M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour le groupe CRC.

(Dans l’une des tribunes du public, quatre jeunes femmes se lèvent, dénudent leur torse couvert d’inscriptions et s’exclament. Elles sont évacuées par les huissiers.)

M. Jean Bizet. C’est un scandale !

M. Roger Karoutchi. On peut savoir qui a invité ces gens ?

M. Jean Bizet. Bravo les huissiers ! Bravo pour la sécurité !

M. Roger Karoutchi. Qui a donné les invitations ?

M. le président. Vous avez la parole, ma chère collègue.

Mme Annie David. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Depuis une semaine, la population de la bande de Gaza est soumise à d’intenses bombardements de l’aviation israélienne en représailles aux tirs de roquettes pratiqués par le Hamas et ses groupes armés.

Cette nouvelle exacerbation du conflit israélo-palestinien, avec les provocations que constituent ces tirs de missiles et l’usage disproportionné de la force par le gouvernement israélien, a déjà causé la mort de plus de 230 Palestiniens – un quart d’entre eux sont des enfants, et quatre ont été tués hier après-midi sur la plage de Gaza – et blessé 1 700 femmes, hommes et enfants de ce territoire.

Je reprends ici l’appel de huit cinéastes israéliens qui ont interrompu lundi le Festival du film de Jérusalem pour exhorter leur gouvernement à un cessez-le-feu et engager un dialogue constructif avec le peuple palestinien et ses dirigeants. Ils concluent leur appel par ces mots : « Les enfants qui vivent aujourd’hui à Gaza sont nos partenaires pour la paix de demain. » En effet, pour sortir de cette impasse suicidaire pour les Israéliens et les Palestiniens, l’urgence aujourd’hui c’est d’obtenir un cessez-le-feu à Gaza, préalable à toute reprise des négociations, ainsi que l’a proposé l’Égypte, comme vient de le rappeler à l’instant le Premier ministre. En attendant, la courte trêve humanitaire de cinq heures et la proposition de M. Fabius de créer une mission européenne d’aide frontalière aux points de passage, même si elles sont bienvenues, ne sont pas à la hauteur du massacre en cours. En effet, et vous le savez, ce sont 1,8 million de personnes qui vivent sur la bande de Gaza, un territoire de 362 kilomètres carrés, et qui subissent un blocus d’Israël depuis plusieurs années...

Au-delà de ces événements dramatiques, tristement répétitifs, il faut dénoncer l’objectif visé : rendre impossible une solution à deux États reconnus par la communauté internationale.

C’est un point sur lequel, malheureusement, le Hamas et le gouvernement israélien sont d’accord : le gouvernement israélien, d’une part, qui poursuit une politique de colonisation qui ôte tout espoir aux Palestiniens ; le Hamas, d’autre part, lequel refuse toujours l’existence de l’État d’Israël et persiste à s’attaquer à des civils.

La solution politique à deux États est pourtant la seule voie pour mettre fin à ce conflit de plusieurs décennies, une solution fondée à la fois sur la sécurité d’Israël et sur le droit des Palestiniens à disposer d’un État viable dans les frontières de 1967. Cela doit rester la position constante de la France.

C’est la raison pour laquelle je souhaite que me soient précisées les actions concrètes menées aujourd’hui dans ce but par notre diplomatie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, le Premier ministre vient de le rappeler, l’urgence c’est de mettre fin à l’escalade de la violence. L’urgence, vous venez de le souligner, c’est que la trêve soit respectée et qu’elle soit durable, c’est de reprendre le chemin de la paix. La poursuite de la confrontation, les tirs de roquettes, l’opération menée par Israël entraînent de nombreuses victimes, de graves dégâts humanitaires pour les Gazaouis.

De nombreux habitants viennent trouver refuge dans les écoles, alors que l’eau et la nourriture viennent à manquer. La trêve d’aujourd’hui est encourageante, mais elle est fragile : elle doit être durable.

La mobilisation de la France est constante, comme vient de le rappeler le Premier ministre, et ce à tous les niveaux.

La France continue d’appeler à la levée des restrictions d’accès et de mouvement qui pèsent sur la population de Gaza, afin que l’aide humanitaire puisse parvenir dans les meilleures conditions, et ce tout en tenant compte des préoccupations sécuritaires légitimes d’Israël.

