M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Reichardt.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Marseille.

L'amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3, seconde phrase

Remplacer les mots :

au moins égale à 15 000 €

par les mots :

, quel qu’en soit le montant,

Les amendements nos 6 et 21 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour défendre l'amendement n° 22 rectifié.

M. Jacques Mézard. L'article 6 autorise le juge à prononcer, à titre de peine complémentaire, l'inscription sur une liste noire des personnes condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal.

Dans la proposition de loi initiale, cette possibilité était ouverte au juge dès lors que l’amende était au moins égale à 45 000 euros, ce qui correspond à la peine maximale encourue par les personnes physiques pour les pratiques de travail illégal.

Lors des travaux de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, les députés, estimant ce seuil beaucoup trop élevé, l’ont abaissé à 15 000 euros, c'est-à-dire trois fois moins.

Pour notre part, nous considérons que conditionner l’inscription sur la liste noire au franchissement du seuil de 15 000 euros risquerait de réduire la portée de cette mesure.

Aussi, notre amendement vise à supprimer toute référence à une peine d’amende minimale. Il s'agit de laisser à la libre appréciation du juge le fait d’inscrire ou non une entreprise sur la liste noire, quel que soit le montant de l’amende prononcée par ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission a déjà eu ce débat la semaine dernière.

La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, ou CAPEB, qui soutient cet amendement, souhaite un abaissement du seuil au premier euro d’amende, tandis que le MEDEF réclame la suppression complète de la liste noire.

Le seuil de 15 000 euros retenu par l’Assemblée nationale lui semblant constituer un juste équilibre, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. La liste noire doit avoir un caractère exemplaire. Y faire figurer toutes les entreprises condamnées pour travail illégal placerait sur le même plan les petits fraudeurs et les entreprises qui mettent en place de vrais systèmes de fraude organisée, ce qui conduirait, en pratique, à en amoindrir la portée. Le seuil de 15 000 euros semblait équilibré. Mais eu égard à la complexité du débat, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. L’argument juridique avancé de l’équilibre entre la CAPEB et le MEDEF est assez original… (Sourires.)

Notre amendement est logique, de sagesse. On fait confiance au tribunal qui prononce une condamnation. C'est lui qui alimente la liste noire.

Mais l’argumentation de haut vol selon laquelle, pour établir un équilibre entre les souhaits de la CAPEB et du MEDEF, qui voulait faire passer le seuil initialement prévu de 45 000 euros à zéro, on retient celui de 15 000 euros, ne me convainc pas. D'ailleurs, j’ai le sentiment que M. le ministre n’est pas lui-même totalement convaincu…

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Il faut sans doute fixer un seuil en se référant aux fraudes organisées évoquées précédemment. Mais, pour les entreprises qui récidivent, qui sont condamnées à des amendes successives de 3 000 euros, peut-être revient-il au juge de dire que, indépendamment de toute fraude organisée, il s'agit néanmoins de fraudeurs. Laissons-lui la possibilité d’inscrire ou non ces entreprises sur la liste noire. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous incite à adopter notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je suivrai madame la rapporteur, et m'opposerai donc au présent amendement. Une entreprise peut commettre une erreur, établir une mauvaise déclaration impliquant une condamnation minime. L’inscrire sur la liste noire reviendrait à placer tout le monde dans le même panier. Je suis sensible à l’argument selon lequel il s’agit de pointer les pratiques systématiques de certaines entreprises et les graves manquements aux règles en vigueur.

Le seuil retenu – on peut toujours en discuter – tend à distinguer ce qui relève de la négligence de pratiques systématiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je comprends parfaitement les arguments avancés, mais le choix est assez cornélien. Une condamnation à verser un euro symbolique de dommages et intérêts n’a pas la même portée qu’une sanction plus grave. Faut-il, dans tous les cas, faire figurer l’entreprise en cause sur une liste noire ? Je crois que l’inscription sur cette liste est limitée dans le temps…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. La durée maximale d’inscription est de deux ans.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dont acte ! Puisque M. le ministre s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, je m'en remets pour ma part à celle de M. Mézard ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Pour aider la sagesse à mieux s'exprimer, je donnerai un petit éclairage. Les services concernés ont étudié le montant des amendes prononcées ces derniers temps. En 2010 et 2011, alors que respectivement douze et sept amendes étaient supérieures au seuil de 15 000 euros, cent soixante et une et cent quatorze étaient inférieures. Ces chiffres, qui ne sont pas exhaustifs, sont cependant parlants.

