Mme Leila Aïchi. Face aux enjeux d’aujourd’hui, et en conformité avec les priorités transversales énoncées dans ce projet de loi, nous devons impulser une nouvelle approche de l’aide au développement, en dépassant le seul critère économique.

En effet, si le développement consiste à accroître les capacités humaines et à étendre les libertés, force est de constater qu’il est remis en cause par les effets du changement climatique. La France se doit de porter cette idée, pour orienter sa propre politique d’aide au développement, mais également au sein des institutions européennes et onusiennes.

Le dérèglement climatique est aujourd’hui reconnu comme une source de tensions et un frein majeur au développement, puisqu’il se traduit par des crises énergétiques, des tensions autour de l’accès aux matières premières et des désastres humanitaires.

Depuis 2008, le cabinet britannique d’analyse de risques Maplecroft établit un classement des pays les plus vulnérables au changement climatique, sur la base de trois critères : premièrement, l’exposition du pays aux effets du dérèglement climatique, tels que la montée du niveau de la mer, les tempêtes, les sécheresses ou encore les inondations ; deuxièmement, la vulnérabilité des populations en termes notamment de santé, d’éducation et de dépendance à l’agriculture ; troisièmement, et enfin, la capacité du pays, notamment de son gouvernement, à s’adapter et à lutter pour réduire les impacts du changement climatique.

Toujours selon cette étude, en 2025, quelque 31 % de l’économie mondiale seront confrontés à un risque « élevé » ou « extrême ». Parmi les pays émergents avec les potentiels économiques les plus importants, quatre présentent un risque climatique extrême : les Philippines, le Vietnam, le Pakistan et le Bangladesh. Ils font non seulement face à des risques élevés de sécheresses et d’inondations, mais ils subissent également une forte pression démographique, et leurs gouvernements ne sont pas, à l’heure actuelle, en mesure de réagir de manière efficace.

Cette étude met également en exergue la sensibilité croissante des pays d’Afrique face au changement climatique. Alors qu’ils n’étaient que trois en 2010 à occuper le haut du classement, ils sont six en 2013. Les pays africains les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique ne figurent pourtant pas tous dans la liste des « pays les plus pauvres » définie dans le présent projet de loi.

Ainsi, des États peu institutionnalisés ne sont pas équipés pour répondre à ce genre de risques multidimensionnels. Dans son dernier rapport, publié le 31 mars 2014, le GIEC considère que le changement climatique affecte l’intégrité des États en fragilisant leur souveraineté et en affectant les infrastructures étatiques les plus sensibles. Nous ne pouvons donc pas concevoir le « développement » sans mettre l’accent sur la vulnérabilité de ces États et de leur population face au dérèglement climatique.

La reconnaissance à part entière de la notion d’« État en grande difficulté climatique » serait donc une première étape permettant de s’adapter aux enjeux multidimensionnels d’aujourd’hui. À l’aube de la COP21 – la Conférence Paris Climat 2015 –, la France se doit donc d’être pionnière dans ce domaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Dans leur première rédaction, les dispositions de cet amendement posaient problème, car elles anticipaient sur la définition d’un statut. J’ai bien compris que Mme Aïchi souhaitait que le Parlement soit un acteur très dynamique dans la reconnaissance des pays en grande difficulté climatique. Même si leur définition n’est pas encore très claire, ces pays sont incontestablement dignes d’intérêt, et leur nombre risque hélas de s’accroître dans le futur.

La commission est donc favorable à cet amendement ainsi rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Je ne serai pas défavorable à cet amendement, car j’ai pour principe de suivre l’avis de la commission que j’ai, pour l’instant, l’honneur de présider ; c’est une question de cohérence.

Je voudrais toutefois demander à mes collègues de faire preuve de la même cohérence. En effet, nous avons eu des débats très longs en commission, et nous avons eu toute latitude pour nous exprimer sur tous les amendements qui avaient été déposés.

