Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.

M. Gérard Longuet. L’article 9 n’a pas été adopté en commission. Mme Pasquet vient d’expliquer les raisons du groupe CRC ; quant à nous, nous avons repoussé cet article, parce que nous ne comprenons pas sa logique dans le temps : il permet d’utiliser les points du compte personnel de prévention de la pénibilité, le CPPP, pour des départs anticipés, mais il apparaît difficile pour un non-spécialiste de comprendre exactement ce qui sera possible.

Je me prends à penser, madame le ministre, que cette opacité est volontaire, car elle constitue la seule réponse que vous pouvez livrer à l’opinion compte tenu des contradictions dont vous êtes porteurs depuis 2003 et qui ont été renouvelées tout au long de la campagne présidentielle de 2012, contradictions dont vous ne parvenez pas à sortir.

Je le répète, vous avez condamné notre réforme de 2003, la réforme des régimes spéciaux de 2008, la réforme de 2010, en particulier le fait de porter à soixante-deux ans l’âge de la retraite à taux plein du régime général par répartition. Aujourd’hui, vous êtes contraints de sortir de cette impasse. À travers la confusion introduite avec le CPPP, vous donnez à croire qu’avec un peu de chance il sera possible d’échapper aux mesures que vous condamniez hier, qui, nous le savons, constituent, hormis pour les carrières longues, une nécessité absolue.

Vous remplacez en cet instant au banc Mme Marisol Touraine, c’est le droit du Gouvernement de s’organiser comme il l’entend, mais j’aurais pourtant aimé que Mme la ministre de la santé entende mon rappel de ses déclarations de novembre 2011, tenues au cours d’un débat sur internet.

Un internaute lui posait la question suivante : « Pouvez-vous nous confirmer que, en cas de victoire du PS en 2012, vous reviendrez sur l’âge de la retraite de façon objective, équitable et en toute transparence ? »

À cette question claire et légitime, la réponse fut plus obscure : « La question des âges est évidemment essentielle. » Jusque-là, c’est banal ! « Nous disons clairement » – il faut toujours se méfier des gens qui parlent clairement ou franchement – « que nous reviendrons à l’âge légal de départ en retraite à 60 ans. » Voilà qui est dit !

« Qu’est-ce que cela veut dire ? » Le « clairement » est là rendu plus complexe, afin de s’assurer que l’on ne répond pas : « Cela veut dire que l’on pourra partir en retraite à 60 ans comme c’est le cas aujourd’hui. On pourra le faire à taux plein si on a toutes ses annuités, » – le discours commence à déraper…

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Mais non !

M. Gérard Longuet. … puisque l’on sait que les annuités ne seront pas remises en cause et que l’âge d’accès au travail est de l’ordre de vingt-trois ans en moyenne dans notre pays – « sinon il faudra travailler au-delà ou bien partir avec une moindre retraite. Mais contrairement à ce que dit la droite, ça n’est pas un recul puisque c’est très exactement la situation actuelle. Donc oui, nous sommes transparents : l’âge légal de départ en retraite reviendra à 60 ans et l’âge légal de départ sans décote à 65. »

Mes chers collègues, vous êtes prisonniers de cet engagement, qui, vous le saviez, était intenable au moment même où vous le contractiez. Vous n’êtes pas revenus sur l’âge de soixante-deux ans, ce dont je vous remercie sinon c’eût été une véritable catastrophe pour le pays, et vous vous ménagez une porte de sortie, ou plutôt une sorte de soupape de sûreté afin d’éviter que la marmite n’explose, avec le CPPP. Malgré la complexité évidente de ce dispositif, vous laissez entendre que des choses seront possibles, mais nous ne savons pas exactement comment.

Une majorité s’est constituée en commission pour repousser cet article. Pourtant, chacun avait des raisons différentes : les uns demandaient le retour à soixante ans et moins, les autres exigeaient le maintien à soixante-deux ans. Mais vous n’avez pas voulu répondre. Vous avez donc été victimes de cette équivoque.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sur l'article.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dès lors que l’on veut traiter de la pénibilité, cet article nous apparaît nécessaire. Nous ferons donc abstraction de la suppression de l’article 6.

L’article 9 vise à préciser les effets de la majoration de la durée d’assurance attribuée à un salarié au titre des points accumulés sur le compte de prévention de la pénibilité. Quel dommage que vous ne soyez pas convaincus par la nécessité de passer à un régime par points !

M. Gérard Longuet. Exactement !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C’eût été d’une simplicité biblique, sans référence aucune…

M. Gérard Longuet. À la paille et à la poutre !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … à ce qui a été évoqué précédemment.

