Mme Catherine Morin-Desailly. Cela étant, ma proposition et celle de Jean-Pierre Leleux – nous n’avons pas agi de concert – présentent l’intérêt d’attribuer aux assemblées parlementaires, qui ont numériquement plus de poids dans la désignation des membres du CSA, la responsabilité de désigner indirectement le président de l’organisme. Cela les pousserait à bien réfléchir au rôle et aux compétences de chaque conseiller, qui est dès lors potentiellement susceptible de devenir président de l’autorité.

Il s’agit donc bien d’une volonté de pousser l’indépendance jusqu’au bout, compte tenu du principe de séparation de l’exécutif et du législatif. C’est cette idée qui nous a animés. Nous voulons l’indépendance ? Allons au bout de la logique !

Vous le savez très bien, la nomination de M. Schrameck – mon propos n’est pas de remettre ses capacités ou compétences en cause – a suscité un certain nombre d’interrogations chez nos collègues, au-delà des sensibilités politiques, les fonctions exercées auparavant par l’intéressé pouvant éveiller des soupçons d’attitude partisane…

Vous le voyez, nous voulons toujours plus d’indépendance et de responsabilisation des autorités dites indépendantes.

Et puisque la rupture de continuité a été évoquée, je suis prête à me rallier à la proposition de mon collègue Jean-Pierre Leleux, qui suggère une durée de mandat différente. C’est le même état d’esprit.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. Je veux répondre au reproche qui nous est adressé.

Nous l’avons dit, l’indépendance est la quête d’une « inaccessible étoile », aurait chanté Jacques Brel. (Mme la ministre de la culture et de la communication sourit.)

Nous sommes prêts à travailler sur une amélioration, sous réserve qu’elle ne soit pas trop utopique. Puisque nous avons décidé d’entrer dans votre logique, nous vous incitons à la mener à son terme, en faisant en sorte que le président du CSA soit élu par ses pairs, et non nommé par le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je m’étonne de constater que M. le rapporteur et Mme la ministre s’opposent à des amendements allant pourtant dans le sens de leur démarche. Dans la mesure où ils affirment souhaiter un CSA plus indépendant et un mode de nomination des présidents de chaînes irréprochable, tous deux devraient logiquement soutenir de tels amendements.

Leur attitude démontre simplement les limites de la volonté du Gouvernement et de la majorité, qui nous proposent un dispositif alibi, pour ne pas dire hypocrite.

M. Vincent Eblé. Elle est où, l’hypocrisie ?

M. Hervé Maurey. M. Assouline, qui aime bien les invectives, nous a rappelé que nous avions soutenu le principe de nomination des présidents de chaînes par le Président de la République. Personnellement, j’étais en effet favorable à un tel mécanisme, qui permettait de sortir d’une hypocrisie.

Car, à bien regarder l’histoire des nominations de présidents de chaînes depuis 1981, quelles que soient les majorités, quel que soit le nom des autorités chargées de réguler l’audiovisuel, force est de constater que le pouvoir a toujours réussi à faire nommer qui il souhaitait. Les rares fois, pour ne pas dire la seule fois, où tel n’a pas été le cas, le gouvernement de l’époque n’a eu de cesse de faire partir le président en poste. Toutes les nominations par le CSA ou ses ancêtres ont toujours été des « faux nez » permettant à l’exécutif de nommer qui il voulait.

Vous voulez une véritable indépendance ? Chiche ! Allons jusqu’au bout de la logique et acceptons le dispositif proposé par nos collègues ! Nous sortirons ainsi de l’hypocrisie. Mais je crains que le Gouvernement et la majorité ne soient seulement à la recherche d’un alibi… (M. le rapporteur et Mme Cartron s’exclament.)

Considérons simplement les nominations effectuées dans ce pays depuis 2012. Nous avons largement évoqué la personnalité du président du CSA, mais nous pourrions multiplier les exemples d’organismes où ont été nommés des gens qui avaient le mérite d’être issus de la promotion Voltaire de l’ENA, et plus précisément de son aile gauche.

