M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015 de France Médias Monde et le plan stratégique 2014-2016 de TV5 Monde ont fixé des ambitions qui sont, hélas, déjà fort limitées pour notre action audiovisuelle extérieure.

Ces ambitions se calibrent sur l’incapacité à apporter les financements publics nécessaires au développement de ces entreprises et, en conséquence, sur leurs seules capacités à engendrer des ressources propres et des économies sur leur fonctionnement.

Ainsi, en 2015, la dotation de France Médias Monde progresse de 0,9 % et celle de TV5 Monde stagne à son niveau de 2014.

Au fond, il est demandé aux deux entreprises de faire mieux avec des ressources publiques moindres, qui ne couvrent que peu ou pas l’augmentation des dépenses courantes. Principe ô combien vertueux, mais qui trouve vite ses limites.

En effet, la capacité des entreprises à trouver sur le marché publicitaire les ressources nécessaires est faible, en raison de leur diffusion trop limitée sur le marché national et de la concurrence des chaînes locales et des marques leaders à l’étranger.

Le principal gisement de ressources se trouve dans les économies à réaliser. Mais il faut savoir qu’il y a peu à attendre d’une décroissance de la masse salariale. France Médias Monde a connu deux plans sociaux au cours des dernières années et doit procéder en 2015 à une harmonisation des statuts de ses personnels, qui risque d’avoir un impact financier. Chez TV5 Monde, un plan d’intégration de personnels non permanents est en cours, et il est encore difficile d’en mesurer l’impact.

C’est donc avant tout sur le fonctionnement qu’il faut agir. Les résultats obtenus ces dernières années sont encourageants, mais les entreprises risquent d’atteindre vite les limites de l’exercice.

Elles vont, en outre, se trouver confrontées très rapidement à deux difficultés concernant leur diffusion.

La première est immédiate. Il s’agit des conséquences sur les contrats de diffusion par satellite de la dégradation de la parité de l’euro par rapport au dollar.

La seconde est à très court terme. Il s’agit de la demande croissante des opérateurs d’une diffusion des programmes en haute définition. Les deux entreprises ont financé sur leurs ressources la mise à niveau de leurs outils de production, mais la diffusion de la haute définition est plus coûteuse. Faute de moyens, TV5 Monde, pour répondre d’emblée aux demandes, est obligée d’arbitrer, et le contrat d’objectifs de France Médias Monde ne la prévoit pas avant 2016, avec un risque d’éviction de nos médias si cette situation perdure.

L’arbitrage va donc se faire au niveau des programmes, ce qui n’est pas un tabou, mais il pourrait affaiblir leur audience s’il n’est pas réalisé avec discernement. Je pense notamment au décalage de la diffusion de RFI en bambara, ou de la limitation du sous-titrage des programmes de TV5 Monde, moyen essentiel pour étendre leur public aux francophiles. D’autres projets risquent de se trouver menacés : le développement des productions propres, le lancement d’une chaîne « enfant » en Afrique ou encore au projet de chaîne « Art de Vivre », que TV5 Monde s’apprête à lancer en appui à notre diplomatie économique. Sans compter le ralentissement de leurs investissements multimédias, pourtant porteurs d’avenir.

À défaut de ressources publiques supplémentaires, il conviendrait, à tout le moins, de donner à ces entreprises des capacités d’être un peu plus dynamiques sur le marché publicitaire, en levant les contraintes qui sont les leurs par assimilation aux chaînes françaises, dès lors que la diffusion peut être segmentée. Il faudrait aussi être plus attentif au respect des engagements pris lors des sommets de la Francophonie sur la « diffusion obligatoire » de TV5 Monde sur la TNT, dans les bouquets satellitaires et sur les réseaux câblés, un engagement qui aurait gagné à être repris et appuyé dans les conclusions du sommet de Dakar. Enfin, il conviendrait d’étendre la diffusion des programmes de France Médias Monde sur le territoire national.

