M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce sujet est révélateur des contradictions qui existent au sein du parti socialiste, et entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Mme Nicole Bricq. Vous n’en avez pas, vous, bien sûr !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Me permettez-vous de commenter cet amendement, ma chère collègue ?

Mme Nicole Bricq. La contradiction, c’est la vie !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous vous retrouvons, ma chère collègue ! Vous nous aviez manqué, même si ce fut pendant relativement peu de temps… (Sourires ironiques sur les travées de l'UMP.)

À juste titre, avec cet amendement, le rapporteur général s’oppose à sa collègue de l’Assemblée nationale qui a cru astucieux de modifier les données pour laisser croire qu’il serait possible de faire moins d’efforts d’économies. C’est bien ce qui a motivé le dépôt de l’amendement qui a été adopté à l’Assemblée nationale.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En répartissant différemment les éléments entre ce qui est conjoncturel et ce qui est structurel, on oriente la politique économique et on peut définir de manière différente les efforts à réaliser pour contenir, voire réduire les finances publiques.

Je le maintiens, le rapporteur général a eu raison de revenir au texte initial du Gouvernement. Il s’agit d’éviter que la France ne soit prise en flagrant délit de manipulation de méthode et d’interruption de la continuité de la cohérence des séries.

À l’occasion de ce débat, rappelons-nous que les notions économiques complexes dont nous parlons, qui nécessitent un éclairage objectif par un Haut Conseil des finances publiques, sont inévitablement d’un maniement lui-même complexe, à la fois pour l’exécutif et pour le législatif, et d’un abord ingrat pour l’opinion publique. Pour autant, il faut en passer par là, car c’est la mesure commune qui s’impose à l’ensemble des budgets de l’Union européenne, plus particulièrement de la zone euro. C’est l’un des outils de la convergence et de la cohérence entre les pays qui partagent une même monnaie.

Il n’en reste pas moins que, pour faire comprendre à nos concitoyens ce qui se passe et à quel point il est nécessaire de les faire participer à l’effort d’assainissement des finances publiques, PIB potentiel, efforts structurels sont d’un secours assez limité. (M. le ministre sourit.) Ces notions, il faut en convenir – je vous vois sourire, monsieur le ministre –, trouvent difficilement leur place dans le débat public.

Même si ces notions sont indispensables et représentent un instrument de mesure commun, un thermomètre qu’il faut respecter en tant que tel, il serait opportun de conserver une appréciation du solde effectif, car les économies ne se mesurent pas seulement par rapport à une tendance. Certes, monsieur le secrétaire d'État, vous avez très justement rappelé que cette méthode était appliquée depuis un certain nombre d’années, ce que je ne conteste pas, mais, pour rendre compte de la réalité de façon intelligible, il n’existe que cette présentation : il y avait tant de crédits en 2013, il y en a tant en 2014 en euros courants. C’est la seule façon de montrer qu’il y a véritablement un effort, que l’on demande – pardonnez-moi de le dire – quelques sacrifices à tel ou tel dispensateur de l’argent public.

Au demeurant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, s’il est bien un domaine où vous agissez ainsi, c’est celui des collectivités territoriales : les dotations diminuent bien en euros courants. De ce point de vue, vous utilisez la bonne méthode, si j’ose dire, puisque vous commencez par articuler le montant de la baisse. Cela constitue, au moins pour le budget de l’État, une véritable économie.

Je conclurai en revenant sur le reproche que je formulais à l’adresse du Gouvernement dans la discussion générale. Pour la programmation de nos finances publiques dans les années à venir, il est indispensable d’avoir une prévision des mesures en recettes avec leur rendement en euros et des mesures en dépenses avec leur appréciation en euros, et non en fractions de point de PIB, unités qui, il faut en convenir, sont d’un maniement assez technique et complexe.

Dans l’immédiat, je pense que l’initiative du rapporteur général est opportune et s’inscrit dans le droit fil des méthodes à poursuivre.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article liminaire, modifié.

