M. le président. La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’est jamais dans l’indifférence que l’on aborde un sujet tel que celui qui nous réunit aujourd’hui. Je me réjouis d’autant plus que le Sénat débatte et conclue sur ce projet de loi dans un climat de tranquillité et de responsabilité. Le débat qui s’est déroulé en commission a témoigné de ce sentiment partagé.

La France dispose d’un dispositif juridique déjà complet et adapté pour lutter contre le terrorisme, un dispositif construit par étapes, au fur et à mesure des différentes crises que nous-mêmes ou nos voisins et alliés avons affrontées. M. le ministre l’évoquait à l’instant, ce dispositif s’est enrichi et perfectionné grâce à la coopération internationale et à l’échange entre démocraties sur les méthodes d’action légales qui étaient les plus fructueuses et les plus efficaces.

Arrêtons-nous un instant sur les résultats appréciables que ce dispositif nous a permis d’obtenir. Bien évidemment, cela ne se lisait pas dans la presse, et c’est préférable, mais nous sommes nombreux ici à savoir que nos services ont pu, et à de multiples reprises, démanteler des entreprises terroristes de plus ou moins grande portée et de plus ou moins grande efficacité.

Bien entendu, comme M. le ministre le disait dans son propos liminaire, pas plus que la perfection, l’assurance tous risques face à ces menées n’existe. Néanmoins, il serait fâcheux, lors d’un débat comme celui que nous avons aujourd'hui, de ne pas rendre hommage à la conscience professionnelle, au courage et à la persévérance des hommes et des femmes qui travaillent au sein de services dont la mission est d’enquêter et de lutter contre les menées terroristes, oui, il serait fâcheux de ne pas saluer leur action et de ne pas apprécier tout ce qu’ils nous ont permis d’éviter.

Notre dispositif légal a donc évolué, il a été perfectionné à plusieurs reprises. Aujourd'hui, nous sommes devant une nouvelle étape de cette évolution, et ce pour une raison qui, je crois, est partagée par tous ici : il s’agit de faire face à des formes, elles-mêmes évolutives, d’entrée dans l’action terroriste d’individus ou de petits groupes.

Nous l’évoquerons de nouveau lors de la discussion des articles, nous voyons bien que la question centrale à laquelle cherche à répondre ce projet de loi en ses diverses dispositions, c’est ce mécanisme d’endoctrinement puis d’enrôlement de personnalités vulnérables, souvent isolées socialement, qui entrent par persuasion dans un refus de notre société et de ses valeurs, dans une fascination pour une violence prétendument rédemptrice venant donner un sens à un besoin d’engagement qu’elles n’ont pu satisfaire.

Cette forme d’accès au terrorisme, bien plus dispersée et bien plus souterraine, qui ne se manifeste pas par des réseaux dont on sache observer les mouvements et les échanges, méritait qu’un pas supplémentaire soit franchi dans le perfectionnement de notre dispositif de prévention et de répression pénale.

On entendra peut-être l’un ou l’autre de nos collègues évoquer, à l’occasion de ce débat, un « texte de circonstance ». Pour ma part, il m’apparaît qu’il n’est pas possible, dans une démocratie, même quand les services font leur travail méthodiquement et consciencieusement, de parvenir en une seule fois à un dispositif achevé et répondant à tous les risques – cela est vrai chez tous nos voisins, dans toutes les démocraties avec lesquelles nous coopérons. Nous sommes donc contraints d’évoluer avec la menace.

Plutôt donc que de parler de « texte de circonstance », mes chers collègues, rappelons- nous que l’appel au meurtre ou au combat sur internet n’a rien d’un phénomène nouveau que nous découvririons depuis quelques mois ! Ces faits étaient déjà connus, et des actions ayant malheureusement atteint leur but – je pense notamment aux événements du début du printemps 2012 à Toulouse – avaient, d'ailleurs, conduit la majorité politique précédente à déposer, dès avant la fin du dernier quinquennat, un projet de loi ayant, pour partie, les mêmes objectifs que le présent texte.

La démarche dans laquelle nous nous inscrivons – celle d’une démocratie qui perfectionne son système de droit de façon graduelle et réfléchie – me paraît donc logique et cohérente.

