M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Jouanno, Dini, Férat et Morin-Desailly, M. Roche, Mmes N. Goulet et Goy-Chavent et MM. J. Boyer, Détraigne, Bockel, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Guerriau, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Sont suspendues la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout produit cosmétique comportant :

« 1° soit une des substances définies comme cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques de catégorie 2 au sens de la partie 3 de l’annexe VI du règlement CE n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1970/2006 ;

« 2° soit un perturbateur endocrinien présentant de probables effets sérieux pour la santé humaine, identifié dans les conditions fixées à l’article 59 du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 75/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. J’ai déjà évoqué cet amendement de Mme Jouanno, que j’ai cosigné, lors de mon intervention dans la discussion générale.

Pour appuyer notre proposition, je souhaite faire référence aux termes d’une étude réalisée sur une base de 15 000 produits d’hygiène et de beauté par l’institut de notation Noteo et le Réseau environnement santé, et rendue publique le 13 septembre 2013.

Selon ce travail, près de 40 % des produits d’hygiène et de beauté contiennent au moins un perturbateur endocrinien. Tel est le cas pour 74 % des vernis à ongles, 71 % des fonds de teint, 51 % des produits de maquillage pour les yeux, 43 % des démaquillants, 40 % des rouges à lèvres, 38 % des soins du visage, 36 % des déodorants, 30 % des dentifrices et 24 % des shampoings.

Faut-il rappeler que les perturbateurs endocriniens se définissent comme des substances chimiques interférant avec la régulation hormonale des êtres vivants ? Ils sont susceptibles de provoquer, même à très faibles doses, une grande variété d’effets, notamment sur le développement physiologique des individus exposés pendant la période intra-utérine. Ils sont notamment suspectés d’avoir un impact sur la fertilité et d’être liés à l’augmentation du nombre de cancers dits « hormonodépendants », principalement ceux du sein et de la prostate.

Parmi les perturbateurs endocriniens les plus fréquemment utilisés dans les produits d’hygiène et de beauté, on trouve les parabènes pour 23 % et le cyclopentasiloxane pour 15 %, le triclosan n’étant présent que dans 1,3 % des échantillons.

L’étude précisée souligne que l’on trouve souvent plusieurs de ces substances dans un même produit. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter notre amendement, qui vise à transposer de façon explicite dans notre droit l’interdiction d’utilisation dans les produits cosmétiques des substances classées CMR et des perturbateurs endocriniens. (M. Gilbert Barbier applaudit.)

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Jouanno, Dini, Férat et Morin-Desailly, M. Roche, Mmes N. Goulet et Goy-Chavent et MM. J. Boyer, Détraigne, Bockel, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Guerriau, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Sont suspendues à compter du 1er janvier 2015 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout produit cosmétique destiné aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes, aux nourrissons ou aux enfants jusqu’à trois ans comportant :

« 1° soit une des substances définies comme cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques de catégorie 2 au sens de la partie 3 de l’annexe VI du règlement CE n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1970/2006 ;

« 2° soit un perturbateur endocrinien présentant de probables effets sérieux pour la santé humaine, identifié dans les conditions fixées à l’article 59 du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 75/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Cet amendement de repli est plus restrictif que le précédent, dans la mesure où il ne concerne que les femmes enceintes et les enfants de moins de trois ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacky Le Menn, rapporteur. Ainsi que je l’ai souligné en commission des affaires sociales, ces amendements posent plusieurs questions de forme et de périmètre d’application. Je relève ainsi que le règlement auquel il est fait référence concerne l’information sur les substances, et non leur interdiction.

En l’état, ces amendements me paraissent contraires au droit européen. Les adopter serait donc sans effet, voire risquerait d’exposer la France à des sanctions. Cela pourrait également avoir un effet négatif immédiat sur l’industrie cosmétique française, sans garantir un renforcement de la sécurité de ces produits par rapport aux normes existantes.

