M. Christian Cambon. Voilà la porte ouverte à toutes sortes d’appréciations subjectives venant de la part d’une autorité bien peu qualifiée pour les formuler.

Mais – et c’est sans doute le plus inquiétant –, avec les projets de loi qui nous sont soumis, vous créez un véritable délit d’opinion d’office à l’encontre des parlementaires, élus et autres personnalités nommées en conseil des ministres.

Deux éléments conduisent à cette aberration. D’abord, la définition du conflit d’intérêts. Aux termes de l’article 2 du projet de loi ordinaire, « constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et un intérêt privé ». Pour identifier ces situations de conflits d’intérêts, la Haute Autorité s’appuiera sur les « liens susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts », selon l’article 1er du projet de loi organique.

M. Gérard Longuet. « Susceptibles » !

M. Christian Cambon. Or le problème vient justement de la lecture croisée de ces deux dispositions.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Vous n’avez pas lu le rapport ! Cela a été changé !

M. Christian Cambon. Mais si, j’ai lu le rapport !

Les liens dont il est question sont par nature extrêmement vagues, informels et donc juridiquement instables. Aussi quelle lecture la Haute Autorité fera-t-elle de ces liens et de ces interférences ?

On imagine aisément qu’elle se focalisera sur des intérêts privés de type économique, bien sûr. On sanctionnera surtout les élus entrepreneurs. On tentera de débusquer dans la famille des élus des situations professionnelles incompatibles. On interrogera plus que de raison un parlementaire qui aura eu le malheur d’exercer dans le secteur privé.

Si votre texte entrait en application, de nombreuses formes de conflits d’intérêts ou d’interférences pourraient être dénoncées.

Par exemple, la double nationalité d’un élu ou d’un fonctionnaire pourrait être le signe d’une allégeance à une puissance étrangère. De la même manière, une appartenance religieuse revendiquée pourrait constituer, pour un élu, un manquement potentiel au respect de la laïcité ou un comportement prosélyte.

Pour ce qui est des intérêts économiques, être client régulier d’une société pourrait également entraîner une suspicion. Les habitudes de consommation sont aussi déterminantes : un parlementaire élu d’une circonscription rurale possédant un 4 x 4 devra-t-il s’absenter lorsque sera discuté en commission des finances le bonus-malus écologique ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. On a supprimé cela ! Vous n’avez pas lu le rapport !

M. Christian Cambon. Le Gouvernement l’avait proposé et l'Assemblée nationale l’a adopté ! Cela montre bien les mobiles sous-jacents ! M. Dosière l’a dit, les socialistes veulent non pas interdire, mais savoir !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Nous sommes au Sénat et la commission a supprimé cela !

M. Christian Cambon. M. Sueur, qui parle pendant des heures ne veut pas laisser l’orateur s’exprimer… Je ne vous interromps pas autant, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Je me permets de réagir à vos propos !

M. Christian Cambon. Vous pourrez réagir lorsque vous aurez la parole !

Par ailleurs, l’appartenance à un réseau d’anciens camarades de grande école, à une association ou à un club de réflexion peut également interférer dans l’œuvre du législateur. Et pourquoi pas, demain, l’appartenance, au sein du Parlement, à un groupe d’amitié, qui est aussi un groupe de pression ?

Allons au bout de la réflexion : un parlementaire peut-il se prononcer sur les lois électorales auxquelles lui-même sera soumis ?

Un intérêt particulier ou privé n’est-il pas exprimé lors de la discussion du mode de scrutin en vigueur dans sa propre circonscription ? Devrons-nous ne plus prendre part aux votes afférents aux compétences des collectivités dans lesquelles nous siégeons ?

M. Gérard Longuet. Conflit d’intérêts !

Mme Nathalie Goulet. Absolument !

M. Christian Cambon. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, avec les présents projets de loi, avec votre définition fourre-tout du conflit d’intérêts,…

M. Gérard Longuet. C’est le délit d’intérêt qui réapparaît !

M. Christian Cambon. … personne, je dis bien personne, ne sera à l’abri des foudres de la Haute Autorité et de la loi pénale.

Cette situation est d’autant plus dommageable qu’une très bonne définition du conflit d’intérêts avait été donnée dans le rapport d’information du groupe de travail portant sur cette question mené par notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest. Cette définition était précise parce qu’elle éliminait des intérêts trop larges non formellement identifiables et ne retenait que les intérêts privés qui viendraient mettre à mal la poursuite de l’intérêt général.

Le plus risible dans cette guerre éthique que vous menez par nécessité, c’est que ces projets de loi ne sont que des réponses législatives aux égarements de l’un des vôtres. Pour autant, et nous le savons tous, si le présent texte avait alors été en vigueur, il n’aurait jamais permis d’identifier et de sanctionner les agissements de M. Cahuzac.

