Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous allons examiner plusieurs amendements visant à supprimer soit l’article 2 dans son ensemble, soit des alinéas de celui-ci. Sauf cas particulier, la commission des affaires sociales émettra un avis défavorable sur tous ces amendements, dans la mesure où leur adoption conduirait à déséquilibrer l’ensemble du projet présenté par le Gouvernement. Nous en avons l’illustration avec les amendements nos 1 et 15 : l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. Sans revenir sur les propos que j’ai tenus précédemment et auxquels Mme David a fait référence, je rappellerai que la cotisation AT-MP est divisée en deux parties : une partie mutualisée, indépendante du taux de sinistralité de chaque entreprise, et une partie modulée en fonction des accidents effectivement constatés dans les entreprises. Cette dernière partie n’est évidemment pas concernée par la baisse de cotisations proposée : il n’y a donc pas de remise en cause ou d’affaiblissement de la responsabilité des entreprises à l’égard de leurs salariés.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Nous nous abstiendrons sur ces amendements, car une telle disposition n’a pas sa place dans un projet de loi rectificative. Cette question doit être approfondie dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou d’une réflexion globale sur la fiscalité.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur la réduction de la part patronale des cotisations sociales destinées à alimenter la branche famille.

En effet, en faisant ce choix, le Gouvernement fragilise cette branche de la sécurité sociale pour organiser, à terme, une fiscalisation de son financement et exclure ainsi la politique familiale de la sécurité sociale.

En outre, cette fiscalisation est injuste, car elle est assise, pour l’essentiel, sur les ménages, alors que le financement de la branche repose actuellement sur une répartition des richesses créées dans les entreprises.

Nous assistons depuis des années à un affaiblissement de notre système de protection sociale, la sécurité sociale voyant ses principes fondateurs de solidarité et d’universalité remis en cause. Le patronat se désengage du financement de la sécurité sociale, au profit d’une tout autre logique, celle de l’assistance pour les plus démunis et de l’assurance pour les plus riches. Le prétexte tout trouvé au recul du financement est la résorption du déficit à coup de mesures libérales, qui ne font, en réalité, qu’aggraver la situation.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Lors de la première lecture, j’avais souligné le caractère universel des prestations familiales. La commission renouvelle aujourd'hui son avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par M. Savary, Mmes Boog et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, M. Robert et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 11 et 12

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

3° bis À la fin de la première phrase du I bis de l’article L. 241-10, les mots : « par décret » sont remplacés par les mots : « à 1,5 euro » ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du 3° bis du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Cet amendement porte sur la réduction forfaitaire des charges sociales pour les emplois à domicile.

Nous revenons aux propositions formulées par le rapporteur général lors de la première lecture, que le Sénat avait d’ailleurs adoptées à l’unanimité. Il faut donner un signal fort en faveur de l’emploi à domicile, car nous sommes passés en dessous de la barre symbolique des 2 millions de particuliers employeurs ! On ne saurait se borner à constater cette hémorragie, sans prendre les mesures nécessaires pour y remédier.

Par ailleurs, le coût de la mesure proposée, évalué à 120 millions d’euros, est raisonnable et sera compensé par des contributions nouvelles.

En outre, il s’agit d’une mesure de simplification. En effet, la disposition adoptée par l'Assemblée nationale constitue certes une avancée, mais elle est d’interprétation difficile, ainsi que l’ont relevé tous les membres de la commission des affaires sociales. Pour des raisons de lisibilité, il nous semble important d’instaurer une réduction forfaitaire de cotisations sociales de 1,50 euro par heure déclarée. J’ajoute que si les emplois sont à la limite de l’éligibilité, il est inutile de prévoir une réduction forfaitaire de charges salariales, quel que soit son montant !

Il nous paraît donc cohérent de poursuivre dans la logique suivie par le Sénat lors de la première lecture en adoptant cet amendement, qui a d’ailleurs reçu un avis favorable de la commission. M. le rapporteur général ne manquera pas de le confirmer…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. N’anticipons pas, mon cher collègue ! (Sourires.)

La commission a rappelé l’argumentation qu’elle avait présentée la semaine dernière. Elle a également pris en compte l’adoption, avec l’appui du Gouvernement, de l’amendement de notre collègue député Gérard Bapt. Après débat, la commission a donné un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

J’entends bien la préoccupation exprimée par les sénateurs qui souhaitent que l’emploi à domicile puisse bénéficier, dans la situation que nous connaissons, de conditions favorables.