De grâce, monsieur Assouline, pas de leçons d’impartialité et d’indépendance !

C’est la première fois que je m’exprime sur ce texte. Aussi vous ferai-je part d’un regret, comme d’autres l’ont fait avant moi. Les véritables problèmes de l’audiovisuel ne sont pas abordés. Je pense à la fusion, un temps envisagée, entre le CSA et l’ARCEP ou aux dotations aux chaînes publiques, qui ont fondu, passant de 450 millions d’euros en 2009 à 115 millions d’euros. Là sont les vrais sujets !

Or, une fois de plus, comme sur la quasi-totalité des projets de lois qu’il nous présente, le Gouvernement nous amuse avec des éléments qui ne constituent pas l’essentiel du sujet.

M. Assouline s’est montré, comme à son habitude, très critique envers l’action de la précédente majorité. Pourtant, la loi de 2009, quoi que l’on pense de son contenu, a au moins eu le mérite d’introduire de véritables réformes. La suppression de la publicité, ce n’était pas rien ! La réorganisation de France Télévisions et la modernisation de sa gouvernance, ce n’était pas rien ! Le fait que cet organisme devienne un média global, ce n’était pas rien ! En revanche, le texte qui nous est proposé aujourd’hui, ce n’est pas grand-chose ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. À ce stade de la discussion, il me semble que nous avons un peu tendance à tout mélanger. On nous parle d’indépendance, de transparence, de liberté à propos d’amendements portant sur le président du CSA. Ce dernier se trouve à la tête d’un collège comprenant six autres personnes, qui seront nommées selon une procédure respectant le pluralisme démocratique, en devant être adoubées par la majorité des trois cinquièmes des commissions parlementaires compétentes.

Le CSA sera donc pluraliste, et non unicolore. On ne peut donc pas penser que son président agira comme un dictateur, imposant sa volonté, ses choix et ses orientations aux six autres membres.

M. David Assouline, rapporteur. Il ne le pourra pas !

Mme Françoise Cartron. C’est faire un mauvais procès à l’institution.

Si vous vous focalisez sur ces amendements, c’est sans doute que le vent nouveau vous grise ; nous vous avons fait découvrir la liberté et l’indépendance, et vous en voulez toujours plus, comme c’est souvent le cas avec les nouveaux convertis… (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Un peu de raison !

Mme Sophie Primas. Et vous, un peu de modestie !

Mme Françoise Cartron. Nous comprenons bien le caractère tactique de la discussion dans laquelle vous voulez nous entraîner.

En réalité, nous passons d’un mode de fonctionnement à un autre. Auparavant, il n’y avait aucune indépendance, puisque les présidents-directeurs généraux de chaînes étaient nommés directement par le pouvoir exécutif, qui avait donc tout le pouvoir. Avec le dispositif que nous institutions, le CSA retrouve de la transparence, du pluralisme et de la liberté. Le président en est, certes, l’animateur, mais il n’en sera pas le guide suprême.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas vous suivre sur ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. David Assouline, rapporteur. Mme Morin-Desailly a raison de dire que l’on peut changer. J’emploierai plutôt le verbe « évoluer » ; après tout, on peut aussi changer en mal. En l’occurrence, nous souhaitons tous aller vers l’indépendance.

Voici les arguments que je vous opposerais si j’étais absolument convaincu de la sincérité de votre posture.

Il y a, me semble-t-il, deux raisons pour lesquelles le souhait de voir le président du CSA élu par le collège ne tient pas.

D’une part, vous faites comme si, à l’instar de ce qui se pratique dans certains partis ou associations, le président du CSA avait tous les pouvoirs une fois en fonction. Ce n’est pas le cas. Le principe est celui des délibérations collectives, et les décisions sont prises par le collège, dans lequel siègent six membres désignés par les commissions parlementaires à la majorité des trois cinquièmes.

