PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

reconnaissance du statut d'ancien combattant aux anciens casques bleus de la force intérimaire des nations unies au liban

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 566, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, depuis la fin de la guerre d’Algérie, la participation de la France à la Force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL, a été l’opération la plus meurtrière pour les soldats français.

En effet, depuis la création de la FINUL, 158 militaires français ont perdu la vie au Liban, parmi les 296 casques bleus qui y sont morts.

Après l’invasion par Israël du Sud-Liban en 1978, les soldats français ayant participé à la FINUL ont permis de protéger les populations civiles et d’assurer l’engagement de la France pour la paix, en vertu de sa responsabilité de membre du Conseil de sécurité des Nations unies.

Parmi ces soldats, on dénombrait notamment des appelés du contingent volontaire qui, en avril 1982, sur décision de François Mitterrand, ont constitué le 420e détachement de soutien logistique, ou DSL, pour prendre la relève des troupes professionnelles de la 11e division parachutiste.

À la suite d’une nouvelle invasion du Liban par Israël en 1982, ces engagés volontaires, pour la plupart âgés d’une vingtaine d’années, se sont retrouvés dans le tourbillon de l’Histoire, dans une situation particulièrement périlleuse, sous la menace des forces d’occupation israélienne et de leurs milices.

Or ces anciens soldats français se sentent aujourd'hui délaissés par la réglementation en cours, qui ne leur reconnaît pas le statut d’ancien combattant. Ils ont ainsi le sentiment de ne pas être honorés au même titre que ceux qui se sont engagés pour la France sous le feu d’autres théâtres d’opérations.

Ce sentiment d’injustice tient aux conditions restrictives et aux courtes périodes pour lesquelles les unités de la FINUL sont reconnues combattantes.

Monsieur le ministre, je tiens à saluer sincèrement votre action permettant une reconnaissance plus large et plus juste du statut d’ancien combattant. Je me félicite de l’extension de la carte d’ancien combattant à tous ceux qui ont accompli quatre mois de service durant la guerre d’Algérie, dans le cadre de la loi de finances pour 2014. De même, j’ai noté avec une grande satisfaction votre volonté d’étendre ce critère des quatre mois à tous les militaires ayant servi dans des opérations extérieures, exprimée lors de la séance du 4 novembre dernier à l’Assemblée nationale.

Néanmoins, lors de cette même séance, vous avez affirmé vouloir avancer pour permettre aux soldats de la FINUL de pouvoir bénéficier de la carte du combattant. Quels nouveaux critères envisagez-vous de mettre en place pour que ces soldats puissent disposer de cette carte, et dans quels délais ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Madame la sénatrice, je tiens à vous remercier de me donner l’occasion de m’exprimer à nouveau sur ce sujet, ainsi que je l’avais fait lors des débats budgétaires.

Vous le savez, l’accès des militaires en opérations extérieures, ou OPEX, à la carte du combattant est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, au regard du devoir de reconnaissance qui est le nôtre vis-à-vis des femmes et des hommes ayant défendu et continuant de défendre les valeurs de la France dans le monde.

Cette réflexion est d’autant plus légitime qu’elle s’inscrit dans le contexte de l’évolution globale des missions de nos armées et de la nécessaire prise en compte des conditions dans lesquelles nos militaires exercent, au-delà de nos frontières, ce qui est désormais leur métier.

Je vous remercie d’avoir rappelé qu’un travail approfondi a d'ores et déjà été mené pour adapter les textes à cette nouvelle réalité.

D’abord, le décret et l’arrêté du 10 décembre 2010 ont permis d’élargir la définition des unités combattantes, en établissant des critères adaptés aux conflits contemporains. Dans la même logique, l’arrêté du 28 juin 2012 a permis d’allonger la liste des opérations extérieures ouvrant droit à la carte du combattant, afin de couvrir notamment plusieurs missions des Nations unies. Puis, l’arrêté du 20 septembre 2013 a permis de reconnaître comme combattantes l’ensemble des unités engagées en Afghanistan et au Rwanda.

