires. Ils établissent la solidarité des territoires entre eux. Ils ont contribué à la mise sur pied de la carte intercommunale.

Si nous voulons un redécoupage cohérent, qui prenne en compte les territoires, les bassins de vie et les intercommunalités créées, et non un redécoupage partisan, il est donc important que les départements soient consultés. Aucune commune ne pouvant désormais demeurer isolée, les communautés de communes ont une importance primordiale par rapport aux bassins de vie.

Cet amendement tend donc à rappeler que, compte tenu de l’instauration des binômes et d’un nouveau scrutin, compte tenu du redécoupage qui donnera naissance à des territoires beaucoup plus vastes que ceux qui existent actuellement et rassemblant des bassins de vie, il est essentiel que les départements soient consultés sur les limites territoriales.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 239 rectifié bis.

M. Bernard Cazeau. Je m’associe évidemment à ce qui vient d’être dit.

Au moment où il va être procédé à des redécoupages, il est en effet important que les départements soient consultés. Il est même impensable que cela puisse ne pas être le cas.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 391 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 440 rectifié.

Mme Cécile Cukierman. Nous nous sommes suffisamment félicités du rétablissement de la clause de compétence générale, en particulier pour les départements, pour faire preuve de la plus grande vigilance sur les modalités de ce rétablissement. Celui-ci doit être intégral. Or le diable se cache parfois dans les détails…

En effet, la commission a supprimé, via un amendement rédactionnel, les dispositions prévoyant la consultation du département « sur les changements proposés aux limites territoriales du département, des arrondissements, des cantons et des communes et sur la désignation de leur chef-lieu ».

Dès lors, nous ne pouvons que nous interroger sur les raisons pour lesquelles cette consultation, paraît-il redondante, figurait dans un alinéa de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales.

Surtout, cette suppression nous paraît malvenue aujourd'hui et, à la veille d’un nouveau redécoupage des cantons, peu respectueuse de la démocratie.

Enfin, elle est dangereuse si l’on considère, comme nous, que ce projet de loi porte en germe la disparition, à terme, des départements. Compte tenu de ce que prévoient certains articles relatifs à la création de métropoles, que nous examinerons ultérieurement, nous estimons que l’existence des départements serait vraiment menacée si cette suppression du dernier alinéa de l’article L. 3211-1 du CGCT était maintenue.

J’ai très concrètement présent à l’esprit l’avenir du département du Rhône, dont le projet de loi prévoit de transférer les compétences à la métropole. Qu’importeront alors les limites territoriales d’un département dont le conseil général n’exercera plus que de maigres compétences sur une portion réduite de son territoire ?

Certains considèrent que les départements ne constituent plus aujourd’hui un échelon territorial pertinent. Ils seraient trop petits pour représenter une cohérence territoriale dans la compétition européenne et trop grands pour tenir leur rôle d’institution de proximité.

Nous sommes en total désaccord avec l’abandon d’un échelon important de la représentation des populations au niveau d’un territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur les amendements nos 240 rectifié bis et 433.

Comme l’a dit Colette, on est écrivain par les mots qu’on refuse à sa plume. Je veux dire par là, concernant les amendements identiques nos 180 rectifié ter, 239 rectifié bis et 440 rectifié, que l’ambition de la commission des lois a été purement légistique : il s’agissait d’éviter qu’une disposition identique concernant les conditions d’intervention des conseils généraux sur les modifications des limites territoriales des départements et des arrondissements figure à deux endroits différents du texte. Nous ne supprimons donc rien, sinon une répétition dans le texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sur l’amendement n° 872, l’avis est favorable.

Sur l’amendement n° 433, j’avais au départ émis un avis défavorable, car il était prévu de débattre du sujet en cause lors de l’examen des dispositions relatives aux collectivités chefs de file. Cependant, compte tenu de la position adoptée par la commission des lois, je m’en remets finalement à la sagesse du Sénat.

Sur les amendements identiques nos 180 rectifié ter, 239 rectifié bis, 391 rectifié et 440 rectifié, j’émets un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 872.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 433, 180 rectifié ter, 239 rectifié bis, 391 rectifié et 440 rectifié n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 905, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Les deux premiers alinéas de l’article L. 4221-1 sont ainsi rédigés :

« Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle, tendant à confirmer le rétablissement de la clause de compétence générale de la région.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 905.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 434, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. L’alinéa 10 de l’article 2, tend, comme le précise à juste titre dans son rapport notre collègue René Vandierendonck, à réintroduire la clause de compétence générale, supprimée par l’article 73 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, cette suppression devant être effective à compter du 1er janvier 2015.