Le Gouvernement a considéré, au terme d’un débat dans lequel la Haute Assemblée a joué pleinement son rôle, qu’il pouvait aller plus loin et a accepté une réduction des cotisations sociales des employeurs pour l’embauche de personnes travaillant auprès de publics fragiles.

Nous ne pensons pas – je le dis avec une certaine force – qu’il soit souhaitable de mettre en place des dispositifs qui ne tiendraient pas compte de la nature des emplois à domicile éligibles. Nous ne pouvons pas prévoir de réductions de charges indifférenciées pour l’ensemble des emplois à domicile : par exemple, si l’on vise la garde ou la prise en charge d’enfants sans plus de précisions, la baisse des cotisations s’appliquera aussi aux cours particuliers assurés à domicile et profitera donc à des organismes très importants, que je ne citerai pas.

Il ne nous semble pas souhaitable de s’inscrire dans cette logique. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a voulu, dans le cadre de la discussion du texte à l'Assemblée nationale, flécher les baisses de cotisations en direction des emplois destinés à aider les publics fragiles, qu’il s’agisse de la garde d’enfants ou de l’assistance aux personnes âgées en voie de perte d’autonomie ou aux personnes en situation de handicap.

Je vous invite instamment, mesdames, messieurs les sénateurs, à concentrer les ressources, qui sont rares, sur les publics ayant besoin d’un accompagnement fort à domicile. Les mesures proposées nous semblent être de nature à relancer l’emploi à domicile et à répondre à la préoccupation sociale qui nous est commune. Il importe d’adopter une démarche cohérente dans le domaine social, alors que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement sera prochainement soumis au Parlement.

En conséquence, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir reconnu l’importance du rôle joué par la Haute Assemblée dans le débat sur l’emploi à domicile.

La semaine dernière, nous avions adopté à l’unanimité l’amendement que présentent de nouveau aujourd'hui nos collègues de l’UMP. Comme l’a souligné le rapporteur général, nous accueillons favorablement l’adoption, avec le soutien du Gouvernement, d’un amendement présenté par le rapporteur général de l'Assemblée nationale, Gérard Bapt.

Pour autant, la disposition votée par l'Assemblée nationale nous semble d’application difficile et restrictive. Ce matin, l’une de nos collègues a évoqué le cas d’un jeune couple qui emploierait une personne à domicile pour s’occuper des tâches ménagères afin de pouvoir consacrer davantage de temps à ses enfants : une telle démarche ne me paraît pas inacceptable, ni même critiquable.

Madame la ministre, nous prenons acte de l’engagement pris par le Gouvernement d’approfondir la réflexion. Je ne doute pas que vous écouterez avec intérêt les propositions qui pourront être faites par M. Daudigny – son rapport en contient de très précises – et par l’ensemble de nos collègues.

Dans l’état actuel des choses, le texte adopté par l'Assemblée nationale est imprécis. Toutefois, par fidélité à l’engagement pris lors de la première lecture et pour vous donner acte de l’avancée que vous avez consentie, madame la ministre, la majorité du groupe socialiste s’abstiendra sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Nous avons là une occasion unique de mesurer l’impact de décisions législatives sur l’emploi. Concernant les emplois à domicile, la suppression du régime du forfait, accompagnée d’une réduction de cotisations sociales de 75 centimes par heure déclarée, a entraîné aussitôt une diminution du nombre des particuliers employeurs et du nombre d’heures travaillées. Actuellement, le nombre d’heures déclarées continue à diminuer. Si nous décidons de porter la réduction de cotisations à 1,5 euro à compter du 1er septembre, nous verrons très vite si le nombre de personnes employées à domicile et le nombre d’heures travaillées remontent ou pas.

En outre, madame le ministre, une telle mesure permettra de lutter contre le travail non déclaré et, surtout, de retarder l’entrée en situation de dépendance des personnes âgées. En effet, nombre de facteurs de dépendance sont liés à des accidents survenus au domicile, qui auraient pu être évités. Les statistiques le montrent clairement : les emplois à domicile contribuent à la prévention en matière de vieillissement et de dépendance, par l’établissement d’un dialogue, d’un lien chaleureux, par une amélioration de l’alimentation. On parvient ainsi à retarder le moment de l’entrée en dépendance, ce qui est important non seulement pour les personnes concernées, mais aussi du point de vue sociétal.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Le groupe écologiste votera cet amendement, qui reprend celui qu’avait présenté M. le rapporteur général lors de la première lecture.