Si l’amendement n° 22 rectifié est adopté, ce sera non plus une liste noire, mais un registre de toutes les entreprises condamnées…

M. Jean Desessard. Ce sera un récapitulatif des condamnés !

M. François Rebsamen, ministre. L’inscription sur une telle liste constitue une peine complémentaire. Le président Mézard le sait par cœur, il faudrait que le juge puisse expressément décider de la non-inscription sur la liste…

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. L’amendement n° 14 du groupe CRC, qui doit être examiné juste après celui qui est en discussion, tend à allonger la durée d’inscription sur la liste noire. Je vous indique d’ores et déjà, monsieur le président, que nous le retirons au profit de l'amendement n° 22 rectifié, qui vise, en supprimant le seuil, à laisser la liberté au juge de décider de l’inscription sur la liste noire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 172 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l’adoption 329

Le Sénat a adopté.

L'amendement n° 14, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase, alinéa 5, alinéa 7, seconde phrase, et alinéa 9, seconde phrase

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

cinq

Cet amendement a été retiré.

Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 6 ter

Article 6 bis

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le chapitre IV du titre VI du livre II de la première partie est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Actions en justice 

« Art. L. 1264-1. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.

« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. »

2° Le chapitre III du titre II du livre II de la huitième partie est ainsi modifié :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Droits des salariés et actions en justice » ;

b) Est insérée une section 1 intitulée : « Droits des salariés » et comprenant les articles L. 8223-1 à L. 8223-3 ;

c) Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Actions en justice

« Art. L. 8223-4. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.

« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. »

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mme Emery-Dumas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le titre VI du livre II de la première partie est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

II. – Alinéa 3

Remplacer la référence :

IV

par la référence :

V

III. – Alinéa 5

Remplacer la référence :

L. 1264-1

par la référence :

L. 1265-1

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique. Il convient de modifier l'insertion dans le code du travail des dispositions prévues à l'article 6 bis à la suite de la nouvelle rédaction de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Après les mots :

voie réglementaire

supprimer la fin de cet alinéa.

II. – Alinéa 7

Supprimer les mots :

et y mettre un terme à tout moment

III. – Alinéa 15

Après les mots :

voie réglementaire

supprimer la fin de cet alinéa.

IV. – Alinéa 16

Supprimer les mots :

et y mettre un terme à tout moment

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Dans la grande majorité des cas, les conditions de travail des travailleurs détachés sont assez dramatiques. Malheureusement, le plus souvent, les syndicats n’ont même pas accès au lieu de travail, ne serait-ce que pour constater l’état de la situation.

Or, chacun le sait, l’un des rôles majeurs des syndicats est de défendre les libertés et les droits au sein de l’entreprise et, plus largement, de la société. Il convient de permettre pleinement l’exercice de ce droit. Il est donc important que les organisations syndicales représentatives puissent exercer en justice toutes les actions en faveur d’un salarié sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

Pour autant, afin de ne pas fragiliser les travailleurs détachés, qui sont souvent dans des situations de très grande précarité, il nous semble souhaitable qu’aucune pression ne puisse être exercée sur eux si une action syndicale venait à être entreprise pour défendre leurs droits.

C’est pourquoi nous vous proposons un amendement allant dans ce sens, tendant à permettre aux syndicats de mener une action en justice en avertissant le salarié. Toutefois, une fois l’action engagée, il ne serait plus possible à celui-ci d’y mettre un terme. Les organisations syndicales pourraient ainsi défendre les salariés « contre leur gré », surtout lorsque ceux-ci peuvent faire l’objet de pressions ou d’intimidations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Comme nous l’avons évoqué la semaine dernière en commission, les modalités d’opposition du salarié sont calquées sur celles qui existent déjà dans le droit du travail en matière de délit de marchandage, de prêt de main-d’œuvre illicite, d’emploi d’étrangers sans titre de travail, de discriminations, ou encore de harcèlement.

Le Conseil constitutionnel autorise les syndicats à agir en justice pour défendre les droits d’un salarié même sans mandat de sa part, mais celui-ci doit toujours pouvoir s’y opposer et intervenir à l’instance s’il le souhaite.

En conséquence, la commission a souhaité le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Il faut laisser au salarié la possibilité de s’opposer à l’intervention d’un syndicat en son nom s’il ne la souhaite pas.

La liberté de saisir le juge offerte à chacun ne peut pas se transformer, comme vous le proposez, monsieur Bocquet, en obligation. Le dispositif prévu par le texte s’inspire d'ailleurs de ce qui existe déjà dans le code du travail. Il permet au salarié de donner son accord tacite à une action syndicale en lui offrant la possibilité de s’y opposer expressément dans les quinze jours. Cela me paraît constituer un bon équilibre.

M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis, modifié.

(L'article 6 bis est adopté.)