Je souhaite rappeler ici la demande émise par notre commission de diffuser des programmes en langue arabe porteurs des valeurs républicaines et laïques. Cela est désormais rendu possible par une modification du cahier des charges. Mais il faut aller plus loin. La question de la préemption de fréquences, en cas de disponibilité, ou de l’utilisation de fréquences sous-utilisées par Radio France devrait systématiquement être mise à l’étude.

Vous le voyez, madame la ministre, mes chers collègues, la progression limitée des dotations publiques, qui représentent plus de 92 % de leurs ressources, se traduit par une mise sous tension budgétaire des entreprises, qui les fragilise et les oblige à réduire leurs ambitions face à une concurrence accrue.

Sans une réorientation des trajectoires financières, c’est bien à une redéfinition de leurs missions à laquelle il faudra se résoudre. Ce sera l’enjeu du prochain contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde pour 2016-2018, dont nous demandons qu’il nous soit soumis pour avis, au premier semestre 2015, avant les arbitrages budgétaires pour 2016.

Outre une nécessaire ambition, il faudra, en effet, toute votre implication, madame la ministre, et toute notre vigilance pour sauvegarder ces leviers importants de l’influence et du rayonnement de la France et de la Francophonie.

Vous comprendrez que, dans un tel contexte, je ne puisse suivre la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a donné un avis favorable, pour ce qui concerne les programmes 844 et 847, à l’adoption des crédits du compte d’avances à l’audiovisuel public. Je m’abstiendrai, comme je l’ai fait en commission.

M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis.

M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après une indispensable réorganisation, en 2012 et 2013, les deux sociétés en charge de l’action audiovisuelle extérieure de la France, France Médias Monde et TV5 Monde, sont désormais dotées d’un contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015 pour l’une, et d’un plan stratégique 2014-2016 pour l’autre. Elles sont entrées dans une phase de stabilisation et de consolidation qui devrait leur permettre de poursuivre leur développement de manière plus efficace.

Dans la maquette budgétaire pour 2015, la présentation des crédits du budget général alloués aux sociétés de l’audiovisuel public a été simplifiée. L’objectif fixé à l’échéance de 2017 par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques de recourir exclusivement à la contribution à l’audiovisuel public – en d’autres termes, la redevance – pour le financement des entreprises publiques du secteur audiovisuel est atteint dès 2015 pour France Médias Monde – FMM – et TV5 Monde.

Leurs dotations publiques sont désormais inscrites respectivement aux programmes 844 et 847 du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Ensemble, ces dotations représentent 8,6 % des 3,752 milliards d’euros destinés au secteur de l’audiovisuel public.

Leurs montants respectifs sont en phase avec les plans d’affaire adossés aux documents stratégiques, qui prévoient une progression des ressources publiques de 0,9 % pour FMM et un maintien des crédits pour TV5 Monde. Dans une période de contraintes budgétaires où chacun est appelé à faire des efforts, cela mérite d’être souligné.

L’audiovisuel extérieur, principalement financé par le budget de l’État jusqu’en 2012, est donc désormais exclusivement financé par la contribution à l’audiovisuel public. Cette situation pourrait paraître quelque peu paradoxale puisque, à l’inverse des autres chaînes de radio ou de télévision du service public, les programmes de l’audiovisuel extérieur n’étaient pas complètement accessibles aux personnes résidant sur le territoire national et qu’ils ne sont pas, a priori, conçus pour ce public.

Toutefois, l’arrivée du numérique, la diffusion de France 24 en français en Île-de-France sur la TNT, mais aussi sur l’internet et les réseaux sociaux grâce à l’ADSL, élargit aujourd’hui très sensiblement leur audience. Je note d’ailleurs que la modification du cahier des charges de France Médias Monde rend cette diffusion possible.