(L'article liminaire est adopté.)

(M. Jean-Claude Carle remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

RESSOURCES AFFECTÉES

Article liminaire
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2014
Articles additionnels après l'article 1er (début)

Article 1er

I. – Les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts bénéficient, au titre de l’imposition des revenus de l’année 2013, d’une réduction d’impôt sur le revenu lorsque le montant des revenus du foyer fiscal défini au 1° du IV de l’article 1417 du même code est inférieur à 14 145 € pour la première part de quotient familial des personnes célibataires, veuves ou divorcées et à 28 290 € pour les deux premières parts de quotient familial des personnes soumises à imposition commune. Ces limites sont majorées de 3 536 € pour chacune des demi-parts suivantes et de la moitié de cette somme pour chacun des quarts de part suivants.

II. – Le montant de la réduction d’impôt est égal à 350 € pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et à 700 € pour les contribuables soumis à imposition commune.

Par dérogation, pour les contribuables mentionnés au I du présent article dont le montant des revenus défini au 1° du IV de l’article 1417 du code général des impôts excède 13 795 € pour la première part de quotient familial des contribuables célibataires, veufs ou divorcés et 27 590 € pour les deux premières parts de quotient familial des contribuables soumis à imposition commune, ces limites étant majorées de 3 536 € pour chacune des demi-parts suivantes et de la moitié de cette somme pour chacun des quarts de part suivants, le montant de cette réduction d’impôt est limité à la différence entre la limite de revenu applicable mentionnée au I du présent article et le montant de ces revenus.

La réduction d’impôt s’applique sur le montant de l’impôt sur le revenu calculé dans les conditions fixées à l’article 197 du même code.

III. – Le 5 du I du même article 197 est applicable.

La réduction d’impôt n’est pas prise en compte pour l’application du plafonnement mentionné à l’article 200-0 A du même code.

M. le président. L'amendement n° 140, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Lorsque le Président de la République a annoncé le pacte de responsabilité au début de l’année, il m’a semblé entendre, à l’instar de nombreux commentateurs, qu’il souhaitait d’abord et avant tout restituer des marges aux entreprises et mettre l’accent sur ce que l’on appelle la politique de l’offre. En effet, ces marges sont aujourd'hui si faibles que cela pénalise fortement l’investissement et la création d’emplois.

J’ai été très surpris, lorsque j’ai entendu le Premier ministre annoncer, juste avant les élections européennes, un geste en faveur des personnes à revenus modestes. On en voit aujourd’hui la traduction dans ce projet de loi de finances rectificative. C’est presque d’ailleurs l’unique motivation de ce texte, puisque, pour le reste, il ne s’agit que de simples ajustements.

Pour ma part, je m’attendais plutôt à des dispositions en faveur des entreprises. De ce point de vue, on ne voit que la prolongation, une année de plus, de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés.

Nous avons appris que la disposition en faveur des ménages aux revenus modestes, qui me semblait aussi exceptionnelle, allait finalement devenir pérenne, et qu’elle serait cette année financée grâce aux amendes payées par les riches fraudeurs ; sur le plan moral, il n’y a rien à redire. Néanmoins, si cette mesure est appelée à devenir pérenne, comment la financer durablement sinon par l’emprunt ? Or je ne suis pas favorable au financement de cadeaux fiscaux par ce biais.

Le financement de cette mesure n’est pas assuré de manière pérenne et cela me gêne. Qui plus est, il s’agit d’une mesure destinée à corriger un certain nombre d’effets des excès fiscaux que vous avez vous-même provoqués, avec la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Valérie Rabault, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a très bien montré dans son rapport que de nombreux foyers se retrouvaient imposables du fait de vos décisions.

À mon sens, tout le monde devrait payer des impôts, même s’il s’agit de montants très faibles, liés à des revenus très faibles. J’ai un fils qui est en contrat en alternance. L’année dernière, en percevant le SMIC, il a gagné environ 14 000 euros. D’après mes calculs, il aurait dû payer entre 200 euros à 300 euros d’impôt. Il ne les paiera finalement pas.