Chacun doit faire l’effort de venir en commission. C’est absolument déterminant ! Je respecte bien évidemment le droit d’amendement, qui est inaliénable. Et je le respecterais toujours s’il y avait deux fois plus d’amendements. Toutefois, il y a la lettre et l’esprit. Et je plaide pour que l’esprit, parfois, prenne un peu le pas sur la lettre…

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.

M. Gilbert Roger. Comme je l’avais indiqué en commission, nous soutenons cet amendement, qui est désormais rectifié. Ce concept, que nous avions déjà vu apparaître à l’occasion du tsunami, mérite d’être pris en compte.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je voudrais tout d’abord saluer l’excellente initiative de Leila Aïchi, dont la proposition me semble très prometteuse.

Ensuite, il me semble que le président Jean-Louis Carrère a raison. J’estime en effet que les membres d’une commission devraient en priorité présenter des amendements en son sein et qu’ils n’ont pas à déposer toute une flopée d’amendements en séance plénière. Évidemment, cette dernière attire peut-être un peu plus les médias et permet de faire davantage de buzz, mais, dans ce cas, à quoi sert le travail en commission ?

Il me semble toutefois que, en l’occurrence, Leila Aïchi n’a pas commis ce genre d’abus. Elle a déposé peu d’amendements, et des amendements très importants, qu’il était utile d’exposer en séance publique. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas de certains membres des commissions, qui déposent de nombreux amendements en séance. Et dans ce cas, moi aussi, la prochaine fois, j’aurai peut-être envie de déposer des amendements en séance plutôt qu’en commission, afin de les rendre plus visibles !

À propos de cet excellent amendement, je pense aussi qu’il serait important de réfléchir à la notion de région en grande difficulté climatique.

En effet, dans de nombreux États, ce n’est pas le pays dans son ensemble qui est en proie à de grandes difficultés climatiques, mais certaines régions seulement. Je pense, par exemple, au cas du Sénégal : toute la région de Saint-Louis est menacée de disparaître sous les eaux, mais le pays dans son ensemble n’est pas en proie à ce genre de difficultés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Roger, Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 43

Remplacer le mot :

mères

par le mot :

femmes

La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, corapporteur. Nous comprenons l’intention des auteurs de cet amendement, mais nous avons l’impression qu’elle découle d’une erreur de lecture

En effet, il est dit à l’alinéa 43 que la France réitère son engagement à combattre les grandes pandémies et à améliorer la santé des mères et des enfants. Si l’on remplace le terme « mères » par le terme « femmes », au motif que les enjeux de santé sexuelle et reproductive ne concernent pas uniquement les mères, mais toutes les femmes, on risque d’aboutir à une rédaction étrange, donnant à penser que la santé des hommes n’a pas besoin d’être améliorée. Ce serait parfaitement discriminatoire et contraire aux objectifs généraux de la santé publique.

Sans doute la rédaction initiale du texte n’était-elle pas très habile, mais le mot « mères » ne nous paraît pas réducteur : il ne sous-entend pas que la condition des femmes se résume à la maternité. Il s’agit simplement de réserver un traitement particulier à une situation inquiétante et de lutter notamment contre la mortalité maternelle.

En conséquence, nous souhaitons le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Sagesse.

M. le président. Monsieur Roger, l'amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?

M. Gilbert Roger. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 26 rectifié est retiré.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Bizet, Charon, Cléach, Couderc et de Raincourt, est ainsi libellé :

Alinéa 55

Rédiger ainsi cet alinéa :

En cohérence avec ces orientations, l’AFD ne soutient pas de projets ayant pour finalité ou conséquence la déforestation de forêts primaires, l’accaparement de terres incompatibles avec un développement local équitable ou la privation des ressources naturelles des populations autochtones.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Bizet et Trillard, Mme Garriaud-Maylam et MM. Charon, Cléach, Couderc et de Raincourt, est ainsi libellé :

Alinéa 55, première phrase

Supprimer les mots :

la recherche,

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. L’alinéa 55 du rapport annexé exclut l’innovation apportée par la recherche et réduit de manière significative les domaines de coopération dans lesquels les pays en développement peuvent s’engager aux côtés de la France.

