M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l’amendement n° 152.

M. Jean-Jacques Hyest. Qu’un parlementaire doive ne pas exercer une fonction dans certaines circonstances, c’est un point dont nous avons déjà longuement débattu. Je crois qu’il s’agit typiquement d’une affaire de déontologie ; le Sénat dispose d’un comité de déontologie. Si l’un de nos collègues a un intérêt spécial dans un domaine, les présidents et les membres des commissions sauront très bien ne pas lui confier de rapport y ayant trait.

Franchement, je considère que ces règles n’ont pas leur place dans la loi ; elles relèvent des bonnes pratiques du Parlement.

Mme Nathalie Goulet. Qui existent déjà !

M. Jean-Jacques Hyest. Parfaitement, ma chère collègue, et j’espère qu’elles ont toujours été appliquées ! Tous nos collègues qui ont exercé des responsabilités savent qu’on ne confie pas un rapport à un sénateur susceptible d’être influencé par des intérêts personnels.

La mesure proposée par les auteurs de l’amendement n° 152 me paraît donc totalement inutile.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je me range entièrement à l’avis de M. Hyest en ce qui concerne l’effort de discernement et de rigueur que chacun doit accomplir s’agissant de la répartition des missions confiées aux parlementaires.

Cette position est à mon avis la meilleure réponse aux objections qui ont été soulevées lors de l’examen de l’article 1er du projet de loi, qui fournit un guide déontologique. Il va de soi que, lorsqu’on a un devoir d’intégrité, on ne sollicite ni n’accepte une mission qui pourrait vous placer en situation de conflit d’intérêts.

Monsieur le ministre, le Gouvernement est, à mon avis, au milieu du gué. Si les solutions pratiques à apporter aux situations de conflits d’intérêts des ministres relèvent du domaine réglementaire, ce dont je suis convaincu, point n’est besoin d’une disposition législative prévoyant un décret : le décret est nécessaire même si la loi ne le prévoit pas. L’amendement n° 187 est donc, au mieux, inutile !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 187.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Articles additionnels après l'article 2 bis

Article 2 bis

Après l’article 4 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 4 quater ainsi rédigé :

« Art. 4 quater. – Le Bureau de chaque assemblée, après avis de l’organe en charge de la déontologie parlementaire, détermine des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts. »

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

avis

par le mot :

consultation

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Les auteurs de cet amendement souhaitent que l'organe en charge de la déontologie dans chacune des assemblées parlementaires soit consulté avant toute décision du bureau, mais que l’avis de cet organe ne lie pas le bureau, seul organe ayant tous les pouvoirs pour présider aux délibérations des assemblées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent que l’avis de l’organe chargé de la déontologie parlementaire ne lie pas le bureau de l’assemblée. Dans la mesure où c’est précisément ce que prévoit le texte de la commission, je leur demande de retirer leur amendement ; s’il est maintenu, la commission y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Monsieur Hyest, je comprends mal votre amendement : un avis ne lie pas nécessairement ; un avis qui ne lie pas, c’est une consultation !

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. De toute façon, la position de l’organe chargé de la déontologie parlementaire ne liera pas le bureau.

Si l’on considère la signification précise des termes « avis » et « consultation », on s’aperçoit que la différence ne se situe pas là où les précédents intervenants l’ont placée. Il me semble qu’un avis est requis sur un projet de décision déjà établi : le bureau préparerait son texte, avant de solliciter, en fin de parcours, l’avis de l’organe déontologique. À l’inverse, prévoir la consultation de cet organe signifie que le bureau devra le solliciter d’abord, puis élaborer sa décision à partir des recommandations de celui-ci. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP).

Pour cette raison, il me semble que la proposition de M. Hyest offre une meilleure rédaction.

M. le président. Monsieur Hyest, l’amendement n° 33 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Hyest. Évidemment, surtout après le renfort apporté par M. Richard ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 148, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

parlementaire

insérer les mots :

et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à lier le travail des bureaux des assemblées à celui de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en ce qui concerne l’élaboration des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts.

Sans doute, on peut soutenir que cette disposition relève des règlements des assemblées ; reste que, à nos yeux, les bureaux gagneraient à être éclairés dans leur réflexion par des recommandations émises par la Haute Autorité.

