M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Monsieur Desessard, je vous remercie d’avoir lancé ce débat sur une question qui intéresse tous ceux qui, de près ou de loin, se préoccupent des outils mis en place pour améliorer la situation de l’emploi dans notre pays. Connaissant le principe des questions orales avec débat, je vais essayer d’aller au-delà de la forme et d’apporter des éléments de réponse à certaines interrogations plus particulières qui ont été formulées, avant de répondre précisément à la question posée.

Cette question a été soulevée de façon judicieuse, notamment grâce aux exemples cités, piochés y compris dans mon département, et je vous en remercie. (Sourires.) Puisque vous êtes très informé de tout cela, monsieur Jean Desessard, vous savez qu’il existe plusieurs causes à la difficulté de pourvoir un certain nombre de postes. Le nombre de 400 000 postes est l’estimation la plus communément admise ; il est difficile de connaître le chiffre précis, mais nous avons constaté que près de 150 000 offres d’emploi échouaient, faute de compétences adéquates. Bien sûr, beaucoup de mesures ont été prises, sur lesquelles je reviendrai.

Vous avez aussi raison, comme l’on dit certains orateurs, des simplifications concernant les procédures seraient souhaitables. Néanmoins, à force de vouloir bien faire, nous avons bien souvent empilé de nombreux textes. Les partenaires sociaux ont élaboré, je vous le rappelle, un socle de connaissances et de compétences professionnelles, et ces formations seront éligibles au compte personnel de formation pour les salariés et les demandeurs d’emploi. Nous l’avons beaucoup évoqué.

Par ailleurs, puisque c’est une question que vous avez posée, les conseillers de Pôle emploi suivent depuis quelques mois une formation spécifique à l’orientation afin d’améliorer la prescription de formations aux demandeurs d’emploi.

Mme Archimbaud a évoqué le problème spécifique des personnes en situation de handicap. Des efforts importants sont réalisés par la collectivité ; ils sont poursuivis, même si tout n’est jamais parfait. Il existe un quota d’emplois fixé pour les secteurs privé et public de 6 %, mais bien des entreprises préfèrent verser une contribution financière plutôt que de répondre à cette demande. J’ajouterai que les personnes handicapées qui sont en formation ne sont pas « maltraitées », si vous me permettez cette expression, puisque leur rémunération est près de deux fois et demie supérieure à la rémunération normale d’un stagiaire en formation professionnelle, c’est-à-dire pas loin du SMIC. Cette préoccupation doit être reconnue.

Par ailleurs, la loi du 5 mars 2014 a confié aux régions une nouvelle compétence de coordination de la formation des personnes handicapées. Les régions auront à élaborer un schéma spécifique associant l’AGEFIPH et, pour la fonction publique, le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, qui, chacun, mobilisent des financements. L’AGEFIPH est également partie prenante du plan « 100 000 formations prioritaires pour l’emploi ».

Monsieur Cardoux, il est assez facile, mais vous l’avez fait avec modération, de brocarder « l’inversion de la courbe du chômage ». Pourtant, la courbe du chômage s’est véritablement inversée à la fin de l’année 2013 (M. Jacky Le Menn opine.), et il faut tordre le cou, une fois pour toutes, à ces propos qui contredisent la vérité. Même si cette vérité n’est qu’éphémère, il n’en demeure pas moins que, en 2013, le taux de chômage en France a diminué de 0,2 %. (M. Jacky Le Menn opine de nouveau.) On peut me rétorquer que ce n’est pas suffisant et qu’il faut faire beaucoup plus. J’en conviens, et nous en sommes tous persuadés. Un taux de chômage de 9,7 %, c’est bien sûr trop élevé. Cependant, le taux était de 9,9 % au début de l’année 2013 et de 9,7 % à la fin de cette même année. Je rends donc hommage à Michel Sapin : il a réussi à inverser la courbe du chômage. Nous devons désormais nous atteler tous ensemble à faire baisser – c’est l’objectif que nous fixons – le nombre de demandeurs d’emploi le plus rapidement possible.

