M. Jeanny Lorgeoux. Tout à fait !

M. Jacques Cornano. Vous l’avez compris, à l’heure où nous cherchons toutes les solutions possibles pour sortir les outre-mer, et notamment la Guadeloupe, de la grave situation de crise socioéconomique dans laquelle ils se trouvent, toutes les pistes doivent être exploitées. La mise en valeur des zones maritimes constitue donc un enjeu fondamental pour nos collectivités d’outre-mer.

La pêche est un des axes possibles du développement économique de l’outre-mer. Elle représente un gisement d’emplois, surtout pour les jeunes, pour peu que cette mise en valeur des ZEE soit l’occasion de négocier avec les pays frontaliers de nos départements et collectivités des accords autorisant la pêche dans leurs eaux territoriales.

L’accès à ces eaux est souvent source de conflits.

Je félicite de leur bon travail mes collègues de la délégation sénatoriale à l’outre-mer : le rapport sur les zones économiques exclusives est complet et met notamment en exergue ces problèmes liés à la délimitation des espaces maritimes et à leur surveillance. Il s’agit d’un véritable problème en Guadeloupe, où les frontières de l’espace maritime ne sont pas clairement établies ou respectées et, par conséquent, pas opposables aux pays tiers. La souveraineté française n’y est donc que théorique.

Dès lors, nos ressources naturelles ne sont pas suffisamment protégées et nos pêcheurs se retrouvent exposés à de nombreux dangers et trafics. Des pêcheurs originaires des régions limitrophes viennent illégalement pêcher dans nos mers et nous manquons de moyens pour les en empêcher.

Par ailleurs, la pollution maritime au chlordécone impose aux pêcheurs guadeloupéens, et aux pêcheurs martiniquais, d’aller toujours plus loin en raison des interdictions de pêche dans un certain périmètre des zones françaises, sur des embarcations souvent inadaptées. Ce faisant, ils mettent leur vie en danger et s’exposent à des arrestations, des saisies de leurs bateaux et des amendes par les autorités des pays dans les zones desquelles ils se font arrêter. Tout cela sans compter avec le coût de tels déplacements, eu égard au prix des carburants dans nos départements d’outre-mer. Bref, trop de risques pour une pêche peu rentable.

Cette situation n’est plus tolérable, disent-ils. Des solutions doivent être recherchées à la fois en termes d’effectifs de police, mais aussi d’un point de vue financier, afin d’aider nos pêcheurs à équiper leurs navires et leur permettre de pêcher dans nos eaux en toute sécurité.

En outre, je tiens à souligner, ayant été membre du groupe de travail sur la réforme du code minier présidé par M. Thierry Tuot, que nous avons procédé à de nombreuses auditions portant sur la prise en compte des spécificités ultramarines dans le cadre du projet de rédaction du code. Je précise que les écosystèmes ultramarins sont fragiles. Leur exploration ou exploitation ne doit pas se faire à n’importe quelles conditions, ni dans l’urgence.

Je souhaite le signaler ici, il est important que toute opération menée dans les territoires maritimes soit réalisée dans le plus strict respect des règles du développement durable et notamment des règles environnementales, dont vous connaissez les quatre axes : environnement, économie, social et culture.

Pour conclure, je préciserai que je suis persuadé que les outre-mer doivent recentrer leur développement en se tournant vers la mer, par une exploitation raisonnée et efficiente de leur biodiversité marine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d’abord, d’excuser Frédéric Cuvillier, qui ne peut pas être présent aujourd’hui pour débattre avec vous de l’important sujet qui nous réunit. Comme vous le savez, se tient actuellement à l’Assemblée nationale un débat tout aussi important pour l’avenir et l’actualité de notre pays, le débat sur la réforme ferroviaire.

Mme George Pau-Langevin, ministre. Mon collègue est désolé de ne pouvoir être présent, car ce sujet, qui lui tient à cœur, lui paraît très important.

Pour ma part, je suis ravie d’être parmi vous. Le sujet des zones économiques exclusives françaises, les ZEE, concerne principalement nos outre-mer, puisque 97 % d’entre elles y sont situées. La valorisation de ces richesses potentielles, comme l’ont souligné les différents orateurs, constitue un enjeu important pour ces territoires et, plus largement, pour toute la République française.