Vous avez l’air de trouver cela banal ! Selon vous, le summum de l’indépendance serait que le président soit élu par le collège. Mais, je vous le signale, si le président était simplement élu par des membres n’ayant pas – c’est le cas aujourd’hui – l’aval des commissions parlementaires, il n’y aurait aucune indépendance. Inversons donc la perspective : les six membres sont choisis selon une procédure pluraliste et le président est tenu par les délibérations du collège.

D’autre part, vous n’abordez pas une question importante ; c’est là le privilège d’une opposition qui n’est pas responsable de ce qui va se faire concrètement dans le fonctionnement pratique de l’institution… Le président du CSA a un pouvoir réglementaire. Lorsque l’on exerce un tel pouvoir, il est à bien des égards préférable d’être nommé par l’exécutif. Vous le savez très bien, puisque que vous avez déjà gouverné.

Vous le voyez, je vous expose mes arguments en postulant que vous êtes de bonne foi et que votre conversion à une indépendance absolue est réelle.

Monsieur Maurey, je vous sais gré de votre intervention très intéressante, vous qui ne participez d’ordinaire pas à de tels débats. Il me paraît extrêmement positif que beaucoup de sénateurs s’investissent sur ce dossier. J’espère que vous continuerez à nous faire profiter de vos points de vue innovants jusqu’à la fin de la discussion, sans doute vers une heure du matin…

Néanmoins, comme vous détestez que l’on soit hypocrite, je ne le serai pas moi-même : il y avait, je trouve, du petit jeu politicien dans votre intervention.

Vous avez soutenu la réforme de Nicolas Sarkozy, qui prévoyait la nomination directe de tous les présidents de chaînes de l’audiovisuel public par le Président de la République dans un pays où les médias sont censés être indépendants, l’indépendance étant la condition de leur crédibilité. Vous en avez même approuvé le volet relatif au financement de l’audiovisuel public, qui, tout le monde en convient, s’est révélé catastrophique, la suppression de la publicité ayant placé France Télévisions dans une grande difficulté.

Au moment où nous discutons de l’article clé du présent projet de loi, vous pourriez reconnaître qu’il s’agit d’une avancée ; d’ailleurs, chacun devrait la saluer. Le dispositif envisagé nous offre, à nous parlementaires, que nous siégions dans l’opposition ou dans la majorité, le pouvoir de décider de la nomination des présidents de l’audiovisuel public à la majorité des trois cinquièmes.

Il ne me semble pas constructif d’essayer de minimiser la réforme en prétendant qu’elle n’irait pas assez loin. Les postures politiciennes ont malheureusement parfois pour conséquence d’asservir l’intelligence.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.

M. Philippe Leroy. Je me permets de faire observer que les arguments de M. le rapporteur – il a évoqué le financement de l’audiovisuel public ou la désignation des présidents de chaînes de télévision, alors que nous parlons uniquement de la présidence du CSA – ne portent pas sur le fond de l’article 1er.

À partir du moment où l’on renouvelle la composition du CSA, je crois souhaitable de discuter du mode de désignation de son président. Pour respecter le souci d’indépendance qui fait l’honneur du Gouvernement et de Mme la ministre, je souscris entièrement à l’idée qu’il faille élire le président de cette autorité. Il faut s’en tenir à ce principe sans recourir à des discours dilatoires portant sur d’autres sujets.

La réalité, c’est que, au nom de l’indépendance, nous proposons de faire élire le président du CSA par les membres de cette autorité. Il n’est pas utile d’aller chercher dans le passé de mauvais arguments pour aborder cette question essentielle pour l’avenir.

C’est pourquoi je voterai des deux mains les amendements de nos collègues Catherine Morin-Desailly et Jean-Pierre Leleux.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Contrairement à ce qui vient d’être indiqué, l’avalanche d’interventions à laquelle nous assistons ne porte pas sur le fond de l’amendement ; il n’y a là que posture politicienne.