Par ailleurs, en vertu de la nouvelle loi de programmation militaire, ce sont désormais toutes les opérations extérieures qui seront reconnues comme ayant de fait vocation à ouvrir droit à la carte du combattant.

Cette démarche volontariste porte aujourd’hui ses fruits, et les résultats sont au rendez-vous, compte tenu de l’augmentation exponentielle du nombre de cartes du combattant attribuées, passées de 3 600 en 2011 à plus de 16 300 en 2013, soit une augmentation de 150 % entre 2011 et 2012 et de 80 % entre 2012 et 2013.

Pour autant, la situation actuelle, imparfaite, n’est pas satisfaisante. L’examen par le SHD, le service historique de la défense, de tous les journaux de marches et d’opérations est un travail fastidieux. Réalisé en priorité sur les OPEX les plus récentes, il laisse encore en attente une série d’opérations plus anciennes.

En outre, les critères plus souples que j’ai évoqués ne s’appliquent pas de manière rétroactive. C’est ainsi que certaines compagnies du 420e DSL n’ont pu – faute d’éléments attestant une exposition au feu suffisante et sur la base des critères de l’époque – être reconnues combattantes que du 31 mai au 27 juillet 1980 et du 14 août au 12 septembre 1986.

Je mesure, comme vous, l’attente de ces militaires qui, comme d’autres, souhaiteraient voir le cas de leurs unités étudié une nouvelle fois par le SHD.

Dans le contexte d'une charge de travail déjà très lourde pour ce service, je pense que la solution est à trouver dans une simplification des démarches plutôt que dans leur alourdissement.

C’est pourquoi, comme je l’ai déclaré le 4 novembre dernier à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi de finances, je suis favorable à une réflexion sur l’évolution des critères d’attribution de la carte du combattant au titre des opérations extérieures afin d'en simplifier et d'en clarifier le processus, cela dans un double souci d’efficacité et d’équité.

À cet égard, j’ai demandé à mes services d’examiner les conditions de faisabilité d’une application à toutes les opérations extérieures d’un critère uniforme de quatre mois de présence, tel qu’il existe aujourd’hui dans le cas des opérations effectuées en Algérie, en Tunisie et au Maroc.

Cet examen, actuellement en cours, se poursuivra dans les mois qui viennent en tenant compte de l’impact financier potentiel, non seulement sur la carte du combattant, mais aussi sur le budget lié aux autres droits ouverts aux détenteurs de la carte que sont la retraite mutualiste et la demi-part fiscale.

Madame la sénatrice, si le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions de la loi de finances initiale qui prévoyaient l’élaboration d’un rapport sur cette question, sachez que cette décision n’aura pas pour autant d'impact sur la démarche engagée par mon ministère, et je vous tiendrai informée de l’issue de notre initiative dès que cela me sera possible.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse argumentée, qui montre la mobilisation de votre ministère sur ce qui constitue, pour ces soldats, une véritable injustice. J’espère que l'on pourra rapidement trouver une solution au problème.

pour une amélioration de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 621, adressée à M. le ministre de la défense.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, il aura fallu plus de huit ans de combat des associations – l’association des vétérans des essais nucléaires et Mururoa e Tatou, en particulier – ainsi que, depuis 2003, de nombreuses propositions de loi pour que, enfin, une loi reconnaisse les conséquences des essais nucléaires, mais malheureusement sans indemniser à la hauteur des préjudices subis tous ceux qui ont réellement souffert de ces tragiques expérimentations.

Il aura fallu plus de quatre ans depuis le vote de cette loi pour que quelques avancées soient enfin actées, récemment. Le temps passe et les victimes des essais nucléaires disparaissent. Dans mon département, les deux présidents successifs de l'AVEN, André Mézières et Michel Giboureau, ardents défenseurs d’une loi de reconnaissance et d’indemnisation, nous ont quittés. C’est leur combat qui a permis ces avancées.

Telle est la raison de ma question, monsieur le ministre : 13 indemnisations accordées pour 880 dossiers traités, cela représente un véritable fiasco pour la loi !