Pour ces raisons, je suis, à titre personnel, défavorable à ces amendements. Il semble cependant que leur objectif soit de susciter un débat avec le Gouvernement sur l’importante question de la cosmétovigilance, que nous avons eu l’occasion d’évoquer lors de la discussion générale. Afin que nous puissions approfondir cette question, la commission des affaires sociales, qui a souhaité à l’unanimité que ces amendements soient présentés en séance publique, a décidé de s’en remettre à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Les produits cosmétiques, surtout ceux qui présentent un risque avéré, sont encadrés par une réglementation européenne très stricte. La législation française s’inscrit dans le même cadre. Elle prévoit ainsi que les produits classés en risque de niveau 1 ne peuvent être mis sur le marché et que, si tel a été le cas, ils doivent être retirés. Les autres sont évalués de manière permanente.

Je rejoins l’analyse du rapporteur, madame Dini. Je m’interroge moi aussi sur la compatibilité juridique de ces deux amendements avec le droit européen. Vous visez en effet une catégorie de produits clairement identifiée : ceux dont les caractéristiques appellent un retrait du marché.

J’appelle également votre attention sur la faisabilité de votre proposition. Nous parlons d’un domaine dans lequel les produits sont mis de façon quasi permanente sur le marché et contiennent un nombre très important de substances. Il nous faut, en réalité, examiner chacune d’entre elles. Les parabènes, par exemple, sont composés de substances très diverses.

Pour autant, loin de moi l’idée qu’il faudrait se désintéresser des problèmes de sécurité que posent les produits cosmétiques. Même s’ils sont à faible pénétration et ne mettent pas en cause les mêmes enjeux que les médicaments et les substances ingérables, il nous faut faire preuve de vigilance. Nous avons d’ailleurs souligné précédemment cette nécessité en nous demandant quelle agence pourrait assumer ce rôle de surveillance. Nous devons nous donner les moyens d’une alerte renforcée. C’est pour atteindre cet objectif que nous travaillons sur ces questions dans le cadre du plan national santé-environnement.

Pour ces motifs d’incompatibilité avec le droit européen et d’organisation des vigilances, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Madame Dini, les amendements nos 1 rectifié et 2 rectifié sont-ils maintenus ?

Mme Muguette Dini. Les perturbateurs endocriniens, qui sont présents non seulement dans des produits de beauté mais aussi dans des soins pour enfants, posent problème. Reste que j’ai compris toute la difficulté qu’il y aurait à mettre en place une cosmétovigilance plus complète et rigoureuse dans le présent texte. Mais il s’agissait pour nous de donner l’alerte.

Vous nous avez indiqué que la pénétration des produits cosmétiques était faible. Je tiens à préciser qu’elle n’est pas moins faible que celle de certains médicaments, très efficaces, qui agissent à travers la peau.

Cela étant, vous nous dites travailler sur cette question, à laquelle vous nous assurez ne pas être insensible. Lorsque vous aurez trouvé le moyen de limiter ou d’empêcher l’utilisation de perturbateurs endocriniens dans les produits cosmétiques, alors le moment sera venu de demander fermement à nos fonctionnaires et à ceux de Bruxelles de prendre en compte ces recommandations.

Pour l’heure, afin que nous puissions adopter un texte conforme, je retire ces deux amendements.

M. le président. Les amendements nos 1 rectifié et 2 rectifié sont retirés.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous remercie d’avoir retiré vos amendements, madame Dini, et je tiens à vous indiquer que nous travaillons actuellement à l’élaboration d’une stratégie sur les perturbateurs endocriniens, en vue d’intégrer cette préoccupation dans le plan national santé-environnement.