M. Christian Cambon. En réalité, les projets de loi que nous examinons conduisent à une fonctionnarisation du Parlement. Vous appelez de vos vœux la république des apparatchiks. Mes chers collègues, ne vous inquiétez pas, avec vous, elle finira par exister et par imposer l’uniformisation ! Dehors les chefs d’entreprise, les médecins, les agriculteurs, les ouvriers ! Dehors les élus locaux, les comptables, les avocats, les commerçants ! Vive la politique aux mains des professeurs et des chefs de section partisane !

M. Ronan Kerdraon. Ridicule !

M. Christian Cambon. C’est parce que nous refusons cette vision réductrice de la politique qui porte atteinte à la démocratie que nous vous demandons de voter la motion tendant à opposer la question préalable et de mettre un terme définitif à cette manœuvre de basse politique. Soyez-en certains, les Français ne s’y tromperont pas et vous le feront bientôt savoir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, contre la motion.

M. Alain Anziani. Je ne voulais pas prendre la parole, mais les propos caricaturaux de M. Cambon m’obligent à rappeler quelques éléments.

Tout d’abord, monsieur Cambon, vous faites état d’un « tour de magie ». Pour ma part, je dois vous savoir gré d’une chose : vous parlez en expert ! Vous avez été capable en quelques secondes, en citant le nom de Jérôme Cahuzac, de faire oublier les affaires Karachi, Sarkozy, Woerth, Bettencourt, Bédier…

Mmes Éliane Assassi, Nathalie Goulet et M. Ronan Kerdraon. Guéant !

M. Alain Anziani. … Guéant effectivement, et tant d’autres. Vous avez un réel talent de magicien pour cacher ce que nous voulons tous mettre sur la table aujourd’hui.

Néanmoins, cette réponse que je vous apporte ne me satisfait pas. Notre objectif n’est en effet pas d’opposer ceux qui témoigneraient de moralité et les autres, comme vous venez de le faire.

M. Christian Cambon. C’est vous qui donnez en permanence des leçons de morale !

M. Alain Anziani. Mais non, c’est l’inverse !

Et votre attitude est stupide pour une raison simple : si nous craignons, comme vous, que la démocratie ne soit remise en question, nous considérons que le risque vient non pas du présent texte, mais de l’opacité. Et ceux qui finalement gagneront à un tel retranchement ne seront ni vous ni nous, mais ceux qui ne siègent pas dans cette enceinte et qui attendent leur heure pour s’emparer de la démocratie. Tel est bien le danger !

Je m’étonne que vous n’ayez pas rappelé ce risque, car vous l’aviez vous-même perçu. Voilà deux ans, en effet, l’ancien premier ministre de la majorité d’alors, François Fillon – un homme que vous appréciez beaucoup –, avait déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi relatif à la déontologie. Mais à peine déposé, ce texte a été remis au fond d’un tiroir. Pour notre part, dès l’instant où le présent projet de loi organique a été élaboré, nous l’avons déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale et du Sénat. Telle est la différence entre vous et nous ! Nous sommes pour la transparence, y compris pour celle de nos idées, et nous assumons nos responsabilités.

Quels sont les scandales relatifs à ce texte ? Il y en aurait de nombreux, selon vous ! Mais, franchement, que d’erreurs de votre part s’agissant d’un projet de loi que, à l’évidence, vous n’avez même pas lu !

M. Alain Anziani. Mais non, vous ne l’avez pas lu !

À propos des conflits d’intérêts, vous nous faites l’apologie de la définition donnée dans le rapport d’information de MM. Hyest, Collombat, Mme Escoffier, MM. Anziani, Vial.

Mme Éliane Assassi. Et Mme Borvo Cohen-Seat !

M. Alain Anziani. Si vous aviez lu le texte adopté par la commission, vous auriez noté que, à la suite du dépôt d’un amendement par M. Collombat, celle-ci a repris la définition figurant dans le rapport précité.

M. Christian Cambon. Et dans le rapport de l’Assemblée nationale, c’était quoi ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Nous sommes au Sénat !

M. Alain Anziani. Mon cher collègue, nous discutons du texte qui nous est soumis. Ne vous trompez pas d’assemblée ! Êtes-vous sénateur ou député ? Si vous êtes sénateur, parlez-nous du Sénat et du texte soumis aux sénateurs !

Vous vous trompez également sur de nombreux autres points, notamment, et de façon évidente, sur la transparence. Sans agressivité aucune, je reprendrai les propos que j’ai tenus tout à l’heure. À vous écouter, on a l’impression que vous vivez dans la peur, dans la panique de la transparence (M. Christian Cambon fait un signe de dénégation) : surtout, ne montrons rien et vivons cachés pour vivre heureux !