Je remercie donc vivement la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi que la délégation sénatoriale à l’outre-mer de s’être intéressées à ces sujets, en y ayant consacré chacune un rapport d’information et en ayant demandé l’organisation de ce débat. J’en profite pour saluer leurs présidents respectifs, Jean-Louis Carrère et Serge Larcher, ainsi que les auteurs de ces deux rapports, qui abordent un sujet finalement mal connu, mais extrêmement important pour le pays.

Dans son intervention, le président Serge Larcher a lancé un appel, en ce jour du 18 juin – ô combien historique ! –, pour que nous ouvrions les yeux et réalisions la chance que nous avons de disposer de pareils potentiels d’innovation. Tout comme lui, tout comme les orateurs qui se sont succédé à la tribune, je tiens à rappeler ce formidable potentiel, cette formidable richesse que constituent nos zones économiques exclusives ultramarines ; j’espère donc que son appel sera entendu.

Au moment de s’exprimer sur la mer, certains introduisent leur propos avec des formules de Charles Baudelaire ou de Victor Hugo. Pour ma part, votre travail, mesdames, messieurs les sénateurs, m’évoque cette phrase d’Antoine de Saint-Exupéry : « Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des hommes le désir de la mer grande et belle ». C’est ce désir que nous devons susciter pour essayer de promouvoir l’importance des zones économiques exclusives et de la politique maritime intégrée, comme s’efforce de le faire, au Gouvernement, Frédéric Cuvillier.

Les différents orateurs ont rappelé des chiffres importants, qui méritent en effet d’être cités : la France possède la deuxième surface maritime mondiale, répartie sur quatre océans, et le premier linéaire maritime européen, d’une longueur totale de 18 000 kilomètres ; l’économie maritime représente 900 000 emplois directs et indirects ; enfin, le pays compte, avec les outre-mer, 564 ports, pour un trafic de 360 millions de tonnes de marchandises, et 55 000 kilomètres carrés de récifs coralliens et de lagons.

La liste est édifiante ; notre travail en la matière est donc important. Avec la délégation sénatoriale à l’outre-mer, avec le Sénat en général, il nous faut donc apprendre à mieux valoriser cette richesse exceptionnelle.

Je salue, à ce titre, le travail réalisé par les sénateurs Jean-Étienne Antoinette, Joël Guerriau et Richard Tuheiava, qui a donné lieu à de nombreuses auditions. Il a permis de recueillir d’institutionnels, d’industriels, de juristes et de scientifiques les informations concernant les activités maritimes qui s’étendent à nos collectivités ultramarines dans un contexte de maritimisation des enjeux. Leur travail dresse un état des lieux très complet, qui pourra servir de référence sur la situation actuelle, les richesses potentielles, et les actions à mener pour que ces dernières deviennent bien « réelles » pour notre pays.

Ce rapport couvre les différents usages de la mer, dans une démarche de politique maritime intégrée, que je souhaite, avec vous, et au nom du Gouvernement, promouvoir. Les activités économiques traditionnelles, les énergies marines renouvelables, les explorations et exploitations offshore d’hydrocarbures, les ressources minérales et minières profondes, les biotechnologies bleues s’effectuent sur le même territoire maritime. Mme Assassi avait donc raison quand elle indiquait, dans son intervention, que là se jouait l’avenir de l’humanité.

La réalité économique, sociale et environnementale de la politique maritime est bien là, les enjeux liés à la situation maritime exceptionnelle de la France en termes de développement durable, dans des espaces qui doivent être mieux connus, mieux protégés, mieux partagés. Je pense notamment à des coopérations régionales dans chacune des zones concernées, mais aussi à la gouvernance mondiale des océans, dans le contexte de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée en 1982, dite « convention de Montego Bay ».