Il nous paraît d’ailleurs important que cela se traduise concrètement dans les faits, pour assurer une diversité des programmes proposés en langue arabe, alors que ceux proposés aux auditeurs par le secteur privé ou les chaînes étrangères sont assez largement de nature confessionnelle, mais aussi pour offrir à nos compatriotes binationaux une ouverture sur l’Afrique à travers RFI, qui n’est reçue qu’en Île-de-France.

Cette évolution du mode de financement nous amène à formuler trois observations.

Premièrement, il faudra veiller à ce que le nouveau mode de financement n’altère pas la politique des programmes des médias concernés. Même si nous considérons que leur diffusion sur le territoire national enrichit l’offre, peut répondre à des besoins spécifiques aujourd’hui insatisfaits et confortera leurs capacités à trouver des ressources publicitaires, ils restent d’abord des leviers de l’influence française à l’étranger.

Deuxièmement, cette situation aura un avantage si elle permet aux sociétés d’échapper aux régulations budgétaires et si ces dernières sont assurées d’une meilleure prévisibilité de leurs ressources. Néanmoins, encore faut-il que n’intervienne pas, dans le cadre d’une loi de finances rectificative, un réajustement de la répartition des dotations, comme ce fut le cas en 2014 pour France Médias Monde : le groupe perdit ainsi 600 000 euros, soit plus du tiers des ressources publiques nouvelles qui lui avaient été affectées par la loi de finances initiale.

Quand on sait que ces entreprises ont des difficultés à collecter des ressources propres et que leurs marges de manœuvre reposent sur un redéploiement toujours difficile de leurs dépenses, ce procédé n’est pas admissible. Il conduit au final à décaler des projets qui constituent des engagements pour les dirigeants aux termes du contrat d’objectifs. C’est ainsi que la diffusion de RFI en bambara a été reportée d’une année, alors que la France est engagée au Mali et dans le Sahel. L’État doit respecter ses engagements !

Troisièmement, et enfin, la redéfinition d’une trajectoire financière ne sera pas simple à obtenir dans le cadre de la répartition du produit de la contribution à l’audiovisuel public, car les deux entreprises sont lilliputiennes par rapport aux autres sociétés de programmes : leur poids en termes d’audience nationale et de budget de production ne leur donne que de faibles leviers d’influence.

Il faudra donc, madame la ministre, ne pas céder aux pressions de toutes parts visant à protéger les grands médias et leurs capacités d’investissement dans la production d’œuvres audiovisuelles, car cela conduirait à marginaliser ces petites entreprises, qui sont pourtant si importantes pour la politique d’influence de la France et qui soutiennent sa diplomatie économique. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées y veillera tout particulièrement.

Forte de ce constat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis, pour ce qui concerne les programmes 844 et 847, un avis favorable à l’adoption des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ». (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la perspective de supprimer l’ensemble des dotations budgétaires à l’horizon 2017 et de leur substituer la seule contribution à l’audiovisuel public va dans le bon sens.

Toutefois, la hausse de trois euros de la contribution à l’audiovisuel public en 2015 ne permettra pas de répondre aux besoins de financement de l’ensemble de l’audiovisuel public. Voilà pourquoi le débat sur la contribution à l’audiovisuel public est devenu une nécessité.

Nous savons tous, et depuis longtemps, que de plus en plus de Français délaissent, et délaisseront encore davantage à l’avenir, leur téléviseur pour accéder aux contenus de l’audiovisuel public sur les supports de réception numérique. À terme, cette évolution fera immanquablement baisser le rendement de la contribution à l’audiovisuel public.

Par ailleurs, si nous avons des indications sur le taux de recouvrement de cette contribution, acquittée par ceux qui reconnaissent avoir un récepteur de télévision, le Parlement n’a, malgré des demandes répétées, reçu aucune indication sur l’étendue de la fraude et les moyens utilisés pour la réduire. Or nous savons qu’un élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public risque de se traduire mécaniquement par une hausse de la fraude.