Mme Nicole Bricq. Il paie la TVA !

M. Vincent Delahaye. Pour autant, je n’aurais pas trouvé cela anormal.

C'est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de suppression de l'article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, l’avis est un peu complexe dans sa formulation. (Sourires.)

À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement de suppression. En effet, la réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu proposée par le Gouvernement bénéficiera à près de 3 700 000 de ménages, dont 1 900 000 deviendront non imposés. Cette mesure correspond au total à une restitution de pouvoir d’achat de 1,16 milliard d’euros, financée par les bons résultats de la lutte contre la fraude fiscale. Elle est simple, lisible et d’effet immédiat. De plus, elle n’exclut pas une réforme de fond de l’impôt sur le revenu, que le Gouvernement a annoncée pour 2015. Il me semble donc tout à fait de bon sens de mettre en œuvre une telle disposition.

C’est cette position que j’ai soumise à la commission des finances. Malheureusement, celle-ci s’est majoritairement prononcée en faveur de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet bien sûr un avis défavorable sur cet amendement de suppression. En effet, comme cela a été évoqué lors de la discussion générale, l’article 1er justifie en partie ce projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Je formulerai deux remarques.

En premier lieu, monsieur Delahaye, vous affirmez que ce texte ne contient pas de mesures favorables aux entreprises, hormis le report à l’année prochaine de la fin de la « surtaxe » à l’impôt sur les sociétés. J’ai eu l’occasion de souligner au cours de la discussion générale qu’il fallait considérer globalement le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. En effet, la Constitution nous oblige à avoir deux textes différents s’agissant de deux sujets différents.

Dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, dont vous connaissez la teneur, le Gouvernement proposera la suppression d’une première part de la C3S, pour 1 milliard d’euros. À ce propos, je précise, parce que je ne l’ai pas encore fait, qu’elle sera mise en place à la faveur d’un abattement d’assiette de 3 millions d’euros sur le chiffre d’affaires des entreprises. Elle profitera donc mécaniquement aux petites entreprises, du moins aux plus petites de celles qui payent la C3S ; cela représente 200 000 entreprises sur les 300 000 qui paient aujourd’hui la C3S, soit les deux tiers. Est également prévue une mesure à hauteur de 4,5 milliards d’euros d’allégement de cotisations sociales pour les entreprises sur les salariés. C’est la mesure dite « zéro charge payée à l’URSSAF » au niveau du SMIC, l’exonération étant dégressive entre 1 SMIC et 1,6 fois le SMIC. Ces mesures lourdes – 1 milliard d’euros, d’un côté, et 4,5 milliards d’euros, de l’autre – se trouvent dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

En second lieu, on peut polémiquer sur les raisons qui ont conduit un certain nombre de contribuables à entrer dans l’impôt sur le revenu et sur l’opportunité qui consiste à permettre à certains d’en être complètement exonérés. Un certain nombre de raisons sont imputables à la précédente majorité : la demi-part des veuves, le gel successif du barème de l’impôt sur le revenu. D’autres mesures ont été prises après l’alternance. Le Gouvernement souhaite revenir en arrière pour éviter que trop de contribuables ne deviennent imposables. Le débat – qui paie l’impôt sur le revenu, la TVA, la CSG ? – est extrêmement intéressant.

Pour en revenir au financement de cette mesure, je doute que l’ensemble des dossiers traités par le service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, le soient cette année. En outre, comme je l’ai mentionné au cours de la discussion générale, un élargissement de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est à attendre, qui, à mon avis, servira à financer une part, pas la totalité, du coût de cette mesure. Nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Après les vacances, les Français vont recevoir leur feuille d’impôt. Or, si des exonérations sont prévues, à la marge, dans ce texte, il n’en demeure pas moins que l’impôt sur le revenu augmentera, pour 3 à 5 milliards d’euros supplémentaires.