La disposition proposée vise surtout à lutter contre l’emploi non déclaré. Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure les pertes de recettes résultant de cette réduction des cotisations seront compensées par les recettes supplémentaires découlant de l’augmentation du nombre d’heures de travail déclarées. À cet égard, une étude d’impact aurait été bienvenue. Comme l’a dit Mme Génisson, le texte adopté par l’Assemblée nationale est imprécis et pas vraiment opérationnel.

Madame la ministre, vous affirmez avoir écouté le Sénat, mais nous aimerions qu’il soit écouté différemment ! La position qu’il avait adoptée à l’unanimité a été prise en compte par le rapporteur général de l’Assemblée nationale, dites-vous : il existe d’autres moyens de se concerter, le meilleur étant la commission mixte paritaire, dont la vocation est de dégager une position commune en cas de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Aujourd’hui, on nous demande de nous satisfaire que l’Assemblée nationale ait simplement tenu compte d’un vote unanime du Sénat ! C’est là une bien curieuse façon de considérer la Haute Assemblée ! Cela n’est pas vraiment grave,…

M. Roger Karoutchi. Mais si, c’est grave !

M. Jean Desessard. … mais alors il faut assumer clairement le fait que le Sénat a dix fois moins de poids que l’Assemblée nationale !

Mme Nicole Bricq. On l’a bien vu !

M. Jean Desessard. Au moins, les choses seront claires ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.

M. Jacky Le Menn. J’ai indiqué en commission que je souhaitais voir les collègues de ma sensibilité politique suivre le Gouvernement sur l’économie d’ensemble du projet de loi. L’amendement qui nous est présenté n’apporte rien de nouveau, puisque nous avions déjà longuement discuté de ce sujet en première lecture.

Il me paraît vain d’engager une polémique avec l’Assemblée nationale. Un vote a été émis par le Sénat : l’Assemblée nationale a bien souligné qu’elle n’entendait pas pénaliser les personnes fragiles, de quelque façon que ce soit. C’est pourquoi, comme l’a rappelé Mme la ministre, le texte adopté par les députés prévoit des modulations en faveur des personnes handicapées, des personnes âgées en situation de fragilité ou des familles comptant de jeunes enfants. Il me semble qu’il s’agit là d’avancées tout à fait positives, qu’il convient de saluer.

Comme toujours dans ce genre de débat, certains estiment que l’on ne va pas assez loin et pas assez vite, d’autres que l’on va trop loin et trop vite. La discussion pourra encore être approfondie lors de l’examen des prochains textes budgétaires, mais, pour l’heure, il faut conserver l’économie d’ensemble de ce projet de loi, pour toutes les raisons exposées la semaine dernière par M. le secrétaire d’État chargé du budget. Je propose donc aux collègues de ma sensibilité de soutenir le Gouvernement et de rejeter cet amendement, nonobstant le fait que M. le rapporteur général hésite, pour des raisons que je peux comprendre, et s’abstienne à titre personnel. (Mme Nicole Bricq applaudit.)

M. Georges Labazée. Ce n’est pas ce que nous avions dit ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Il est effectivement assez délicat de se déterminer sur cette question. Une avancée est certes intervenue à l’Assemblée nationale, mais elle laisse un certain nombre de champs non couverts.

Je souscris aux arguments exposés par Mme la ministre : il est important de cibler les personnes les plus fragiles. En cela, le texte adopté par l’Assemblée nationale est intéressant. Malheureusement, un nombre croissant d’emplois à domicile échappent à la déclaration. Cette situation me préoccupe.

Nous avions mûri et voté ensemble l’amendement qui nous est de nouveau soumis aujourd’hui. M. le rapporteur général avait déclaré en commission qu’il serait beaucoup plus sage d’exclure un certain nombre d’activités du champ du dispositif d’exonération : on a déjà cité l’exemple, un peu caricatural, du professeur de claquettes. Une telle restriction serait peut-être à même de nous rassembler.

Quoi qu’il en soit, le dispositif du présent amendement est beaucoup plus large que le texte adopté par l’Assemblée nationale et prend en considération la réalité des foyers d’aujourd’hui. C’est pourquoi notre groupe hésite encore entre l’abstention et le vote pour.