M. Gérard Longuet. Assumons notre héritage, mon cher collègue !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je l’assume, mais, en l’occurrence, je ne cherchais pas à m’y référer. (Sourires.)

Je veux simplement dire qu’il aurait été beaucoup plus simple d’instaurer un tel système, parce qu’il aurait suffi de bonifier les points sur le compte de chaque travailleur exposé à la pénibilité.

Le dispositif proposé ici vise à transformer les trimestres en cotisation pour pouvoir donner cette bonification. Comme nous sommes tout à fait d’accord avec le principe, nous ne nous opposerons pas à cet article.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Mme Catherine Procaccia. Ainsi, le Sénat aura quelque chose à proposer en commission mixte paritaire !

Article 9
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Article 9 bis (nouveau)

Article additionnel après l'article 9

Mme la présidente. L'amendement n° 279, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l’année suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les possibilités de rationalisation des différents régimes de cessation anticipée d’activité dans le sens d’une mise en cohérence avec le dispositif du compte personnel de prévention de la pénibilité.

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Cet amendement vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport qui étudierait les possibilités de rationalisation des différents régimes de cessation anticipée d’activité.

Mme Annie David. Un rapport ? Tiens, c’est étonnant !

Mme Catherine Deroche. Il existe aujourd’hui plusieurs dispositifs de cessation anticipée d’activité : invalidité, inaptitude, exposition à l’amiante, ce dernier régime étant financé par le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA. Avec la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité, s’il était rétabli, il convient, dans un souci de simplification et de lisibilité, de rationaliser ces différents systèmes de cessation anticipée d’activité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. J’avoue ne pas comprendre le sens de cet amendement. Les différents régimes de cessation anticipée d’activité ne répondent pas tous à la même logique, et le compte personnel de prévention de la pénibilité ne s’y superpose pas, mais les complète.

Quels sont les points communs entre une personne ayant commencé à travailler à seize ans et qui peut bénéficier de la retraite anticipée pour carrière longue, une personne souffrant d’une importante invalidité à la suite d’un accident professionnel, qui peut bénéficier d’une retraite anticipée pour invalidité, et un salarié ayant travaillé de nuit pendant toute sa carrière, qui bénéficiera d’une majoration de durée de cotisation grâce au CPPP ?

Face à la retraite, chaque situation spécifique doit être traitée de façon adaptée, et je ne vois pas en quoi un rapport pourrait relever autre chose que ce que je viens de dire. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Cet amendement est pertinent en ce qu’il demande au Gouvernement de faire le point, d’une façon régulière, constante, officielle et publique, sur les raisons parfaitement justifiées et explicables – différentes aussi, je le reconnais – qui aboutissent toutes à un même résultat : le contournement de la règle des soixante-deux ans.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est la prise en compte des parcours individuels !

M. Gérard Longuet. Il est très important que le Gouvernement produise ce rapport, parce que, in fine, ce contournement, dont je conviens qu’il est le résultat de l’addition de parcours individuels, aboutit à des charges assumées par la collectivité, et donc par le contribuable, au titre de la solidarité de l’État vis-à-vis de l’équilibre des régimes dont il a lui-même fixé les règles de par la loi.

Madame la présidente, je ne comprends pas l’évolution du décompte de mon temps de parole.

Mme Catherine Procaccia. Le décompte est parti en sens inverse !

M. Gérard Longuet. Je m’en inquiète, mes chers collègues, car j’essaie de respecter le temps qui m’est imparti, pour ne pas vous accabler. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Claude Jeannerot. C’est toujours un plaisir !

M. Gérard Longuet. Cela étant, il n’est pas complètement inutile de disposer d’un tableau de bord, car l’addition, et peut-être la superposition, de ces situations mérite d’être connue.

Je serais curieux, par exemple, madame la ministre, de savoir comment vous comptez rétablir le régime de l’exposition à l’amiante, qui est nécessairement en déséquilibre.

Un sénateur du groupe UMP. Par une subvention de l’État !

M. Gérard Longuet. Voilà ! Il ne serait donc pas inutile, pour ceux qui parlent au nom du contribuable, de disposer chaque année, d’une façon immédiate et prospective, des probabilités les plus fortes d’être sollicités.

Si certaines situations sont très claires et méritent considération et action immédiate, il est vraisemblable que le CPPP deviendra un facteur de conflits sociaux et donc d’arbitrages politiques, dont nous mesurons bien, au vu de l’actualité récente, que, s’ils sont parfois imprévisibles, ils se traduisent toujours par une charge nouvelle supportée par le contribuable.