Ce sont non seulement les associations qui vous ont signalé que cette loi ne fonctionnait pas, mais aussi différents rapports, celui du contrôle général des armées et de l’Inspection générale des affaires sociales, fait à la demande de M. le ministre de la défense, qui analyse les procédures et les modalités d’application du dispositif, et ceux du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Certaines préconisations ont été retenues, comme la transformation du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, en autorité administrative indépendante, l’extension du périmètre géographique du dispositif d’indemnisation pour la Polynésie française, ou la déclassification de documents militaires liés aux essais nucléaires, ce dont nous nous félicitons.

Tout cela nous semble aller dans le bon sens pour que les victimes des essais nucléaires puissent enfin être indemnisées. Mais cela sera-t-il suffisant ? Nous en doutons fortement.

D’autres améliorations pourraient être apportées dans le cadre de la commission consultative de suivi, qui doit se réunir chaque année. Nous attendons également la possibilité d’associer des médecins reconnus par les associations aux travaux du CIVEN, comme vous-même l’avez annoncé ici. Ce serait un pas important pour la défense des dossiers des demandeurs.

Mais refuser de reconnaître la stricte prise en compte de la présomption de causalité entraînera les mêmes difficultés. Faire sauter ce verrou serait la seule façon de redonner aux victimes des essais nucléaires l’espoir de voir leurs dossiers enfin reconnus. La dosimétrie ne peut être l’élément déterminant pour l’ouverture de ces droits.

La notion de « risque négligeable » calculée par un logiciel qui n’était pas destiné à l’origine à cette fin est la source de nombreux contentieux – les tribunaux administratifs le rappellent régulièrement. Je voudrais être certaine que ce logiciel ne sera plus l’élément déterminant dans la décision et, comme vous l’avez rappelé, qu’il n’empêche en rien l’examen individuel des dossiers. C’est bien l’approche humaine qui est à privilégier.

La présomption stricte et l’indemnisation de tous les demandeurs qui remplissent les conditions de lieu, de date et de maladie prévues par la loi ne seraient que justice ! Combien de temps faudra-t-il encore attendre ? Vous connaissez comme moi la santé fragile de nombreux vétérans ! Sur les 10 millions d'euros budgétés, seuls 266 284 euros ont été consommés en 2012…

Je vous demande donc, monsieur le ministre, comment vous comptez lever les obstacles afin que les victimes des essais nucléaires puissent enfin reprendre espoir. Il y va, me semble-t-il, à la fois de la crédibilité des parlementaires qui ont approuvé le texte de loi actuellement en vigueur et de celle du Gouvernement, singulièrement du ministère.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Madame la sénatrice, comme j'ai déjà eu ‘occasion de le constater devant le Sénat, le 7 janvier dernier, lors du débat de contrôle de l'application des lois sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, le dossier que vous évoquez est complexe.

Il est complexe parce que, tout d’abord, il n’y a aucune cohérence dans les chiffres. Je vais vous donner les miens : au 1er janvier 2014, le Comité d’indemnisation avait reçu 880 dossiers dont 726 étaient complets ; parmi ceux-là, seuls 503 satisfaisaient aux critères de lieu, date et maladie prévus par la loi. Je n’ai pas trouvé trace des 5 000 dossiers indemnisables dont vous faites état…

M. le ministre de la défense a rencontré les associations à plusieurs reprises lors des commissions consultatives, leur demandant expressément d’inciter leurs adhérents à déposer des dossiers. Entre-temps, sur les 503 dossiers recevables, 13 indemnisations ont été proposées. C’est peu, mais le dispositif fonctionne.

En outre, ces indemnisations sont fondées sur une étude approfondie, au cas par cas, réalisée par d’éminents spécialistes. Elles sont donc pour l’instant peu nombreuses, mais justes.

Complexe, le dossier l’est aussi parce qu’un même dispositif mêle aujourd’hui deux notions pourtant distinctes : la reconnaissance et l’indemnisation.

Il est important que, indépendamment de toute maladie, l'on puisse témoigner de la reconnaissance aux personnes qui ont participé aux essais nucléaires. Jean-Yves Le Drian a écrit dans ce sens au Grand chancelier et attend sa réponse.

