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Demande de constitution d’une commission spéciale

Mme la présidente. En application de l’article 16, alinéa 2 bis, du règlement, M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe Union pour un Mouvement Populaire, a saisi M. le président du Sénat d’une demande de constitution d’une commission spéciale sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Cette demande a été publiée et a été notifiée au Gouvernement et aux présidents des groupes politiques et des commissions permanentes.

Elle sera considérée comme adoptée sauf si, avant la deuxième séance qui suit cette publication, soit avant l’ouverture de la séance du lundi 23 juin, M. le président du Sénat est saisi d’une opposition par le Gouvernement ou le président d’un groupe.

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Débat sur les zones économiques exclusives ultramarines (suite)

Mme la présidente. Nous reprenons le débat sur les zones économiques exclusives ultramarines. Dans la suite de ce débat, la parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour, je remercie très chaleureusement MM. les présidents Jean-Louis Carrère et Serge Larcher, grâce à qui nous pouvons aujourd'hui débattre de ce sujet très important, et je félicite tout particulièrement MM. les rapporteurs pour l’excellence et l’exhaustivité de leurs rapports.

La mer recèle de formidables leviers et relais de croissance, indispensables au redressement productif que nous appelons de nos vœux, aussi bien en métropole que dans les territoires ultramarins. C’est tout l’enjeu du troisième axe qui est proposé dans le rapport de la délégation pour la mise en valeur des ZEE ultramarines : « Promouvoir aux échelons local, national, européen et mondial un cadre normatif favorable à une économie bleue attractive et durable ».

La plupart de mes collègues sont intervenus d’une manière très exhaustive sur tous les champs ; pour ma part, je me bornerai à aborder le secteur de la pêche. Son développement – absolument nécessaire, mais qui doit rester durable – est appelé à répondre à plusieurs défis dans les zones ultramarines.

Les outre-mer n’échappent évidemment pas à la tension planétaire sur les ressources. Certes, des évaluations sont conduites pour certaines espèces – thons, marlins, vivaneau rouge, crevettes pénéides, acoupa rouge... – et des systèmes d’informations halieutiques ont été mis en place dans chacun des DOM. Mais la ressource halieutique ultramarine demeure très mal connue, avec des situations très disparates pour les stocks étudiés : légère progression pour certains, diminution tangible pour d’autres, voire effondrement, par exemple, pour la crevette sauvage guyanaise.

De plus, l’importance des ressources halieutiques au large des côtes varie selon qu’elles sont bordées par un plateau continental, comme pour les Terres australes et antarctiques françaises, Saint-Pierre-et-Miquelon ou la Guyane, à la différence de La Réunion ou des Antilles.

Une diffusion large du programme ZoNéCo d’évaluation de l’ensemble des ressources marines menée en Nouvelle-Calédonie depuis 1991 pourrait à cet égard être envisagée afin de définir les principes de gestion des stocks et le suivi de leur application.

Il nous faut aussi – beaucoup viennent de le rappeler – lutter tout particulièrement, et avec une plus grande fermeté, contre les prises illégales. Elles sont très mal vécues, à juste titre, par les pêcheurs locaux, et portent gravement atteinte à des écosystèmes très fragiles.

Pas plus tard qu’hier, le président Obama a annoncé sa volonté de réprimer beaucoup plus sévèrement la pêche illégale et de créer des zones de réserve dans la ZEE américaine…

Même si des progrès ont été enregistrés, comme l’illustre la nouvelle convention de coopération des pays de la conférence de l’océan Indien, la mobilisation doit encore s’amplifier et les moyens doivent être renforcés, notamment par l’installation de radars terrestres, ainsi que le démontrent les situations en Guyane et à Clipperton.

Compte tenu de coûts de production plus élevés que ceux de ses voisines, le développement des pêches ultramarines ne se réalisera que dans le mieux-disant qualitatif, en particulier dans le secteur de l’aquaculture, qui présente sans doute le potentiel productif le plus important. Le soutien à la modernisation de la flotte est par ailleurs une nécessité vitale pour la constitution en véritable filière éco-productive d’une pêche ultramarine encore largement artisanale.