En réalité, le projet de loi dont nous allons débattre aura des effets limités, mais concrets. Pour aller à l’essentiel, il définit un nouveau délit, celui de l’entreprise individuelle de terrorisme, que Jean-Jacques Hyest décrira mieux que je ne saurais le faire. Il fait naître deux procédures préventives : la procédure d’interdiction de sortie du territoire et celle de suspension ou de suppression des contenus de provocation au terrorisme sur internet. Enfin – j’évoquerai plus brièvement ces points précis –, il apporte plusieurs perfectionnements à des procédures pénales destinées à la lutte contre le terrorisme, de manière à améliorer leur efficacité.

Je reviens sur les deux procédures administratives ici créées.

Pour ce qui concerne, première mesure administrative nouvelle, l’interdiction de sortie du territoire, je serai très bref. Il s’agit d’une mesure temporaire, motivée et contrôlée par le juge.

La mesure est temporaire, car elle n’est prise que pour une durée de six mois et, si elle peut être renouvelée, elle ne peut, au total, excéder une certaine durée. Elle est motivée, car le dossier sur la base duquel elle est prise doit suffisamment établir la dangerosité du comportement de la personne concernée, donc sa connexion avec des groupements ou des mouvances terroristes, de manière que le juge puisse, en cas de recours, confirmer que la mesure était bien justifiée.

Au regard des réflexions qui se sont justement fait jour sur l’équilibre de ce dispositif, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’ici même, en commission, je veux souligner que nous avons encadré la possibilité d’intervention du juge dans un délai réduit. En outre, en cas d’urgence, si la personne concernée projette un déplacement prochain, on entre dans le cadre du référé-liberté, et c’est alors au juge du référé de prendre, en quelques heures, une décision.

Le Gouvernement nous a confirmé quel était l’usage en matière d’expulsion, où cette procédure existe déjà : l’ensemble du dossier et les renseignements recueillis par les services pour motiver la décision sont soumis au juge et, par conséquent, au défenseur de la personne.

Certes, l’interdiction de sortie du territoire n’est pas un outil parfait. D’ailleurs, à la fin des travaux de la commission, le Gouvernement nous a présenté des dispositifs permettant d’éviter que la mesure ne soit tournée. Néanmoins, celle-ci présentera une utilité indiscutable pour contrer le phénomène des « nouveaux enrôlés », qui se développe rapidement, non seulement en France, mais aussi chez beaucoup de nos voisins et amis européens – le ministre a évoqué ce point avec précision tout à l'heure. Au reste, cette mesure utile sera complétée par la coopération internationale.

Dans le même esprit, l’interdiction de sortie pourra être complétée par une interdiction de transport adressée aux transporteurs ainsi que par une interdiction administrative d’entrer en contact avec d’autres personnes prises à l’encontre de personnes assignées à résidence sur une base terroriste, de manière à couper le circuit de l’embrigadement.

Pour ce qui concerne la seconde mesure administrative nouvelle, la suppression des messages terroristes sur internet, autrement dit de toute expression d’encouragement ou de soutien à l’embrigadement des internautes, je veux souligner qu’elle est graduée. C'est ce qui fonde le débat sur le délai opportun – vingt-quatre ou quarante-huit heures –, dont M. le ministre vient d’expliquer très clairement les termes.

En effet, le dispositif prévu fait d'abord appel à l’esprit de responsabilité des hébergeurs, des professionnels du net. Les grands gestionnaires de réseaux savent très bien qu’il est à la fois de leur mission citoyenne et de leur intérêt économique de ne pas laisser « proliférer » ces messages de soutien au terrorisme ; le témoignage qu’évoquait le ministre à l’instant et les contacts que nous avons eus nous-mêmes le montrent bien.

Nous sommes donc convaincus que, dans bien des cas, la mise en demeure de l’hébergeur – plus que de l’éditeur – aura pour conséquence le retrait spontané du contenu.

À cet égard, il nous semble que la durée de quarante-huit heures permettra d’aboutir plus souvent à des retraits effectifs, notamment en cas de désaccord entre l’hébergeur favorable au retrait et l’éditeur, qui, évidemment, cherchera à s’y opposer. Le Sénat tranchera.

Mais en outre, si l’on veut que le retrait décidé à l’amiable et de manière responsable soit effectif, il faut probablement qu’une procédure de contrainte soit également prévue pour que, à défaut, le message puisse faire l’objet d’une suppression administrative.