À titre personnel, je souhaite apporter des améliorations au projet de loi, ce que je ferai en défendant mes amendements. Mais, chers collègues, vous cherchez à masquer l’amélioration nette résultant de l’abandon du système que vous aviez institué en 2009 en recourant à des interventions de pure circonstance.

Pour cette raison, nous rejetterons ces amendements, ainsi que les motivations qui les accompagnent.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Il n’existe aucune autorité administrative indépendante ne comptant aucun membre nommé par l’exécutif. D’ailleurs, du point de vue constitutionnel, le pouvoir réglementaire qu’exerce le CSA justifie pleinement le mode de nomination que nous envisageons ; c’est également une manière indirecte de respecter l’expression du suffrage universel.

En outre, et j’y insiste, les décisions du CSA sont collégiales, et son président n’a pas de voix prépondérante. Lorsque l’organe nomme des personnalités qualifiées pour siéger au sein de différents conseils d’administration, il le fait de manière collégiale. C’est aussi le cas lorsqu’il prend des sanctions ou passe des conventions avec les chaînes. Le président du CSA ne bénéficie d’aucune « prime » du fait de sa présidence : il anime les séances et organise la discussion, mais n’a pas de voix prépondérante.

Il serait donc illusoire et vain de faire croire que le Président de la République conservera un pouvoir exorbitant sur le CSA sous prétexte qu’il en nommera le président. L’instance conserve toute son indépendance, d’ailleurs renforcée par la collégialité des décisions – je le rappelle, six membres sont désignés par les assemblées –, qui constitue une garantie d’indépendance très forte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 1 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 171
Contre 175

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes Morin-Desailly et Férat et M. J.L. Dupont, est ainsi libellé :

Alinéa 4, deuxième phrase

Après le mot :

communication

insérer les mots :

audiovisuelle ou des communications électroniques,

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Tel que l’alinéa 4 est formulé, la présentation des compétences et de l’expérience attendues des membres du CSA nous semble trop générique.

Il est pourtant indispensable que les conseillers réunissent des personnalités représentant une diversité de compétences, techniques, juridiques ou encore économiques, ainsi qu’une diversité d’expériences, issues des secteurs de la production, de l’édition et du journalisme audiovisuel.

Le présent amendement vise donc à préciser de telles exigences en les polarisant sur le secteur audiovisuel et les communications électroniques, notamment pour apporter un début de réponse aux questions soulevées par les évolutions technologiques et cette fameuse convergence numérique. En effet, de telles mutations bouleversent les modes de distribution traditionnels de l’audiovisuel. Il serait souhaitable de garantir ainsi une meilleure appréhension de ces enjeux fondamentaux.

M. le président. Le sous-amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 1 rectifié bis, dernier alinéa

Remplacer le mot :

audiovisuelle

par les mots :

, notamment dans le secteur audiovisuel

La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Ce sous-amendement tend à préciser l’amendement que vient de défendre Mme Morin-Desailly. Le fait de resserrer les critères de compétence, introduits par un amendement du rapporteur à l’Assemblée nationale, permet d’assurer à la fois la diversité des profils et le respect des expériences. Il me semble positif de recentrer ces expériences sur les secteurs de la communication audiovisuelle et électronique.

Dans sa rédaction actuelle, l’amendement n° 1 rectifié bis s’insère un peu difficilement dans l’article 1er. C’est pourquoi je vous propose de le modifier légèrement. Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 1 rectifié bis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. David Assouline, rapporteur. Madame Morin-Desailly, dans un esprit extrêmement constructif, et afin de nous permettre de cheminer ensemble vers plus d’indépendance, je m’associe entièrement à votre souhait de prendre en compte les effets de la convergence numérique dans les critères de désignation des membres du CSA. Quand vos propositions sont bonnes, je suis toujours très heureux de leur réserver un avis favorable, ma chère collègue ! (Sourires sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

J’émets également un avis favorable sur le sous-amendement du Gouvernement, qui apporte un complément utile à l’amendement de Mme Morin-Desailly.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Il va falloir que je cède à mon tour au lyrisme ambiant ! (Sourires.)