Elle a rappelé aux autorités israéliennes que les conditions de détention des détenus palestiniens doivent être conformes aux conventions internationales, notamment s’agissant des détentions administratives.

Elle appelle toutes les parties à mettre en œuvre sans délai un cessez-le-feu durable. Tous les efforts doivent converger pour faire cesser la violence, assurer la protection des populations civiles. Pour que la trêve soit durable, elle doit répondre aux préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité, comme aux besoins humanitaires et économiques des Palestiniens. L’Autorité palestinienne doit y être, bien sûr, étroitement associée.

Enfin, elle appelle à la fin de la colonisation, qui menace la viabilité d’un futur État palestinien et mine les efforts de paix. C'est le discours que le Président de la République a tenu devant la Knesset lors de son déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens.

Il importe en effet que les parties bâtissent un environnement favorable à la paix et à la négociation pour que cesse le drame israélo-palestinien et que puisse voir le jour cette solution fondée sur deux États vivant en paix et en sécurité. C’est le sens de tous les efforts de la France et de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

ruralité-assises de la ruralité

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.

M. Jacques Mézard. Monsieur le Premier ministre, les territoires ruraux sont de plus en plus déshabillés. (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Le 13 décembre 2012, le Sénat a adopté, à l’unanimité et avec le soutien du Gouvernement, la proposition de résolution du RDSE relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires, laquelle vise à lutter contre la fracture territoriale qui s’agrandit entre les territoires les plus riches, qu’ils soient urbains ou ruraux, et les territoires les plus fragiles.

Le groupe RDSE est particulièrement sensible à cette question. Majoritairement issus de départements ruraux, nous sommes fiers d’exercer encore une fonction exécutive locale et nous sommes proches du terrain. (Bravo ! sur plusieurs travées de l'UMP.) Alors que 5 % de la population vit sur 20 % du territoire, le sentiment d’abandon y est de plus en plus présent parmi les habitants : suppression de services publics, surfiscalité des villes moyennes, aspiration de la substance économique par les métropoles régionales, suppression de l’ATESAT – l’assistance technique de l’État pour la solidarité et l’aménagement du territoire –, de l’instruction des permis de construire par les services de l’État, suppression, parfois, de gendarmeries et de sous-préfectures, destruction du financement de l’AFITF – l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – en raison du renoncement à l’écotaxe... Ce sentiment n’est pas apparu lors du présent quinquennat, il est beaucoup plus profond et ancien.

Vous annoncez le renforcement de l’État dans ces territoires, monsieur le Premier ministre, mais par quels moyens concrets ?

M. Philippe Dallier. Ah ! ça…

M. Jacques Mézard. Cette France est inquiète. Elle n’a pas peur du changement, elle y aspire, à condition qu’il signifie désenclavement, accès à la santé, à l’éducation et à l’emploi.

Vous le savez, vous le sentez, il faut prendre des initiatives. Nous voulons non pas des discours, mais du concret !

Vous venez d’annoncer la tenue à l’automne d’assises de la ruralité. Est-ce la concertation après la réforme territoriale ou le remède à certains effets pervers de cette réforme ? (M. Jackie Pierre applaudit.)

Est-il besoin d’assises du type des états généraux de la démocratie territoriale sans résultat concret ?

Le constat, nous le connaissons tous : nous avons besoin de décisions.

Quelles sont vos véritables intentions ?

M. Jacques Mézard. Allez-vous corriger les effets négatifs de ce projet, à savoir l’éloignement du siège des métropoles régionales et la sous-représentation des départements ruraux ?

M. Jacques Mézard. Allez-vous soutenir l’amendement du RDSE, voté au Sénat à la quasi-unanimité, visant à garantir cinq élus régionaux par département, un véritable droit d’option pour les départements ? Allez-vous garantir dans ces départements l’existence d’une collectivité de proximité non dévitalisée, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, qu’elle s’appelle conseil général ou autrement ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Mézard, je l’ai déjà dit à Mme Escoffier voilà deux semaines, je vous le redis aujourd'hui, c’est une conviction profonde : la réforme territoriale et ses différentes étapes ne se feront pas contre les territoires ruraux. (Exclamations sur quelques travées de l'UMP.) Oui, l’échelon départemental est très important dans ces territoires, et nous devons imaginer ensemble ce que sera le département demain.

