M. Éric Bocquet. Incontestablement, le dispositif FATCA marque une avancée importante dans cette direction.

Cette convention en tant que telle ne pose pas de problème majeur et participe de l’effort accompli depuis plusieurs années pour tenter de lutter contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales.

La méthode américaine fait évidemment débat aux États-Unis, un pays souvent présenté comme un paradis libéral, mais qui, en l’occurrence, nous montre que libéralisme et laisser-faire absolu sont deux notions qui diffèrent quelque peu !

La crise des subprimes explique en partie ce besoin qu’avaient les États Unis de tenter de récupérer la matière fiscale qui était nécessaire pour faire face à leurs propres difficultés économiques et aussi à la réalité des inégalités sociales croissantes dans ce pays.

On pourrait qualifier cette démarche de pragmatique, car elle ne dédouane en rien une certaine schizophrénie dont l’administration américaine fait preuve en tolérant des régimes fiscaux très favorables de certains États américains, comme le Delaware, le Wyoming et le Nevada, ou encore la présence de très grands groupes industriels américains aux îles Caïmans ou aux Bermudes, qui ne figurent plus, soit dit en passant, sur les listes françaises des paradis fiscaux depuis le début de cette année.

Tous ces éléments de contexte côté américain ne peuvent que nous engager à soutenir l’appel à la vigilance exprimé par notre rapporteur, Michèle André, qui a notamment attiré l’attention du Gouvernement sur la question de la compatibilité des normes entre elles.

Cela me permet d’évoquer à cet instant la passionnante audition de M. Jérôme Haas, président de l’Autorité des normes comptables, malheureusement décédé récemment, qui avait démontré en face de la commission, avec beaucoup de clarté, à quel point, aujourd’hui, ce sont les normes comptables anglo-saxonnes qui s’imposent dans la finance mondialisée ; oui, il y a bien là un point de vigilance qu’il était important de souligner.

Cet accord FATCA constitue donc un point d’appui pour la France, mais il doit aussi permettre d’avancer vers ce fameux standard international que tous les États semblent appeler de leurs vœux aujourd’hui, c’est-à-dire l’échange automatique d’informations entre tous les États. Toutefois, pragmatisme et volontarisme ne suffiront pas, chacun le sait pertinemment. Depuis septembre 2009, date à laquelle l’ancien Président de la République décréta avec fracas la fin des paradis fiscaux, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, mais beaucoup d’argent liquide s’est aussi déversé dans les coffres des banques des paradis fiscaux !

Ainsi, entre 2007 et 2012, le montant des avoirs privés placés hors des frontières est passé de 7 300 milliards de dollars à 8 500 milliards de dollars. La Suisse reste championne du monde, elle passe de 1 971 à 2 200 milliards de dollars, pour représenter 26 % du total. Le Royaume-Uni, avec Jersey, Guernesey, l’île de Man, entités auxquelles nous ajouterons la capitale irlandaise, Dublin, passe de 1 752 milliards à 2 000 milliards, représentant 24 % du total. Quant aux Caraïbes et Panama, cette zone passe de 1 022 milliards à 1 200, soit 14 % du total des avoirs expatriés.

Nous le voyons bien, mes chers collègues, les craintes parfois exprimées ici sur le risque de surcoût que générerait la mise en œuvre de FATCA ne pèsent pas bien lourd au regard des trésors accumulés dans les paradis fiscaux mondiaux.

Si le dispositif FATCA semble avoir le soutien unanime de notre assemblée, il n’en est pas de même pour les citoyens américains concernés ; cela vient d’être rappelé.

En effet, FATCA a déjà envoyé une certaine onde de choc parmi les 7 millions d’Américains vivant à l’étranger. Nathalie Goulet l’a rappelé, de nombreuses banques leur ont déjà fait savoir qu’elles préfèreraient ne pas les avoir comme clients, car cela demanderait trop de travail pour remplir les formulaires de l’administration fiscale américaine, l’IRS. Cette conception me laisse quelque peu pantois, à l’époque où un simple clic de souris suffit pour transférer des millions d’euros à l’autre bout de la planète… Visiblement, pour certaines banques, la règle, c’est travailler moins pour gagner plus !