Le rapport détaille dix recommandations. Mais avant de répondre – autant que faire se peut – aux différentes interventions, je voudrais insister sur un élément important, sur cet enjeu cardinal qu’est la mer pour les outre-mer. En effet, les collectivités ultramarines regroupent près de 2,7 millions d’habitants, répartis sur treize territoires aux caractères géographiques, statutaires et culturels profondément distincts. C’est grâce à ces territoires que la France peut étendre sa surface maritime sur quatre océans ; c’est grâce à ce qui représente un sixième du territoire terrestre métropolitain que la France dispose de droits souverains et de droits de juridiction sur le deuxième espace maritime du monde ; c’est grâce aux outre-mer que la France peut afficher 11 millions de kilomètres carrés de domaine maritime.

Je me souviens que, le jour où le gouvernement de Manuel Valls a été nommé, un député européen se plaignait de n’y voir apparaître aucun ministre chargé des affaires européennes, alors qu’il comportait un ministre des outre-mer. À mon sens, les chiffres que je viens de citer peuvent expliquer pourquoi les outre-mer revêtent une telle importance pour notre pays et pour le Gouvernement. Si elle n’est peut-être pas perçue ainsi par l’homme de la rue, il nous revient de la faire mieux connaître.

La France a su être leader mondial dans les domaines stratégiques du nucléaire, de l’aéronautique, du spatial et des télécoms ; elle doit l’être aussi autour d’une politique de la mer. Je crois que la France peut devenir leader mondial dans le développement d’une croissance durable, protectrice et émancipatrice : la croissance bleue. En conjuguant sa compétence technologique, de recherche et d’innovation et sa puissance maritime, elle peut offrir à une planète de 8 milliards d’individus en 2025 un nouveau modèle de développement.

Naturellement, il y a un préalable indispensable, sur lequel de nombreux orateurs ont insisté, de Jean-Louis Carrère, Jeanny Lorgeoux et André Trillard pour la commission des affaires étrangères à Joël Guerriau pour la délégation sénatoriale à l’outre-mer, en passant par Michel Vergoz et Yves Pozzo di Borgo : la France doit pouvoir protéger ses ressources et « assumer ses responsabilités », comme le disait Joël Guerriau, avant même de prétendre exploiter ses ressources.

L’affirmation de la souveraineté française sur les vastes zones économiques dans les outre-mer requiert donc des moyens relevant principalement du ministère de la défense.

Le précédent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en 2008, avait entériné une diminution des effectifs militaires stationnés dans les outre-mer de 23 % entre 2008 et 2020. Cela était acté lors de l’arrivée aux responsabilités de la nouvelle majorité. Le Livre blanc de juin 2013 a ainsi fait le constat d’un risque important de rupture capacitaire à court et moyen termes dans les outre-mer, tant dans le domaine maritime que dans le domaine aérien, qui pourrait conduire l’État à ne plus pouvoir remplir de façon appropriée l’ensemble des missions qui lui incombent dans ces territoires, y compris la mission de souveraineté.

L’État s’est donc fixé pour objectif de résoudre ces problèmes capacitaires par un dimensionnement adapté du dispositif militaire, une montée en puissance des capacités civiles, et un recours accru à la mutualisation des capacités. Comme l’a rappelé le président Carrère, le Livre blanc de la défense a permis de mettre davantage en exergue les enjeux maritimes actuels.

Des décisions récentes ont ainsi permis de répondre à une partie de ces enjeux. L’acquisition de trois bâtiments multidimensions par le ministère de la défense a été rappelée. D’autres arbitrages doivent encore être rendus, dans le contexte budgétaire contraint que vous connaissez.

Cela a été souligné, la question la plus urgente est celle des capacités militaires dans l’océan Indien, et plus particulièrement dans le canal du Mozambique (M. Jean-Louis Carrère opine.), lequel connaît un regain d’intérêt et une recrudescence d’incursions, qui menacent notre souveraineté sur les îles Éparses.