Je pense que l’on peut bâtir, progressivement, d’ailleurs, une organisation territoriale de notre pays avec de grandes régions.

Monsieur Mézard, permettez-moi toutefois de vous le dire, pour que nous puissions accepter vos amendements, encore faudrait-il que le Sénat adopte un texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Quoi qu’il en soit, le projet de loi sera adopté à l’Assemblée nationale dans les heures qui viennent.

De grandes agglomérations sont nécessaires, cela a été porté avec force par mon prédécesseur, ainsi que des intercommunalités tenant compte de la réalité de nos territoires et des bassins de vie, et une présence de l’État.

Vous l’avez souligné, il y a eu un retrait de l’État et des services publics, quels qu’ils soient, depuis des années. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire aux préfets ce matin, que j’ai retrouvés avec plaisir Place Beauvau, et de leur rappeler que l’échelon départemental est tout à fait essentiel pour l’État,…

M. Philippe Marini. Pour la démocratie aussi !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … mais aussi pour les collectivités. J’ai reconnu M. Marini, expert dans le domaine.

M. Philippe Marini. Nous sommes tous experts dans les départements !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous êtes en campagne, monsieur Marini ! (M. Philippe Marini fait un signe de dénégation. – Exclamations amusées.)

La réforme territoriale, c’est une ambition nouvelle pour la ruralité. Les contrats de plan État-région seront au service de cette ambition. Des régions plus fortes, des contrats pour construire l’avenir : ce sont autant d’outils pour sortir de l’opposition stérile entre la France des métropoles et la France rurale – où, pourtant, beaucoup de nos concitoyens ont le sentiment d’abandon que vous avez parfaitement exprimé, monsieur Mézard.

La ruralité, ce ne sont pas que les institutions. Ce sont les territoires divers, qui sont durement touchés par la crise. Ce sont les habitants qui vivent des réalités différentes, mais qui partagent tous une peur commune, celle de la relégation, du déclassement, de l’abandon de la puissance publique.

Il faut prendre en compte la diversité du monde rural et les problèmes de l’hyper-ruralité, concept cher à votre collègue Alain Bertrand. Les problèmes du monde rural ne sont pas les mêmes que ceux qui se posent dans les zones périurbaines ou en zone de montagne. La ruralité, ce sont des défis transversaux, auxquels l’État a le devoir de répondre. Ce sera l’objectif des Assises de la ruralité. Les territoires ruraux doivent être au cœur de notre projet national. Je veux que le Parlement, en particulier bien sûr votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, soit très étroitement associé à la préparation de ces assises.

Les territoires ruraux refusent d’être mis à l’écart. L’État et les services publics doivent y affirmer leur présence et, ici, l’échelon départemental conserve toute sa pertinence. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la réforme territoriale qui sera portée par Marylise Lebranchu et par André Vallini tiendra compte de la spécificité de ces territoires, y compris en ce qui concerne l’évolution des conseils généraux.

En tout cas, nous devons créer les conditions d’un acte fondateur, pour renouveler la présence de l’État, pour reconstruire les liens entre les villes et les campagnes et pour donner aux territoires ruraux les moyens de leur propre développement.

À cet égard, je connais l’attachement de votre assemblée à ces territoires, ainsi que la qualité des travaux qui ont été menés par les sénateurs. Il est indispensable que les Assises en tiennent compte. Elles permettront en tout cas de redéfinir la feuille de route et de répondre non seulement à l’attente des élus, mais aussi aux attentes de nos concitoyens. Vous pouvez compter sur mon engagement absolu et total pour la réussite, cet automne, de ce moment important pour les territoires ruraux et donc, tout simplement, pour l’identité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin et François Fortassin applaudissent également.)

question prioritaire de constitutionnalité sur la répartition des sièges dans les intercommunalités

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour le groupe UMP.

M. Patrice Gélard. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi du 16 décembre 2010 et la loi du 31 décembre 2012 qui l’a complétée ont conduit à la rédaction actuelle de l’article L. 5211–6–1 du code général des collectivités territoriales portant sur les modalités de répartition des élus communautaires dans les communautés de communes.