Du côté des réticences ou résistances à cette nouvelle règle de transparence, nous noterons également la décision de 3 000 expatriés américains qui ont renoncé en 2013 à leur citoyenneté américaine ou à leur carte verte, et plus de 1 000 au seul premier trimestre 2014, contre une centaine par an avant l’adoption de FATCA. Un Américain ayant la double nationalité, hollandaise et américaine, a même gagné son procès contre une banque qui avait fermé son compte d’autorité.

Il faut néanmoins enclencher la mise en œuvre du dispositif FATCA, s’en servir comme point d’appui pour promouvoir un FATCA européen en ne perdant pas de vue l’objectif ultime prôné par l’OCDE de l’échange multilatéral d’informations et d’imposition basée sur le territoire et non sur la nationalité.

Gageons que sur ce sujet, le soutien de M. Jean Claude Juncker, ancien dirigeant d’un paradis fiscal notoire au cœur de l’Europe, nous sera acquis dans le cadre des nouvelles responsabilités qui viennent de lui être confiées ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Quel taquin !

M. Éric Bocquet. Cette remarque ne se veut ni anecdotique, ni humoristique, ni accessoire. Elle pose, me semble-t-il, une vraie question politique quant à la capacité et à la volonté politique de l’Union européenne de combattre résolument fraude et évasion fiscale.

M. Juncker a en effet dirigé pendant dix-huit ans le Luxembourg, pays où sévissent et secret bancaire et opacité des structures juridiques.

La question du Luxembourg se pose et se posera encore au sein de l’Union européenne, partenaire historique de la construction européenne. Ainsi, tout récemment, le tribunal administratif de ce pays s’est fendu coup sur coup, le 16 juin dernier, de deux jugements qui devraient faire date sur la délimitation du champ du secret professionnel opposable dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Voilà l’histoire en deux mots : un avocat français soupçonné de fraude fiscale a été protégé par son secret professionnel en tant qu’avocat, ce qui a permis à l’administration fiscale du Luxembourg de ne pas autoriser la banque à ouvrir ses informations.

Comment ne pas poser par ailleurs, à l’instar de Mme Escoffier, la question de la règle de l’unanimité sur les sujets fiscaux au sein de l’Union européenne ? Un seul État peut toujours, aujourd’hui, s’opposer à toute avancée en matière de transparence. Le Luxembourg et l’Autriche ne se sont d’ailleurs pas privés de le faire à propos de la directive Épargne.

Chacun mesure bien ici les chantiers multiples qu’il conviendra d’ouvrir pour donner au dispositif FATCA sa pleine et entière efficacité.

FATCA n’est qu’un premier pas, important certes, sur le chemin de la transparence. Ce combat nous concerne tous. Le groupe communiste, républicain et citoyen, comme beaucoup d’autres, s’y est d’ores et déjà engagé avec détermination. Vous pouvez compter sur notre ténacité, animés que nous sommes de la volonté de défendre l’intérêt de la République, donc l’intérêt général.

Notre groupe votera donc, très logiquement, en faveur de la ratification de l’accord Foreign Account Tax Compliance Act. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier Mme la rapporteur, Michèle André, qui a fait référence dans son propos liminaire à mon opiniâtreté passée à plaider pour la mise en œuvre d’un FATCA de ce côté-ci de l’Atlantique, voire d’un FATCA national. Il est vrai que j’ai répertorié pas moins de cinq batailles, conduites au nom du groupe socialiste depuis 2010, lesquelles furent menées du temps où nous étions dans la minorité, mais, hélas, perdues.

Lors de l’un de ces assauts, il y a quelques années, vous aviez reconnu, monsieur Marini – nous étions alors en novembre et vous étiez rapporteur général de la commission des finances –, l’intention louable sous-tendant l’amendement que je présentais sur ce sujet, tout en m’en demandant le retrait. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.). « Vous y viendrez ! », vous avais-je dit alors. Je crois que, ce soir, d’une certaine manière, nous y sommes !