Il est non moins important que les personnes qui souffrent aujourd’hui d’une maladie radio-induite du fait de leur exposition à des radiations lors des essais nucléaires français, puissent être indemnisées. Aussi, le ministre a pris de nombreux engagements afin d’améliorer le dispositif actuel et a demandé que le périmètre de la loi intègre désormais toute la Polynésie, ce qui engendrera certainement des demandes supplémentaires et, peut-être, de nouvelles propositions d’indemnisation.

Enfin – et peut-être surtout –, le sujet est complexe, car il confronte la souffrance de personnes atteintes d’un cancer à la réalité scientifique de la radioactivité. Le dispositif mis en place repose sur des données scientifiques sérieuses, reconnues par la communauté internationale. La méthode adoptée s’appuie sur les méthodologies recommandées par l’Agence internationale de l’énergie atomique. Au surplus, comme je vous l’ai rappelé, chaque dossier est étudié par un comité composé de personnalités reconnues, notamment de médecins désignés sur proposition du Haut Conseil de la santé publique.

Le comité d’indemnisation travaille en toute indépendance et en toute transparence, et l'on ne peut remettre en cause ses décisions sans remettre aussi en cause des réalités scientifiques, notamment celles qui sont liées à la radioactivité.

Pour aussi abstraite et impalpable que soit la radioactivité, elle a un caractère de réalité scientifique factuelle, mesurable et quantifiable. Seuls des professionnels peuvent aujourd’hui juger du lien de cause à effet entre les maladies dont souffrent certains vétérans des essais et leur éventuelle exposition aux radiations, et c’est tout le travail du comité d’indemnisation.

La loi de programmation militaire donnera encore plus d’indépendance et, je l’espère, encore plus de crédibilité à ce comité, auquel nous souhaitons renouveler une fois encore notre confiance et qui évoluera conformément aux souhaits émis par les associations ainsi qu’aux demandes formulées par les parlementaires, députés et sénateurs, qui ont travaillé sur ce sujet, comme vous l'avez rappelé à juste titre. Le débat de contrôle sur le rapport de vos collègues Corinne Bouchoux et Jean-Claude Lenoir, qui a eu lieu devant la Haute Assemblée et que j'ai évoqué en introduction, s’en est fait l’écho.

Croyez-moi, madame la sénatrice, nous avons écouté les associations dans un souci de dialogue et de concertation, ainsi que les parlementaires ; nous avons entendu les demandes des uns et des autres et n’avons pas ménagé nos efforts pour que la reconnaissance des vétérans et l’indemnisation des victimes puissent être une réalité, dans le cadre d’un dispositif juste et conforme au droit. Sachez que ce travail sera poursuivi.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, votre réponse est en effet conforme aux échanges que nous avons eus ici même au début du mois. Mais ce qui vient de se passer au tribunal administratif de Bordeaux montre que les progrès sont encore difficilement perceptibles. Si en effet le tribunal a fait droit aux demandes de certaines personnes, le représentant du ministère a encore défendu des positions qui semblent peu conformes à vos déclarations.

J’insisterai particulièrement sur l'utilisation de la dosimétrie : celle-ci ne saurait être un outil d'analyse puisque les dosimètres étaient très peu utilisés durant les périodes de présence sur les lieux exposés – on le voit bien en discutant avec les anciens qui ont connu ces essais nucléaires, notamment en Algérie.

La dosimétrie ne peut donc être un élément d'approche pertinent. C'est pourquoi j’insiste beaucoup sur les lieux, les dates, qui sont des éléments bien plus importants que cet outil qui, malheureusement, n’était pas utilisé efficacement par les appelés concernés.

Des avancées ont eu lieu – je les ai citées –, mais les attentes restent fortes. Je vous l'ai dit, les deux présidents successifs de l'AVEN en Indre-et-Loire sont déjà décédés, le dernier à la veille de la décision juridique le concernant…

Il s'agit d'un grave problème humain sur lequel je vous demande de maintenir toute l'attention qu’il mérite afin que l’on aboutisse à la solution de ces problèmes.