C’est pourquoi notre commission a souhaité que l’on examine la possibilité de s’inspirer de la réforme réalisée en Allemagne, qui tire les conséquences, en taxant les foyers et non plus les supports de réception, du fait que chacun ait maintenant accès aux programmes de l’audiovisuel public. Cette réforme devrait, en outre, permettre de baisser le montant de la redevance.

J’en viens maintenant à France Télévisions. Ses crédits baissent de 0,5 %, mais cette diminution des ressources ne constitue pas le seul motif de sa précarité budgétaire. L’objectif de retour à l’équilibre en 2015, prévu par l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens, le COM, a toutes les raisons de ne pas être atteint. Le groupe France Télévisions se trouve donc dans une situation compliquée, et je suis pour ma part circonspect face à la tentation de recourir à des expédients comme le retour à la publicité entre vingt heures et vingt et une heures et pendant la diffusion des grands événements sportifs.

Au-delà du budget pour 2015, c’est le projet même de France Télévisions qui mérite d’être clarifié, ainsi que me l’ont confirmé les représentants du personnel que j’ai rencontrés. Sur quelle base se fera la nomination du futur président au printemps ? Le projet présenté par les candidats ou le projet élaboré par l’État à partir du rapport commandé à Marc Schwartz ? On le voit, la réforme des modalités de nomination du président de France Télévisions en 2013 n’a pas forcément arrangé la situation.

Je dirai un mot sur Arte, pour saluer la clarté du projet de la chaîne culturelle franco-allemande, qui coïncide avec l’augmentation de 33 % en deux ans de son audience. Le projet de loi de finances préserve ses moyens quasiment à l’identique.

J’en viens maintenant à Radio France. Depuis 2012, sa contribution au plan de retour à l’équilibre des finances publiques s’est élevée à 87,6 millions d’euros. Faute de marges de manœuvre supplémentaires, Radio France ne devrait pas être en mesure d’absorber la baisse attendue de ses ressources propres en 2015. La direction de la société prévoit ainsi un déficit de 15 à 20 millions d’euros.

Là encore, des choix seront nécessaires. Faut-il fusionner des antennes ? Faut-il ne garder qu’un seul orchestre au lieu de deux ? Faut-il engager un plan de départs volontaires ? Toutes ces questions devront recevoir des réponses dans le nouveau COM, qui devrait être soumis à notre examen au premier trimestre 2015.

Je souhaite également que la réalisation des travaux de la Maison de la radio soit accélérée, afin de ramener de la sérénité pour les personnels, qui ont été beaucoup sollicités par ces travaux et que l’incendie du 31 octobre dernier a perturbés, même s’il n’a heureusement pas fait de victimes.

J’en viens enfin à l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, auquel le projet de loi de finances pour 2015 attribue une dotation de 90,9 millions d’euros, équivalente à celle qui lui avait été attribuée en 2013. Le Parlement aura bientôt à connaître du contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019, qui permettra notamment d’acter le projet immobilier fondé sur le maintien à Bry-sur-Marne.

Pour terminer, je souhaiterais vous interroger, madame la ministre, sur le projet de décret portant modification du régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des services de télévision.

La dernière version du projet de décret traduisait bien la volonté du législateur de trouver un équilibre dans les modalités d’attribution des mandats de distribution en cas de coproduction. Le CSA ayant publié hier son avis sur ce projet de décret, pouvez-vous nous donner votre sentiment à son sujet et nous indiquer la date de publication du décret, qui est attendu par tous les acteurs ?

En conclusion, je rappelle que la commission de la culture a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis.

Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte difficile que nous connaissons, l’essentiel a été préservé s'agissant des crédits de l’audiovisuel extérieur, et un certain nombre de clarifications bienvenues ont été opérées.

La première clarification concerne le financement par la seule contribution à l’audiovisuel public. Le nouveau programme 847, « TV5 Monde », est doté de 77,8 millions d'euros. Les crédits de France Médias Monde passent à 247 millions d'euros. À périmètre constant, la dotation augmente de 0,9 %.