Avec nos collègues de la majorité sénatoriale, nous nous étions vivement opposés à cette suppression, considérant que, principalement dictée par des impératifs financiers et s’inscrivant dans la continuité des politiques d’austérité, elle aurait pour conséquence de réduire la capacité d’action des collectivités territoriales.

Cette capacité d’action est importante pour permettre aux collectivités de conserver leur dynamisme, mais aussi, et c’est notre préoccupation majeure, pour répondre aux besoins des populations. Il s’agit clairement pour nous, selon la formule de notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier, désormais ministre déléguée chargée de la décentralisation, de « chercher, avec les élus, l’endroit où le meilleur service sera rendu aux citoyens ».

La réintroduction de cette clause constitue donc une bonne mesure, et nous faisons confiance aux élus des collectivités territoriales pour imaginer, arrêter et mettre en œuvre les politiques publiques les mieux adaptées aux territoires et aux populations. Nous souhaitons d’ailleurs que ces actions non obligatoires fassent le plus souvent possible l’objet d’une concertation, voire d’une co-élaboration avec les citoyens.

Pour autant, l’alinéa 10 de cet article semble conférer un encadrement important au principe de la clause de compétence générale puisqu’il établit une liste de compétences sur lesquelles les conseils régionaux sont autorisés à délibérer et, par conséquent, à agir.

C’est une idée que vous aviez avancée, madame la ministre. Je cite vos propos : « Le retour vers une clause de compétence générale à tous les niveaux de collectivités paraît être la meilleure solution, sous réserve qu’il y ait une identification des compétences majeures qui serait une véritable colonne vertébrale. »

Autrement dit, la réintroduction de la clause de compétence générale ne serait possible qu’à la condition que cette clause soit, sinon réduite, au moins strictement encadrée. Elle serait même d’autant plus encadrée qu’en l’absence de l’adverbe « notamment » – le Sénat, je le sais, y est plutôt hostile ! – la liste paraît être exhaustive.

Aussi, afin de permettre la pleine réintroduction de la clause de compétence générale, et pour en revenir à la situation antérieure à 2010, nous proposons de supprimer l’alinéa 10 de cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 435, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer les mots :

et pour assurer la préservation de son identité et des langues régionales

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. La rédaction de cet alinéa a pour effet de placer la préservation de l’identité régionale dans la liste des compétences dont l’attribution est clairement garantie aux régions. Certes, il ne s’agit pas là d’une compétence obligatoire, mais elle fait en quelque sorte partie du socle de compétences générales garanties aux régions, ce qui nous inquiète à plus d’un titre.

Tout d’abord, la notion d’« identité régionale » dont il est fait mention ici ne nous apparaît pas suffisamment définie pour que la loi y fasse explicitement référence.

Souvenons-nous du débat sur l’identité nationale. L’utilisation, de cette notion, pour ne pas dire son instrumentalisation, a montré combien l’absence de définition partagée rendait impossible le débat, chacun l’appréhendant de manière diverse, et même parfois radicalement différente, à tel point qu’il était impossible d’établir un consensus. Nous craignons qu’il en soit de même ici. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer la référence à cette notion.

Nous sommes d’autant plus inquiets que nous n’ignorons pas que cette notion s’inscrit dans une stratégie européenne de régionalisation, destinée à transformer l’échelon régional tel que nous le connaissons, c’est-à-dire un échelon démocratique de proximité, en un échelon d’abord et avant tout économique, qui serait continuellement placé en concurrence avec d’autres territoires nationaux ou européens, alors même qu’il n’existe aucune harmonisation fiscale ou sociale au sein de l’Union européenne.

Cette formulation était par ailleurs clairement mentionnée dans le projet de traité constitutionnel européen de 2005, rejeté par le peuple français par référendum. Elle figure également dans le traité de Lisbonne, dont personne ne peut nier qu’il a, avant tout, une portée économique.

Qui plus est, bien que contrasté, le vote récent des Alsaciens sur la fusion des deux conseils généraux et du conseil régional (Exclamations sur les travées de l'UMP.) doit nous inviter à relativiser cette notion d’identité régionale.

On voit bien que l’argument de l’identité régionale, largement mis en avant lors du débat qui a précédé ce référendum, n’a pas résisté face à la volonté des électeurs de conserver, à la fois, les échelons de proximité dans leur diversité et des structures en lien avec leurs aspirations et leurs besoins.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, au moment de voter cet amendement, à mesurer combien cette question de l’identité régionale est aujourd’hui instrumentalisée par des mouvements régionalistes. Ceux-ci n’hésitent plus à en faire une revendication majeure qu’ils opposent, par ailleurs, à la solidarité nationale, fondement de notre République.