La surveillance et la police des pêches dans la zone maritime de l’océan Indien est donc une préoccupation importante du ministère des outre-mer ; je tiens à rassurer Thani Mohamed Soilihi, Abdourahamane Soilihi et Michel Vergoz sur ce point. L’Osiris effectue actuellement des missions de police des pêches dans la zone, et ce dispositif est sécurisé jusqu’à la fin de l’année 2016. Je tiens également à souligner la forte implication des services de l’État en Guyane pour lutter, en lien avec les autorités brésiliennes, contre la pêche illégale. Vous le savez, des actions exemplaires y ont été menées récemment. Néanmoins, comme pour l’orpaillage clandestin, nous sommes confrontés en la matière à des difficultés récurrentes, qu’il nous est difficile de résoudre.

En tout état de cause, vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement oppose une réponse ferme, dans la mesure de ses moyens, naturellement, aux prétentions d’exploitation sans titre (M. Jean-Louis Carrère opine.) des ressources pétrolifères. Cette protection de nos ressources passe naturellement, cela a été rappelé, par une délimitation clairement établie de la limite de nos zones économiques exclusives. C’est une préoccupation que je réaffirme, à la suite de mon prédécesseur à ce poste.

Le Secrétariat général de la mer doit animer, avec le ministère des affaires étrangères, cet important travail de délimitation de tous nos espaces maritimes, ce qui n’avait peut-être pas été entrepris de manière assez méthodique auparavant. C’est dans ce cadre que le Gouvernement a pris plusieurs décrets de délimitation de nos lignes de base, travail indispensable pour ensuite fixer par décret les limites de nos autres espaces maritimes comme la mer territoriale, la zone économique exclusive et le plateau continental. En 2013, quatre décrets ont fixé les lignes de base de Wallis-et-Futuna, Amsterdam, Saint-Paul et Mayotte. Pour 2014, la priorité a été donnée à la fixation de toutes les lignes de base des espaces sous juridiction de la France dans la zone maritime sud de l’océan Indien.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous prenons cette question très au sérieux. J’ai bien entendu, d’ailleurs, le rappel par Jeanny Lorgeoux de la parabole biblique, qui nous incite à être vigilants sur ce sujet. (Sourires.)

J’en viens maintenant aux recommandations du rapport de la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

Ces recommandations portent en premier lieu, et c’est bien logique, sur la gouvernance nationale de la mer. Pas de politique forte sans gouvernance nationale claire, qui dépasse les clivages sectoriels traditionnels.

L’une des préconisations fortes du rapport est d’instaurer une instance capable de fédérer toutes les questions relatives à la mer, et de donner ainsi une réelle impulsion pour définir et mettre en œuvre une stratégie maritime intégrée.

À l’issue du travail mené sur ce sujet par le Comité interministériel de modernisation de l’action publique, le CIMAP, un comité interministériel de la mer, ou CIMER, s’est tenu le 2 décembre dernier sous la présidence du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, au cours duquel la création d’une délégation à la mer et au littoral a été décidée. L’ambition de cette nouvelle structure est d’être la clef de voûte de la politique maritime intégrée. Une rupture est attendue avec le fonctionnement actuel, tant par les services de l’État que par les usagers.

Cette délégation sera certes ministérielle, mais elle aura pour rôle de coordonner toute la politique maritime intégrée. Compte tenu de la place importante des outre-mer dans cette politique, j’ai plaidé auprès de Frédéric Cuvillier pour qu’un préfet les connaissant bien soit nommé à sa tête. Ce profil me semble le plus à même de prendre le recul nécessaire sur les politiques sectorielles pour mieux appréhender le fait maritime.

La deuxième partie de vos recommandations concerne la valorisation des zones économiques exclusives. Je retiens la possibilité pour chaque collectivité de disposer d’un outil de gouvernance locale permettant de prendre en compte les enjeux de la zone concernée et de coordonner les acteurs, ainsi que la nécessité d’associer étroitement les collectivités aux actions de coopération régionale relatives à la gestion des ressources marines, de stabiliser la réglementation pour permettre aux investisseurs et aux industriels de développer leur activité et, enfin, de promouvoir la structuration des activités marines en filière intégrée.

Comme le président Serge Larcher et d’autres orateurs l’ont souligné, les outre-mer sont, historiquement et culturellement, orientés vers leurs territoires terrestres : dans leur histoire, les grandes villes tournaient le dos à la mer. Nous devons infirmer cela et permettre aux collectivités d’outre-mer ainsi qu’à leurs élus de s’intéresser davantage à un tel potentiel.