Je dois à la vérité historique de dire que la France faisait partie des cinq États membres de l’Union européenne qui s’étaient entendus le 5 février 2012, en pleine campagne électorale présidentielle, pour signer des accords bilatéraux d’échanges d’informations entre leurs administrations fiscales et l’administration américaine.

Sur leur lancée, ce groupe des cinq avait demandé à la Commission européenne de proposer un système d’échanges de renseignements sur le modèle FATCA, ce qui fut fait le 12 juin 2013, par la révision de la directive 2011/16-1/UE. C’est la présidence italienne qui en assurera l’efficacité et veillera à réprimer les ardeurs dilatoires d’États membres récalcitrants. Nous les connaissons : ils ont été cités ce soir par les orateurs qui m’ont précédée.

Il est vrai aussi que le texte de régulation bancaire est entré en application sur le sol national en août 2013. Il introduit dans notre droit national l’échange automatique d’informations, à la faveur des conventions fiscales signées par la France avec les États étrangers. Pierre Moscovici a signé la convention FATCA avec les États-Unis le 14 novembre 2013. C’est donc de la ratification de ce traité international dont nous débattons ce soir.

J’ai voulu rappeler cette genèse parce qu’elle nous permet de mesurer le temps politique qui sépare la volonté de la prise de décision. Je note à cet égard que c’est au plus fort de la crise financière, en 2009, que les pays du G20, rassemblés à Londres, avaient décidé d’inscrire à l’agenda prioritaire la lutte contre les paradis fiscaux et, d’une manière plus générale, la lutte contre l’évasion fiscale.

Je ne sais s’il reste parmi nous quelques rescapés de ce que nous avions appelé « le groupe des vingt-quatre » (M. le président de la commission des finances opine.), ces douze députés et douze sénateurs de toutes couleurs politiques qui se réunissaient régulièrement pour réfléchir sur ces sujets. J’ai relu les recommandations que nous avions émises alors : la lutte contre l’évasion fiscale figurait dans nos notes depuis le début de nos travaux. Il s’agissait d’une très bonne initiative parlementaire, lancée par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sur l’impulsion du président de la République de l’époque !

Mme Nicole Bricq. J’en conviens, monsieur le président de la commission. C’était sous une autre majorité.

Des interrogations et des réticences subsistent encore. J’en ai retenu quelques-unes.

Serait-ce la lex americana qui s’impose au monde ? Il est vrai que ce sont les États-Unis, dont la puissance ne fait pas de doute, qui ont introduit cette législation dès 2010, un an à peine après le G20 de Londres. Il est donc légitime de s’interroger sur cette puissance américaine.

On peut s’interroger, également, sur le principe d’extraterritorialité de la loi américaine, qui a été mis en évidence par la lourde sanction qui frappe l’un de nos fleurons bancaires. Ne contrevient-il pas à notre principe de la nationalité ?

Mais enfin, la belle affaire... Nous ne découvrons pas aujourd’hui que les États-Unis mettent le droit et à la fiscalité au service de la compétitivité de leurs entreprises. Que ne le faisons-nous de ce côté-ci de l’Atlantique ! L’Union européenne est encore la première puissance commerciale du monde et elle aurait des atouts à faire valoir (M. le président de la commission des finances opine.) ; elle a la capacité de produire des normes et du droit, et elle ne s’en prive d’ailleurs pas. Encore faudrait-il qu’elle le fasse sur ce qui est essentiel, en le mettant à la portée des entreprises européennes !

On peut observer aussi, comme c’est mon cas, les réticences des milieux bancaires, lesquels doivent s’adapter à cet accord. Or toute adaptation est quelque peu onéreuse, car elle entraîne des frais.

Pourtant, comme en atteste le rappel historique que je viens de faire, les banques, notamment la Fédération bancaire française, la FBF française, ont eu l’occasion et le temps de s’adapter. Je note, du reste, que l’industrie bancaire américaine a longtemps été vent debout contre la législation FATCA, et il a fallu toute l’opiniâtreté du Congrès et du président Obama pour la faire adopter. Spontanément, les banques américaines étaient loin d’être toutes « emballées » par cette réforme...