Le rappel à l’ordre que propose Mme Deroche m’apparaît donc pertinent, afin que les représentants des contribuables puissent savoir à quels risques ils sont exposés en matière de finances publiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 279.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 9
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Article 10 (début)

Article 9 bis (nouveau)

À l’intitulé du chapitre II du titre IV de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, les mots : « de la pénibilité » sont remplacés par les mots : « d’une incapacité permanente ». – (Adopté.)

Article 9 bis (nouveau)
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Article 10 (interruption de la discussion)

Article 10

I. – Le I de l’article 86 et l’article 88 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites sont abrogés.

II. – Les articles 5 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015, à l’exception du dernier alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail, qui entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.

M. Michel Le Scouarnec. Outre l’abrogation de deux articles de la réforme de 2010 – cela ne constitue ni une remise en cause de la loi de 2010 ni un quitus sur l’efficacité de cette réforme –, l’article 10 précise que les articles 5 à 9 de ce projet de loi, qui sont relatifs au compte personnel de prévention de la pénibilité, n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2015, exception faite de la transmission de la copie de la fiche de prévention de la pénibilité aux caisses chargées de la gestion du compte, une mesure appliquée au plus tard cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6, qui renaîtra sans doute de ses cendres.

Si nous n’avons pas d’observations particulières à formuler sur cet article, nous avons néanmoins quelques interrogations.

Tout d’abord, nous ne comprenons pas pourquoi ces mesures ne seront applicables que dans plus d’un an. Pourquoi ne pas avoir prévu dans la loi que le compte personnel de prévention de la pénibilité serait rétrospectivement crédité des points accumulés entre la promulgation de cette loi et le 1er janvier 2015 ? Cela aurait laissé aux partenaires sociaux le temps de la négociation, tout en garantissant aux salariés la prise en compte de leur exposition à des facteurs dangereux durant cette période.

En faisant dépendre tout le dispositif d’une entrée en vigueur si lointaine, vous laissez les salariés être exposés à des facteurs de risques professionnels, dans la mesure où jamais cette période d’exposition ne sera prise en compte.

Si je fais un parallèle avec l’amiante, le dispositif que vous proposez n’a guère de sens. En effet, en cas d’exposition à cette fibre hautement cancérigène, l’indemnisation du salarié commence au moment où le salarié a été exposé et non pas dès lors que l’employeur a eu conscience ou connaissance de cette exposition. C’est la base de l’obligation de résultat qui pèse sur les employeurs.

C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’il était possible, souhaitable et conforme à notre tradition législative en matière de protection de la santé au travail de rendre possible l’accumulation des points dès la promulgation de la loi, charge, ensuite, aux caisses de redresser la carrière et d’attribuer les points correspondants.

En outre, nous partageons les inquiétudes de la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, quant au flou qui persiste concernant les dispositions applicables aux personnes ayant été exposées à des facteurs de pénibilité et arrivant, au cours des prochaines années, à l’âge de la retraite.

En dépit des mesures adoptées par l’Assemblée nationale et la commission, il nous semble que les salariés dont l’âge est compris entre 50 et 58 ans sont les grands perdants du compte personnel de prévention de la pénibilité. En effet, trop âgés pour accumuler suffisamment de points et pas assez pour bénéficier pleinement des majorations accordées aux salariés dont l’âge est proche de la retraite, ils ne parviendront à accumuler qu’un nombre limité de points et ne pourront, par conséquent, prétendre qu’à peu de droits.

Certes, les salariés âgés de plus de 52 ans ne seront désormais pas contraints de verser leurs vingt premiers points, qui pourront parfois représenter tout leur capital, sur le compte personnel de formation, et c’est là une avancée.

Toutefois, au-delà, quels seront leurs droits ? Quels avantages concrets tireront-ils des mesures prévues dans ces articles ? Un salarié âgé de 57 ans disposant de vingt points pourra-t-il prétendre à un départ anticipé ? Si oui, de combien de mois ou de trimestres pourra-t-il bénéficier, et dans quelles conditions ?

Ces interrogations sont légitimes, car les salariés ayant été exposés à des facteurs à risques sont nombreux. Nous ne devons ni les oublier ni renoncer à leur garantir une réparation entière eu égard à la diminution de leur espérance de vie en raison d’une exposition professionnelle à des facteurs de risques.