Le Conseil national de la mer et des littoraux, le CNML, qui a été installé et s’est réuni pour la première fois le 18 janvier 2013, participera à l’élaboration des orientations de la politique maritime nationale. À l’échelon local, les périmètres de la gouvernance sont les façades maritimes en métropole et les bassins maritimes en outre-mer. Le conseil maritime de façade en métropole et le conseil maritime de bassin outre-mer sont chargés de définir les enjeux et priorités de la zone maritime concernée, ainsi que d’établir la politique maritime intégrée locale dans le document stratégique de façade en métropole et dans le document stratégique de bassin maritime en outre-mer.

Pour les outre-mer, la gouvernance maritime locale est en pleine évolution : le décret du 13 mai 2014 l’organise en instaurant les conseils maritimes ultramarins et les documents stratégiques de bassin maritime.

Je le rappelle, quatre bassins ont été définis en outre-mer : le bassin « Antilles » regroupant la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ; le bassin « sud océan Indien » englobant La Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises – TAAF –, et Mayotte ; le bassin « Guyane » ; le bassin « Saint-Pierre-et-Miquelon ».

La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, qui exercent des compétences propres en matière maritime, environnementale, économique et littorale, ne sont pas concernées par le dispositif.

Toutefois, les territoires sont étroitement associés aux actions de coopération régionale en matière de gestion des ressources marines. Par exemple, pour ce qui concerne les organisations régionales de gestion des pêches, la France est partie prenante à une dizaine d’organisations au titre des collectivités ultramarines ayant le statut de pays et territoires d’outre-mer, ou PTOM : elle y siège en tant que délégation France-territoires, indépendamment de l’Union européenne, qui défend les intérêts de la métropole et des régions ultrapériphériques.

D’autres territoires, et je pense évidemment à Saint-Pierre-et-Miquelon, ne nous ont pas attendus pour penser leur développement maritime.

Après avoir reçu le 24 juillet dernier les deux parlementaires de l’archipel, dont Karine Claireaux ici présente, le Président de la République, François Hollande, a annoncé le dépôt d’un dossier devant la Commission des limites du plateau continental des Nations unies, dépôt désormais effectué, comme l’ont rappelé Mme Claireaux et M. Mézard.

C’est un dossier décisif pour l’avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon, même si ce n’est évidemment pas le seul sur lequel vous appelez aujourd'hui notre attention.

L’avenir de l’archipel, j’en ai conscience, repose pour une large part sur son ouverture maritime. Le siècle qui s’est ouvert sera celui de la mer. Saint-Pierre-et-Miquelon doit donc pouvoir profiter pleinement des avantages territoriaux qui sont les siens.

La mise en valeur des ressources qu’offre l’océan est indispensable. Nous sommes par conséquent déterminés à poursuivre le soutien à la filière pêche. Je pense en particulier au pôle de Miquelon, vis-à-vis duquel des engagements ont été pris par mon prédécesseur ; j’entends bien les honorer. Je pense évidemment aussi à Saint-Pierre, dont l’activité doit pouvoir être relancée. D’ailleurs, il est difficile de ne pas avoir ce sujet en tête tant les élus, à commencer par Mme Claireaux, nous en rappellent périodiquement l’importance.

Il faut saisir le potentiel de développement que procure la mer, ce qui suppose aussi de se doter des infrastructures adaptées. Le port de Saint-Pierre, port français aux portes de l’Amérique du Nord, dispose d’atouts dont il doit profiter au mieux. Le ministère a contribué à en assurer la promotion l’an passé. Nous devons poursuivre cet effort. Il faut encourager les activités de plaisance, de croisière et de carénage, et par là même la localisation d’activités et d’emplois. Les petites victoires que l’on peut obtenir au quotidien sont évidemment importantes.