La satisfaction que m’inspire cette stabilité budgétaire ne me fait pas oublier que les crédits de France Médias Monde ont été amputés de 612 000 euros en juillet dernier, ni que les menaces n’ont pas disparu en cette fin d’année. Il conviendra d’être vigilant.

Pour autant, on ne peut que se féliciter que le financement des deux entreprises publiques repose dorénavant entièrement sur la contribution à l’audiovisuel public. Cela constitue un progrès en termes de stabilité de la ressource et d’indépendance du financement. Cependant, le fait que les contribuables français, qui financent l’audiovisuel extérieur, n’y aient pas accès pour la plupart d’entre eux suscite des interrogations ; j’y reviendrai.

J’en viens maintenant à France Médias Monde. Je souhaitais recueillir l’avis des syndicats sur les avancées de la fusion. Après avoir rencontré les représentations des cinq organisations de salariés, je peux témoigner qu’aucune d’entre elles ne demande le retour en arrière : la fusion constitue un acquis.

Ce qui continue à poser question, ce sont les conditions du rapprochement. Si les représentants des salariés s’accordent pour considérer que Marie-Christine Saragosse a su restaurer les conditions de la confiance, ils redoutent le futur statut commun, d’autant que la négociation a pris du retard. La coexistence de personnels exerçant le même emploi sous des statuts différents ne peut perdurer ; on peut comprendre l’appréhension des salariés.

Je suis pour ma part confiante dans l’avenir de France Médias Monde, car le processus de remise à plat des statuts est maintenant achevé. Les équilibres identifiés devraient permettre la convergence réciproque des temps de travail. L’objectif de conclure un accord au premier semestre 2015 est ambitieux, mais crédible. Cet accord constituera l’une des fondations de la nouvelle société ; il faut souhaiter qu’il permette aussi d’insuffler un nouvel esprit commun propre à favoriser de nouvelles dynamiques.

S'agissant des moyens, France Médias Monde a connu une baisse annuelle de 10,7 millions d’euros de ses ressources publiques d’exploitation sur la période 2011-2015. En cumulé, cela représente une économie de 54 millions d’euros pour les comptes publics. Autant dire que France Médias Monde a déjà fortement contribué à l’effort de redressement des comptes publics. Ainsi, le groupe a perdu 253 équivalents temps plein, soit 20 % de ses effectifs, et réalisé une économie globale annuelle de 19 millions d’euros.

Cet effort d’économie n’a pas empêché le développement de la version arabophone de France 24, ni la migration de la production vers la haute définition. Cependant, les moyens sont aujourd’hui extrêmement contraints, ce qui limite le nombre de nouveaux projets. L’antenne en bambara de RFI est toutefois sur les rails et devrait commencer à émettre au second semestre de 2015 ; il s’agit d’un projet fondamental, compte tenu des enjeux qui traversent la partie du continent africain où cette langue est parlée.

Il me semble éminemment souhaitable de mieux valoriser les antennes de France Médias Monde, ce qui passe par la diffusion de France 24 sur la TNT dans l’ensemble du pays et pas seulement en Île-de-France. De même, si la diffusion de RFI et MCD à Marseille est déjà en discussion, il me semblerait également pertinent de l’étendre au reste du territoire.

J’en viens maintenant à TV5 Monde. Ses grandes priorités concernent le basculement en haute définition, le lancement d’une chaîne pour enfants en Afrique et le projet d’une chaîne consacrée à l’art de vivre pour l’Asie.

Il n’est plus possible de penser séparément la diffusion de TV5 Monde et le reste du service public de l’audiovisuel. Avec le financement intégral de la quote-part de la France par la contribution à l’audiovisuel public, le téléspectateur français est en droit de pouvoir accéder à ces programmes de qualité. TV5 Monde constitue une belle fenêtre sur d’autres cultures francophones : belge, suisse, québécoise, mais aussi africaine, arabe, asiatique. Le coût de sa diffusion sur la TNT serait de 13 à 15 millions d’euros, du fait du surcroît de droits qui devrait être payé.