Mme la présidente. L’amendement n° 313 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier et Chevènement, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer les mots :

et des langues régionales

M. Roger Karoutchi. Un amendement républicain !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Dans la droite ligne de mes précédents propos et de ceux que nous venons d’entendre, je vous propose, avec Jean-Pierre Chevènement, Gilbert Barbier, la suppression, à l’alinéa 10, des mots « et des langues régionales ».

L’article 2 de la Constitution dispose que « la langue de la République est le français ». Il nous paraît inutile et même dangereux d’inclure dans ce projet de loi la référence explicite aux langues régionales, avec les incertitudes qui peuvent découler de cette notion.

Fidèle à la tradition intellectuelle de mon groupe, je me devais de déposer et de défendre un tel amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 664 rectifié, présenté par MM. Patriat, Le Vern, Percheron et Besson, Mme Génisson, M. Fauconnier, Mme Espagnac, M. Anziani et Mme Herviaux, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Après les mots :

identité et

insérer les mots : 

promouvoir le développement

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 434, 435 et 313 rectifié ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. Il est favorable sur l’amendement n° 434 et défavorable sur les amendements nos 435 et 313 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est défavorable sur les trois amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 434.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 435 et 313 rectifié n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 616 rectifié bis, présenté par MM. Delahaye, Guerriau et Arthuis, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Au quatrième alinéa de l'article L. 1111-4, les mots : « par priorité » sont remplacés par les mots : « au minimum à hauteur de 95 % de leur budget »

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Je regrette que l’on n’ait pas supprimé l’article 2 et la clause de compétence générale. Cela aurait pourtant été cohérent – Mme la ministre l’a dit elle-même ce matin – avec la suppression du pacte de gouvernance territoriale, sans empêcher pour autant les collectivités de financer des actions ne ressortissant pas à leurs compétences.

Le présent amendement vise, par conséquent, à éviter la dispersion des interventions des collectivités du fait de la clause de compétence générale. Il est vrai que les ressources sont aujourd’hui plus rares et que cela tend à limiter quelque peu les envies des uns et des autres d’empiéter sur des compétences qui sont hors de leur champ.

Il s’agit de prévoir que le département et la région doivent consacrer au minimum 95 % de leur budget aux dépenses relevant des compétences dont ils sont chefs de file. Ces collectivités pourront ainsi se concentrer quasi exclusivement sur leurs compétences propres, tout en gardant une petite marge de manœuvre pour d’éventuelles interventions extérieures.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 616 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Madame la présidente, je souhaite que le Sénat examine par priorité l’amendement n° 684 rectifié ter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable, madame la présidente.

Mme la présidente. La priorité est de droit.

L'amendement n° 684 rectifié ter, présenté par Mme Lipietz, MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

6° Après l'article L. 1111-8, il est inséré un article L. 1111-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-8-1 – Sauf lorsque sont en cause des intérêts nationaux et dans les domaines prévus par la loi, l’État peut déléguer par convention à une collectivité territoriale ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui en fait la demande l’exercice de tout ou partie de ses compétences.

« Les compétences déléguées en application du présent article sont exercées au nom et pour le compte de l’État.

« Aucune délégation ne peut porter sur l’exercice de missions de contrôle confiées aux services de l’État par les lois et règlements.

« Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui souhaitent bénéficier d’une délégation de compétence en font la demande auprès du représentant de l’État dans la région qui la transmet au ministre chargé des collectivités territoriales accompagnée de ses observations et de l’avis de la conférence territoriale de l’action publique prévue à l’article L. 1111-9-1.

« La délégation est décidée par décret. La convention prévue au premier alinéa en fixe la durée, définit les objectifs à atteindre, précise les moyens mis en œuvre ainsi que les modalités de contrôle de l’État sur la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre délégataire. Les modalités de cette convention sont précisées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Examinons-nous l’acte III ou l’acte IV de la décentralisation ? Je l’ignore, mais je sais, pour l’avoir appris en cours de droit constitutionnel, que la décentralisation est un transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales. Or il n'est nulle part écrit dans le présent projet de loi que l'État peut déléguer une partie de ses compétences.

L’amendement n° 684 rectifié ter vise donc à mettre en place des délégations de compétences de l'État vers les collectivités territoriales et à permettre une plus grande souplesse de l'exercice des compétences de l'État qui tienne compte des réalités des territoires. Bien sûr, ces délégations se feront à la demande des collectivités. Il s'agit non pas d’imposer à ces dernières des compétences dont elles ne veulent pas, mais, dans le cadre d'une expérimentation, de leur permettre de les exercer après un accord conclu avec l'État.

Bien entendu, le territoire qui nous semble le plus pertinent en termes de taille et de structure, c'est la région.