Les observations de cette autorité ne seront pas contraignantes ; il s’agit seulement de faire profiter les bureaux des assemblées de son expertise dans le domaine de la lutte contre les conflits d’intérêts.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Pour prendre leurs décisions, les bureaux des assemblées peuvent solliciter les conseils de toute instance interne, en particulier ceux de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, dont l’existence a été consacrée, sur l’initiative de la commission des lois, à l’article 2 du projet de loi. Dès lors, l’avis de la Haute Autorité ne paraît pas particulièrement utile.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

détermine des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d'intérêts

par les mots :

détermine des règles déontologiques

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 145, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que sur les relations avec les représentants d’intérêts et la pratique des libéralités et avantages donnés et reçus dans l’exercice du mandat parlementaire.

II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Il définit en outre les conditions dans lesquelles les cadeaux reçus par les parlementaires font l’objet d’une déclaration et d’une publication. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à étendre le champ des règles définies par les bureaux des assemblées aux relations entre les parlementaires et les représentants d’intérêts. Il s’agit, plus particulièrement, d’encadrer la pratique des libéralités et les échanges de cadeaux.

Ces dispositions nous semblent s’imposer compte tenu de l’actualité récente : la presse a fait ses choux gras des pratiques de certains lobbyistes, qui prennent l’apparence d’une corruption décomplexée.

Selon nous, il est nécessaire que les bureaux des assemblées puissent réfléchir aux modalités de la transparence des relations entre les parlementaires et les représentants d’intérêts, s’agissant notamment des cadeaux offerts par ces derniers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Madame Assassi, après avoir beaucoup débattu de cette question, nous avons considéré qu’elle relevait du règlement des assemblées.

Je vous rappelle qu’au Sénat il a été prévu que les cadeaux devraient être déclarés au-delà d’une valeur de 150 euros. Si le Sénat, dans sa sagesse, souhaite modifier ce seuil, il peut très bien le faire.

Mme Éliane Assassi. Ce serait bien, en effet !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ma chère collègue, la disposition que vous proposez ne nous paraît pas relever de la loi ; l’avis de la commission sur votre amendement est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 166 rectifié, présenté par MM. Longuet, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il veille à leur respect et en contrôle la mise en œuvre effective.

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Cet amendement a simplement pour objet de rappeler la pleine et exclusive responsabilité des bureaux des assemblées en matière de conflits d'intérêts : nous ne voulons ni sous-traitance ni externalisation en la matière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur Longuet, je me permets de vous suggérer une rectification : il s’agirait de supprimer l'adjectif « effectif », qui est redondant. Pourrait-il y avoir des mises en œuvre qui ne seraient pas effectives ?

Sous réserve de cette rectification, la commission s'en remettra à la sagesse du Sénat.

M. Gérard Longuet. D'accord ! Je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 166 rectifié bis, présenté par MM. Longuet, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il veille à leur respect et en contrôle la mise en œuvre.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 166 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis, modifié.

(L'article 2 bis est adopté.)

Article 2 bis
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Article 3

Articles additionnels après l'article 2 bis

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 16 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mme Gourault, MM. Merceron, Bockel et Marseille, Mme Férat, MM. Gaillard, Capo-Canellas, Namy, Amoudry et Roche, Mme Jouanno, M. Jarlier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 72 rectifié est présenté par MM. Tropeano et Fortassin, Mme Laborde et M. Vall.

L'amendement n° 161 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les douze mois suivant la publication de la loi n° … du … relative à la transparence de la vie publique, le Bureau de chaque assemblée élabore un texte précisant le statut des collaborateurs parlementaires, salariés de parlementaires ou de groupes, et déterminant les conditions d'exercice de cette profession, les droits sociaux qui s'y rattachent ainsi que les modalités d'accès à la déclaration d'intérêts que les collaborateurs parlementaires sont tenus de remplir.

La parole est à M. Marseille, pour défendre l'amendement n° 16 rectifié bis.

M. Hervé Marseille. Ces derniers jours, nous parlons beaucoup de transparence. En l’occurrence, il s’agit de celle à laquelle nous devons nous astreindre en tant qu’employeurs. Mais j’invoquerai aussi la notion de « clarification ».

Cet amendement vise en effet à organiser les conditions dans lesquels les collaborateurs parlementaires doivent remplir une déclaration d'intérêts. Il conditionne cette déclaration à l'ouverture d'une concertation avec les représentants des collaborateurs en vue d'aboutir à un accord négocié conventionnel.

Il est juste que les collaborateurs parlementaires, qui sont en contact étroit avec les parlementaires dans le travail quotidien, remplissent une déclaration d'intérêts, considérant qu’ils sont rémunérés avec de l'argent public mis à la disposition des parlementaires dans le cadre de leur mandat.