Vous avez fait un raccourci en disant que l’examen de ces textes qui se succédaient était en quelque sorte précipité. Or, je vous le redis, ils sont tous le produit du dialogue social. Les textes qui ont été transposés dans les lois que vous avez été incités à voter ou sur lesquelles vous vous êtes abstenus ou avez voté contre sont tous le fruit du dialogue social et des accords majoritaires qui ont été conclus entre les partenaires sociaux, qu’il s’agisse de la pénibilité, du temps partiel ou de la formation professionnelle. Ce n’est pas rien !

J’évoque maintenant l’apprentissage, point que je développerai plus largement dans quelques instants.

Oui, un effort particulier est consenti une nouvelle fois. Certes, des décisions n’ont pas été conformes à ce qu’elles auraient dû être. Cependant, la relance est là, aujourd’hui, pour l’apprentissage, et nous y croyons, y compris sur le plan financier. En 2015, conformément à la réforme qui a été adoptée, les régions toucheront une part de la taxe d’apprentissage. Vous le savez pertinemment, puisque vous êtes tous très bien informés, cette taxe faisait l’objet d’une évasion importante. En effet, pour récupérer de la taxe d’apprentissage, nombre de personnes étaient rémunérées sur ladite taxe, les chambres de commerce et d’industrie faisant des choix différents selon les départements et les régions. On estime que seront ainsi consacrés à l’apprentissage un supplément de 50 millions d’euros en 2015 et de près de 150 millions d’euros en 2016.

En outre, et cette précision vaut aussi pour d’autres orateurs qui ont évoqué ce point, conformément à l’engagement du Président de la République, l’État a, pour la première fois, je tiens à le souligner, dégagé des moyens exceptionnels pour la formation des demandeurs d’emploi. Évidemment, on peut toujours prétendre que c’est insuffisant. Mme Karine Claireaux l’a souligné et je l’en remercie, 50 millions d’euros ont été mobilisés en 2013 au titre du plan de 30 000 formations. En 2014, 50 millions d’euros auxquels s’ajouteront 50 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés au titre du plan de 100 000 formations prioritaires. Je reviendrai sur ces deux dispositifs.

Monsieur Marseille, je vous l’affirme : oui, nous croyons au compte personnel de formation ! On ne peut pas critiquer ce dispositif sur la base de défauts qui n’ont pas encore pu être observés, puisque, comme vous le savez, il entrera en application au 1er janvier 2015.

Quant à la qualité de la formation, que vous avez évoquée, vous vous souvenez très bien de l’amendement défendu par Mme Jouanno dans cet hémicycle, qui tendait à l’accroître et qui a été adopté.

M. François Rebsamen, ministre. Contrairement à ce que l’on peut croire, 150 agents des directions régionales de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, sont spécifiquement chargés de contrôler les organismes de formation. Il faut le souligner ! On entend souvent dire que ce domaine n’est pas suffisamment encadré. Sur le terrain, ces agents spécialement formés constituent un corps de contrôle de la formation. Ils examinent les usages et les pratiques des organismes concernés.

Je rappelle que le compte personnel de formation a cette particularité de permettre aux chômeurs de conserver les points qu’ils ont acquis au titre de leur compte de formation. Ce n’était pas le cas auparavant !

M. François Rebsamen, ministre. C’est d’ailleurs sans doute en partie pour cela que ce dispositif a été adopté. Un salarié qui tombait au chômage perdait ses droits à formation !

M. Jacky Le Menn. Absolument !

M. François Rebsamen, ministre. Désormais, le compte personnel lui sera, par définition, personnellement attaché. Il lui permettra de poursuivre ou de reprendre une formation.

M. Jacky Le Menn. C’est un point très positif !

M. François Rebsamen, ministre. C’est ce que nous demandions, les uns et les autres. Je le dis à l’intention, notamment, de Mme Laborde : la formation s’adresse aussi aux demandeurs d’emploi. Que des salariés aient également la possibilité d’élever leur niveau de qualification par ce biais, c’est nécessairement une bonne chose, vous ne me direz pas le contraire !

Monsieur Watrin, vous avez déploré le nombre actuel de demandeurs d’emploi. Nous sommes tous d’accord sur ce point, ce serait mieux s’il n’y avait pas de chômage. (M. Jean Desessard rit.) Les uns et les autres, nous faisons tout ce que nous pouvons pour améliorer la situation.