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
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Article 5

Article 4

(Suppression maintenue)

Article 4
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Article 6

Article 5

(Non modifié)

I. – L’ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments est ratifiée.

II. – La cinquième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° Au second alinéa de l’article L. 5124-1, la référence : « L. 5121-19 » est remplacée par la référence : « L. 5124-19 » ;

2° À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 5125-33, les mots : « du pharmacien d’officine » sont remplacés par les mots : « de l’un des pharmaciens mentionnés au sixième alinéa » ;

3° L’article L. 5125-34 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5125-34. – Seuls peuvent faire l’objet de l’activité de commerce électronique les médicaments qui ne sont pas soumis à prescription obligatoire. » ;

4° (Supprimé)

4° bis L’article L. 5125-40 est ainsi modifié :

a) Le mot : « doit » est remplacé par les mots : « ne peut vendre » ;



b) Après la première occurrence du mot : « France », la fin est ainsi rédigée : « que des médicaments mentionnés à l’article L. 5125-34 et bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché en France en application de l’article L. 5121-8 ou de l’un des enregistrements mentionnés aux articles L. 5121-13 et L. 5121-14-1. » ;



5° à 8° (Supprimés)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 7 (début)

Article 6

(Non modifié)

I. – L’article L. 5121-9-4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 5121-9-4. – Le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament informe, immédiatement et en en précisant les motifs, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de toute action engagée, en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne, pour suspendre ou arrêter la commercialisation de ce médicament, pour solliciter le retrait de cette autorisation ou pour ne pas en demander le renouvellement, en précisant notamment si son action est fondée sur l’un des motifs mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 5121-9. Si son action est fondée sur l’un des mêmes motifs, il en informe également l’Agence européenne des médicaments.

« Lorsque l’une des actions mentionnées au premier alinéa du présent article est engagée dans un pays tiers et qu’elle est fondée sur l’un des motifs mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 5121-9, le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché en informe immédiatement l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et l’Agence européenne des médicaments, en précisant les motifs de son action. »

II. – Le premier alinéa de l’article L. 5124-6 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après le mot : « informe », sont insérés les mots : « , en précisant les motifs de son action, » ;

2° À la troisième phrase, les mots : « la notification doit avoir lieu » sont remplacés par les mots : « l’information de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé se fait, de manière motivée, » ;

3° Après la troisième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Dans tous les cas, l’entreprise pharmaceutique précise si la suspension ou l’arrêt de commercialisation du médicament est fondé sur l’un des motifs mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 5121-9. » – (Adopté.)

Article 6
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Article 7 (fin)

Article 7

(Non modifié)

I. – L’article L. 5121-1-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l’article 19 de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase, les mots : « européenne ou française » sont supprimés ;

2° À la dernière phrase, les mots : « la dénomination » sont remplacés par les mots : « le nom ».

II. – Après l’article L. 5121-1-3 du même code, il est inséré un article L. 5121-1-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 5121-1-4. – Lorsqu’elle est établie à la demande d’un patient en vue de l’utiliser dans un autre État membre de l’Union européenne, la prescription de l’un des médicaments mentionnés aux 6°, 14° et 15° de l’article L. 5121-1, à l’article L. 5121-3, ainsi qu’aux points a et d du 1 de l’article 2 du règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004, mentionne les principes actifs du médicament, désignés par leur dénomination commune internationale recommandée par l’Organisation mondiale de la santé ou, à défaut, par leur dénomination dans la pharmacopée, ainsi que le nom de marque et, le cas échéant, le nom de fantaisie du médicament prescrit. »

III. – Après le premier alinéa de l’article L. 5121-11 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un médicament mentionné au premier alinéa peut être marqué d’un pictogramme “Label éthique” indiquant qu’il est issu de sang ou de composants du sang prélevés dans les conditions définies aux articles L. 1221-3 à L. 1221-7. »

IV. – L’article L. 5211-6 du même code est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Les modalités de délivrance des dispositifs médicaux prescrits dans un autre État membre de l’Union européenne ainsi que les modalités de prescription des dispositifs médicaux en vue de leur délivrance dans un autre État membre. » – (Adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans le texte de la commission.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

Article 7 (début)
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3

Questions cribles thématiques

pratiques et réalités agricoles et code de la propriété intellectuelle

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les pratiques et réalités agricoles et le code de la propriété intellectuelle, thème choisi par le groupe écologiste.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe.