Au titre de leur mandat, les élus des deux assemblées peuvent devenir employeurs et recruter des collaborateurs parlementaires rémunérés à partir d'une dotation forfaitaire. C'est pourquoi, en même temps qu’un effort de transparence, cet amendement propose d'aller plus loin en modernisant et en clarifiant la gestion budgétaire et sociale des ressources humaines – relativement modestes, il est vrai – mises à disposition des parlementaires dans le cadre leur mandat.

Il est important et urgent de clarifier les missions des professionnels qui facilitent et concourent à l'exercice du mandat du parlementaire. Le Sénat a été précurseur en publiant dès l'été 2012 les déclarations d'activités et d'intérêts de tous les sénateurs. Nous vous invitons donc, chers collègues, à faire un pas supplémentaire en prévoyant les conditions de déclaration d'intérêts des collaborateurs parlementaires.

La situation actuelle, imprécise, contribue à cautionner le cas échéant les comportements des employeurs les moins exemplaires, au détriment de tous les autres. Elle donne lieu à des conditions d'emploi contrastées, susceptibles de faire naître des contentieux de tous ordres, que l’on retrouve évidemment la manchette des journaux.

Aussi, les auteurs de cet amendement considèrent qu’il est urgent, après quatre décennies, de moderniser la gestion des ressources humaines en toute transparence au sein de chaque assemblée et de faire sortir de l'ombre ce métier qui contribue, au plus près des parlementaires, à l'exercice du mandat de ces derniers. C'est un métier méconnu, qui comporte de multiples facettes, lesquelles n’ont toutefois jamais été pleinement clarifiées dans le règlement des assemblées, alors que les collaborateurs des sénateurs et des députés apportent à ceux-ci un précieux concours.

Faire cet effort de clarification, comme nous vous le proposons, mes chers collègues, est devenu indispensable. Cela permettra de mieux identifier le rôle de chacun au sein de l'institution : statut de l'élu, statut des fonctionnaires parlementaires, statut des collaborateurs parlementaires.

La situation des collaborateurs se caractérise, de surcroît, par une précarité avérée, intrinsèque à la nature de cet emploi et au caractère intuitu personae du contrat de travail établi avec l'élu, lui-même en situation précaire. Afin d'aménager l'insécurité qui en résulte, pour eux comme pour les élus qui les emploient, mais aussi de prévenir tout conflit d'intérêts, il est proposé que le bureau de chaque assemblée se saisisse de ce dossier en vue d'ouvrir une concertation avec les représentants élus des collaborateurs parlementaires et d'élaborer un statut de la profession de collaborateur parlementaire. Cet effort ne doit se faire ni au détriment de la relation intuitu personae que j’ai évoquée ni au détriment de la liberté du parlementaire de recruter ou de licencier un collaborateur quand il y a lieu. La professionnalisation du métier depuis quatre décennies rend cette démarche de plus en plus pressante.

Je conclurai en rappelant qu’à de nombreuses reprises des amendements, émanant notamment de notre groupe, ont été déposés pour chercher à clarifier cette situation. Des engagements ont été pris, mais aucune avancée n’a encore été enregistrée.

M. le président. L'amendement n° 72 rectifié n’est pas défendu.

La parole est à Mme Cukierman, pour défendre l'amendement n° 161.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement découle d'une demande des représentants des assistants et collaborateurs parlementaires.

Cs derniers jours, il a beaucoup été question du fait que ceux-ci pouvaient se trouver dans une situation proche du « conflit d'intérêts », par assimilation à notre propre situation. Or les assistants et les collaborateurs parlementaires ne légifèrent pas. C’est pourquoi il me paraît plus juste, quand le collaborateur occupe en outre un autre emploi à l'extérieur, de parler de « double allégeance », allégeance à la fois à un parlementaire et à un groupe privé.

Cependant, nous ne pouvons ignorer le fait que cette double activité est parfois liée à l'absence de statut pour cette profession. Nous pensons donc que l'élaboration d'un statut des collaborateurs parlementaires dans leur ensemble devient aujourd’hui une nécessité, de manière à mettre fin à l'insécurité qu’ils subissent, une insécurité liée à celle que connaissent les parlementaires qui les emploient puisque leur mandat peut ne pas être renouvelé.

Dans le but de prévenir tout conflit d'intérêts, il est donc proposé que le bureau de chaque assemblée se saisisse de ce dossier afin d'élaborer, en association avec les représentants élus des collaborateurs parlementaires, un statut de la profession d'assistant et de collaborateur parlementaire.

Je crois que, lorsqu’on a beaucoup d'exigences vis-à-vis d’une catégorie de personnes, il faut aussi lui garantir des droits.