Enfin, je me félicite que M. Eckert ait déclaré avoir été sensible au débat qui s’est tenu au Sénat, car, lors de la première lecture, son intérêt s’était traduit par le recours à une seconde délibération et à un vote bloqué… Pour moi, il ne s’agit pas là d’une marque de considération pour le Sénat. Je me réjouis donc qu’il ait revu sa position !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Escoffier. Je suis sensible aux divers arguments qui viennent d’être échangés, mais ceux de Mme la ministre emportent ma conviction. Ce projet de loi dans son ensemble, nos débats le montrent, est un texte d’équilibre. Comme l’a dit Mme la ministre, il s’agit d’aller vers davantage de justice sociale et de restaurer la confiance : ce sont là des mots importants, et il faut leur donner tout leur poids et toute leur force.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale a été mûri et réfléchi. Il fixe un cadre raisonnable, mesuré. Aujourd’hui, nous devons favoriser les populations les plus fragiles : à cet égard, les publics visés par le dispositif sont déjà bien ciblés. Si un travail est mené pour aller un peu plus au fond et expliciter ce texte par une circulaire, comme Mme la ministre s’y est engagée, nous aurons suffisamment de garanties pour que la loi soit un outil de bonne gestion et un instrument de mise en œuvre de cette justice sociale qui doit permettre de rétablir la confiance.

Pour l’ensemble de ces raisons, les membres de notre groupe voteront contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.

M. Georges Labazée. Pour ma part, je voterai cet amendement, par fidélité à ce qu’a fait la commission des affaires sociales depuis le début de ses travaux.

M. Georges Labazée. En 2013, nous avons peut-être commis une erreur d’appréciation lors de l’élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale. En effet, nous n’aurions pas ce débat aujourd’hui si nous avions calibré au plus juste les mesures que nous avons adoptées à ce moment-là.

En tant que président de conseil général, je suis à même de mesurer le glissement actuel vers le travail gris ou noir. Mon département prend en charge 13 000 personnes au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, sans parler des autres dispositifs sociaux : nous pouvons observer avec impartialité ce qui se passe. En ce qui me concerne, je refuse que nous dérivions vers le travail gris ou noir.

L’amendement qui nous est soumis avait été calibré par la commission des affaires sociales et avait fait l’objet d’un accord entre nous. Nous devons être fidèles au travail de la commission et avoir l’honnêteté de reconnaître que nous avons pu porter, dans le passé, des appréciations quelque peu erronées sur les conséquences de mesures fiscales que nous avons adoptées. Nous avons aujourd’hui l’occasion d’y remédier ; on peut penser que la sagesse finira par s’imposer au cours des navettes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. Je voterai sans hésitation contre cet amendement. Lors de la première lecture, j’ai pourtant été des 343 sénateurs et sénatrices qui ont voté un amendement similaire ayant été présenté, si j’ai bonne mémoire, par M. le rapporteur général, au nom de la commission.

J’assume ce vote antérieur, mais je considère qu’une avancée tout à fait considérable a été obtenue depuis à l’Assemblée nationale et que le Gouvernement a fait preuve d’ouverture. Subventionner des emplois tels que ceux que M. Eckert avait évoqués lors de la première lecture me posait vraiment problème. Je ne veux pas employer le terme de « domestiques » à leur propos,…

Mme Nicole Bricq. Mais si, osez !

M. Jean-Pierre Caffet. … mais on n’en était pas loin !

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui me semble équilibré. Il exonère de cotisations des emplois qui présentent en quelque sorte un caractère d’utilité sociale. Je ne connais pas le coût exact de cette mesure, mais j’imagine qu’il est de l’ordre de 50 millions ou de 60 millions d’euros, voire davantage. Même si je comprends l’argument relatif à la lutte contre le travail au noir, je considère qu’il vaudrait peut-être mieux se donner le temps de la réflexion pour voir s’il est possible d’élargir le champ du dispositif tel qu’il a été défini à l’Assemblée nationale, plutôt que de camper sur une position jusqu’au-boutiste, au risque de connaître quelques déboires au moment du vote de la première partie !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Ce débat est quelque peu surréaliste… En effet, ce matin encore, nous étions unanimes, en commission, à juger nécessaire de sortir par le haut d’une situation due aux erreurs commises par les uns et les autres, tant aujourd’hui que dans le passé.