Dans le même temps, 95 % des 9 millions de salariés effectuant des heures supplémentaires seront touchés par la suppression de la défiscalisation et perdront de ce fait 500 euros en moyenne par an. Par ailleurs, 7 millions de retraités au minimum se retrouveront imposables et verront leur retraite amputée de facto. Et je ne ferai qu’ n’évoquer la fiscalisation des majorations de pension de 10 % des retraités ayant élevé trois enfants ni l’inclusion dans l’assiette de l’impôt sur le revenu des complémentaires santé.

En réalité, le Gouvernement ne souhaitant pas revivre ce qu’il a connu à la dernière rentrée – et on le comprend –, un certain nombre de mesures ponctuelles ont été prises. Si elles vont à notre avis dans le bon sens, elles ne bénéficient cependant pas aux couches moyennes de la société française : le Gouvernement a choisi, et ne sont concernés que les ménages dont le revenu fiscal de référence n’excède pas 1,1 SMIC, soit 3,7 millions de ménages sur les 36 millions de foyers fiscaux que compte notre pays.

Pour notre part, nous considérons que votre approche de la classe moyenne est fausse. Ceux qui touchent 1,2 SMIC ou plus n’auront que le droit de payer totalement leurs impôts et toutes les charges qui vont avec !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, les classes moyennes jouent, en général, dans ce pays, le rôle de stabilisateurs de la République, pour ne pas dire de la démocratie - en général, mais vous avez pu, avec nous, constater, lors des dernières élections européennes, les dégâts qui peuvent résulter a contrario. Il était donc selon nous indispensable d’étendre ce dispositif à une tranche beaucoup plus large, de 10 à 12 millions de foyers fiscaux.

Du fait de cette approche erronée de la réalité des classes moyennes, le dispositif que vous proposez est nettement insuffisant.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous soutiendrons et voterons l’amendement de nos collègues de l’UDI-UC.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Partageant totalement le point de vue de notre collègue, je vais tenter de ne pas répéter ce qu’il a fort bien dit.

Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Vincent Delahaye d’avoir déposé cet amendement. Nous savons tous que l’article 1er est en général celui qui donne le sens d’un texte. Ainsi, dans le projet de loi relatif à la délimitation des régions, que nous avons examiné la semaine dernière, l’article 1er était le plus important. Vous avez vu quel sort lui a réservé notre assemblée. Peut-être l’article 1er du projet de loi de finances rectificative connaîtra-t-il le même…

Cela étant, je me demande si le texte que nous examinons est toujours nécessaire. En effet, si, comme le Président de la République l’a proclamé lors de la conférence sociale, s’aidant d’un grand geste de la main, la crise est terminée, ce n’est peut-être plus la peine de se donner tant de mal pour essayer de trouver des solutions afin de relancer notre activité et notre économie !

L’article 1er du projet de loi de finances rectificative prévoit une mesure de pouvoir d’achat. Si l’objectif est louable, le moyen choisi n’est pas le plus pertinent.

L’objectif est louable, même s’il met en évidence les revirements de position incessants de la majorité, qui, après avoir assommé fiscalement les Français pendant deux ans, fait aujourd'hui machine arrière et décide de leur rendre une partie de ce qu’elle leur avait prélevé !

Pour autant, le moyen n’est pas pertinent, pour les raisons qui ont été avancées par notre collègue Francis Delattre. Les classes moyennes sont en effet totalement laissées de côté. Ainsi, un couple qui gagne entre 2 400 et 3 500 euros par mois ne sera pas concerné par la baisse de la fiscalité au titre de l’impôt sur le revenu. En outre, ceux qui sortiront de l’impôt ne seront pas forcément exactement ceux qui y sont rentrés. Cela pose un certain nombre de problèmes.

La véritable justice fiscale serait de rétablir ce que vous avez supprimé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, afin que chacun se retrouve dans la situation qui était la sienne antérieurement.