Un certain nombre d’orateurs, notamment Mme Aïchi, bien sûr, et M. Laufoaulu, sont intervenus sur le développement durable et la protection de la biodiversité. De nombreux projets transversaux existent outre-mer et associent les collectivités. Je mentionne le sanctuaire AGOA des mammifères marins dans l’espace Caraïbe ou le projet CARET2 de conservation des tortues marines au niveau du plateau des Guyanes.

Pour l’océan Indien, le sénateur Thani Mohamed Soilihi a évoqué la gestion des deux parcs naturels, celui de Mayotte et celui des Glorieuses, dont les périmètres se jouxtent. La fusion des deux parcs ne nous semble pas opportune dans l’immédiat. En revanche, il est indispensable que les synergies se renforcent, afin d’assurer une cohérence technique des plans de gestion et des actions engagées. Il me semble d’ailleurs que c’est déjà largement le cas, puisque le président du Parc naturel marin de Mayotte et les représentants de la pêche artisanale mahoraise siègent au conseil du Parc des Glorieuses.

J’en viens aux collectivités du Pacifique. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française disposent des compétences de gestion, de protection et de valorisation des ressources marines. À ce titre, elles peuvent prendre part directement aux projets régionaux de coopération dans le domaine de la gestion des ressources marines. Ainsi, le 23 avril dernier, le parc naturel de la mer de Corail a été créé en Nouvelle-Calédonie. Il constitue la plus grande aire marine protégée de France.

Je termine sur la valorisation des ZEE en évoquant le code minier, que certains intervenants, notamment MM. Mézard et Cornano, ont évoqué. Comme le soulignent à juste titre les auteurs du rapport, les partenaires privés ont besoin d’un cadre normatif et financier stable et attractif pour mener des projets d’exploration et d’exploitation, qui comportent par nature d’importants risques financiers.

La réforme du code minier a été annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale en 2012. Comme vous le savez, M. Thierry Tuot a été désigné à cette fin. Les travaux se poursuivent depuis cette date et avancent avec sérieux. Je souhaite comme vous que nous puissions aboutir rapidement pour adopter une réglementation adaptée aux contextes fiscal, économique et juridique des ZEE et garantissant un juste retour aux territoires.

Bien entendu, la réforme s’effectuera en étroite concertation avec les territoires. À cet égard, les inquiétudes que M. Laufoaulu et Mme Aïchi ont exprimées doivent, je le crois, être respectées.

Le troisième et dernier ensemble de vos recommandations – je suis un peu longue, mais c’est parce que, le rapport étant très complet, je tiens à vous répondre de manière exhaustive – concerne la promotion de l’économie bleue, autour de la nécessité de prendre en compte les impératifs de gestion durable et de valorisation des ressources dans le futur code minier, du soutien de l’Union européenne pour la valorisation de nos ZEE et du rôle moteur de la France pour la mise en place d’une gouvernance mondiale des océans. Dans son intervention, M. Antoinette a parfaitement rappelé l’ensemble des potentialités qu’offrent les ressources des ZEE ultramarines pour répondre, notamment, au défi énergétique.

Le CIMER du 2 décembre 2013 a confié à différents ministères la définition et le pilotage d’un programme national de recherche et d’accès aux ressources minérales des grands fonds marins, associant en particulier l’IFREMER, le CNRS, les universités, les industriels et les autres ministères concernés. Il doit s’inscrire dans le droit fil du rapport d’Anne Lauvergeon pour le soutien à l’innovation majeure.

Par ailleurs, et M. Pozzo di Borgo l’a rappelé, au moment où les ressources terrestres sont effectivement en train de s’épuiser, chacun est conscient de l’importance des ressources minérales profondes.

Nous le savons, dans le domaine maritime, les profondeurs sont prometteuses en cuivre, zinc, plomb, or ou argent et en terres rares. Des permis d’exploration sont attribués par l’Autorité internationale des fonds marins pour quinze ans à l’IFREMER, dont le président signera prochainement un contrat d’exploration des amas sulfurés. Autrement dit, nous avons la réalisation prévue de trois campagnes océanographiques sur les quinze ans à venir, dont une première campagne dès 2016.