Mais l’avenir de la pêche et de l’aquaculture outre-mer passe aussi par une réorientation des politiques européennes qui, aujourd’hui, encouragent trop souvent les distorsions de concurrence et le dumping coopératif au détriment des territoires d’outre-mer. C’est le sens de la résolution du Conseil économique, social et environnemental de mai 2014 intitulée « Pour une Europe ultramarine », qui préconise notamment de « systématiser les analyses d’impact préalables à la négociation d’accords commerciaux […] sur leurs conséquences […] dans les RUP et les PTOM ».

L’application uniforme des règlements de la politique commune de la pêche, la PCP, qui visent à limiter la production, tout comme la politique en matière de partenariat et donc d’aides – à des pays d’Afrique et du Pacifique voisins de nos RUP ou PTOM ne répondant pas aux mêmes standards normatifs et aux coûts de production très inférieurs –, menacent en effet à moyen terme le déploiement d’une flotte écoresponsable, fragilisant du même coup la filière amont et aval, détruisant des emplois et réduisant les moyens en faveur d’une gestion durable des ressources halieutiques. Le dernier scandale des pêcheurs esclaves en Thaïlande nous a ainsi rappelé très récemment que la course effrénée au moins-disant conduit systématiquement à des dérives des plus inhumaines.

Sur cette nécessaire refonte des politiques européennes, nous ne pouvons que partager le sentiment d’indignation exprimé dans le rapport de la délégation : il n’est pas acceptable qu’en dépit de leurs ressources halieutiques, les territoires ultramarins fournissent seulement 1 000 tonnes par an au marché européen quand dans le même temps, grâce aux accords qu’ils ont conclus avec l’Union européenne, Fidji et la Papouasie–Nouvelle-Guinée en exportent près de 400 fois plus !

La recommandation n° 5, qui vise à associer étroitement les collectivités ultramarines aux volets de la coopération régionale relatifs à la gestion des ressources marines, n’en prend que plus de sens. Il serait bienvenu, madame la ministre, que l’État donne réellement l’exemple d’une relation constructive et confiante avec les acteurs de terrain qui traitent de ces sujets cruciaux et de leurs conséquences parfois terribles pour des populations trop souvent éprouvées par des décisions qu’elles ne comprennent plus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Jean-Pierre Bosino et Robert Laufoaulu applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi.

M. Abdourahamane Soilihi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui des zones économiques exclusives ultramarines, un secteur présenté comme un des plus porteurs de notre économie moderne. Je tiens à remercier à mon tour MM. les présidents et MM. les rapporteurs pour les excellents rapports qui nous ont permis de débattre aujourd’hui.

Alors que notre pays occupe un rang mondial très confortable grâce à nos outre-mer, la deuxième zone économique exclusive la plus vaste au monde derrière les États-Unis, avec près de 11 millions de kilomètres carrés, nous avons pris l’habitude de nous enfermer dans des débats dogmatiques et incantatoires, en laissant s’éloigner les potentialités insoupçonnées des ressources sous-marines situées exclusivement dans nos zones.

À l’heure où la compétition entre les États s’exacerbe, où l’Europe commence à prendre des initiatives, où un embryon de gouvernance mondiale s’installe progressivement au sein d’instances onusiennes, notre pays, qui fut longtemps pionnier, semble laisser à l’abandon ce domaine qui lui permettrait, à terme, d’accroître sa souveraineté.

À ce titre, permettez-moi tout d’abord de dire que la zone économique exclusive de Mayotte est peut-être la première à témoigner de ce sentiment d’abandon, sans oublier bien entendu les autres collectivités d’outre-mer.

À Mayotte où pêche et tourisme haut de gamme ont la chance de se partager les meilleures potentialités offertes par le lagon, il revient au Gouvernement en première ligne, suivi des acteurs locaux, tant les professionnels que les élus locaux, de se mobiliser et d’œuvrer à la mise en place des structures nécessaires afin de créer un renouveau d’une dynamique tournée vers des partenariats synergiques au cœur du canal du Mozambique.

Créé en janvier 2010, le parc naturel marin de Mayotte reste le premier du genre en outre-mer et également la plus grande aire marine protégée française en superficie, avec près de 70 000 kilomètres carrés, correspondant à la totalité de la zone économique exclusive de Mayotte.

Son objectif est d’assurer un développement harmonieux des différentes activités maritimes dans le respect des objectifs de conservation du patrimoine naturel marin de Mayotte, même si chacun sait que l’exploitation de l’aquaculture réserve au département un avenir prometteur.