Vous dénoncez – et vous en avez tout à fait le droit – les nombreux emplois précaires créés depuis fort longtemps via les contrats qui se sont succédé dans les périodes difficiles au titre des politiques de l’emploi. Toutefois, vous auriez pu relever que, pour la première fois, avec les emplois d’avenir, une obligation de formation a été instituée, et qu’elle est effectivement mise en œuvre.

Mme Françoise Laborde. C’est vrai !

M. Jacky Le Menn. C’est reconnu !

M. François Rebsamen, ministre. Je tiens à le souligner.

Au reste, à l’instar de mon prédécesseur, je prends soin de réunir, chaque mois, les préfets au cours d’une conférence, et je veille par leur intermédiaire à ce que l’application de cette obligation soit systématiquement vérifiée. Vous le savez, ces formations s’adressent aux jeunes qui sont les plus éloignés de l’emploi.

Pour l’heure, nous n’avons pas encore trouvé meilleur dispositif. Je suis certain que les jeunes bénéficiant de ces emplois d’avenir sont heureux d’avoir obtenu ces contrats. Ces formations vont leur mettre le pied à l’étrier. Elles vont les aider à trouver un poste demain.

Madame Claireaux, je tiens à vous remercier une nouvelle fois de la justesse de votre analyse. Pour répondre à la grande question que pose Jean Desessard et que vous posez également, je vous apporterai, dans quelques instants, des chiffres très récents : ce matin même, j’ai réuni les directeurs régionaux de Pôle emploi. Les personnels des agences ont pour mission de personnaliser davantage encore l’accompagnement. Un certain nombre d’avancées seront accomplies.

Quant à l’évaluation, je le répète, elle ne pourra être achevée qu’au bout d’un an. Cela étant, elle est déjà lancée, au titre des 30 000 formations prioritaires. (M. Jean Desessard opine.)

Je tenais à répondre aux uns et aux autres. Mieux vaut, à mon sens, procéder ainsi pour ce type de débat, plutôt que d’asséner un discours rédigé à l’avance.

J’en viens à présent aux constats d’ensemble, sans allonger mon propos outre mesure.

Monsieur Desessard, votre question recèle deux enjeux : premièrement, l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins de l’emploi, que je viens d’évoquer ; deuxièmement, l’effort collectif qu’il est nécessaire d’accomplir en faveur de la formation des demandeurs d’emploi.

Chacun le sait, la formation est, pour tous nos concitoyens, un puissant outil permettant de tracer sa voie, de construire sa vie. Toutefois, au-delà d’une stricte logique utilitariste, il faut prendre en compte une logique que je qualifierai d’« adéquationniste ». En d’autres termes, il faut que la formation soit le plus adaptée possible au marché du travail.

Le problème de l’adéquation se pose, même si nous ne perdons pas de vue que l’objectif de la formation, c’est également l’émancipation individuelle, le droit de choisir, qui prend parfois la forme d’un droit à une deuxième voire à une troisième chance. C’est d’autant plus vrai que, comme vous l’avez dit en évoquant la formation initiale, l’école ne gomme plus toutes les inégalités. On le sait, l’ascenseur social a dans certains cas du mal à redémarrer.

À travers cette question, vous appelez l’attention du Gouvernement sur l’adéquation entre les formations proposées et les métiers qui recrutent aujourd’hui. Comme vous, je suis convaincu que la formation professionnelle doit d’abord être au service de l’emploi. Il faut dire les choses comme elles sont ! Tel est l’objectif qu’a tout particulièrement mis en avant la deuxième grande conférence sociale, à l’occasion de laquelle a été lancé le plan des 30 000 formations prioritaires.

Ces formations sont corrélées à un emploi existant ou à un métier dit « en tension », ce sur la base de deux grands principes.

Le premier principe, c’est la conjugaison des forces de l’État, des régions et des partenaires sociaux autour du prescripteur, à savoir Pôle emploi.

Le second principe, c’est la détection des besoins d’emplois et des compétences au plus près des territoires.