Or le Parlement vient d’adopter le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord instituant le Consortium des centres internationaux de recherche agricole en qualité d’organisation internationale. Cette loi permettra de consolider l’action du groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, notamment en faveur de la sécurité alimentaire mondiale par le biais des quinze centres internationaux de recherche agricole qu’il soutient. Ces centres poursuivent des recherches sur des semences OGM qui, à terme, pourraient représenter des solutions aux problèmes alimentaires mondiaux.

Parmi ces quinze centres, certains travaillent en particulier sur la culture du riz en Afrique. La culture du riz doré pourrait répondre aux problèmes humanitaires non seulement pour pallier les famines, mais aussi pour combattre, par exemple, la cécité infantile liée au manque de vitamine A du fait de la malnutrition.

Bien que subsistent de nombreux débats, il est primordial que les recherches avancent et qu’elles puissent bénéficier de fonds et de crédits.

Si le présent texte est adopté en l’état, toute coopération relative à la recherche et à l’usage des biotechnologies ne sera plus soutenue par l’AFD.

De plus, cette mesure est en totale contradiction avec les conclusions de la FAO, qui préconise, dans un rapport publié en octobre 2013, d’« intensifier les efforts à l’échelle nationale et internationale pour doter les petits producteurs des pays en développement de biotechnologies agricoles ».

Aussi importe-t-il de limiter le champ des restrictions introduites par ce projet de loi. Le soutien de l’AFD aux projets de recherche sur les biotechnologies doit impérativement se poursuivre.

C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’interdiction de financement de la recherche sur les semences génétiquement modifiées, recherche qui peut être porteuse d’une solution d’avenir pour les plus démunis et les populations qui souffrent de famines.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur. Il s’agit en fait d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 37 rectifié, qui, faute de signataire présent, n’a pas été soutenu. C’était un amendement astucieux, mais nous n’y étions pas favorables. En effet, tout en maintenant la partie de l’alinéa qui concerne la lutte contre la déforestation, il rétablissait la possibilité pour l’AFD de soutenir financièrement la culture et la vente de semences génétiquement modifiées.

Aux termes de l’amendement qui nous est ici proposé, l’AFD ne financerait pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées, mais elle pourrait, en revanche, financer des actions de recherche en la matière. Refuser cet amendement nous semblerait quelque peu passéiste, pour ne pas dire plus. C’est pourquoi nous avons émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il s’agit d’un amendement extrêmement dangereux, et le groupe écologiste votera évidemment contre.

Je pense, monsieur Peyronnet, que l’amendement n° 55 rectifié est au moins aussi astucieux que l’amendement n° 37 rectifié.

Il est, à mes yeux, contradictoire d’interdire à l’AFD de soutenir le développement des cultures OGM et de lui permettre de financer des recherches menées dans les pays où elle intervient. Il faut aller au bout de l’une ou de l’autre logique. Il y a une certaine hypocrisie à rester, en quelque sorte, au milieu du gué.

Qu’est-ce qui est ici en jeu ? On invoque la sécurité alimentaire – les auteurs de l’amendement reprennent en l’occurrence l’argument qui est généralement avancé par les partisans du développement des OGM –, mais c’est plutôt à l’inverse qu’on risque fort d’aboutir, car, avec les cultures OGM, c’est toute une économie vivrière qui sera mise en danger. Sauf à considérer que ces OGM seront librement distribués à l’ensemble des agriculteurs locaux, c’est un autre modèle économique qui se mettra en place, à l’opposé des agricultures vivrières des pays du Sud. Une telle disposition ne pourra ainsi que contribuer à la désorganisation de ces cultures et à l’aggravation de l’insécurité alimentaire, sans même parler du risque environnemental que font peser les OGM.