Eu égard à ce constat, une question se pose dès lors : comment faire pour que le parc naturel marin de Mayotte oriente son action vers un développement harmonieux d’une activité de pêche pourvoyeuse d’emploi local, avec l’octroi d’engins de pêche exemplaires, capables de relever le défi ?

Cette question mérite une réponse franche de la part du Gouvernement, surtout que le débat du 20 février de l’année dernière sur Mayotte ici même faisait référence aux enjeux de la mer.

À Mayotte, comme ailleurs, le secteur de la pêche est confronté à de grandes difficultés du fait de son caractère essentiellement artisanal et vivrier. Je note à cet égard, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il est tout de même paradoxal de disposer d’un atout que l’on n’exploite pas alors que le besoin se fait ressentir.

La ZEE de Mayotte dans laquelle s’incorpore le fameux lagon mahorais, d’une part donne la possibilité à notre pays d’étendre ses droits souverains sur les ressources du sol et sous-sol de son plateau continental, et d’autre part pourrait être un levier incontournable d’une pêche industrielle à l’import-export, mais surtout devenir un objet de coopération entre le territoire de Mayotte et son environnement régional.

Ainsi, l’interdiction de toute aide à la construction des navires est un non-sens outre-mer, où les ressources halieutiques sont abondantes, mais sous-exploitées. Je propose donc que toutes les voies d’analyse et d’expertise soient étudiées pour amorcer ce tournant crucial cher au département de Mayotte.

J’insiste sur ce point majeur qu’est le besoin de promouvoir l’activité de pêche moyennant des équipements adéquats susceptibles d’offrir au nouveau département des perspectives d’avenir et d’évolution. Mais encore faut-il que des offres de formation soient mises à profit pour mieux asseoir une nouvelle politique dont la jeunesse mahoraise serait l’épicentre.

Nos législations nationales et européennes, que ce soit dans le cadre de l’article 73 de la Constitution ou au titre de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le TFUE, prévoient des solutions d’adaptation ou de dérogation pour écarter les contraintes qui pèsent et qui freinent les perspectives d’évolution.

Afin d’ériger la mise en valeur des ZEE en priorité stratégique, la délégation sénatoriale à l’outre-mer formule dix recommandations, et je vous invite à vous référer à son précieux rapport du mois d’avril 2014, donc d’actualité, intitulé : « Zones économiques exclusives ultramarines : le moment de vérité ».

Pour ma part, j’appelle le Gouvernement à la vigilance afin de corriger une injustice faite aux Mahorais dans les meilleurs délais, madame la ministre, en précisant que plusieurs grands navires immatriculés à Mayotte pratiquent une pêche au large de thonidés tropicaux dans la ZEE mahoraise, mais également en haute mer, allant jusqu’aux ZEE d’États voisins, alors que les bateaux ne sont jamais présents à Mayotte, puisqu’ils débarquent directement aux Seychelles pour la mise en conserve des captures thonières.

En conclusion, nous savons que la pêche ultramarine souffre d’un défaut d’organisation de la filière ainsi que de l’insuffisance des structures de transformation et de commercialisation. À l’heure où la production locale tarde à faire la promotion du territoire, un tel défaut d’organisation constitue une explication suffisante du manque d’accès des produits de la pêche de Mayotte à la restauration collective, écoles ou hôpitaux notamment.

Alors que par ailleurs la vie chère constitue une problématique récurrente dans nos outre-mer, il n’y a pas d’autre choix que de relocaliser la production endogène dans le cadre d’une nouvelle dynamique de l’économie maritime.

Pour finir, en ce qui concerne le lagon, si l’usage de ce lagon hautement réputé est bien garanti, ce beau lieu naturel riche en biodiversité qui devrait stimuler l’attractivité de Mayotte au milieu de l’océan Indien mériterait d’intégrer la convention de l’UNESCO au titre de patrimoine commun de l’humanité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Leila Aïchi ainsi que MM. Joël Guerriau, Jeanny Lorgeoux et Jean-Pierre Bosino applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’organisation de ce débat – de qualité – fait suite à l’excellent rapport d’information du 9 avril 2014 de nos collègues Jean-Étienne Antoinette, Joël Guerriau et Richard Tuheiava intitulé : « Zones économiques exclusives ultramarines : le moment de vérité », auquel il convient d’ajouter le non moins excellent rapport d’information de nos collègues Jeanny Lorgeoux et André Trillard.