Ce blocage est entouré de précautions toutes particulières puisque, à la suite d’une avancée importante votée par l’Assemblée nationale, on fait intervenir, dans la procédure administrative, une personnalité qualifiée issue de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. À la réflexion, nous nous sommes convaincus que la CNIL est bien l’instance la plus légitime, la mieux préparée à mener cette action. Là encore, la décision sera sanctionnée par le juge.

Bien sûr, d’aucuns nous feront observer, non sans ironie, qu’un tel blocage administratif n’est pas efficace. Que la mesure ne soit pas efficace à 100 %, nous l’envisageons tous ! Mais si, en matière de sécurité, nous devions attendre le dispositif efficace à 100 % pour agir, nous resterions largement inoccupés…

Il est bien évident que les réseaux ou les propagateurs de messages les plus organisés et les plus déterminés arriveront à contourner le blocage. Le vieux principe de Pareto des 80-20 trouvera ici aussi à s’appliquer. Cela étant, si, avec cette mesure, nous parvenons à éliminer une partie importante des messages répétitifs sur internet, le risque que des jeunes perdus et des personnalités un peu ébranlées ne soient attirés dans le circuit de la persuasion, puis de l’embrigadement sera réduit très substantiellement.

Gardons-nous donc de caricaturer le débat ou de le réduire à un tout ou rien qui nous condamnerait à l’inaction. J’y insiste, la procédure introduite aura une efficacité et permettra de limiter l’embrigadement.

Outre les deux procédures administratives créées, plusieurs procédures pénales spécialisées seront améliorées ou durcies.

Ainsi, on étend la compétence des juridictions spécialisées siégeant à Paris. On applique les procédures propres au terrorisme à la diffusion de messages de provocation au terrorisme, de manière à pouvoir « remonter » les réseaux. On accroît le droit des juges, ou des policiers travaillant sous leurs ordres, d’accéder aux données et aux communications électroniques.

Enfin, sur le cas particulier de la conservation des écoutes pendant une durée allongée, mesure que le Gouvernement défend, nous proposons une solution de compromis.

Pour terminer, et en encourageant le Sénat à approuver l’ensemble de ce projet de loi avec les quelques modifications que nous proposons, généralement en convergence avec l’Assemblée nationale, dans un souci de perfectionnement, je veux dire que tout a été fait pour que les mesures tendant à accroître l’efficacité de la lutte antiterroriste soient entièrement assorties de garanties pour les droits individuels, auxquels nous tenons tous.

Le Gouvernement a deux premières réussites à son actif. Premièrement, il a convaincu une large majorité, d’abord à l’Assemblée nationale, puis parmi les membres de notre commission. Deuxièmement – je termine par où j’ai commencé –, il a réussi à faire en sorte qu’un nouveau pas en matière d’efficacité de la lutte contre le terrorisme par les moyens légaux soit franchi dans un climat serein et de compréhension.

Que l’on soit aujourd'hui capable de faire évoluer et d’améliorer, chemin faisant, le dispositif français de sécurité contre le terrorisme sans que cela soulève des débats passionnés est un signe de maturité et de solidité des fondamentaux de notre société et de notre vie collective. Je crois que nous pouvons tous nous en féliciter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été rappelé à l’instant par M. le ministre, puis par Alain Richard, ce projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme fait suite à plusieurs autres textes, d'ailleurs toujours votés sur la base d’un consensus général au Parlement. Il est vrai que la lutte contre le terrorisme est toujours à recommencer…

Bien entendu, nous devons améliorer les dispositifs, mais tout en étant extrêmement soucieux du respect des libertés publiques. Je rappelle que certains pays, confrontés à des actes de terrorisme horribles, ne se sont pas trop embarrassés du respect de ces libertés, et l’on sait tous les abus qui ont pu être commis au nom de la lutte contre le terrorisme. Si la société doit se doter des dispositifs nécessaires à sa sécurité, elle doit donc aussi veiller à ce que chacun puisse se défendre et se prémunir contre d’éventuels abus.

Alain Richard a exposé la partie préventive du texte. Au cours de nos lointaines études de droit, nous avons appris la distinction entre la police administrative et la police judiciaire. Je rappelle que les mesures préventives relèvent de l’administration et qu’il existe, pour les contrôler, des juridictions, non moins soucieuses des libertés publiques que leurs homologues de l’ordre judiciaire : les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel et le Conseil d’État.

Certains ont tendance à l’oublier et voudraient que la justice judiciaire s’occupe de tout. Mais le rôle de la justice judiciaire, c’est de réprimer ! Et, si l’on commence à tout mélanger, à faire intervenir le juge judiciaire dans les affaires de police administrative, on détruira en partie un édifice auquel beaucoup d’entre nous sont attachés.