M. le président. L'amendement n° 73 rectifié sexies, présenté par MM. Godefroy, Leconte, Ries, Peyronnet, Filleul, J. Gillot et Piras, Mme Lepage, M. Guérini, Mme Schillinger, MM. Kerdraon, Poher, Andreoni et J.P. Michel, Mme D. Gillot, MM. Rainaud et Madrelle, Mmes Campion et Emery-Dumas et MM. Yung, Dilain, Mohamed Soilihi et Povinelli, est ainsi libellé :

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de la publication d’un accord négocié fixant les conditions d’emploi, les droits individuels et collectifs et les obligations des collaborateurs parlementaires, le bureau de chaque Assemblée adresse au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration d’intérêts pour chaque collaborateur parlementaire et collaborateur de groupe parlementaire établie dans les conditions prévues au I ter de l’article 3 de la présente loi, dans les deux mois qui suivent son entrée en fonction.

La parole est à M. Claude Dilain.

M. Claude Dilain. Nous sommes un certain nombre de sénateurs – et même un nombre certain ! – à avoir rédigé des amendements qui tendent à poser sérieusement le problème du statut des collaborateurs.

Une déclaration d'intérêts ne se conçoit que s'il y a un véritable statut : pour éviter d'avoir deux maîtres, pour reprendre l’expression qu’a employée M. le ministre, mieux vaut avoir des relations parfaitement claires avec celui que l’on entend servir.

Il s’agit pour nous d’un amendement d'appel. Même si nous y attachons beaucoup d’importance, je vais le retirer puisqu’il a exactement le même objet que les deux amendements identiques qui viennent d’être présentés.

M. le président. L’amendement n° 73 rectifié sexies est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements restant en discussion ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Chacun d'entre nous le sait : nous ne pourrions assumer notre tâche de sénateur si nous ne pouvions nous appuyer sur le travail important des collaborateurs parlementaires. La question des collaborateurs parlementaires est donc une vraie question. Toutefois, plusieurs problèmes se posent.

Premièrement, ce n’est pas l'objet de ce texte.

Deuxièmement, de nombreux arrêts de différentes juridictions indiquent que les conditions d'emploi des collaborateurs parlementaires relèvent du droit commun du travail ; je mentionnerai l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 25 octobre 1984, l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 20 octobre 1988, et l'arrêt du Conseil d'État du 21 octobre 1992.

De surcroît, notre commission a considéré qu’il n’était pas judicieux de soumettre les collaborateurs parlementaires à une obligation de déclaration d'intérêts. En revanche, nous avons pensé qu’il était utile qu’ils déclarent les autres activités qu’ils assument.

Troisièmement, nous estimons qu’il convient améliorer les conditions de vie et de travail des collaborateurs parlementaires, et peut-être aussi d’améliorer la reconnaissance de leur activité au sein des assemblées parlementaires, mais que cela relève des bureaux des Assemblées.

C'est pourquoi je demande le retrait de ces amendements, qui sont en fait des amendements d'appel, faute de quoi je serai contraint d'y donner un avis défavorable. Cela ne signifie pas que le problème posé n’a pas été entendu, et je crois qu’il nous reviendra, dans des temps rapprochés, de travailler sur ce sujet avec le bureau de notre assemblée, tout particulièrement, avec nos questeurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, je m'exprimerai en qualité de questeur du Sénat, et d'ailleurs aussi au nom de mes deux collègues questeurs.

Il y a d’abord une question de principe : est-ce à la loi de dire aux bureaux des assemblées ce qu’ils doivent faire ? Poser la question, c’est y répondre !

Par ailleurs, nous apprécions évidemment nos collaborateurs comme ils le méritent et nous souhaitons donc qu’ils aient les meilleures conditions de travail. Derrière ces amendements, on voit se dessiner le souhait d'un statut ; j’entends parfois parler d'une convention collective.

À cet égard, il convient de distinguer le cas des collaborateurs des sénateurs et celui des collaborateurs des groupes.

Pour les collaborateurs des sénateurs, c'est le sénateur qui fixe les horaires, la rémunération, dans le cadre de l'enveloppe qui lui est allouée, et l'activité, en vertu du critère de subordination qui définit le contrat de travail. Voilà la réalité juridique. Il y a donc, au Sénat, autant d'employeurs qu’il y a de sénateurs. Il n’y a pas « un » employeur générique qui serait le Sénat. Bien sûr, il en va de même à l'Assemblée nationale.

Dès lors, apparaît la difficulté de définir un statut collectif alors qu’il y a des relations de travail individuelles.