Ce plan est une réussite. Le domaine de la formation n’en compte pas tant, raison de plus pour nous en féliciter collectivement. Ce chiffre a été rappelé, au 31 décembre dernier 36 000 personnes supplémentaires étaient entrées en formation. Quant à l’évaluation, je tiens à le dire de nouveau, elle est actuellement en cours. Je vous en donnerai les résultats dès qu’ils seront établis. Les domaines concernés sont les transports, la manutention, l’action sanitaire et sociale – autant de secteurs en tension que vous connaissez –, l’hôtellerie et la restauration bien sûr, le commerce, la gestion et le champ « mécanique, matériaux ».

Forts du succès de ce plan de 30 000 formations annoncé l’an dernier lors de la grande conférence sociale, nous avons lancé un plan de 100 000 formations pour l’année 2014.

Les derniers chiffres, qui m’ont été communiqués ce matin et qui correspondent à la fin du mois de mai, font état de 38 000 entrées en stage supplémentaires depuis le début de l’année. À ce rythme-là, nous avons bon espoir d’atteindre le seuil des 100 000 d’ici à la fin de l’année. Voilà qui prouve que le Gouvernement a bien fait de confirmer ses engagements !

Grâce à ces deux plans, la formation professionnelle redevient un outil de la bataille contre le chômage.

Bien sûr, la formation ne saurait être l’alpha et l’oméga dans ce domaine. Il ne faudrait pas – ce qui n’est pas votre cas – tomber dans une illusion adéquationniste par ailleurs trop répandue. Dans le cas d’un demandeur d’emploi, la formation est indispensable mais elle n’est pas nécessairement la seule réponse. Tout chômeur n’est pas privé d’emploi faute de compétences ou de qualifications suffisantes. C’est bien souvent dans le droit fil du métier qu’il connaît que le demandeur d’emploi est susceptible de retrouver un travail. Il ne s’agit pas, dès lors, de reprendre une formation à zéro. Un tel cas de figure peut se présenter, mais il reste tout de même assez rare.

En matière d’adéquation, le problème est souvent multiple. Outre la formation, il faut prendre en compte la mobilité géographique – ce constat a été rappelé –, le niveau de rémunération, les conditions de travail, particulièrement dans certains métiers – j’y reviendrai – et, parfois, les discriminations subies par les candidats à l’embauche. Ces discriminations peuvent se fonder sur l’âge, mais aussi, je ne manque jamais une occasion de le rappeler, sur des critères ethniques ou spatiaux. Il faut en tenir compte, sans oublier les difficultés de logement liées à la mobilité. La France connaît une situation assez difficile en la matière.

Parallèlement, certains emplois ne trouvent pas preneur, alors même qu’une offre de formation existe pour les jeunes entrant sur le marché du travail comme pour les demandeurs d’emploi.

Une opération, qui a déjà été citée, vient d’être lancée par le MEDEF : il s’agit de la campagne « Beau travail ». À cet égard, je me suis rendu, il y a quelques jours, à l’invitation du MEDEF – ne m’en voulez pas, monsieur Desessard ! (M. Jean Desessard en reste coi.) Vous aurez compris qu’il s’agit d’une plaisanterie. Quand il s’agit de valoriser le travail, nous sommes tous rassemblés.

Les clips actuellement diffusés au titre de cette campagne tendent à redorer l’image de certains métiers.

Ainsi, des efforts ont été accomplis depuis quelques années dans le secteur du bâtiment, dont l’image reste, hélas ! parfois négative. La pénibilité des métiers concernés, sans doute en partie inévitable, contribue, c’est certain, à leur mauvaise réputation. Voilà pourquoi il faut poursuivre ces efforts de valorisation – c’est là ma conviction personnelle. Les organisations patronales ont encore beaucoup de travail à accomplir dans ce domaine.

M. François Rebsamen, ministre. De surcroît, je tiens à vous rappeler que la loi du 5 mars 2014, dont les décrets d’application sont actuellement en cours de rédaction, comporte plusieurs dispositions améliorant concrètement la situation.

Tout d’abord, je tiens à citer la mise en œuvre, dans chaque région, d’un service public régional de l’orientation. C’est un point important. Autour du conseil régional, cette instance devra être en mesure de fédérer les opérateurs, pour améliorer l’adéquation entre les besoins d’emplois et les possibilités de formation propres au territoire. Qui plus est, elle sera tenue d’animer des initiatives collectives pour accroître l’attractivité de tel ou tel métier.