Le Conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires, a validé la loi du 16 décembre 2010, non modifiée sur ce point par celle du 31 décembre 2012.

Pourtant, le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’État vient de supprimer une disposition de ce même article L. 5211–6–1, car il a estimé que le principe du respect de la démographie était insuffisamment respecté.

Alerté par plusieurs collègues, dont les sénateurs Jean-Pierre Leleux et Alain Milon, sur la situation découlant de cette décision à la suite de l’annulation par la juridiction administrative de certaines élections municipales, je dois constater que certaines communes doivent procéder à de nouvelles élections municipales et modifier le fléchage de leurs conseillers communautaires.

Deux questions doivent être alors posées.

D’une part, alors qu’un accord avait été préalablement trouvé pour la répartition des sièges des membres du conseil communautaire, comment peut-on accepter que, dorénavant, certains élus continueront de siéger aux côtés de nouveaux élus, alors que les règles de répartition auront été modifiées pour les seconds et non pour les premiers ?

D’autre part, comment peut-on organiser l’élection d’un conseil municipal ou de conseillers municipaux qui ont été invalidés alors que la modification statutaire de la communauté de communes n’a pas encore été effectuée et que des délais stricts s’imposent pour organiser des élections partielles ?

Force est de constater que la décision du 20 juin 2014 contredit de fait une décision ayant validé une loi – c’est la première fois –, ce qui soulève naturellement des questions juridiques imprévisibles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC et du RDSE. – Mme Bariza Khiari et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. Marc Daunis. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, le 20 juin 2014, le Conseil constitutionnel a en effet censuré les dispositions du code général des collectivités territoriales sur les accords locaux de composition des conseils des communautés de communes et d’agglomération.

La composition de ces conseils doit donc être revue sans délai dans deux hypothèses : en premier lieu, dans celle des contentieux introduits devant les juridictions avant la date du 20 juin 2014 ; en second lieu, lorsque le conseil municipal d’une commune membre d’un EPCI ayant composé son conseil communautaire par accord local est partiellement ou intégralement renouvelé.

Le Gouvernement a adressé des instructions aux préfets sur la procédure à suivre et plusieurs cas de figure sont à prendre en compte.

Dans les communes de 1 000 habitants et plus élisant leurs conseillers communautaires au suffrage universel, et où les élections partielles conduisent toujours au renouvellement intégral du conseil municipal, la constitution des listes de candidats au mandat de conseiller communautaire doit tenir compte de la nouvelle composition de l’organe délibérant de l’EPCI arrêtée par le préfet et l’ensemble des mandats communautaires est attribué aux conseillers municipaux dans l’ordre du nouveau tableau résultant de l’élection municipale.

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, où c’est le conseil municipal qui désigne les conseillers communautaires, sans fléchage, l’élection partielle peut permettre de renouveler tout ou partie du conseil municipal, et je vous renvoie à cet égard à ce que je viens d’indiquer en cas de renouvellement intégral.

En cas de renouvellement partiel, il y a également deux hypothèses.

S’il y a gain de sièges à l’EPCI, les mandats de conseillers communautaires des conseillers municipaux toujours en place sont maintenus et le ou les mandats supplémentaires sont attribués aux conseillers municipaux les mieux placés dans l’ordre du nouveau tableau issu de l’élection partielle.

S’il y a perte de sièges, le ou les conseillers communautaires les moins bien placés dans l’ordre du nouveau tableau perdent leur mandat de conseiller communautaire.

J’ajoute, monsieur le sénateur, que s’il est indéniable que ces accords locaux ont pu faciliter la rationalisation de l’intercommunalité, le regroupement des intercommunalités, ils ont pu conduire aussi, dans certains cas, à des représentations fortement déséquilibrées des communes au sein des conseils.

Le Gouvernement n’est donc pas opposé à ce que le Parlement propose de nouvelles modalités (M. Jacques Gautier marque sa satisfaction.),…

M. André Vallini, secrétaire d'État. … notamment à l’occasion de l’examen de la réforme territoriale, sur la composition des conseils communautaires.