Je rappelle que, à l’automne prochain, la hausse de la fiscalité qui a été votée ces dernières années sera durement ressentie, notamment par les classes moyennes, qui ne bénéficieront d’aucune mesure en faveur du pouvoir d’achat.

Ainsi, la fiscalisation des heures supplémentaires touchera plus durement encore les 8 millions de salariés concernés, puisque, en 2014, elle portera sur les revenus, donc sur les heures supplémentaires, de l’année 2013 tout entière, alors que, en 2013, seuls quelques mois de l’année 2012 avaient été pris en compte, la loi ayant été promulguée en août. Cette année, l’impôt sera donc plein pot pour les contribuables qui bénéficiaient de cet avantage fiscal !

De surcroît, la réduction d’impôt proposée par le Gouvernement aura un coût pour les finances publiques, 1,1 milliard d’euros, soit à peu près ce que coûtait l’avantage sur les heures supplémentaires, 1 milliard d’euros. Cependant, si l’on compare, il faut comparer tout : la défiscalisation des heures supplémentaires concernait 8 millions de salariés, alors que le dispositif proposé à l’article 1er ne touchera que 3,7 millions de Français. Il était donc facile de rétablir cette mesure.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous pensons qu’il n’est pas bon de vous suivre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État. Nous voterons donc bien évidemment cet amendement de suppression présenté par notre collègue Vincent Delahaye.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

M. Gaëtan Gorce. Je remercie nos collègues Vincent Delahaye et Éric Doligé : quand je vois ce que fait le Gouvernement, je me pose parfois des questions, mais, quand j’entends l’opposition, je m’y retrouve ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous voyez que l’opposition est utile !

M. Gaëtan Gorce. Vous qui avez voté sans hésitation le bouclier fiscal (M. Vincent Delahaye fait un signe de dénégation.), vous n’aviez pas à l’époque manifesté une très grande émotion en pensant aux injustices qu’il pouvait créer. Vous qui désignez pour vous exprimer en votre nom M. Dassault, qui propose tout simplement de supprimer la progressivité de l’impôt – Joseph Caillaux a dû se retourner plus d’une fois dans sa tombe en l’entendant ! –, vous faites preuve d’une grande cohérence en proposant aujourd'hui d’empêcher les plus modestes des Français de bénéficier de cette mesure fiscale.

Je vous remercie donc de m’aider à retrouver un peu mes esprits dans ces débats économiques que je trouve déjà suffisamment compliqués, car, pour le coup, je les trouve d’une très grande clarté !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite faire un commentaire d’ordre purement budgétaire.

L’article 1er du collectif budgétaire crée, sans doute de façon durable – sinon, on ne comprendrait pas la finalité du dispositif –, une dépense supplémentaire de 1,16 milliard d’euros. La décision en la matière a été prise et annoncée très vite, en l’espace de quelques semaines. Cette amélioration du barème, qui vous semble tout à fait évidente aujourd'hui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, et qui est approuvée avec beaucoup de conviction par notre collègue Gaëtan Gorce, par exemple, ne faisait pas partie de l’analyse qui avait prévalu lors de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2014, il n’y a pourtant que quelques mois.

Alors qu’on nous dit que ce pays fait des efforts en vue d’assurer la convergence de ses finances publiques, je m’interroge sur le financement de cette mesure.

Fort opportunément, vous avez trouvé une plus-value de 1 milliard d’euros au titre des recettes issues des rapatriements de capitaux par rapport à l’estimation qui en avait été faite dans la loi de finances initiale. De manière extrêmement habile, vous dites que les retours des personnes qui détenaient des capitaux à l’étranger vous permettent d’alléger la charge de ces ménages modestes pour lesquels vous avez, dites-vous, un intérêt incontestable.

Pour en revenir à des considérations de rigueur budgétaire pure, il est préférable qu’en face d’une dépense permanente il y ait une recette elle aussi permanente. Or je me demande jusqu’à quel point la recette issue des rapatriements de capitaux sera permanente. Mon collègue Gilles Carrez a posé quelques questions à ce sujet lors du débat à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, nous allons nous-mêmes, monsieur le secrétaire d’État au budget, vous questionner plus précisément en ce domaine.