Par ailleurs, on sait qu’il est aujourd'hui difficile de mener en France et en Europe un certain nombre d’essais d’OGM en plein champ. Derrière cet amendement, se profile donc aussi l’idée – bien sûr, on fera tout pour l’habiller d’une manière avenante ! – de pouvoir conduire, au service de l’industrie agroalimentaire européenne, un certain nombre de recherches dans les pays du Sud, avec des financements européens.

Avant que nous ne soyons appelés à voter, je voudrais que chacun mesure les conséquences de l’adoption d’un tel amendement, qui est en totale contradiction avec les termes mêmes du projet de loi. C’est un véritable changement de stratégie que nous propose Mme Garriaud-Maylam au travers de cet amendement, qui nous est astucieusement présenté comme un amendement de repli.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je vais vous exposer, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles je suis opposée à l’amendement n° 55 rectifié, même s’il ne vise qu’à maintenir l’autorisation de fiancer la recherche sur des semences génétiquement modifiées.

A priori, la proposition qui nous est faite pourrait paraître plus raisonnable, plus modeste que celle qui figurait dans l’amendement n° 37 rectifié. Pourtant, il s’agit d’un retournement à 180 degrés des critères qu’on entendait initialement fixer à l’AFD.

Tout d’abord, je tiens à réfuter l’idée selon laquelle le riz doré apporterait des vitamines et contribuerait à réduire la faim dans le monde. Cela fait dix ans qu’on nous vend cette histoire ! Certes, le riz doré apporte des vitamines, mais à condition qu’on en mange trois kilos par jour ! Qu’est-ce que cela veut dire dans des pays où l’on meurt de faim ? Cet argument ne tient pas debout !

Ensuite, la recherche sur les OGM commencera peut-être au travers de partenariats avec la France, mais elle trouvera son aboutissement avec des multinationales étrangères, qui ont beaucoup plus d’argent que nous.

Au regard de la sécurité, les conditions de confinement sont bien moindres dans les pays plus pauvres ; il y aura donc des disséminations.

Par ailleurs, les OGM débouchent sur des semences brevetées, puis sur des règles et des lois qui empêchent de les échanger et, enfin, de les ressemer. Qui n’a vu des reportages montrant le désespoir des paysans indiens mis en faillite par la privatisation des semences et l’interdiction de les ressemer, un désespoir qui les pousse parfois au suicide ? Ces économies paysannes n’ont pas la robustesse de celle des Texans, même si eux aussi connaissent des déboires…

Enfin, les plantes génétiquement modifiées ne fonctionnent qu’avec des pesticides associés et engendrent des ventes forcées.

Tout cela n’a vraiment rien à voir avec le développement !

Si je défends cette position, ce n’est pas par idéologie. La commission de la culture s’est rendue à l’université franco-vietnamienne de Hanoï. Les membres de l’Institut de génétique agronomique de l’Académie des sciences agricoles du Vietnam que nous avons rencontrés ont remercié la France de leur avoir apporté des crédits et d’avoir mis à leur disposition des équipes de l’Institut de recherche pour le développement – IRD – afin de réaliser des recherches sur la biodiversité, sur les riz résilients au stress hydrique et aux nouvelles conditions de salinité.

Comme vous êtes en pointe sur ces sujets, nous ont confié les Vietnamiens, vous nous avez permis de mettre Monsanto à la porte parce que, eux, ne voulaient pas financer les recherches sur l’identification des variétés de riz les plus aptes à satisfaire les populations vietnamiennes. Ils nous étaient reconnaissants, ils étaient heureux de notre coopération pour la biodiversité, ils étaient fiers de la solidité de notre partenariat et ils se félicitaient, au nom de la recherche, du développement de cultures sans OGM. (Mme Bernadette Bourzai applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.

M. Gilbert Roger. Pour ma part, je suis très ennuyé par la position de la commission, et je ne pourrai pas voter l’amendement en l’état.