M. Christian Cambon. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Gérard Longuet. Et la vie privée, ça n’existe pas ?

M. Alain Anziani. Mais ce n’est pas cela la démocratie ! La démocratie consiste à ouvrir les portes et les fenêtres, à accepter d’être critiqué, à faire part des activités que l’on exerce y compris en dehors du Parlement et à empêcher tout conflit d’intérêts.

M. Christian Cambon. Dosière ! Voilà votre religion ! Tout savoir !

M. Alain Anziani. Mais comme vous n’avez pas lu le texte dont nous débattons, le plus simple serait de passer immédiatement à son examen : lors de la discussion de chaque article, nous donnerons ainsi des réponses précises à vos affabulations ! (M. Jean-Pierre Caffet applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur Cambon, je n’ai effectivement pas pu m’empêcher de réagir lors de votre intervention.

Je ne vais pas allonger inutilement les débats. Mais si vous me le permettez, ce serait avec grand plaisir que je vous décernerais le prix d’honneur de la nuance… (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

Cela étant, la commission est défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je souscris aux arguments de M. Anziani et de M. le rapporteur. C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, j’émets également un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 40 tendant à opposer la question préalable et dont l'adoption entraînerait le rejet du projet de loi organique.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 299 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 166
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles

M. le président. Les différentes motions ayant été repoussées, nous passons à la discussion des articles du texte adopté par l’Assemblée nationale.

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique
Article 1er (début)

Article additionnel avant l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 114, présenté par MM. Collombat, Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un conflit d’intérêts naît d’une situation dans laquelle un parlementaire détient des intérêts privés qui peuvent indûment influer sur la façon dont il s’acquitte des missions liées à son mandat, et le conduire ainsi à privilégier son intérêt particulier face à l’intérêt général. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d’intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale ainsi que les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement, auquel il a été fait allusion dans nos interventions précédentes, tend à préciser la notion de conflit d’intérêts, à la limiter à l’essentiel : un conflit potentiel entre l’intérêt général et l’intérêt particulier.

Cet amendement vise donc à évacuer tout autre problème, notamment le conflit entre différents intérêts généraux, qui pourrait conduire, par exemple, à ce qu’un parlementaire issu d’un département rural ne puisse pas parler de questions relatives à la ruralité, ou à ce qu’un parlementaire issu d’un département urbain ne puisse évoquer celles ayant trait à l’urbanité.

Le problème, loin de naître des éventuels conflits entre intérêts généraux – notre rôle est au contraire de défendre ces derniers –, émerge bien plutôt du conflit entre les intérêts particuliers et l’intérêt général.

Je l’avais dit en défendant la motion tendant au renvoi à la commission, le débat démocratique réglé fait apparaître l’intérêt général. C’est du choc des intérêts particuliers que naît l’intérêt général, et non pas du lessivage des atomes civiques que nous serions.

Mais, si les intérêts doivent être défendus, il ne faut surtout pas que le débat soit biaisé : il ne faut pas, par exemple, que le rapporteur ou le président d’un groupe de travail biaise respectivement la discussion d’un texte ou un débat du fait d’un intérêt particulier. Voilà le fond de l’affaire, voilà ce qui importe vraiment !

La définition du conflit d’intérêts contenue dans cet amendement est reprise du rapport auquel il a déjà été fait allusion. Elle permet de clarifier les choses et d’éviter nombre d’ennuis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Cet amendement tend à reprendre la définition du conflit d’intérêts telle qu’elle figure pour l’essentiel dans le rapport qu’a établi la commission des lois sur le sujet. Ce rapport, fruit d’un travail pluraliste, a été signé par Jean-Jacques Hyest, Alain Anziani, Nicole Borvo Cohen-Seat, Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Anne-Marie Escoffier et Jean-Pierre Vial.

Contrairement à ce qu’a déclaré M. Christian Cambon, nous reprenons le travail pluraliste effectué au sein de la commission des lois du Sénat.

C’est pourquoi j’émets un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Il s’agit d’un amendement de bon sens, qui s’appuie sur un travail collectif.

Ce faisant, il marque la différence entre l’approche adoptée par les parlementaires, du moins ceux de la Haute Assemblée, et le projet de loi que le Gouvernement nous avait soumis.

Je le reconnais, les propos de raison tenus par Christian Cambon avaient de quoi vous déconcerter, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ai-je l’air déconcerté ?