Je remercie M. Assouline, qui, pour une fois, nous fait des amabilités, alors qu’il venait de nous accuser d’adopter des « postures », terme qui me paraît un tant soit peu insultant à l’égard de l’opposition : en général, nos propositions sont constructives !

Je partage le point de vue de Mme la ministre, et j’accepte son sous-amendement, même s’il me semble que l’adverbe « notamment » n’a pas vraiment sa place dans un texte juridique, comme cela est souvent souligné dans cet hémicycle.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 72.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis, modifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par MM. Leleux, Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi et Vendegou, est ainsi libellé :

Alinéa 4, deuxième phrase

Après les mots :

après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant

insérer les mots :

à bulletin secret

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. Madame la ministre, j’ai salué votre geste dans mon intervention au cours de la discussion générale. Certes, la validation parlementaire sera peut-être difficile à obtenir. Mais je me doute bien que vous n’avez pas dû proposer une telle disposition sans avoir au préalable réfléchi quant au devenir du CSA en cas d’alternance.

Imaginons que les membres du CSA soient nommés uniquement par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, en l’absence de toute contrepartie parlementaire. Nous pourrions parler d’« indépendance dans l’alternance », mais certainement pas d’indépendance réelle. Je salue donc une nouvelle fois l’avancée qui figure dans le projet de loi.

Mais, comme Mme la ministre l’a fort justement fait remarquer, notre monde n’est pas exempt de pressions, qui peuvent s’exercer lorsque le vote n’est pas à bulletin secret.

Je propose donc d’inscrire dans la loi que les commissions compétentes de deux assemblées se prononceront à bulletin secret. Certes, et je ne l’ignore pas, le règlement intérieur du Sénat prévoit, implicitement ou explicitement, que les commissions votent à bulletin secret sur les nominations. Mais elles peuvent aussi décider, à l’unanimité des membres, de se dégager d’une telle obligation.

Je souhaite donc que l’obligation pour la commission permanente chargée des affaires culturelles de chaque assemblée statuant à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de voter à bulletin secret soit clairement inscrite dans le projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. David Assouline, rapporteur. Le vote à bulletin secret relève pour moi de l’évidence ; je rejoins – encore une fois ! – M. Leleux.

Pour autant, comme vous le savez, par tradition, les assemblées parlementaires n’aiment pas que la loi ou l’exécutif s’immiscent dans leur règlement intérieur. Laissons-leur donc la liberté d’en décider. D’ailleurs, vous y étiez vous-mêmes très attentifs lorsque vous étiez majoritaires au Sénat.

En l’occurrence, le règlement intérieur prévoit que les commissions votent à bulletin secret sur les nominations. Votre amendement est donc satisfait.

Cela étant, si, en dépit de la tradition qui prévaut au Sénat, vous jugez utile d’apporter une telle précision et décidez de maintenir votre amendement, j’émettrai un avis de sagesse. Car le vote à bulletin secret est pour moi, je le répète, une évidence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Estimant, au nom de la séparation des pouvoirs, que le Gouvernement n’a pas à se prononcer sur une question relevant du règlement intérieur des assemblées parlementaires, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. J’entends bien les arguments de la commission.

Mais, parmi nous, qui pourrait s’offusquer d’une inscription du principe du vote à bulletin secret dans la loi ? Une telle mention constituerait une garantie supplémentaire d’indépendance, chacun pouvant se prononcer en toute conscience sans que son comportement soit influencé par son appartenance à telle ou telle formation.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Nous voterons cet excellent amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. P. Laurent, Mme Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Les nominations au Conseil supérieur de l’audiovisuel doivent être représentatives de l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel français dans leur diversité et à ce titre comprendre au moins un membre représentant des usagers ou des syndicats représentatifs du secteur audiovisuel.