Sous réserve d’obtenir des réponses à ces questions, madame la ministre, le groupe CRC optera pour l’abstention.

Mes chers collègues, permettez-moi d’ajouter quelques mots au sujet du débat qui a eu lieu ce matin.

Je veux dire à nos collègues Philippe Bas et Gérard Longuet que le groupe CRC est du côté de tous les salariés et de tous les employeurs honnêtes et respectueux des lois et des salaires. Les sénateurs communistes ont aussi des mandats locaux et ils rencontrent donc des employeurs comme des salariés. Pendant dix-sept ans, je n’ai eu que de bonnes relations avec les employeurs de ma ville, qui compte de très nombreuses entreprises et offre 8 000 emplois.

Lorsque vous vous êtes exprimés tout à l'heure, j’ai ressenti un certain mépris à notre égard.

M. Gérard Longuet. Pas du tout !

M. Michel Le Scouarnec. Je tenais à le dire, car c’est la première fois depuis plus de deux ans que je ressens un tel sentiment !

J’ai éprouvé le même malaise lorsque M. Bas a pris la parole, alors que le débat démocratique doit être marqué du sceau du respect des personnes, de leurs propos et de la liberté de pensée.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Très bien !

M. Michel Le Scouarnec. Je ne sais pas si d’autres collègues ont également ressenti ce malaise. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Michel Le Scouarnec. En tout cas, en cette fin de matinée, je tenais à le souligner.

Chers collègues de l’opposition, de temps à autre, il faut cesser de juger et de donner des leçons de morale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

Article 10 (début)
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Discussion générale

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

dotations aux collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Face aux déficits budgétaires, chacun doit participer à la baisse des dépenses, y compris les collectivités territoriales. Seulement, de son côté, l’État ne s’applique pas l’effort qu’il leur demande. En effet, entre 2013 et 2015, alors que les dotations aux collectivités territoriales baisseront de 3,6 %, les dépenses de l’État augmenteront de 2 %, passant de 299,5 milliards d’euros à 305,5 milliards d’euros.

L’effort que le Gouvernement demande aux petites communes rurales n’est pas soutenable. Ces communes ont des ressources extrêmement faibles, parmi lesquelles les dotations de l’État tiennent une place majeure. Leurs dépenses de fonctionnement, notamment salariales, sont quant à elles quasiment incompressibles : elles se résument au traitement d’une secrétaire de mairie et d’un employé communal quelques heures par semaine, le maire ne recevant qu’une indemnité symbolique.

Madame la ministre, il est inexact que la baisse des dotations représentera en moyenne 0,69 % par collectivité territoriale, comme vous le soutenez. À la vérité, la part communale forfaitaire de la DGF subira une réduction de plus de 800 millions d’euros, soit un taux supérieur à 4 % par rapport à l’an passé. Ni la péréquation ni la dotation de solidarité rurale ne suffiront à compenser une contraction aussi importante !

De plus, vous avez déclaré que vous ne pouviez pas prendre d’engagement, au nom de l’État, sur la fin de la réduction des dotations ; c’est un signal très négatif pour les projets d’investissement, que vous prétendez vouloir préserver.

On ne peut demander plus à des communes déjà exsangues. Vous devez fixer un plancher protecteur pour les petites communes rurales. À l’image de ce qui fut fait avec le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, créé en 2011, vous devez mettre en place une réforme des dotations par stratification : la baisse de la DGF ne pourrait-elle pas être modulée par strates de population et de budget de fonctionnement ?

Madame la ministre, je vous le demande avec insistance : ne condamnez pas les petites communes rurales ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. François Marc. Ça sent les sénatoriales !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, même si je ne partage pas votre analyse.

M. Aymeri de Montesquiou. Les chiffres sont là !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Permettez-moi de vous rappeler un certain nombre de faits importants.

Je n’ai pas affirmé qu’une diminution de 1,5 milliard d’euros correspondait, en moyenne, à 0,69 % par collectivité territoriale ; j’ai fait remarquer qu’elle représentait 0,69 % de l’ensemble des dotations de l’État, dont il faut se souvenir que leur total dépasse 80 milliards d’euros.

À cet égard, d’ailleurs, je vous rappelle que le Gouvernement a consenti des efforts, puisqu’il a augmenté de 4 % la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et la dotation de solidarité rurale, la DSR – cette mesure, monsieur le sénateur, rejoint vos préoccupations. Aussi, les collectivités territoriales rurales ne subiront pas une baisse moyenne de 0,69 % de leur dotation.