Je suis d’autant plus sensible aux propos de Marie-Christine Blandin que je connais bien Hanoï, la Seine-Saint-Denis ayant un partenariat avec la province de Haïphong, qui n’est pas très éloignée de cette ville. De plus, le centre IRD de Bondy a travaillé sur ces riz qu’elle a évoqués.

Je souhaiterais donc que cet amendement soit rectifié de manière que la recherche qui sera soutenue soit menée exactement dans les mêmes conditions en France et dans les pays en développement. Cela permettrait de répondre à l’objection qu’a soulevée Ronan Dantec lorsqu’il a expliqué que cette disposition donnerait le sentiment qu’on permettait de faire dans les pays du Sud ce que l’on ne veut pas faire chez nous. Si cet amendement était assorti d’une telle précision, je pourrais le voter. Dans le cas contraire, je crains fort d’être amené à voter contre.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je regrette que mon collègue Jean Bizet ne soit pas présent pour défendre son amendement, car il connaît extrêmement bien ces questions.

Quoi qu'il en soit, je tiens à relever une contradiction dans ce que je viens d’entendre. Comme je l’ai souligné, la France a voté une loi autorisant l’approbation de l’accord instituant le Consortium des centres internationaux de recherche agricole, qui poursuivent déjà des recherches sur des semences OGM.

Je comprends vos inquiétudes, mes chers collègues, et je les partage. Il est évident que nous avons une responsabilité à l’égard de pays comme le Vietnam. Mais permettez-moi de vous relire l’alinéa 55 de l’annexe : « En cohérence avec ces orientations, l’AFD ne finance pas la recherche, l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. »

Proposer de ne pas inclure la recherche dans le champ de cette interdiction ne me semble pas si gênant que cela ! N’insultons pas l’avenir : nous ne savons pas quels effets positifs pourront éventuellement produire ces semences pour éradiquer les maladies infantiles. Nous ne sommes pas des experts ! C’est pourquoi il me paraît important de ne pas interdire la recherche. C’est par la recherche que nous pourrons progresser dans la lutte contre la pauvreté et ces maladies !

Dès lors que le texte dit très clairement que l’AFD ne finance pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées, nous pouvons, me semble-t-il, adopter cet amendement sans trop d’états d’âme, même si, je le répète, je comprends parfaitement vos réticences. D’ailleurs, monsieur Roger, je ne vois pas très bien comment nous pourrions rédiger différemment cet amendement, sauf à en alourdir terriblement la rédaction.

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon, corapporteur. Je veux simplement soutenir l’argumentation de Mme Garriaud-Maylam.

Pour m’en être entretenu avec M. Bizet, qui ne pouvait malheureusement être présent cet après-midi, je voudrais insister sur la stricte portée de son amendement : permettre à l’AFD de soutenir des actions de recherche en matière de biotechnologies.

Il ne s’agit pas forcément de l’agroalimentaire ! Au Mali, par exemple, il y a régulièrement de très mauvaises récoltes de coton parce que les cultures de coton sont frappées par toute une série de maux propres à cette région. Or ce pays nous demande de l’aider.

Nous ne cessons de projeter nos propres problématiques en matière de climat, d’OGM. Certes, tout cela est tout à fait recevable, mais ce sont là des préoccupations de pays riches et développés. Il faut laisser à l’AFD la possibilité de financer des recherches. Celles-ci peuvent être faites dans des laboratoires. Du reste, de nombreuses recherches n’aboutissent jamais.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. On a l’art de poser des problèmes compliqués à propos d’un texte qui est relativement simple. Cela étant, chers collègues écologistes, je comprends que cela vous fasse plaisir. (Mme Marie-Christine Blandin s’exclame.) Du reste, cela ne me cause pas un déplaisir particulier !

Mais pourquoi n’avez-vous pas tenté d’exiger que la France interdise la poursuite de ces recherches ? Croyez-vous vraiment que le simple fait d’interdire leur financement dans le cadre de l’AFD empêchera les autres pays et les multinationales d’agir à leur guise ?