Le premier de ces rapports a souligné l’importance et la diversité des potentiels de croissance durable portés par les espaces maritimes des territoires d’outre-mer, qui placent la France au rang de deuxième zone économique exclusive la plus vaste au monde derrière les États-Unis, avec 11 millions de kilomètres carrés – je le répète une nouvelle fois pour être sûr que les autorités saisiront cette réalité. (Sourires.)

Avec une zone économique exclusive de 74 000 kilomètres carrés, Mayotte dispose d’un important potentiel dans deux secteurs, l’aquaculture et la pêche.

En ce qui concerne l’aquaculture, l’île produit annuellement 150 tonnes d’ombrine ocellée en moyenne contre 60 tonnes pour la Martinique, 40 tonnes pour La Réunion et moins de 10 tonnes pour la Guadeloupe et Tahiti, ce qui en fait le principal producteur de poisson d’aquaculture de tout l’outre-mer français.

Le secteur de la pêche, quant à lui, tente de faire coexister une pêche industrielle thonière particulièrement dynamique, puisque 20 % de la pêche mondiale de thon provient de l’océan Indien, et une pêche traditionnelle artisanale.

À ce titre, les pêcheurs mahorais se sont longtemps limités à exploiter les eaux lagunaires ou limitrophes. Toutefois, devant la raréfaction des ressources halieutiques, notamment engendrée par la pêche industrielle intensive, ils ont élargi leur activité en mer ouverte.

Le parc naturel marin dont la création remonte à janvier 2010 et dont le périmètre couvre l’ensemble de la ZEE a pour mission de concilier la protection du milieu marin et le développement durable du second secteur d’activité de l’île. On prend la mesure du défi que constitue l’existence de ce parc, d’autant qu’il peut être amené à jouer un rôle d’arbitre entre les pêcheurs et les thoniers senneurs, aux intérêts souvent contradictoires.

Si la zone économique exclusive de Mayotte présente à n’en point douter un potentiel certain, je souhaiterais attirer votre attention, madame la ministre, mes chers collègues, sur la complexité territoriale et juridique qui l’entoure.

En premier lieu, les menaces qui s’exercent dans le nord du canal du Mozambique, non loin de Mayotte, et qui sont caractérisées par l’extension géographique de la piraterie ou encore l’immigration clandestine requièrent une sécurisation particulière de la zone. (Mme Odette Herviaux opine.)

En second lieu, j’insiste sur la nécessité de conférer des limites claires et stabilisées à la ZEE de Mayotte. Aujourd’hui, le flou qui entoure cette question est susceptible d’entraîner des tensions politiques et d’avoir d’importantes répercussions économiques.

En mars dernier, par exemple, le parlement des Comores a autorisé la délivrance de permis d’exploration pétrolière sur une aire de 6 000 kilomètres carrés empiétant sur le périmètre théorique de la ZEE de Mayotte. Une telle décision pourrait constituer une perte nette de richesse pour le 101e département français. Par ailleurs, elle tend à renforcer les prétentions comoriennes sur cette île française ou tout au moins sur son espace maritime. Cette insécurité juridique est également de nature à décourager les investisseurs d’engager des projets dans cette zone.

Enfin, depuis quelques mois, les îles Glorieuses, situées à 250 kilomètres de Mayotte, font l’objet de nombreux signalements d’incursion et d’activité de pêche illicites. Ces îles sont administrées depuis La Réunion, alors que leur parc naturel marin jouxte la ZEE de Mayotte. Il pourrait être envisagé d’en confier l’administration à Mayotte (M. Jean-Louis Carrère opine.), compte tenu de leur proximité géographique.

Pour conclure, il est regrettable que Mayotte ne soit pas directement représentée au sein de la Commission de l’océan Indien. Cette organisation œuvre pour bâtir des projets régionaux de développement durable afin de préserver les ressources naturelles dont la population des cinq pays qui la composent dépend fortement.

Il apparaît donc légitime et indispensable pour ce département de pouvoir, comme le fait La Réunion, défendre ses intérêts insulaires dans cette Commission de l’océan Indien.