M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder la question suivante, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

infestation croissante de la châtaigneraie française par le cynips

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 595, adressée à M. le ministre l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Michel Teston. Monsieur le ministre, le cynips du châtaignier est un insecte parasite originaire d’Asie qui est apparu en France en 2007 et qui s’est depuis lors propagé à la majeure partie de la châtaigneraie française.

D’abord confinée aux Alpes-Maritimes, l’infestation de la châtaigneraie progresse régulièrement depuis 2010. Cette année-là, le cynips a en effet atteint le Var, les bords du lac Léman et les vergers de châtaigniers de la Drôme, de l’Ardèche et de Corse. Des foyers ont ensuite été découverts en 2011 dans les départements du Lot, de l’Hérault, du Gard, puis dans la vallée de la Dordogne ainsi qu’en Gironde, en Indre-et-Loire, en Vendée, dans les Hautes-Pyrénées…

Or les dégâts que provoque le cynips sont susceptibles de conduire à des pertes de production pouvant toucher jusqu’à 80 % de la récolte. Cette situation fait naître de fortes inquiétudes parmi les producteurs, tout particulièrement en Ardèche, principal département producteur de châtaignes.

Les spécialités phytosanitaires n’ayant qu’une efficacité très médiocre sur cet insecte, la méthode retenue par tous les pays contaminés pour réduire l’infestation est la lutte sanitaire et biologique.

À cet égard, de nombreuses mesures ont été prises dans le cadre du dispositif national de lutte contre ce parasite : délimitation de zones de lutte et interdiction de circulation des plants en provenance de ces zones, lâchers réguliers de l’auxiliaire Torymus sinensis dans les foyers de cynips et création d’éclosoirs, identification de variétés résistantes de châtaigniers.

Néanmoins, compte tenu de la vitesse de progression de l’infestation et du délai pour que les moyens de lutte sanitaire et biologique soient efficaces, les castanéiculteurs s’attendent à subir d’importantes pertes de récoltes pendant les deux, trois ou quatre prochaines années.

Sans soutien financier spécifique pour passer cette période difficile, ils redoutent que l’ensemble de la filière castanéicole ne connaisse par la suite de grandes difficultés, notamment en Ardèche, où cette filière est particulièrement dynamique autour de l’appellation d’origine contrôlée Châtaigne d’Ardèche.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que vous m’indiquiez les moyens que le Gouvernement est susceptible de mettre en œuvre afin d’apporter une aide économique aux producteurs de châtaignes pendant toute la période où ils subiront des pertes de récolte importantes du fait de l’infestation par le cynips du châtaignier.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, le cynips du châtaignier fait actuellement l’objet de mesures provisoires d’urgence destinées à éviter son introduction et, surtout, sa propagation.

Cependant, du fait de la dissémination actuellement rapide de cet insecte sur le territoire européen – car l’infestation ne se limite pas à la France, comme vous l’avez d’ailleurs laissé entendre dans votre propos –, des discussions sont actuellement en cours au niveau européen afin de réorienter la stratégie de lutte.

Le cynips du châtaignier ne devrait à terme être réglementé que pour des envois de plants de châtaigniers dans ou à travers des zones protégées.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, des fonds de mutualisation permettent d’indemniser, dans le domaine végétal, les pertes économiques occasionnées par les organismes nuisibles à certains végétaux. Le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale, qui a été créé par les professionnels agricoles et qui est géré par eux, a reçu notre agrément par arrêté du 24 septembre 2013.

La mise en œuvre opérationnelle de ce fonds dépend maintenant de l’implication des acteurs professionnels dans l’établissement des programmes d’indemnisation éligibles. D’ailleurs, ce fonds nous a d’ores et déjà adressé un dossier faisant état de la création d’une section spécialisée fruitière. La problématique du cynips du châtaignier pourrait tout naturellement y trouver sa place.

Concernant la relance de la rénovation de la châtaigneraie française, je rappellerai les dispositifs existants qui permettent d’envisager un cofinancement public.

D’une part, les mesures entreprises par les exploitants membres d’une organisation de producteurs visant à la rénovation du verger sont éligibles comme mesures cofinancées par les programmes opérationnels prévus par l’organisation commune de marché pour les organisateurs de producteurs de fruits et légumes.