La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le ministre de l’agriculture, au mois de décembre 2011, une loi a été adoptée, qui autorise enfin la pratique des semences de ferme et vient définir les bases d’un meilleur accès aux ressources génétiques, si importantes pour la biodiversité cultivée.

Nous savons tous que cette loi soulève encore des polémiques chez ceux qui sont opposés, par principe, à la propriété intellectuelle et qui ne souhaitent pas que les sélectionneurs soient rémunérés. Cependant, monsieur le ministre, nous pensons que les délais établis par votre ministère pour publier un certain nombre de décrets prévus par cette loi ne concourent pas à apaiser le climat.

Le Gouvernement a récemment annoncé que le décret sur les espèces autorisées en semences de ferme, dont nous avions souhaité dès 2011 qu’elles soient élargies au-delà des vingt et une espèces autorisées en Europe, paraîtra sous quinze jours. Au-delà, monsieur le ministre, il nous semble urgent d’élaborer le décret concernant la rémunération des sélectionneurs et, enfin, le décret sur la gestion par la France de ses ressources génétiques. Or cela fait près de deux ans que vous êtes à la tête de ce ministère. Espérez-vous y parvenir dans les trois ans qui viennent ?

Le Gouvernement ne doit pas entretenir les peurs. Il s’agit ici de ne pas pénaliser le modèle économique de nos industriels et de garantir l’indépendance semencière de notre pays face aux puissances économiques étrangères, qui disposent d’un cadre légal et réglementaire bien plus souple ; malheureusement, il en va de même dans de nombreux domaines, notamment dans l’aéronautique !

Monsieur le ministre, je vous remercie de nous indiquer les décisions que le Gouvernement compte prendre sur ce dossier très important.

M. Rémy Pointereau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de commencer cette séance de questions cribles thématiques en formulant une idée simple.

En ce qui concerne la problématique des semences, comme pour toutes les questions relatives à la génétique, notamment aux organismes génétiquement modifiés, les OGM, de grâce, prenons soin d’éviter les caricatures. Il n’y a pas, d’un côté, les tenants de je ne sais quelle idée rétrograde sur la question des semences, et, de l’autre, ceux qui seraient les partisans du progrès parce qu’ils auraient fait un certain nombre de choix à un moment donné.

J’en viens à votre question, monsieur le sénateur. Vous avez évoqué deux décrets.

Le premier étend la liste des vingt et une semences bénéficiant actuellement d’une dérogation à treize autres semences de ferme, en particulier les sojas, les trèfles, les lupins, les pois.

Quant au second décret que vous avez mentionné et qui porte sur les questions liées à la reconnaissance des organisations faisant de la recherche et au financement de cette dernière, il n’est pas obligatoire. Autrement dit, le Gouvernement n’est pas tenu de le prendre. Nous avons décidé d’attendre que des discussions soient menées et qu’un accord interprofessionnel se dégage avant de publier un décret plus précis. C’est la règle que nous privilégions dans de tels cas.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.

M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Ce qui intéresse le monde agricole, c’est le second point que j’ai évoqué, à savoir la rémunération des sélectionneurs. Il faut faire avancer la réflexion et se méfier de la concurrence des grandes multinationales étrangères, qui est très dangereuse pour notre économie.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, chacun le sait, la France est le premier producteur européen et le deuxième exportateur mondial de semences.

Notre pays a une position particulière sur la brevetabilité du vivant. En effet, pour les semences, le système actuel de certificats d’obtention végétale convient à tous les acteurs, agriculteurs comme semenciers, grâce à la législation de 2011.

Pourtant, pour ce qui est des OGM, le dogmatisme l’emporte. La culture en est presque totalement interdite, mais on importe et on consomme du soja transgénique.