J’attire toutefois votre attention sur le fait que les limites fixées par le Conseil constitutionnel laissent peu de marges de manœuvre et qu’il conviendra donc d’éviter tout nouveau risque juridique.

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut des dispositions législatives nouvelles. C’est impérieux, c’est nécessaire, c’est urgent !

état d'avancement de la plateforme technique des écoutes judiciaires

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe UDI-UC.

Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

La plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ, constitue un naufrage potentiel pour la qualité des enquêtes judiciaires, pour nos finances publiques et pour la sécurité des données personnelles.

Voilà quelques semaines, j’avais proposé la création d’une commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet, mais, à vrai dire, elle n’a pas eu beaucoup de succès. N’étant pas une femme de renoncement, je reviens sur le sujet aujourd'hui.

Alors que l’on dénombrait 650 000 réquisitions judiciaires en 2012, 20 000 interceptions téléphoniques et 12 000 géolocalisations, un opérateur sûr et performant est nécessaire pour assister nos services de police et de gendarmerie. Or le dossier de la PNIJ a été mal engagé : appel d’offres restreint et contesté, intervention de la commission d’accès aux documents administratifs – CADA –, caviardage de documents, explosion des coûts. Évalué initialement à 20 millions d’euros, le coût de la PNIJ a en effet doublé, pour atteindre aujourd'hui 47 millions d’euros.

La plateforme ne fonctionne pas encore. On ignore à ce jour qui prendra en charge les données de géolocalisation, lesquelles ne sont pas encore intégrées au dispositif, ni qui du ministère de la justice ou du ministère de l’intérieur supportera les frais de fonctionnement – distribution des données, maintenance, évolutions et assistance –, ainsi que la mise à niveau des réseaux.

A-t-on étudié une solution d’intégration des systèmes existants à la nouvelle plateforme de dématérialisation des réquisitions ?

Les « grandes oreilles » de l’État seront gérées exclusivement par Thales. Là encore, il convient de s’interroger sur les libertés publiques et sur la protection des données personnelles.

Évitons de répéter les erreurs du dossier Écomouv ou du logiciel Louvois !

Je réitère mes questions, madame la garde des sceaux, au nom de la transparence des dépenses de l’État et de la sécurité juridique des enquêtes de police, lesquelles risquent de pâtir d’une succession sans bénéfice d’inventaire.

Madame la garde des sceaux, où en est la mise en place de cette plateforme ? Où en sont les surcoûts par rapport aux devis initiaux ? Comment sont assurés la sécurité des données personnelles et leur stockage ? Autant de questions auxquelles, jusqu’à présent, nous n’avons pas de réponse. Je vous remercie de bien vouloir me les apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées de l'UMP. – Mme Leila Aïchi applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, vous m’interrogez très précisément sur les délais de mise en œuvre de la plateforme et sur les coûts et surcoûts que celle-ci engendrera.

Je vous réponds très directement. S’agissant des délais, c’est une décision qui a été prise en septembre 2010. Cette décision avait prévu une mise en activité à l’automne 2013. En réalité, cette plateforme sera opérationnelle en janvier 2015. L’une des raisons principales de ce retard tient au fait que nous avons dû revoir le cadre du marché public, parce qu’un certain nombre de charges n’avaient pas été prévues, notamment la protection et la sécurisation de la plateforme elle-même. Le coût de cet investissement a donc été revu à la hausse, passant de 42 millions d’euros en 2010 à 48 millions d’euros en 2012 dans le cadre du nouveau marché public. Une autre raison de ce retard est liée, bien entendu, aux conditions d’organisation, aux décrets nécessaires et aux six mois supplémentaires dont a eu besoin la CNIL.

En ce qui concerne le coût, les 48 millions d’euros d’investissements initiaux sont à mettre en regard des charges actuelles. Elles étaient de 25 millions d’euros en 2006, de 30 millions d’euros en 2012 et de 43 millions en 2013, ce qui témoigne de la montée en charge du recours à ces interceptions, qui sont nécessaires, et même indispensables pour certaines enquêtes, mais qui doivent être effectuées dans un cadre juridique stable. D’ailleurs, le code de procédure pénale précise très clairement qu’en cas d’information judiciaire, c’est le juge d’instruction qui autorise ces interceptions. Et en cas d’enquête préliminaire ou de flagrance dans des cas de délinquance ou de criminalité organisée, c’est le juge des libertés et de la détention, sur saisine du procureur, qui les autorise. Nous nous assurons que ce cadre juridique reste stable.