Voyez que je fais l’éloge des juridictions administratives, comme cela m’arrive de temps en temps. (Exclamations amusées.) M. Mézard, qui appelle de ses vœux un seul ordre de juridiction, ne semble pas convaincu…

M. Michel Mercier. Il attend le prochain texte ! (Rires)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La formule existe dans d’autres pays, mais ce n’est pas celle que la France a retenue.

Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, le terrorisme a évolué. Il y a dix ans, nous n’envisagions pas véritablement le terrorisme individuel, tel qu’il s’est manifesté récemment encore en France ou au Royaume-Uni.

Si les outils juridiques dont disposent les enquêteurs et la justice, notamment l’incrimination d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste, étaient encore suffisants il y a peu, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les magistrats antiterroristes que nous avons entendus – ils sont remarquables – n’ont pas à leur disposition les bons outils pour réprimer les terroristes autoradicalisés, le droit actuel les exposant, en outre, à des risques en matière de procédure. Il en va de même pour l’utilisation d’internet à des fins d’apologie et de provocation au terrorisme : le changement de technologie conduit à un véritable changement dans la nature même et la portée de ces infractions.

Le projet de loi tente d’adapter le droit à cette nouvelle donne. Je vous présenterai plus particulièrement les mesures de droit pénal et de procédure pénale qui visent à adapter la répression aux formes actuelles de terrorisme, en particulier à l’utilisation d’internet et à l’autoradicalisation.

L’article 3, que nous vous proposons d’adopter, ne pose pas de problème particulier, puisqu’il s’agit d’inclure les infractions relatives aux produits explosifs dans la liste des infractions pouvant recevoir la qualification de « terroristes ».

L’article 4 est important dans la mesure où il transfère les délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse vers le code pénal.

En effet, selon le Gouvernement – marquant, en cela, une belle continuité avec les précédents gouvernements, monsieur Mercier ! (M. Henri de Raincourt approuve.) –, ces actes constitueraient non plus essentiellement un abus de la liberté d’expression, mais plutôt un maillon dans la chaîne des activités des groupes terroristes, en particulier sur internet. C’est ce que l’on a quelquefois qualifié de « djihad médiatique ».

Cette disposition permettrait de poursuivre l’apologie et la provocation au terrorisme en dehors du régime procédural contraignant, car protecteur de la liberté d’expression, de la loi du 29 juillet 1881.

Dès lors que ces délits seraient transférés dans le code pénal, les techniques spéciales d’enquête applicables à la criminalité organisée, comme l’infiltration, la sonorisation, la captation de données informatiques, notamment, pourraient être mises en œuvre. Sans compter, bien entendu, la garde à vue de quatre-vingt-seize heures…

Toutefois, le texte proposé par le Gouvernement présente plusieurs inconvénients.

D’abord, il va créer un précédent de sorte que la loi de 1881 risque d’être progressivement vidée de son contenu. Je vous rappelle que l’apologie de crime contre l’humanité et la provocation à la discrimination raciste, notamment, figurent dans la loi de 1881. Mais cela n’empêche pas que ce soient des délits, ne mélangeons pas les choses ; il s’agit plus d’une question de procédure que d’une question de fond.

Ensuite, tous les faits d’apologie et de provocation seraient concernés, y compris un simple message par lequel l’auteur exprimerait son accord avec le djihad, ce qui paraît tout de même disproportionné. Sans parler de l’inévitable encombrement des juridictions spécialisées, qui ont déjà fort à faire.

Enfin, monsieur le ministre, votre projet de loi a été complexifié par l’Assemblée nationale. Les modifications apportées par nos collègues députés rendent le dispositif particulièrement complexe, avec une procédure à géométrie variable en fonction de la nature de l’infraction, apologie ou provocation. Or ces notions sont proches. Cela ne me paraît pas de bonne méthode en matière de droit pénal et de procédure pénale.

Dès lors, la commission a décidé de ne transférer dans le code pénal que les faits commis par la voie d’internet. Les autres faits d’apologie et de provocation au terrorisme resteraient traités dans le cadre de la loi de 1881.

Il s’agit surtout d’appréhender des animateurs de sites internet djihadistes. Comme les juges d’instruction nous l’ont fort bien expliqué, ce sont en effet des réseaux extrêmement organisés et financés par des spécialistes.