Les ressources maritimes de la France sont aussi biologiques. Le développement des filières de pêche et d’aquaculture constitue un enjeu important pour les outre-mer. Je remercie Mme Herviaux d’avoir rappelé cet élément dans son intervention.

Vous avez aussi souligné la nécessité d’un soutien fort de l’Union européenne aux politiques maritimes : MM. les sénateurs Jean-Étienne Antoinette, Jacques Cornano et Abdourahamane Soilihi ont évoqué les difficultés du secteur.

À ce titre, le Gouvernement s’est montré particulièrement actif auprès des instances européennes dans le cadre de la nouvelle programmation des fonds européens pour la période 2014-2020, afin d’obtenir un soutien maximal pour la valorisation de nos ZEE.

Cela se traduit nomment par le concours du Fonds européen pour les affaires maritimes et pour la pêche, le FEAMP, aux actions engagées dans les régions ultrapériphériques tant en matière de soutien aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture que pour les actions engagées au titre de la politique maritime intégrée – acquisition de connaissances, innovation…

Les fonds alloués aux outre-mer sont ainsi en très nette augmentation par rapport à la période 2007-2013.

Le projet de règlement FEAMP, qui fixe le cadre réglementaire de la politique commune de la pêche pour la période de programmation 2014-2020, est aussi porteur d’avancées majeures pour les outre-mer.

Je les cite rapidement : l’introduction de l’article 349 du TFUE dans les visas du règlement, la mise en œuvre d’un régime de compensation des surcoûts doté d’enveloppes importantes, soit 12,35 millions d'euros par an pour les cinq RUP, l’augmentation du taux de cofinancement, passant de 75 % dans le cadre du FEP à 85 % dans le cadre du FEAMP, la possibilité d’adosser des aides d’État en faveur du secteur de la pêche et de l’aquaculture dans les RUP, la mise en place de fonds de mutualisation en cas de phénomènes climatiques ou environnementaux, le financement des dispositifs de concentration de poissons ancrés.

Les moyens pour les outre-mer sont en hausse sensible. Comme je l’ai dit, 86 millions d'euros sur sept ans serviront à compenser les surcoûts de production et de commercialisation. Par ailleurs, une fraction de l’enveloppe attribuée à la France pour le financement de la pêche, soit 588 millions d'euros sur sept ans, permettra de développer une politique ambitieuse au soutien du développement du secteur, du contrôle des pêches, de la politique maritime intégrée....

Les PTOM n’ont pas été oubliés puisque le fonds européen de développement, le FED, qui peut contribuer à financer des actions en faveur de la filière pêche, est également en hausse sensible.

Sur le sujet spécifique de la pêche à Wallis-et-Futuna, dont M. Laufoaulu a parlé, les autorités françaises envisagent avec les autorités américaines un accord de pêche. Les négociations sont en cours. L’idée qui sous-tend cette démarche est à la fois de permettre une meilleure connaissance des possibilités offertes par la zone de pêche, à ce jour mal connues, comme vous l’avez rappelé, tout en s’assurant des retombées financières pour le territoire.

Je souhaite conclure mon propos en évoquant, comme l’a également fait Mme Éliane Assassi, le contexte international.

La France est bien entendu partie prenante aux instances internationales dont il est question directement ou indirectement dans le rapport d’information de la délégation sénatoriale à l’outre-mer : le processus des Nations unies sur la négociation de la résolution annuelle sur le droit de la mer, le processus consultatif sur l’évaluation des océans, la réunion des États parties à la Convention de Montego Bay, la préparation d’une décision de la 69e assemblée générale des Nations unies en vue de la négociation d’un accord d’application de la convention de Montego Bay sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité en haute mer, et l’Autorité internationale des fonds marins.

Par sa présence active dans ces instances de concertation et de suivi, la France continuera à porter la voix d’une politique maritime intégrée, source de croissance durable pour les populations, dans le respect de cet environnement maritime exceptionnel et encore trop peu connu à l’heure actuelle.

Je vous remercie de votre attention et d’avoir, par l’organisation de ce débat, mis en valeur cette richesse que constituent pour notre pays les zones économiques exclusives ultramarines. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP. – Mme Leila Aïchi applaudit également.)