M. Rémy Pointereau. C’est exact !

M. Aymeri de Montesquiou. Où est la cohérence ? Cette schizophrénie est totalement hypocrite.

M. Charles Revet. Elle ne concerne pas que ce seul domaine !

M. Aymeri de Montesquiou. Les grandes entreprises semencières françaises ont dû délocaliser leur recherche à l’étranger, surtout aux États-Unis, qui sont nos principaux concurrents. Cela induit une perte de savoir-faire et d’emplois, ainsi qu’un risque d’exclusion des marchés des semences.

La recherche agricole et agroalimentaire devrait être une priorité, notamment à travers l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, laboratoire d’excellence qui nous ouvre les applications pratiques d’une recherche éthique et encadrée. Faut-il laisser les brevets sur les végétaux aux multinationales américaines ?

Monsieur le ministre, comment pourrez-vous nous défendre dans les négociations sur l’accord transatlantique ? Les enjeux sont évidemment considérables : il s’agit de l’avenir alimentaire de la planète. Ne prenez-vous pas le risque de nous couper des marchés internationaux par dogmatisme ?

Comment comptez-vous amender votre projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, que notre assemblée examinera prochainement, pour que ce texte ne nous coupe pas de la recherche, de l’innovation et de la prospective ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai commencé cette séance de questions cribles thématiques en nous invitant mutuellement à éviter les caricatures. Votre question prouve que des progrès restent à faire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Si ce que vous dites était vrai, la France serait-elle aujourd’hui le premier producteur de semences d’Europe, ainsi que le troisième producteur de semences et le premier exportateur de semences du monde ?

Nous devons tout de même être objectifs et examiner la situation avec pragmatisme et réalisme. Les fameux organismes génétiquement modifiés, souvent vantés par certains, constituent-ils l’enjeu du marché mondial de la semence ? Si c’était le cas, notre pays n’occuperait pas la place qui est actuellement la sienne. Il la doit d’ailleurs non pas à de grandes firmes internationales, comme celles dont on entend souvent parler et qui viennent d’outre-Atlantique, mais à un tissu de PME-PMI efficace, qui répond à des objectifs extrêmement précis.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il ne sert à rien de se retourner sur le passé ; nous devons au contraire nous projeter vers l’avenir et lancer les débats en conséquence.

Faisons en sorte de comprendre les enjeux qui nous attendent à l’échelle mondiale et d’y répondre : le défi alimentaire, la prise en compte de la préservation des ressources naturelles et notre capacité à augmenter notre production agricole. Tout le monde en est d’accord. Dès lors, les OGM résistant à tel ou tel herbicide sont-ils la réponse à ces défis ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. J’en doute, d’autant que la réalité me donne plutôt raison.

Que se passera-t-il demain ? Je tiens à le dire ici, au Sénat : une page va se tourner. La question des OGM de la première génération va devenir obsolète et la recherche scientifique va ouvrir d’autres potentialités.

Cela étant, je ne remets pas en cause la pertinence des recherches génétiques. Je souligne seulement que la page des OGM résistant aux herbicides et des OGM pesticides va se tourner.

M. Joël Labbé. Tout à fait !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Une autre va s’ouvrir. Je pense en particulier aux débats sur le riz doré et sur l’amélioration du niveau de vitamine A dans un certain nombre de céréales. Voilà un sujet qui répond à un enjeu d’intérêt général et non pas un enjeu de profits particuliers.

Je le répète : une page se tourne. Écrivons la nouvelle, ensemble. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, je ne sais pas qui fait des caricatures !

Si je souhaite que l’INRA soit chargé de cette recherche éthique et encadrée, c’est parce que je constate que nous menons ces recherches à l’étranger, faute de pouvoir les faire en France. Je constate également que nous importons des semences que nous n’avons pas le droit de produire. Nous sommes là, à l’évidence, face à un paradoxe.

Monsieur le ministre, ni vous ni moi ne sommes des défenseurs forcenés d’un système ou d’un autre. Force est de reconnaître que certains interdits qui touchent nos semences risquent de nous couper d’un marché international considérable.