De plus, internet a des spécificités qui justifient ce traitement particulier : interactivité, persistance des messages, possibilité d’organisation, etc.

Nous pouvons également nous référer au rapport récent et très approfondi du procureur général Marc Robert, souvent cité, intitulé Protéger les internautes, rapport sur la cybercriminalité, qui a inspiré plusieurs dispositions du projet de loi. Son auteur nous a indiqué que la loi sur la presse n’était plus adaptée à internet, et a préconisé de manière générale de faire sortir internet de la loi de 1881 pour le faire entrer dans le code pénal. C’est une question intéressante à laquelle nous devrons réfléchir.

La création d’une infraction relative à l’entreprise individuelle de préparation d’un acte terroriste à l’article 5 est l’un des apports majeurs du projet de loi.

L’association de malfaiteurs ne permet pas toujours d’appréhender l’autoradicalisation. Nous pourrions citer plusieurs exemples qui ne font pas apparaître d’association de malfaiteurs. D’où cette nouvelle incrimination d’actes préparatoires effectués de manière solitaire.

Telle que renforcée par les députés, la rédaction prévoit trois conditions : une volonté terroriste, le fait de rechercher ou de se procurer des substances dangereuses et un autre fait matériel tel que recueillir des renseignements sur une personne, s’entraîner au maniement des armes, consulter habituellement des sites djihadistes, etc.

Compte tenu de ces précisions, la commission a approuvé la création de ce nouveau délit. Toutefois, elle a ajouté les préparatifs logistiques, tels que la location d’un box ou de véhicules, à la liste des éléments alternatifs contribuant à la constitution de l’infraction.

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous avons supprimé la mention de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, source de confusion. C’est bien une nouvelle infraction terroriste devant figurer au titre II du livre IV du code pénal consacré aux actes de terrorisme que nous nous efforçons ici de créer, et non une incrimination qui mêlerait des éléments de terrorisme et de crime contre l’humanité ou de crime de guerre. Tous les juges que nous avons entendus ont d'ailleurs souligné cette bizarrerie introduite dans le projet de loi.

Les articles 7 et 7 bis prévoient l’extension de la compétence concurrente de la juridiction de Paris en matière de terrorisme. Ce sont des dispositions extrêmement importantes pour l’efficacité de nombreuses procédures.

Ainsi, l’article 7 bis, ajouté par les députés, permettra à la Cour d’appel de Paris de se saisir de l’examen des demandes d’exécution d’un mandat d’arrêt européen ou d’une demande d’extradition lorsqu’elles concernent des auteurs d’actes de terrorisme.

Il s’agit de tirer profit de l’expertise particulière et reconnue de la juridiction parisienne dans le suivi judiciaire des auteurs d’actes de terrorisme. En l’état actuel, il lui est impossible de se saisir. Ainsi, une récente demande d’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis par la Belgique a été examinée par le parquet de Versailles, territorialement compétent mais non spécialisé, et non par le pôle antiterroriste. Il s’agit de lui offrir cette possibilité, dans le cadre de la compétence concurrente.

D’autres dispositions concernent des aspects plus ponctuels de notre législation. Vous avez défendu l’article 15, monsieur le ministre. Mon corapporteur n’a pas évoqué cet article, mais nous aurons l’occasion d’en reparler ultérieurement. Je ne résiste pas à la tentation de noter la belle continuité qui existe en la matière, de la part des gouvernements comme de la part des ministères…

M. Henri de Raincourt. Tant mieux : c’est rassurant ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait ! J’ajoute que la continuité de l’État en la matière se traduit également au Parlement. Eh oui, le Parlement fait également partie des continuités nécessaires ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez est un texte important, que nous avons tous été soucieux d’améliorer, en vérifiant qu’il ne posait de problème ni d’ordre constitutionnel ni en matière de libertés publiques. Comme l’a dit Alain Richard, nous souhaitons surtout soutenir les services - services de renseignement, services de police judiciaire, notamment – qui, confrontés à des conditions de travail extrêmement difficiles, verront leurs efforts se poursuivre certainement au-delà de un ou deux ans.

Par le passé, il nous est déjà arrivé de prendre des mesures provisoires pour lutter contre le terrorisme mais qui ont dû être pérennisées. Le terrorisme, rappelons-le, vise tout de même à détruire nos démocraties ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

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Dossier législatif : projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme
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