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Nous proposons d’apporter une garantie supplémentaire de diversité dans la désignation des membres du CSA.

Certes, le projet de loi prévoit déjà que les conseillers sont désignés « en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication » et énonce les cas d’incompatibilité.

Toutefois, si texte contient effectivement de nombreuses précisions, rien ne permet de garantir que le processus de nomination reflétera la diversité des expériences dans le secteur audiovisuel.

Nous souhaitons donc que les nominations au CSA comprennent « au moins un membre représentant des usagers ou des syndicats représentatifs » du secteur audiovisuel public, fort, je le rappelle, de pas moins de 10 000 salariés. Notre objectif est de garantir la diversité parmi les futurs membres du CSA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. David Assouline, rapporteur. Je partage l’état d’esprit des auteurs de cet amendement. D’ailleurs, lorsque nous débattrons tout à l’heure de la composition des conseils d’administration des sociétés audiovisuelles publiques, j’exprimerai très fortement mon souhait que le Sénat se prononce en faveur de la présence en leur sein de représentants des usagers et des associations de consommateurs agréées. Ce serait une innovation.

Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit en l’occurrence. Le CSA n’a pas vocation à représenter telle ou telle catégorie. D’ailleurs, chacun de ses membres est un téléspectateur, dont le point de vue est bien entendu celui d’un professionnel, mais également celui d’un usager.

En outre, un tel dispositif poserait problème d’un point de vue pratique. Je le rappelle, le projet de loi prévoit que trois des membres du CSA seront désignés par le président de l’Assemblée nationale et trois autres par le président du Sénat, après avis conforme des commissions permanentes chargées des affaires culturelles ; dans ces conditions, qui pourrait nommer un tel représentant des usagers et des téléspectateurs ? L’Assemblée nationale ? Le Sénat ? Une telle proposition ne s’inscrit pas dans l’esprit de la procédure de désignation des membres du CSA.

En revanche, puisque les conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel comptent dans leurs rangs des représentants de salariés, par parallélisme, les représentants des usagers y auraient, pour le coup, eux aussi toute leur place. Nous en reparlerons tout à l’heure.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, tout en partageant le souhait que le téléspectateur puisse lui aussi porter un regard sur le fonctionnement de l’audiovisuel public.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Je souscris totalement à l’idée selon laquelle les téléspectateurs doivent être associés à la réflexion sur le service public de l’audiovisuel.

Cela étant, je pense que le CSA n’est pas le bon cadre pour cela. L’outil adapté, c’est le conseil d’administration des entreprises de l’audiovisuel public. Le CSA, dont le présent projet de loi précise les compétences, est un organe de régulation. S’il devait compter dans ses rangs un représentant des téléspectateurs, celui-ci, qui en serait membre à part entière, percevrait à ce titre une rémunération. Ce serait là son activité professionnelle. Et, à moins de se placer dans une situation de conflits d’intérêts, il ne pourrait donc plus représenter une association quelconque.

Une telle proposition contrevient à l’objectif d’associer nos concitoyens, en tant qu’usagers du service public, à la politique menée dans le domaine de l’audiovisuel.

Je partage le souci de fond, mais je pense que l’outil adapté, ce sont les conseils d’administration, et non le CSA.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. Pour une fois, je suis entièrement d’accord avec M. le rapporteur et avec Mme la ministre ; ce ne sera pas toujours le cas. (Sourires.)

Nous pensons évidemment que les usagers doivent être représentés au sein de telles structures. Toutefois, compte tenu des modes complexes de désignation de leurs membres, il faudrait mener une réflexion plus large en amont. Nous voterons donc contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.