Que les collectivités territoriales participent à l’effort était inévitable. Certains, comme Mme Pécresse, ont proposé une baisse des dotations de 5 milliards d’euros par an. Ils n’ont pas été suivis par le Président de la République, qui a voulu que la participation des collectivités territoriales soit inférieure à celle de l’État. Monsieur le sénateur, vous avez donc largement obtenu satisfaction. Certains diraient même que nous avons reculé sur la baisse des dotations des collectivités territoriales, mais nous l’avons fait pour protéger nos communes.

Comme je viens de le rappeler, nous avons décidé d’aider davantage les communes en difficulté, en augmentant la DSU et la DSR de plus de 4 %.

Même si vous n’êtes pas tout à fait d’accord avec notre interprétation de la situation, vous pouvez reconnaître que nous avons préservé la péréquation ; nous l’avons même augmentée, pour aider autant que possible les collectivités territoriales les plus pauvres.

Monsieur le sénateur, vous mettez en lumière les difficultés des communes et des communautés de communes rurales. Or si certaines d’entre elles sont en très grande difficulté, d’autres se portent correctement ; il est très important que nous en tombions d’accord. Nous ne pouvons pas considérer qu’elles sont toutes dans la même situation. (M. Aymeri de Montesquiou acquiesce.)

En plus d’avoir persuadé les uns et les autres de consentir un effort sur la péréquation – l’Assemblée nationale en a accepté le principe –, nous avons posé la question de la DGF et de la péréquation verticale.

M. François Marc. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. À cet égard, vous avez raison : indépendamment des dégâts, que nous reconnaissons tous et que nous essayons de pallier, du remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, nous essayons, chaque année, de poser la question de ces péréquations.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je pense que la remise à plat de la DGF et, par exemple, la prise en compte des mètres carrés agricoles et des mètres carrés des protections sont des idées importantes. Ensemble, monsieur le sénateur, nous y arriverons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Marc. Bravo !

apprentissage

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. En l’absence de M. Sapin, ministre du travail et de l’emploi, ma question s'adresse à Mme Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Il y a 440 000 apprentis en France. L’apprentissage est une des voies de la réussite : il permet à de nombreux jeunes d’accéder à l’emploi dans des conditions que, aujourd’hui, les entreprises recherchent.

Les régions sont pleinement compétentes dans le domaine de l’apprentissage ; elles entendent assumer cette compétence, malgré le contexte de crise qui rend plus difficiles les recrutements d’apprentis.

Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de réserver aux entreprises de moins de dix salariés le bénéfice de la prime pour l’apprentissage.

M. Alain Gournac. C’est une erreur !

M. François Patriat. C’est une mesure que nous acceptons difficilement,…

MM. Alain Gournac et François-Noël Buffet. Vous avez bien raison !

M. François Patriat. … encore qu’on puisse la comprendre, dans la mesure où les grandes entreprises peuvent avoir moins de difficulté à recruter des apprentis.

M. Francis Delattre. C’est vrai !

M. François Patriat. Reste que le système de la taxe d’apprentissage est une nébuleuse, qui mérite aujourd’hui d’être réformée. Nous attendons du Gouvernement qu’une partie des fonds soit sanctuarisée, parce que cette taxe aide des entreprises et des associations et parce qu’elle permet à des jeunes, notamment les « décrocheurs », de trouver un emploi.

Avec ma question, je me tourne vers l’avenir.

M. Gérard Longuet. Donc vers nous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. François Patriat. Pour assurer la réussite de l’apprentissage, j’ai proposé, avec mes collègues membres de la commission des finances, une réforme portant à la fois sur la collecte et sur la répartition de la taxe d’apprentissage.

Nous avons exploré plusieurs pistes, suggérant notamment de diminuer le nombre des organismes collecteurs, qui forment aujourd’hui une nébuleuse responsable de déperditions sur les 2,4 millions d’euros de la prime d’apprentissage, et d’appliquer un nouveau modèle de répartition, en fusionnant les différentes taxes pour mieux cibler les moyens collectés vers l’apprentissage aux niveaux IV et V. Je crois que tel est aussi l’objectif du Gouvernement.

Madame la ministre, ma question est double.

Tout d'abord, en liaison avec les régions de France, que vous connaissez bien, et l’ensemble des acteurs concernés, allez-vous sanctuariser la partie des fonds destinée aux centres de formation d’apprentis ?

Ensuite, la simplification et le paritarisme seront-ils assurés dans la future réforme de la taxe d’apprentissage, et les régions seront-elles associées à celle-ci ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Christian Poncelet applaudit également.)