J’entends employer sur une partie des travées du groupe socialiste des termes – justice, efficacité, équité – que je reprends volontiers à mon compte. Ce matin, en commission, ce vocabulaire partagé nous amenait à soutenir ensemble cet amendement. En effet, comme l’a très bien dit René-Paul Savary, l’avancée consentie par le Gouvernement est une demi-mesure, qui ne produira qu’un demi-résultat. Dans cette assemblée que l’on dit sage – même si elle ne se laisse pas aussi facilement « cornaquer » que certains le souhaiteraient ! –, nous sommes à l’écoute du terrain et des besoins de nos concitoyens.

Cela a été dit, des erreurs ont peut-être été commises en termes de fiscalité et de justice. Eh bien le moment est sans doute venu d’y remédier, en transcendant pour une fois les clivages partisans !

Je conclurai en m’étonnant, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous plongiez ainsi dans la difficulté votre formation politique et, au-delà, l’ensemble des Françaises et des Français, en refusant des mesures de bon sens, de justice et d’égalité.

Mme Nicole Bricq. Occupez-vous de vous, ce sera déjà bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Avant que le Sénat ne se prononce souverainement, je voudrais rappeler un certain nombre de points.

Tout d’abord, à ceux qui seraient tentés de ne pas voir en votre serviteur un défenseur de l’emploi à domicile, je rappellerai simplement que si cette réduction de cotisations existe, c’est parce que, dans une vie antérieure, j’ai proposé et durement négocié sa création avec le gouvernement de l’époque, que pourtant je soutenais.

Ensuite, je souligne que l’ensemble des allégements fiscaux et sociaux relatifs à l’emploi à domicile représentait, en 2012, 6 milliards d’euros.

Enfin, j’invite le Sénat à consulter la page 30 du rapport de juillet 2014 de la Cour des comptes, qui retrace les résultats d’un benchmarking entre huit pays européens comparables : il apparaît que c’est la France qui a le régime fiscal et social le plus favorable, et de loin !

M. Jean-François Husson. Il en faut bien un !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous pouvons certes en être fiers, mais nous sommes tout de même un peu dispendieux ! Je ne rappellerai pas certains excès, pour ne pas tomber dans la caricature, mais je vous invite une fois encore à réfléchir ensemble à un meilleur ciblage.

En effet, un certain nombre d’entre vous se sont demandé avec raison pourquoi des emplois sont éligibles à l’exonération fiscale si cela n’est pas justifié. Je pense qu’il faut distinguer entre ce qui est subi et ce qui est choisi, voire entre ce qui est nécessaire et ce qui relève plutôt du confort. Tout ne mérite pas forcément d’être financé aussi lourdement par la collectivité.

Si nous parvenions à revoir les choses en profondeur, nous pourrions sans doute économiser de l’argent – ce n’est jamais inutile ! – et peut-être aussi déplacer un certain nombre de financements d’un secteur à un autre, au moins en partie. Je crois que c’est cela que nous devons faire. Adopter une mesure s’appliquant de façon générale, sans distinction, ne me semble pas opportun. Ce serait, à mon sens, lancer un mauvais signal.

Par ailleurs, alléger les cotisations est-il ou non créateur d’emplois ? Les orateurs de certains groupes ont affirmé tout à l’heure leur intime conviction que les allégements de charges n’entraînent la création d’aucun emploi. Pour ma part, je ne partage pas cet avis. Les études économiques montrent que, globalement, les allégements de charges peuvent favoriser l’emploi, surtout lorsqu’ils sont ciblés sur les bas salaires, ce qui est le cas en l’occurrence.

Enfin, je souligne que les salariés à domicile des particuliers employeurs vont bénéficier des allégements de cotisations salariales qui ont été votés à l’occasion de l’examen d’un article précédent. Il s’agit donc là, de toute façon, d’un encouragement pour ce secteur.

Voilà les éléments que je voulais apporter à votre réflexion. Le travail accompli par le Sénat lors de la première lecture a été pris en compte. L’Assemblée nationale l’a repris dans une large mesure, tout en ciblant, avec le soutien du Gouvernement, le dispositif. Ce n’est pas là mépriser la réflexion du Sénat, au contraire. Améliorer le ciblage était sans aucun doute souhaitable, car nous dépensons beaucoup d’argent.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.