La visite du Président François Hollande aux Comores le 26 juillet prochain et à Mayotte le 27 sera déterminante pour faire avancer l’ensemble de ces dossiers. Il y va de la souveraineté de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l’UMP. – Mme Leila Aïchi ainsi que MM. Jean-Pierre Bosino et Joël Guerriau applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Claireaux.

Mme Karine Claireaux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France possède des territoires dans chaque océan, ce qui lui confère une place stratégique dans le contrôle des mers et de leurs ressources.

En effet, chaque territoire, chaque île, chaque kilomètre de littoral se prolonge par une mer territoriale puis par une zone économique exclusive qui appartient à la France.

Je tiens donc à remercier moi aussi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que la délégation à l’outre-mer de leur initiative et de l’occasion qu’elles nous donnent, au sein de la Haute Assemblée, de débattre sur un thème aussi important pour la France et ses outre-mer.

Au total, les ZEE représentent 11 millions de kilomètres carrés, dont une majeure partie en outre-mer. La France est ainsi la deuxième puissance maritime mondiale et la première puissance maritime européenne. Ce domaine devrait continuer de s’étendre pour dépasser, à terme, 13 millions de kilomètres carrés.

La ZEE est un espace majeur dans les domaines stratégique et environnemental. La France n’est cependant pas la puissance maritime qu’elle pourrait et devrait être. (M. Jean-Louis Carrère opine.) Pour y parvenir, la première condition serait une prise de conscience politique de ce potentiel. Cette prise de conscience apparaît dans le discours, mais pas toujours, hélas, de manière concrète dans les faits.

De plus, – élément important – sans ses outre-mer, la France ne serait pas la nation maritime qu’elle est.

Si la mer a toujours été un enjeu primordial pour les grandes nations, jamais les enjeux géopolitiques et économiques de la mer n’ont été aussi importants qu’aujourd’hui. Enjeux d’échanges et de communication d’abord, car la mondialisation des économies repose sur la libre circulation des flux maritimes.

À n’en pas douter, les enjeux de la mer sont primordiaux pour la planète, pour la survie des hommes et pour le développement de nos économies. Notre pays, présent, grâce à ses outre-mer, dans les quatre océans, a rendez-vous avec cet enjeu global.

Parmi ces outre-mer, se trouve Saint-Pierre-et-Miquelon. Tout ou presque ayant été dit par ailleurs, vous me permettrez de m’y attarder quelques instants.

Je ne reviendrai pas sur les événements et circonstances qui ont amené à la décision du tribunal arbitral de New York ayant débouché sur l’octroi à l’archipel d’une zone exclusive économique de 12 400 kilomètres carrés, soit quatre fois plus petite que celle qui est revendiquée par la France au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette zone économique exclusive française de dimension particulièrement modeste ne suffit, dans les conditions actuelles, à assurer ni la pérennité économique de Saint-Pierre-et-Miquelon ni le maintien à terme de sa population. Vous en conviendrez, cela est particulièrement dramatique pour un territoire qui ne demande qu’à travailler en bonne intelligence avec ses voisins, à s’inscrire dans une dynamique régionale forte, à cogérer une zone commune avec notre grand voisin, mais aussi et surtout à représenter et défendre les intérêts de la France en Amérique du Nord, avec les enjeux que cela comporte.

La revendication d’un plateau continental étendu est une réelle alternative si l’on veut reconstruire un avenir économique pour nos îles et nos compatriotes. Le Président de la République comme le Gouvernement ont bien saisi cet intérêt et la France a déposé, le 16 avril dernier, un dossier d’extension devant la Commission des limites du plateau continental.

M. Jeanny Lorgeoux. Très bien !

Mme Karine Claireaux. Notre pays devra faire preuve d’une fermeté exemplaire sur ce dossier. Si les éléments en sa faveur sont réels, connus et confirmés par des données bathymétriques, géophysiques et géologiques, ils devront toutefois être portés et défendus avec conviction et efficacité, ce dont je ne doute pas, au plus haut niveau.

Ce dossier prendra du temps... Et de temps, pour éviter de faire de Saint-Pierre-et-Miquelon un archipel moribond, vivant plus que de raison des subsides de l’État, nous en manquons cruellement.

Alors, sans attendre le verdict de la Commission puis, éventuellement, du tribunal arbitral, si aucune entente d’ici là ne devait être possible avec nos voisins canadiens, il nous faut, avec l’accord et l’aide de l’État, explorer toutes les potentialités que peut nous procurer la position géostratégique de mon archipel, en partant de la ZEE qui est sienne aujourd’hui.