D’autre part, la rénovation de la châtaigneraie peut aussi utiliser le dispositif national d’aide à la rénovation du verger géré par FranceAgriMer.

Enfin, eu égard à la dimension territoriale des châtaigneraies dans certaines régions, il semble que les leviers garantissant le financement des mesures les plus adaptées aux besoins de la filière, que ce soit pour l’élagage ou le greffage, se situent en région, et ce en particulier dans le cadre du deuxième pilier de la politique agricole commune, par le biais des actions pour le développement rural.

Tels sont les éléments de réponse que je peux vous apporter aujourd’hui, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le ministre, je vous remercie de ce point précis sur différents dispositifs de soutien à la filière castanéicole.

Vous avez rappelé le dispositif d’aide à la rénovation de la châtaigneraie gérée par FranceAgriMer. Vous avez également mentionné la nouvelle PAC, qui, à ma connaissance, permet une dotation en droits à paiement de base pour les exploitants de surfaces cultivées en châtaigniers, ce qui n’était pas le cas précédemment.

Vous avez aussi confirmé que votre ministère a donné son agrément au Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale créé et géré par les professionnels agricoles. Les pertes de récolte occasionnées par le cynips devraient pouvoir être éligibles à ce fonds.

Toutefois, cela n’est possible que si le cynips continue de figurer, au niveau national comme au niveau européen, sur la liste des organismes nuisibles aux végétaux.

Je vous demande donc de faire en sorte que le cynips reste classé parmi les nuisibles afin d’éviter que la stratégie de lutte contre ce parasite – redoutable prédateur du châtaigner – ne soit remise en cause.

avenir des zones de revitalisation rurale

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 641, transmise à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre des questions liées à l’égalité de nos territoires, je souhaite attirer une nouvelle fois l’attention sur l’avenir de nos zones de revitalisation rurale.

Les avantages liés aux ZRR ont indéniablement permis des avancées. Je pense au maintien non seulement de nombreux services publics, mais aussi d’activités dont la présence est utile, voire indispensable, telles que les professions médicales ou libérales, sans parler des entreprises.

Les ZRR ont été mises en place par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 afin de maîtriser la baisse de population dans certaines régions. Depuis lors, reconnaissons-le, les incitations compensatrices reculent régulièrement. Certaines craintes se sont manifestées à la lecture de la loi de finances pour 2014. Pourriez-vous aujourd’hui, monsieur le ministre, mardi 21 janvier 2014, m’indiquer ce que peuvent espérer ces zones difficiles ?

L’hémorragie rurale continue ; faisons en sorte de la stopper avant que des secteurs de cette France dite « d’en bas » n’aient plus la vitalité nécessaire pour réagir ni même l’envie de se maintenir dans cette ruralité.

Ces mesures ne sont pas des privilèges ; elles constituent simplement une forme d’atténuation de disparités, par la mise en place de compensations bien légitimes.

Nous le constations hier, nous le constatons aujourd’hui, la plus grande incohérence règne entre les déclarations et les actions concrètes.

La vraie ruralité, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne repose-t-elle pas sur les départements, sur ces cantons qui ont moins de trente et un habitants au kilomètre carré, pour reprendre l’un des critères retenus pour le classement en ZRR ? Dans mon département, la Haute-Loire, monsieur le ministre, il se trouve un canton dont la densité est inférieure à 5 habitants au kilomètre carré !

Si l’on supprime progressivement ces compensations incitatives nécessaires à leur existence, que deviendront des pans entiers de nos territoires ? Qu’adviendra-t-il de celles et ceux qui y sont nés et qui souhaitent y terminer leur vie, ou de ceux qui souhaitent y résider ?

Ma conclusion, monsieur le ministre, sera courte et, je le pense, forte. Samedi dernier, à Tulle, au cœur de ses terres électives, dans un discours remarqué, le Président de la République a proclamé que « la ruralité est un atout pour notre pays ». Dès lors, monsieur le ministre, que peut-on espérer de cette loi de finances pour 2014 ? Élu d’un département comptant vingt-deux cantons en ZRR, je tenais déjà, il y a trois ans, sans démagogie, le même langage dans cette enceinte.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.