Ainsi, si cette plus-value comporte, par exemple, le produit de pénalités, celles-ci ne vont pas se reproduire. Dans le rapatriement des capitaux et parmi les recettes qu’il engendre, quelle part doit-elle être considérée comme récurrente et quelle part est-elle, si j’ose dire, « one shot » ?

Je pense que cette démonstration n’a pas encore été faite. En tout état de cause, il serait utile que vous nous éclairiez sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d’être parmi vous pour appuyer le secrétaire d’État chargé du budget dans cette discussion importante.

Contrairement à ce que j’entends dire ici ou là, l’analyse du Gouvernement sur la situation macroéconomique et sur les besoins de notre économie n’est pas en noir ou blanc. Ce n’est pas soit l’offre, soit la demande, soit les entreprises, soit les ménages.

Nous pensons que les entreprises ont aujourd'hui un problème considérable que nous qualifierons de « problème de compétitivité », c’est-à-dire de capacité non seulement à faire face à la demande en France - les Français vont parfois acheter les produits à l’extérieur –, mais aussi à vendre leurs produits à l’extérieur.

Dans un contexte de concurrence internationale, nos entreprises sont insuffisamment armées. Leur situation se dégrade de manière continue, non pas depuis deux mois ou deux ans, mais depuis plus de dix ans. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre une politique qui leur redonne des capacités : des capacités d’investissement – c’est aussi une forme de demande –, des capacités d’innovation, des capacités de combat à l’exportation, et des capacités d’embauche lorsque le besoin s’en fait sentir dans l’entreprise.

Nous n’avons jamais prétendu que les entreprises étaient le seul sujet et que, pour faire face à la situation d’aujourd'hui, il suffisait d’agir sur ce seul levier. Nous avons toujours dit que les catégories les plus modestes de Français avaient des problèmes que nous qualifions de « problèmes de pouvoir d’achat », qui peuvent se traduire aussi sur la consommation, du fait tout particulièrement des augmentations décidées, soyons justes, par les uns comme par les autres, des impôts pesant sur les ménages, surtout sur les plus modestes d’entre eux.

Je pourrais, après Christian Eckert, détailler certaines des mesures qui, décidées par la précédente majorité, continuent à produire des effets aujourd'hui encore. Je pense, par exemple, à la demi-part des veufs et des veuves, mais je pourrais également citer, évidemment, le gel du barème de l’impôt sur le revenu, que vous aviez institué, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, et qui a eu des conséquences récurrentes pour les ménages les plus modestes, de ce fait devenus imposables.

La mesure que nous proposons à l’article 1er a pour objectif de rendre non imposables non pas la totalité de ceux qui, alors que leurs revenus n’avaient pas augmenté, sont devenus imposables au titre de l’impôt sur le revenu – nous ne sommes jamais sûrs de pouvoir le faire ménage par ménage –, mais en tout cas une grande partie de ceux qui, en raison de telle ou telle mesure adoptée par vous ou par nous, sont entrés dans l’imposition.

Je tenais à apporter cette précision, car je n’apprécie pas trop les raisonnements de type « tout ou rien ». Dans une économie comme la nôtre, dans une situation aussi complexe que celle que nous vivons, il ne faut pas être dans le tout ou rien. Il faut tenter de prendre des mesures, mêmes si elles sont discutables, et toujours discutées, évidemment, d’un point de vue à la fois économique et politique, les plus équilibrées possible et les plus adaptées à la situation.

Je vais maintenant répondre à votre question, au demeurant parfaitement légitime, monsieur le président de la commission. Au préalable, permettez-moi cependant de vous reprendre sur un terme. Vous dites que nous créons une dépense supplémentaire. Or nous diminuons un impôt.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour le solde, c’est pareil !