Je précise à ce propos que, dans certains cas, mieux vaut parler de « métiers » que d’« emplois ». Un beau travail, un beau métier, cela mérite d’être mis en avant. Au surplus, un beau métier est une réalité sensible, visible. Il autorise des évolutions de carrière, il permet de s’y projeter, de s’y reconnaître voire de bâtir une identité ou de nourrir une réelle fierté. Bon nombre de travailleurs expriment la fierté qu’ils éprouvent pour leur métier.

Ensuite, je mentionnerai la création d’un nouveau service de conseil en évolution professionnelle. Elle répond à des demandes qui ont déjà été exprimées au sein de la Haute Assemblée et que j’ai de nouveau entendues au cours de ce débat. Ce service sera ouvert aux salariés comme aux demandeurs d’emploi. Il doit permettre, notamment pour cette dernière catégorie, de mener une réflexion sur un plus grand laps de temps tout en bénéficiant d’un accompagnement, d’un suivi. Rien ne sert de contraindre tel ou tel chômeur à se précipiter sur un emploi vacant si cette démarche ne s’inscrit pas dans un projet global, ou si le désir de réussir est inexistant.

La formation est un vecteur de mise en œuvre du projet professionnel, mais elle n’en est pas le seul.

Dans ce processus de rencontre entre le projet et l’emploi, l’employeur a aussi un rôle essentiel à jouer. Beaucoup dépend de sa capacité à préciser et à formaliser l’offre d’emploi – je parle toujours des impératifs d’adéquation. Il lui faut anticiper des compétences ou l’évolution de son activité. Il lui faut bien calibrer les fiches de poste, tout particulièrement au sein des petites entreprises, en précisant les tâches à accomplir, les compétences exigées et la rémunération proposée.

Les PME et les TPE rencontrent, en particulier, des difficultés pour formaliser ainsi ces descriptions. J’ai donc demandé que Pôle emploi aide davantage ces entreprises à exprimer précisément leur besoin.

Enfin, nous devons également nous tourner vers l’avenir. Faute de temps, le sujet n’a pu être abordé, mais au-delà de l’adéquation, il faut essayer d’anticiper les métiers qui émergent : les opportunités d’emploi ne résident pas seulement dans les emplois existants et à pourvoir immédiatement.

Nous devons donc imaginer les gisements et les emplois de demain. Le travail doit être mené au sein des filières pour repérer les compétences et les nouveaux métiers. C’est le sens de la reconstruction du Conseil national de l’industrie et des groupes emplois-compétences des comités stratégiques de filières. Là aussi, des opportunités existent pour les demandeurs d’emploi.

Telle est également l’ambition du nouveau programme « partenariats pour l’emploi et la formation dans les territoires », que nous finalisons dans le cadre des investissements d’avenir. L’idée est de faire émerger des consortiums associant des entreprises et des organismes de formation pour promouvoir et pourvoir de nouveaux métiers dans des filières ou des formations.

C’est – cela va vous intéresser, monsieur Desessard – l’éolien offshore, c’est la silver économie, que Michèle Delaunay avait portée, c’est la conversion, ou la reconversion, numérique d’un secteur. Nous créons ainsi des instruments réactifs et plus souples à la main des professionnels, pour tenter de convertir des potentialités en emplois réels et tangibles : les emplois de demain.

Cela pose la question des moyens – je terminerai sur ce point –, que vous avez, les uns et les autres, évoquée. À Blois, en mars 2013, le Président de la République demandait que les moyens de la formation professionnelle – cela concerne bien votre question, monsieur Desessard – soient mieux orientés vers ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les jeunes, les demandeurs d’emploi, les salariés en situation de précarité. L’engagement a été tenu par la loi. L’effort collectif de la nation en faveur de la formation des demandeurs d’emploi est renforcé de manière significative.