Des résistances subsistent donc. Elles sont très légitimes lorsqu’elles concernent la portée de la réciprocité, car celle-ci n’est pas totale dans la convention fiscale. D’aucuns craignent aussi, là encore à juste titre, que l’on ne dépende désormais du bon vouloir du Sénat américain.

Je tiens cependant à rappeler que, hier, 21 juillet 2014, l’OCDE a publié sa norme : la réciprocité y est totale. Elle sera officiellement présentée au prochain G20 de Cairns, qui se tiendra les 20 et 21 septembre prochains, sous présidence australienne.

Ce sont soixante-cinq pays et territoires qui se sont publiquement engagés à mettre en œuvre cette norme mondiale. D’autres pourraient suivre à l’occasion du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements fiscaux, qui sera organisé à Berlin à la fin du mois d’octobre prochain, sur l’initiative du ministre des finances allemand. Nous disposerons donc bientôt, je le pense, d’un standard international qui fera référence.

Il faut faire confiance à la volonté politique et à la force des pressions convergentes pour aboutir à une application pleine et entière de ce standard. Je ne doute pas de la mobilisation des associations engagées de longue date dans le combat en faveur de la transparence fiscale, auxquelles Michèle André a fait référence – ce qu’on appelle bien improprement « la société civile » –, sera au rendez-vous. Je ne puis imaginer qu’elles abandonnent ce combat qu’elles mènent depuis des années alors que nous touchons au but !

Il n’a pas manqué d’épithètes, et ici même à cette tribune, pour qualifier cet acronyme FATCA. On a entendu les mots « tremblement de terre », « séisme », « bombe »... Sans aller jusqu’à ces extrêmes, il faut bien constater que la vague venue de ce côté-là de l’Atlantique a fait bouger les choses de ce côté-ci.

Combien de fois ne nous sommes-nous pas lamentés de l’absence de révision de la directive Épargne de 2003, de la pleine application de laquelle deux États membres de l’Union européenne – l’Autriche et le Luxembourg pour ne pas les citer – avaient obtenu de s’exonérer ? C’est bien FATCA qui a fait tomber les murs du secret bancaire encore en vigueur à l’intérieur même de la zone euro !

Lorsque j’étais rapporteur général de la commission des finances du Sénat, nous nous étions rendus en Autriche, et je me souviens encore du plaidoyer fait à cette occasion par les parlementaires de gauche comme de droite de ce pays : c’était l’identité nationale même qui reposait dans ce secret bancaire ! Ces faits ne sont pas anciens, ils remontent au début de l’année 2012. On voit bien que les choses ont bougé, même dans ce pays très attaché au secret bancaire.

En conclusion, la concrétisation de ce projet tant espéré et attendu, pour reprendre l’expression utilisée par Mme Goulet, doit l’emporter sur les réticences, fussent-elles légitimes. Le groupe socialiste suivra d’autant plus volontiers Mme la rapporteur qu’il l’a précédée de longue date dans sa volonté de prendre appui sur FATCA pour lutter contre l’évasion fiscale. Et comme Mme André est non seulement notre rapporteur, mais également membre du groupe socialiste, nos volontés ne peuvent que se rejoindre.

C’est donc de très bon cœur que nous ratifierons ce traité au nom du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il s’agit de ratifier un accord d’ores déjà conclu entre la France et les États-Unis, lequel fixe un cadre pour les prochaines années à la mise en œuvre d’échanges automatiques, entre nos deux pays, d’informations portant sur les revenus et les actifs de leurs contribuables respectifs.

D’après les chiffres figurant dans les rapports, les contribuables français concernés seraient de 130 000 à 140 000, dont un tiers a la double nationalité franco-américaine, et les Américains sont au nombre de 100 000.

Notre groupe, à l’exception du président de la commission des finances, votera ce projet de loi, ce qui nous permettra de terminer cette journée sur un signe positif.

Toutefois, FATCA, ce n’est tout de même pas Bretton Woods, ces accords qui ont véritablement consacré l’impérialisme du dollar !