Article 6 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article additionnel après l'article 6 ter

Article 6 ter

Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa des articles L. 8272-2 et L. 8272-4, après les mots : « elle peut, », sont insérés les mots : « si la proportion de salariés concernés le justifie », la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou », et les mots : « et à la proportion de salariés concernés » sont supprimés ;

2° (Supprimé)

3° Après l’article L. 8272-4, il est ajouté un article L. 8272-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 8272-5. – Le fait de ne pas respecter les décisions administratives mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 8272-1, ainsi qu’aux articles L. 8272-2 et L. 8272-4 est puni d’une amende de 3 750 € et d’un emprisonnement de deux mois. » – (Adopté.)

Article 6 ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 7 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l'article 6 ter

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 6 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur peut se fonder, outre les critères mentionnés à l’article 53 du code des marchés public, sur la limitation à trois du nombre de niveau de sous-traitance.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. À l’occasion de la rédaction de son rapport d’information sur les travailleurs détachés, notre collègue Éric Bocquet a formulé une proposition mise en œuvre en Allemagne, à savoir la limitation à trois du nombre de niveaux de sous-traitance.

En effet, la chaîne de sous-traitance peut parfois être complexe et atteindre huit ou neuf échelons. Dans ce cas, on comprend bien que l’obligation de vigilance à l’égard des sous-traitants, bien que légitime dans son principe, soit difficile à mettre en œuvre. Comment engager la responsabilité ou prouver la responsabilité d’un donneur d’ordre pour le comportement fautif d’un sous-traitant au quatrième, au cinquième, au sixième degré, voire plus ?

De surcroît, tous les observateurs s’accordent à dire que chaque degré de sous-traitance supplémentaire s’accompagne d’une dégradation des conditions de vie, de rémunération et de travail des salariés.

Pourtant, dans son témoignage devant la cour d’appel de Toulouse lors du procès pénal AZF, Annie Thébaud-Mony soulignait le caractère pathogène et accidentogène de la sous-traitance. On apprenait que le travail est divisé de telle sorte que les salariés des entreprises sous-traitantes disposent des droits les plus réduits, peuvent le moins s’organiser et se syndiquer, supportent les tâches les plus déqualifiées, pénibles et dangereuses.

Dans le même temps, les transformations de l’organisation du travail par le recours à la sous-traitance font souvent obstacle à la mise en œuvre de dispositifs réglementaires et législatifs de prévention et de réparation des atteintes à la santé liées au travail.

Dans ce contexte et conformément à l’esprit de la recommandation contenue dans le rapport d’Éric Bocquet adopté par la Haute Assemblée, nous proposons, dans une logique de responsabilité sociale et environnementale, que les donneurs d’ordre publics puissent préciser dans leurs appels d’offres, sur la base du volontariat, que la personne ou l’entreprise qui remporte le marché public ne délègue pas à plus de trois niveaux ses missions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission partage la philosophie des auteurs de cet amendement très intéressant, mais qui semble satisfait par le droit en vigueur. Rien n’interdit en effet à un candidat de s’autolimiter et d’imposer trois niveaux au maximum dans la chaîne de sous-traitance.

En outre, cet amendement tend à modifier le code des marchés publics, dont les dispositions sont d’ordre réglementaire.

Par ailleurs, il nous semblerait plus judicieux de parler simplement de limitation du niveau de sous-traitance, sans fixer un chiffre particulier. Selon les cas, deux ou quatre échelons peuvent être préférables. Nous laisserions ainsi à l’adjudicateur le choix du nombre d’échelons qu’il préconise.

Compte tenu des nombreuses interrogations que suscite le présent amendement, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur, votre amendement est très technique. Le Gouvernement y est défavorable, et je m’en explique.

Comme l’a indiqué Mme la rapporteur, les règles régissant les marchés publics, qui figurent dans le code des marchés publics, sont de nature réglementaire.

Pour ce qui est de la limitation du nombre de niveaux de sous-traitance, elle est contraire à la liberté de sous-traiter reconnue par la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, réaffirmée par une directive du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

Un critère d’attribution qui limiterait le nombre de sous-traitants est contraire au principe de libre accès à la commande publique.

Toutefois, le niveau ou le nombre de sous-traitants ne constitue pas un motif d’exclusion lié à l’une des interdictions de soumissionner qui est fixée par l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005 ou par l’article 57 de la directive précitée.

L’effet utile de la mesure est tout de même très relatif puisque le titulaire peut décider de sous-traiter une partie du marché public à n’importe quel moment de son exécution.

La limitation du nombre de niveaux de sous-traitance constitue, je le rappelle, une restriction à l’accès à la commande publique des PME et des TPE, qui interviennent le plus souvent en tant que sous-traitants.