Les conflits relèvent évidemment des conseils des prud’hommes : nous sommes donc dans des relations de droit privé.

Pour ce qui est des collaborateurs des groupes, l'employeur est le groupe lui-même.

S’ajoute à cela le problème, qui n’est pas négligeable, des conflits d'intérêts des collaborateurs. J’en parle avec beaucoup de prudence puisqu’on m'a reproché des propos que j’ai précédemment tenus sur ce point. Je ne dis pas que tous les collaborateurs sont en conflit d'intérêts ; je dis simplement que nous avons un excellent rapport qui nous vient de l'Assemblée nationale, le rapport Sirugue, qui a relevé qu’un certain nombre de collaborateurs recevaient la totalité ou une partie de leur rémunération de groupes d'intérêts.

Il se peut que ces revenus soient liés à la précarisation des collaborateurs. Il reste que cela pose tout de même un problème : on peut craindre que celui ou celle qui est rémunéré par un groupe d'intérêts ne serve de relais à celui-ci pour faire avancer des propositions d'amendement. C'est pourquoi je pense qu’une réforme sera nécessaire.

Le président Sueur avait mis en place un groupe de travail pour voir comment pourrait, d’une manière générale, progresser la situation de nos collaborateurs.

Je peux aussi indiquer que, dans le budget du Sénat, la seule masse qui augmente, c'est celle qui est consacrée à la rémunération des collaborateurs, du fait de l’augmentation mécanique liée l'ancienneté.

Nous devons donc envisager l'ensemble de la problématique et pas uniquement tel ou tel point.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. J’entends ce qui se dit sur l’opportunité d’évoquer ce sujet à cet instant. Toutefois, à force de ne pas vouloir réellement prendre en compte la question du statut des assistants et des collaborateurs, on reste dans une certaine hypocrisie, car, Alain Anziani vient d’y faire allusion, la situation dans laquelle ils se trouvent est susceptible de les conduire à faire certains choix qui ne seront pas sans incidence sur l’influence qu’ils peuvent exercer dans le travail parlementaire.

Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas de soumettre nos collaborateurs aux mêmes contraintes ou exigences que nous-mêmes. Simplement, ne nions pas qu’ils existent, qu’ils sont une force vive sans laquelle rien ne fonctionnerait ici, et, disant cela, je ne remets nullement en cause notre pouvoir politique de décision. Reconnaissons-le, il est heureux que, face à un calendrier particulièrement chargé, il y ait des gens pour nous aider à conserver une certaine sérénité !

Bien entendu, ce n’est pas à la loi de dire aux bureaux des assemblées ce qu’ils doivent faire. D’un autre côté, si elle ne le dit pas, les bureaux continueront à affirmer qu’ils agissent, mais sans vraiment aller jusqu’au bout. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de faire évoluer la situation.

Je remarque tout de même que, au cours de l’année parlementaire qui s’achève, c’est la deuxième fois que cette question est posée au détour d’un texte. Cela montre bien que, si nous ne la traitons pas aujourd’hui, en adoptant ces amendements, il faudra immanquablement revenir sur ce sujet et trouver, une fois pour toutes, une solution qui permette de répondre à l’une des exigences de ce projet de loi, précisément.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je considère qu’il ne s’agit pas du tout d’un cavalier législatif : assurer la transparence de la vie publique, c’est aussi reconnaître que les élus de la République sont aidés par des assistants, des collaborateurs des groupes politiques, qui exercent un vrai métier, une tâche noble, laquelle doit être reconnue et, donc, bénéficier d’un statut.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Ces amendements ont le mérite de soulever un réel problème.

M. Sueur a rappelé avec pertinence le rôle des collaborateurs des parlementaires et des groupes politiques, qui accomplissent un travail remarquable.

S’agissant des assistants travaillant pour le compte des sénateurs, la situation est très variable : certains travaillent à Paris, au Sénat, alors que d’autres sont sur le terrain, en province. Je peux témoigner de cette réalité, ayant été longtemps assistant parlementaire. Tout dépend aussi de la personne avec qui l’on travaille.

Le statut des collaboratrices et collaborateurs des parlementaires mérite une attention particulière. Reconnaissons-le, la situation n’est pas simple, dans la mesure où il s’agit souvent d’un travail mené dans l’ombre.

Sur la notion de transparence, les élus sont évidemment en première ligne. Mais nous devons également considérer le lien de confiance qui unit assistants et sénateurs. Bref, la situation est compliquée, mais, je le répète, ces amendements ont le mérite de poser le problème.