S’agissant des hydrocarbures tout d’abord, il faut apporter des réponses aux compagnies qui demandent soit une autorisation préalable de prospection, ou AAP, soit un permis exclusif. Un projet de forage mené à bien dans nos eaux, ce sont environ 50 millions d’euros investis sur cinq ans. Cela mérite, me semble-t-il, que nous soyons certes vigilants sur les conditions, mais aussi, à tout le moins, réactifs.

Pour ce qui est des ports, et plus particulièrement du port de Saint-Pierre, abrité et libre de glace toute l’année, un véritable projet structurant est à mettre en œuvre rapidement et indépendamment du projet dit de « grand port ».

En effet, si les ports de l’archipel sont des ports d’État, les infrastructures sont vieillissantes, pas aux normes et très modestes. Or Saint-Pierre-et-Miquelon est non seulement sur le chemin de plusieurs routes maritimes et dans l’embouchure du Saint-Laurent, mais aussi particulièrement bien placé par rapport à l’ouverture – peut-être regrettable du point de vue environnemental, mais inévitable – de ce que l’on nomme le « passage du Nord-Ouest ».

Il faut, dès maintenant, que l’archipel puisse se positionner comme une escale technique de choix, voire un port d’attache, pour la navigation de commerce, la plaisance, la pêche, mais aussi la marine nationale. Pour cela, il dispose d’atouts non négligeables, comme la proximité du port et de l’aéroport, l’existence d’un centre hospitalier neuf et rapidement accessible et la présence d’une administration de proximité capable de réagir promptement. Nous pourrions ainsi caréner et remiser des navires à la mauvaise saison, offrir de nombreux services aux navires français, européens et étrangers. Tout cela drainerait une activité importante, créatrice d’emplois et de richesse pour le territoire.

Pour ce faire, il faut aussi que l’État, madame la ministre, accepte de moderniser et sécuriser toutes les infrastructures portuaires, qui sont, je le rappelle, de son ressort et qui pourraient être rapidement utilisées par les différentes flottes que je viens de citer.

Il faut que nous puissions, ensemble, travailler à un projet ambitieux à la hauteur de la place que la France se doit de tenir dans cette portion du globe, étant donné son rang de deuxième puissance maritime mondiale. Il nous faut y travailler dès maintenant avec votre ministère, mais aussi le ministère de l’écologie et du développement durable, le ministère de la défense et le secrétariat d’État aux transports, à la mer et à la pêche.

Saint-Pierre-et-Miquelon peut et doit être un poste avancé pour la France et l’Europe en Amérique du Nord, mais aussi pour tous les ports qui auront mis en œuvre une stratégie commerciale arctique. C’est une véritable opportunité qui se présente à nous et que nous devons saisir dans le respect, bien entendu, des enjeux environnementaux extrêmement importants auxquels il faudra prêter une attention toute particulière.

La ZEE autour de Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est aussi une opportunité pour étudier un certain nombre de phénomènes climatiques, géologiques, courantologiques. C’est également une opportunité en matière de recherche et d’enseignement supérieur pour de nombreux sujets d’études.

La ZEE, c’est encore une opportunité pour développer des pôles d’excellence et de compétitivité. Pour ce faire, nous devons nous montrer plus performants au niveau fiscal et plus rationnels au niveau de notre organisation sur l’archipel.

La zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon, avec ce potentiel d’évolution, représente, madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, des intérêts scientifiques, géostratégiques, économiques, environnementaux et sociaux de tout premier ordre.

Il s’agit d’un véritable atout pour notre archipel et ses habitants, mais aussi, je le répète, pour la France. Ne laissons pas passer cette occasion unique pour elle de tenir la place qui est la sienne sur l’échiquier mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Leila Aïchi et M. Joël Guerriau applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec une superficie de 11 035 000 kilomètres carrés, la France possède avec l’outre-mer la deuxième plus grande zone exclusive du monde.

La part des départements et collectivités locales d’outre-mer dans ce décompte étant particulièrement importante, il convient, dans ces conditions, de considérer la mise en valeur des ZEE comme une priorité stratégique française et d’accélérer les procédures visant à atteindre cet objectif.