Mme Marie-Christine Blandin. Ce n’est pas nous qui avons déposé cet amendement !

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Bien sûr, je ne souhaite pas qu’on favorise l’exportation d’essais d’OGM en plein champ dans des pays en difficulté ! Mais prétendre qu’on ne soutient pas des positions idéologiques et, dans le même temps, expliquer qu’on est contre la recherche fondamentale, cela soulève à mes yeux un problème éthique et philosophique ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce.)

Qu’on se batte pour essayer d’empêcher un phénomène dangereux, je le conçois. Mais faut-il, dans un projet de loi sur l’aide au développement, décider l’interdiction absolue de recherches sous prétexte de parer à tout risque de dérapage dans les pays bénéficiaires de l’APD ?

Chers collègues écologistes, je suis sensible, tout comme vous, au problème des OGM.

Mme Marie-Christine Blandin. Mon cher collègue, adressez-vous à l’auteur de l’amendement !

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Moi non plus, je ne souhaite pas que, demain, l’alimentation fasse courir à des populations des risques sanitaires : ce serait inadmissible. Cependant, il me semble que vous allez trop loin. À la vérité, je crois que vous profitez du projet de loi pour faire un peu d’idéologie !

Mme Marie-Christine Blandin. C’est incroyable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 60

Remplacer le mot :

sociétale

par les mots :

sociale et environnementale

II. - En conséquence, alinéas 62, dernière phrase, 63 et 151, dernière phrase

Procéder au même remplacement.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. J’ai bien noté ce qu’a dit tout à l'heure M. le président de la commission des affaires étrangères. Je crois toutefois que, dans cet hémicycle – moi, je ne suis pas membre de la commission des affaires étrangères –, notre devoir est de nous écouter pour faire évoluer nos positions respectives. Il m’avait semblé que c’était ce qui s’était passé à propos de la responsabilité sociale des entreprises : l’intervention de Nicole Bricq, notamment, avait fait apparaître que le débat progressait.

Je regrette donc qu’on se serve d’un argument dans certains cas et pas dans d’autres.

Cela étant, je retire cet amendement, car nous n’allons pas reprendre maintenant le débat sur cette question.

M. le président. L’amendement n° 84 rectifié est retiré.

L'amendement n° 76 rectifié, présenté par M. Dantec, est ainsi libellé :

Alinéa 71, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

La France promeut ainsi une planification urbaine et territoriale qui recherche l’articulation entre les échelles de territoire et les interactions entre territoires urbains, périurbains et ruraux.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement, qui sera sans doute plus consensuel, vise à insérer, à l’alinéa 71 du rapport annexé, une phrase soulignant l’importance que la France attache à la planification urbaine et territoriale dans sa conception du développement.

Il se trouve que j’ai eu l’honneur de présider le comité d’orientation du sommet mondial de la ville durable, le sommet Ecocity, qui s’est tenu à Nantes l’année dernière. Au cours des débats, la question de l’interaction entre la ville, le monde rural et le monde périurbain est apparue comme une question clé. Elle est également décisive dans le débat sur les objectifs de développement durable, dont l’un touche à l’urbanisation durable.

En vérité, mes chers collègues, l’idée que nous nous faisons de la ville doit englober ses interactions avec les espaces périurbains et ruraux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, corapporteur. La commission est favorable à cet amendement, à condition qu’une modification y soit apportée.

Faute de bien comprendre la notion d’« articulation entre les échelles de territoire », qui nous semble un peu vague, nous préférerions que l’amendement soit rédigé en ces termes : « la France promeut ainsi une planification urbaine et territoriale qui recherche les interactions entre territoires urbains, périurbains et ruraux ». Cette modification ne change en rien l’esprit de l’amendement, mais permet de rendre son texte plus compréhensible.

M. le président. Monsieur Dantec, suivez-vous la suggestion de la commission ?