Cet impérialisme, qui perdure dans les échanges – 80 % de ces derniers se font en dollars, contre 15 % à 16 % en euros –, a aussi pour origine notre incapacité à imposer l’euro comme monnaie essentielle des échanges mondiaux, ainsi que toutes nos hésitations européennes.

On s’alarme de la puissance de l’Oncle Sam... Il est vrai qu’il est puissant, mais il nous rend aussi service ! En effet, en matière de paradis fiscaux, le premier pas de géant a été fait par les États-Unis lorsqu’ils ont contraint la grande banque suisse UBS à renoncer au secret fiscal. Il fut ensuite très difficile à la Suisse, paradis fiscal notoire, de refuser à ses voisins européens de leur faire bénéficier des mêmes avantages que ceux qu’elle accordait dans le cadre des échanges avec les États-Unis.

C’est seulement depuis lors, monsieur le secrétaire d’État, que vous pouvez disposer de nombreux dossiers fiscaux et nous annoncer, ou presque, des ressources pérennes dégagées sur les avoirs de certains de nos compatriotes à l’étranger.

Par conséquent – j’ose le dire ! –, les embargos économiques décidés à l’échelle internationale, dont les États-Unis constituent toujours le levier le plus puissant, sont très utiles dans nos rapports internationaux. M. Poutine ne craint aujourd'hui ni nos canons ni nos chars, mais il redoute les sanctions économiques ! Une grande banque qui transgresse les règles internationales manque à son devoir de solidarité et nous empêche d’organiser les relations internationales sans que le sang soit versé.

Par conséquent, l’accord FATCA est un très bon projet. Le but de ce texte est de faire payer si nécessaire aux ressortissants américains leurs impôts aux États-Unis, faute de quoi une retenue à la source de 30 % sur les flux financiers des États-Unis vers les comptes à l’étranger pourrait être perçue.

Non seulement les États-Unis imposent au monde un certain nombre de leurs règles, mais ils sont intransigeants envers eux-mêmes et s’appliquent ces règles à l’échelon national, malgré la complexité de leur régime fédéral. Si cela fonctionne, c’est parce que leur justice, à eux, est indépendante. Madame la rapporteur l’a souligné tout à l’heure, il n’est qu’à voir l’amende colossale qui a été infligée aux banques américaines à la suite de la crise des subprimes,...

Mme Michèle André, rapporteur. Oui !

M. Francis Delattre. ... alors que la France traîne depuis dix-huit ans l’affaire du Crédit lyonnais, qui n’est toujours pas réglée.

M. André Gattolin. Tout à fait !

Mme Nathalie Goulet. Payée par le contribuable !

M. Francis Delattre. Dans ces conditions, gardons-nous de donner des leçons, nous qui avons tant de mal à agir en France et en Europe.

Il est d’ailleurs assez paradoxal que ce soit l’accord FATCA qui permette à l’Europe de progresser et d’élaborer un système interne entre tous les États membres. Ainsi, grâce au fameux accord élaboré dans le cadre du G5 dont a parlé Mme Bricq, mais aussi et surtout parce que nous avons fait en sorte que la chancelière allemande renonce aux accords bilatéraux avec la Suisse, visant à récupérer une rémunération sur les comptes bancaires allemands logés dans les banques de ce pays,…

M. Francis Delattre. … un système d’échanges de renseignements va se mettre en place.

Mme Michèle André, rapporteur. Tout à fait !

M. Francis Delattre. On se plaint de subir l’hégémonie des États-Unis, mais on s’aperçoit que leur action provoque des effets en cascade qui permettent à l’Europe, première puissance économique, de se constituer en tant qu’entité financière, budgétaire et fiscale et d’avoir enfin une monnaie à la hauteur de la place économique qu’elle occupe dans le monde.

En réalité, les accords de Bretton Woods nous sont utiles aujourd’hui : les États-Unis font marcher à fond la planche à billets depuis deux ou trois ans pour soutenir l’activité économique mondiale et les pays émergents, qui ne cherchent qu’à devenir submergents. En outre, cette abondance de liquidités dans le monde permet à l’État français d’emprunter dans des conditions extraordinairement favorables. C’est encore l’un des effets de « l’impérialisme » de nos amis et alliés américains, monsieur le président de la commission.