On peut considérer que c’est insuffisant, mais, vous avez évoqué ce point, monsieur Dominique Watrin, la réforme de la formation fait croître de 600 millions d’euros à 900 millions d’euros les fonds consacrés par les partenaires sociaux à la formation des demandeurs d’emploi, dont 300 millions d’euros de financement issus du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, afin d’abonder le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi, qui sera en place au début de l’année prochaine.

Par ailleurs, s’ils le souhaitent – quant à moi, j’y suis favorable –, les régions et l’État pourront abonder de manière supplémentaire le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi.

Enfin, les partenaires sociaux financeront également à travers le FPSPP un nombre plus important de contrats de professionnalisation, en permettant – c’est en tous les cas ce que nous attendons – à davantage de demandeurs d’emploi de se former en alternance en combinant emploi et qualification.

Je rappelle, et cela satisfera tout le monde, que la relance de l’alternance constitue un des chantiers prioritaires. Ne se posent pas seulement des problèmes de financement. Je rappelle qu’en France peu d’entreprises – sous réserve de vérification, je crois que le chiffre exact atteint 3,8 % d’entre elles – prennent des alternants et des jeunes en apprentissage, alors même que toutes se réclament de l’alternance. Des efforts doivent dont être faits par tous pour promouvoir l’apprentissage. À la sortie de sa formation, un jeune en apprentissage a trois chances sur quatre de trouver un emploi. Vous le savez, je souhaitais seulement le rappeler.

Cette nouvelle approche de la formation, avec le compte personnel de formation, commence là où s’arrête la différenciation par statut et où chacun trouve sa voie dans un nouvel outil à vocation universelle, attaché à la personne. Cela constitue une réponse à la situation douloureuse et inacceptable du chômage, pour chaque personne qui en fait l’expérience, même si, et cela pourrait faire un jour l’objet d’une question orale avec débat, on devrait se demander pourquoi notre société a choisi le chômage de masse, comme je le pense profondément. Je n’ai pas le temps de développer ici ce point, qui mériterait un grand débat. Ce nouvel outil constitue également, et c’est plus vertueux encore, une ressource pour prévenir le chômage en développant, par la formation, les compétences de chacun tout au long de sa vie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Aline Archimbaud et M. Jean Desessard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard, auteur de la question. Mes chers collègues, je vais profiter de mes premières secondes pour remercier tous les intervenants, qui ont complété mes interrogations initiales et apporté des éléments nouveaux, à gauche comme à droite. Je remercie également M. le ministre d’avoir pleinement informé le Sénat de l’ensemble du dispositif du ministère.

La formation est un tout, c’est évident. Elle recouvre la formation du citoyen, celle de quelqu’un qui connaîtra plusieurs métiers au cours sa vie, ou encore la formation à un métier. Ma question ne prétendait cependant pas traiter de tous ces aspects.

Nous avons un peu évoqué la formation initiale, où des choses restent à faire. Beaucoup de personnes sont en effet contraintes de suivre des formations de rattrapage. Nous pourrons en discuter à un autre moment.

Initialement, ma question était la suivante : alors que la priorité est donnée à l’emploi ici, là, et là encore (L’orateur montre successivement la droite, le centre et la gauche de l’hémicycle.), alors que vous-même, monsieur le ministre, donnez la priorité à l’emploi, comment se fait-il que l’on évoque l’existence de 400 000 emplois non pourvus ? On veut absolument aller chercher l’emploi, et en voilà 400 000 qui ne trouvent pas preneurs. Que se passe-t-il ?

Est-ce vrai ? C’est la première question. Existe-t-il vraiment 400 000 emplois non pourvus ? En la posant, on est très surpris de constater qu’il n’existe pas de tableau de bord. On ne sait pas s’il s’agit de véritables emplois ou s’ils se trouvent sur le panneau d’affichage depuis dix ans sans que l’on sache s’ils sont encore d’actualité.

Monsieur le ministre, il nous faut un GPS pour la formation des demandeurs d’emploi. Enfin ! On peut disposer d’un GPS pour nous conduire dans une commune de l’Essonne, voire plus loin, à travers un dédale de rues, mais au niveau national, pour une priorité à l’emploi, nous n’avons pas de GPS, pas de tableau de bord !

À quoi servirait-il ? À savoir véritablement s’il existe des emplois non pourvus.