Outre les délais et les coûts, vous avez aussi évoqué dans votre intervention la question importante des libertés. Nous sommes aussi soucieux de cette question, et c’est pourquoi nous avons saisi la CNIL, qui a eu besoin de six mois supplémentaires pour statuer. Les décrets sont actuellement à l’étude au Conseil d’État.

J’ai aussi voulu mettre en place un comité de contrôle, dont le décret de création est lui aussi à l’étude auprès du Conseil d’État. Ce comité de contrôle sera composé de magistrats honoraires de la Cour de cassation, de parlementaires et de personnalités qualifiées de la société civile. Il aura principalement pour mission de veiller au respect des finalités de cette plateforme centrale et des procédures permettant sa mise en œuvre fonctionnelle et technique. Il aura aussi l’obligation de remettre un rapport annuel au garde des sceaux et à la CNIL. Surtout, nous allons veiller à ce qu’il ait tous les moyens d’assumer ses missions, notamment par un accès permanent à tous les lieux de la plateforme centrale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

apprentissage

M. le président. La parole est à Mme Patricia Bordas, pour le groupe socialiste.

Mme Patricia Bordas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans Les Misérables, Victor Hugo écrit : « La jeunesse est le sourire de l’avenir [...] Il lui est naturel d’être heureuse. Il semble que sa respiration soit faite d’espérance. »

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

Mme Patricia Bordas. L’espérance, tel est précisément ce que le Gouvernement, sous votre impulsion, monsieur le Premier ministre, et sa majorité parlementaire essayent de redonner à la jeunesse, grâce à une politique volontariste. (Oh ! sur les travées de l'UMP.)

Mme Patricia Bordas. Ne vous en déplaise, messieurs, c’est ainsi.

M. Francis Delattre. Deux mille milliards d’euros de dette !

Mme Patricia Bordas. À cet égard, je souhaite préciser qu’il n’existe pas une jeunesse, mais des jeunesses.

Aussi, la forte hétérogénéité entre États européens en matière d’emploi des jeunes illustre qu’il est parfaitement possible de trouver de réelles solutions politiques au problème que constitue le chômage.

Ainsi, faisant sienne cette philosophie activiste, le Président de la République, loin de tout fatalisme stérile, a érigé la jeunesse comme priorité.

M. Philippe Dallier. C’est beau et romantique !

Mme Patricia Bordas. Aujourd’hui, il est indispensable de redoubler d’efforts, surtout pour ces 200 000 jeunes qui décrochent chaque année, se retrouvant sans formation, sans emploi et dans une situation de précarité et de vulnérabilité extrêmes.

C’est pourquoi l’alternance, par l’intermédiaire des contrats d’apprentissage (M. Philippe Dallier s’exclame.) et des contrats de professionnalisation,…

M. Christian Cambon. Parlons-en ! Il n’y en a que pour les régions socialistes !

Mme Patricia Bordas. … est un remarquable remède, une voie d’excellence pour une myriade de jeunes.

Malheureusement, le nombre de contrats d’alternance signés depuis 2011 a chuté.

Outre l’absence d’une conjoncture économique favorable, des freins culturels subsistent toujours (M. Philippe Dallier s’exclame de nouveau.) quant au recours aux apprentis.

Par conséquent, que prône le Gouvernement afin de favoriser l’embauche d’apprentis au sein des TPE et des PME ?

Enfin, à l’heure où la France dessine ses nouvelles régions, il convient de souligner le rôle essentiel joué par cet échelon local qui investit chaque année, en sus de la dotation de l’État, près de 265 millions d’euros en faveur de l’apprentissage.

En tant qu’ancienne vice-présidente de la région Limousin, j’ai été confrontée à la problématique du financement de l’apprentissage. Comment l’exécutif entend-il renforcer les moyens des régions qui pilotent la politique de l’apprentissage ? (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)

Dans la même perspective, est-il envisagé d’appliquer la taxe d’apprentissage à l’ensemble du secteur public et de verser majoritairement son produit aux régions ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)