M. Gérard Longuet. Il a pourtant rappelé avec force tous les dangers inhérents au projet gouvernemental. Je constate d’ailleurs que M. le ministre – il est dans son rôle ! – s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Mais si M. le ministre avait été fidèle au projet du Gouvernement, il aurait dû s’opposer à cet amendement. En effet, le projet de loi organique initial prévoyait une définition du conflit d’intérêts qui était inapplicable. De plus, cette définition portait en germe des éléments de tension permanente entre l’opinion et le Parlement, tension qui aurait été organisée et entretenue par les responsabilités et les pouvoirs confiés à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cette haute autorité, en effet, a la faculté de rendre publiques des appréciations. Par conséquent, elle peut contribuer à entretenir un débat se faisant au détriment de la vie parlementaire.

Nos compatriotes ont du mal à comprendre – mais je suis dans le même cas – ce qu’est un conflit d’intérêts. Ils ne savent pas exactement – qui le sait ? – où s’arrête le conflit d’intérêts, qui est une entorse à une déontologie, et où commence le délit pénal de prise illégale d’intérêts, de trafic d’influence, voire de corruption.

C’est exactement sur cette confusion, ouverte par la rédaction initiale du texte, que Christian Cambon a exprimé ses craintes dans son intervention. Je vous le rappelle, mes chers collègues, dans le projet de loi initial, des conflits d’intérêts pouvaient naître entre différents intérêts publics. Le point de vue d’un parlementaire qui est aussi élu local – ce cas de figure se présentera certes de moins en moins… – ou l’apparence d’un conflit entrent dans cette définition du conflit d’intérêts ! Ainsi, il suffit qu’un parlementaire soit actionnaire d’une société pour considérer que chacune de ses prises de position se fait par rapport à cette participation, fût-elle modeste.

L’amendement n° 114 permet donc d’en revenir à une définition plus raisonnable : cette dernière montre, de manière très claire, que le conflit d’intérêts ressortit à la déontologie, c’est-à-dire au comportement maîtrisé d’une profession ou d’un corps qui s’organise pour que chacun de ses membres puisse avoir confiance dans le regard et la décision de l’autre. Les deux aspects sont liés, mes chers collègues. Si le conflit d’intérêts devient une sorte de procès d’intention permanent, puisque même l’apparence pourrait être retenue, nous nous regarderons tous avec suspicion.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. L’apparence de conflit d’intérêts a été supprimée en commission !

M. Gérard Longuet. C’est exact, la notion avait été supprimée en commission. Je vous en avais été reconnaissant, monsieur le rapporteur. Mais il se trouve malheureusement que votre texte n’a pas été retenu par la Haute Assemblée.

Grâce à l’amendement n° 114, déposé par M. Collombat, nous en revenons aux conclusions du rapport n° 518, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Mais l’opinion française – je le dis avec gravité – ne connaît pas encore, j’en suis convaincu, la juste frontière entre le conflit d’intérêts et le délit.

M. Jean-Pierre Michel. Y a-t-il une frontière ? C’est toute la question ! Il s’agit plutôt de glissements progressifs !

M. Gérard Longuet. Nos compatriotes sont intimement convaincus que le conflit d’intérêts est une forme dégradée de délit. Pour eux, il doit donc devenir, demain, une forme organisée, consacrée et reconnue de délit.

Je souhaite profondément que nous prenions une autre voie. La déontologie des assemblées doit être suffisamment structurée, forte, vivante, organisée, connue et reconnue pour que nous mettions nos collègues à l’abri de ce qui pourrait apparaître, par le détournement et la judiciarisation du conflit d’intérêts, comme un retour du délit d’opinion.

Le groupe UMP votera donc cet amendement.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J’ai eu l’honneur et le privilège d’être vice-présidente de la mission commune d’information sur le Mediator. Contrairement à ce que vient de dire M. Longuet, le conflit d’intérêts est une notion que nos compatriotes commencent à extrêmement bien appréhender. À mon sens, plus sa définition sera précise, mieux nous serons protégés.

M. Gérard Longuet. C’est l’objectif !

Mme Nathalie Goulet. Le conflit d’intérêts peut naître en cours de mandat, parfois même au cours de l’examen d’un texte.

Il est souvent arrivé que des textes concernant les avocats ou les magistrats soient examinés par des parlementaires ayant été, ou étant encore, avocats ou magistrats ! Évidemment, cela permet d’être assez bien placé pour connaître la profession. C’est la raison pour laquelle nous pouvons, si nous n’y prenons garde, être suspectés d’être en position de conflit d’intérêts.

Je soutiendrai l’amendement de M. Collombat, qui me semble frappé au coin du bon sens. Mais la notion de conflit d’intérêts est au cœur de notre débat. Je le répète, plus nous serons précis, mieux nous serons protégés.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 114.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, avant l’article 1er.