Si tel est le cas, est-ce en raison de l’image de la filière ? Alors on peut lancer des campagnes du MEDEF, des syndicats, des chambres de métiers, pour valoriser le métier.

Les conditions de travail y sont-elles trop difficiles ? Pensons par exemple au secteur sanitaire et social : on découvre qu’aide-soignant est un métier trop difficile parce que l’on y porte des choses. Hop, tout de suite, monsieur le ministre, vous contactez le ministre de la recherche et vous lui demandez de lancer une recherche sur des robots qui aideraient les aides-soignants à porter ce qui est trop lourd, afin d’éviter la pénibilité. Si tel est le problème, on doit tout de suite trouver une solution !

Existe-t-il une inadéquation entre le salaire et les compétences ? Alors on peut réunir les partenaires sociaux en leur disant : « Pourquoi ne voulez-vous pas payer les gens ? Que se passe-t-il ? » On mène une évaluation, on produit des données !

Monsieur le ministre, c’est ce tableau de bord, ce GPS, qui nous permettrait de constater que dans tel domaine on manque de moyens parce que les conditions de travail sont trop dures. La situation est-elle vraiment celle-là ? Les salaires sont-ils en cause ? Et la formation ? Si c’est le cas, où faut-il la mener ? Il existe partout des formations régionales, des éléments mis en place, qui constituent le socle. Mais nous devons disposer de la possibilité d’être réactifs. Si nous nous apercevons qu’il manque 40 000 personnes, qui ne sont pas formées, dans tel secteur, alors nous le voyons venir et nous pouvons mettre en place les dispositifs, actionner les leviers, étudier avec les régions ce qu’il est possible de faire !

Il est tout de même inimaginable que, dans une période de chômage, ce chiffre de 400 000 puisse être évoqué, même si je ne suis pas sûr qu’il corresponde à une réalité, sans que l’on puisse apporter une réponse spécifique sur la pénibilité, les conditions de travail, les salaires, les formations !

Vous êtes aux manettes, monsieur le ministre ! Vous devez disposer d’un tel tableau de bord ! On ne peut pas simplement actionner les leviers en affirmant qu’ils auront tel effet, il faut avoir une vision d’ensemble ! Vous devez pouvoir savoir où il est utile d’actionner tel levier, grâce à une vision d’avenir. Par exemple, si nous avons besoin d’infirmières, il faut prévoir leur recrutement trois ou quatre ans auparavant. Si nous manquons de médecins, c’est encore plus long.

Nous avons donc besoin d’un GPS pour évaluer les métiers sous tension, d’un GPS prospectif, pour les métiers de demain, et donc, d’un tableau de bord.

Pour terminer, monsieur le ministre, à qui revient-il de mettre cet outil en place ? Est-ce la responsabilité de votre ministère ? Donnerez-vous instruction à une Haute Autorité pour le produire ? Est-ce du ressort de Pôle emploi, en liaison avec vous ? Les partenaires sociaux doivent-ils en être chargés ? La question est posée. J’ai interrogé beaucoup d’institutions, chacune très compétente, des sociologues et des économistes. Nous ne manquons pas de compétences !

Le défi, avec les grandes compétences, est toujours de les faire travailler ensemble. Chacune s’estime tellement compétente qu’elle pense ne pas avoir besoin des autres. Elles doivent pourtant être mises en commun, avec un chef de bord, monsieur le ministre, qui tienne un tableau de bord, le GPS de la formation professionnelle pour l’emploi.

La question que je vous repose, et que je vous poserai peut-être de nouveau, est la suivante : quel organisme est le maître d’œuvre de ce dispositif et comment peut-on le mettre en place, pour que ces 400 000 postes non pourvus le soient enfin, et que l’inadéquation entre la formation et les postes à saisir soit seulement de quelques mois, et qu’elle ne prenne donc pas une telle importance.

Il est inimaginable qu’un pays qualifié comme le nôtre, disposant d’institutions et d’organismes de formation, ne soit pas capable de pourvoir les offres d’emploi !

Mes chers collègues, merci de ce débat; merci, monsieur le ministre, de votre apport et de l’attention que vous porterez à ma demande d’un tableau de bord de la formation professionnelle pour l’emploi !