Les Européens vont devoir se pencher avec attention sur le système américain. En effet, les Américains résidant à l’étranger doivent faire une déclaration au fisc américain en déduisant tous les impôts ou taxes qu’ils ont payés dans le pays où ils travaillent. Ce dispositif correspond à leur système, qui est largement mondialisé, alors que, pour notre part, nous sommes toujours attachés au système dit « des territoires ».

Mes chers collègues, la mondialisation nous oblige à imaginer un équivalent du FATCA, qui corresponde à la réalité du monde économique, c'est-à-dire un système où les Français travaillant à l’étranger établiront une double déclaration fiscale. C’est ce qui nous attend et cela nous demandera bien dix ans ! C’est la seule voie possible à partir du moment où nous signons cet accord avec les États-Unis. Notre système fiscal devra être profondément modifié, si, à l’instar de tout État développé, nous ne voulons pas assister à une évasion de nos bases fiscales alarmante pour l’ensemble des finances publiques.

Plus de 77 000 banques dans le monde se sont engagées à collaborer avec les États-Unis. Pour notre part, l’implication de l’OCDE nous rassure. La commission des finances a reçu les représentants de l’OCDE en France : ils sont prêts à nous apporter une aide technique pour parvenir à ce que l’on appelle un standard, à savoir un ensemble de règles simples et compréhensibles, auxquelles on peut donc difficilement se soustraire. De ce point de vue, madame la rapporteur, nous sommes tout à fait d’accord avec l’analyse technique que vous avez développée devant nous.

La loi FATCA constituera dans les prochaines années un outil majeur de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. On connaît les problèmes auxquels sont confrontés les États-Unis avec leurs grandes multinationales : les réflexions qu’ils nourrissent, nous devrons les avoir aussi. En effet, notre économie est différente de celui de l’Allemagne, qui compte beaucoup de PME-PMI ; en Europe, nous sommes le seul pays à avoir de grandes entreprises internationales, cotées au CAC 40, ce qui est une chance.

Ensuite, relevons que l’ébauche d’une gouvernance mondiale sur ces sujets donne du relief aux réunions du G20, qui sont souvent perçues par nos concitoyens comme un aréopage de dignitaires, fort peu préoccupés et intéressés par la régulation. Là, au moins, il y a un contenu.

Saluons aussi la technicité de l’OCDE, qui est la cheville ouvrière d’un projet qui va progressivement s’installer comme un standard mondial des échanges automatiques d’informations bancaires. Madame la rapporteur, vous avez indiqué que 45 pays étaient déjà impliqués ; selon l’OCDE, 60 pays travailleraient déjà autour du projet. Au regard d’un nombre aussi important, on peut supposer que, rapidement, 80 % des échanges mondiaux seront concernés.

Enfin, monsieur le président de la commission des finances, saluons aussi – surprise, ô surprise ! – les décisions du Conseil Ecofin du 14 mai 2013 : la France et ses principaux partenaires – Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni – ont convaincu la Commission européenne d’engager un projet multilatéral équivalent au dispositif FATCA, avec le standard de l’OCDE. Cette articulation avec le droit de l’Union européenne permettra un élargissement souhaitable de nos propres échanges entre États membres.

Je ne relèverai qu’un petit bémol à ce dispositif, le transfert de données à caractère personnel à un pays tiers, qui pose toujours des problèmes divers. Il revient au législateur d’y faire attention. La France a été à l’origine de la première loi informatique et libertés en 1978, reprise par une directive européenne et améliorée depuis. Il faut que l’ensemble des documents techniques qui seront utilisés dans le cadre de ces échanges obtienne le label de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés. C’est la seule recommandation que je formulerai.

Monsieur le secrétaire d’État, nous voterons ce texte. Nous achèverons donc cette journée en vous donnant enfin un motif de satisfaction ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Chiron.