Je comprends l’esprit de cette proposition. Cependant, comme j’ai pu l’expérimenter lors d’appels à sous-traitance dans le cadre de la construction d’un tramway, il est préférable de ne pas limiter le nombre de sous-traitants si l’on veut permettre l’intervention de PME et de TPE.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre II

Autres dispositions

Article additionnel après l'article 6 ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 7 bis

Article 7

(Non modifié)

Après l’article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-21-1 ainsi rédigé :

« Art. 2-21-1. – Toute association, tout syndicat professionnel ou tout syndicat de salariés de la branche concerné régulièrement déclaré depuis au moins deux ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts collectifs des entreprises et des salariés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions définies au livre II de la huitième partie du code du travail même si l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée. »

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

pourvu que celle-ci ait été avertie par écrit et n’ait pas déclaré s’y opposer

Cet amendement a été retiré.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 7 ter

Article 7 bis

I. – Après le 11° de l’article 131-39 du code pénal, il est inséré un 12° ainsi rédigé :

« 12° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de percevoir toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public. »

II. – (Non modifié) Au 2° des articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 du code du travail, la référence : « et 9° » est remplacée par les références : « , 9° et 12° ».

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

de cinq ans

par les mots :

d'un an

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 17, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après les mots :

cinq ans au plus,

insérez les mots :

de bénéficier d’une procédure d’exonération de cotisations sociales en application de l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale et

II. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 13° L’obligation, pour une durée maximale de cinq ans, de reverser aux organismes concernés l’intégralité des sommes perçues au titre d’aides publiques durant la période du contrat incriminé. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Les différentes formes de fraude au droit du travail et au financement de la protection sociale auxquelles ont recours les employeurs peu scrupuleux sont incontestablement des comportements antisociaux, qui portent atteinte à notre pacte social et à la confiance que nous accordons, en tant qu’élus, aux employeurs, ainsi qu’à celle que nos concitoyens accordent à leur direction.

Voilà peu, l’ancienne présidente du MEDEF déclarait ne pas comprendre la méfiance de certains parlementaires à l’encontre de certains patrons, au seul prétexte que ces parlementaires, dont nous sommes, exigent de ces patrons des contreparties précises et chiffrées en échange des milliards d’euros de cadeaux qui leur sont octroyés.

Or si nous sommes vigilants, c’est que nous ne connaissons que trop la situation. Nous savons, par exemple, qu’un rapport de la Cour des comptes a mis en lumière le fait que la fraude aux prestations sociales était très inférieure à la fraude aux cotisations sociales – notamment due au recours au travail dissimulé –, qui représente, au bas mot, 50 milliards d’euros !

C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’il faut aller plus loin que ne le permet la présente proposition de loi, dont les dispositions prévoient que les entreprises qui ne seraient pas en règle ne peuvent prétendre au versement d’une aide publique. Or cette rédaction n’exclut pas le bénéfice des aides sociales prenant la forme d’exonérations de cotisations sociales, lesquelles, de fait, ne sont pas des aides publiques !

Par ailleurs, au-delà de la question de la non-attribution de ces aides, il nous semble fondamental que ces comportements délicieux soient sanctionnés. La meilleure des sanctions nous semble être le remboursement de ces aides, non seulement parce que le fait d’en bénéficier à la faveur d’une obligation non respectée constitue une forme d’enrichissement sans cause, inadmissible dans le contexte actuel de raréfaction des fonds publics, mais aussi parce qu’elles font cruellement défaut pour financer des projets réellement porteurs, réellement créateurs de richesses ou réellement protecteurs pour les salariés.

Aussi, compte tenu de tous ces éléments, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement, afin de sanctionner tout abus de la confiance dont le Gouvernement témoigne envers les employeurs à travers cette proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission comprend les préoccupations des auteurs de cet amendement qui poursuivent un double objectif.

La première partie de cet amendement vise à donner au juge la faculté d’interdire le bénéfice d’une exonération de cotisations sociales pendant au maximum cinq ans. Cette mesure paraît à la commission difficilement justifiable, car sans lien direct avec l’infraction de travail illégal, et assez difficile à mettre en œuvre dans le cadre de cette proposition de loi. S’il faut punir sévèrement le délit de travail illégal, il faut aussi conserver une certaine proportionnalité des sanctions. La commission émet donc un avis défavorable sur cette première partie.

La seconde partie tend à accorder au juge la possibilité de prononcer à titre de peine complémentaire, en cas de condamnation pour travail illégal, le remboursement des aides publiques versées depuis cinq ans.

Nous considérons que cette proposition est déjà largement satisfaite par l’article L. 8272-1 du code du travail, qui autorise les personnes publiques à demander le remboursement des aides perçues les douze mois précédant une verbalisation pour travail illégal.

Toutefois, compte tenu de son intérêt, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette seconde partie.