La commission de la culture a émis un avis défavorable sur l’ensemble des crédits de la mission. Le groupe socialiste ne peut que le déplorer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, rapporteur pour avis.

M. Pierre Laurent, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation de la presse continue de se dégrader gravement. Plus que jamais, la presse, enjeu démocratique central, a donc besoin d’aides publiques pour poursuivre sa transformation et trouver un nouveau modèle économique stable, sachant que le numérique ne produit pas encore son équilibre et que le papier n’en a plus.

Or le constat que je dresse encore cette année, pour le déplorer, est celui d’une absence de réflexion stratégique à moyen et long termes sur cette mutation.

Les mesures proposées dans ce budget ne permettent pas de préparer l’avenir de la presse et ne sont pas à la hauteur des défis en cours, même si les crédits sont globalement maintenus et que des ajustements bienvenus sont opérés à la marge.

Je commencerai par évoquer la question du taux « super-réduit » de TVA, qui autorise une certaine neutralité technologique et favorise la transition numérique. Les représentants de la direction générale des médias et des industries culturelles que j’ai auditionnés n’ont pas caché leur préoccupation à ce sujet, compte tenu de l’évolution du contentieux engagé devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant le livre numérique. Chacun d’entre nous a bien conscience qu’une remise en cause de ce taux de TVA serait très préjudiciable à la presse dans son ensemble.

Les aides directes à la presse, quant à elles, subissent une baisse de 3 %. Je trouve d’autant plus dommageable cette réduction des moyens, au moment où la presse en a tant besoin, qu’elle est justifiée par un transfert de crédits au bénéfice de l’AFP. En somme, madame la ministre, vous faites comme si la presse était mise à contribution pour soutenir l’AFP, alors même que la presse a besoin d’aide et que le soutien à l’AFP relève, au premier chef, de l’État.

L’appui à la diffusion par les aides au portage, comme l’aide à la modernisation de la presse et les aides au pluralisme, sont maintenus, les baisses concernant surtout le soutien à la modernisation sociale de la presse d’information politique et générale.

Les crédits consacrés au Fonds stratégique pour le développement de la presse connaissent, eux, une baisse de 500 000 euros, à 30,45 millions d’euros.

J’en viens maintenant à Presstalis, dont la situation reste, il ne faut pas le nier, difficile. À court terme, l’équilibre d’exploitation a été atteint à la fin de 2013 et une amélioration devrait être constatée à la fin de 2014, mais, à plus long terme, la question de l’avenir des messageries de presse est en jeu. Je m’étonne que l’on continue à maintenir deux opérateurs sur un marché en régression brutale, alors que la concurrence s’est déplacée vers le numérique.

Au lieu de réfléchir à une rationalisation du secteur au moyen, par exemple, de la création d’un monopole régulé, qui permettrait de maximaliser les mutualisations, on continue d’affaiblir les deux opérateurs en privilégiant des coopérations qui sont longues à négocier et encore plus difficiles à mettre en œuvre, comme le projet de mise en commun des moyens de transport des deux messageries.

Concernant l’aide au transport postal, vitale pour beaucoup de titres de presse, les accords Schwartz avaient prévu un montant d’aide de l’État de 180 millions d’euros la dernière année, après plusieurs années de décroissance. Ce montant sera, en fait, inférieur de 50 millions d’euros, à 130 millions d’euros, l’État excipant de ce que le bénéfice du CICE permettra à La Poste de compenser la baisse de cette dotation. D’une certaine manière, l’État reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre, mais, en l’occurrence, c’est au détriment d’une aide à la presse qui est absolument nécessaire.

À cet égard, je ne vous cacherai pas mon inquiétude concernant le devenir du contrat tripartite État-presse-La Poste, qui arrive à échéance à la fin de 2015, sans que l’on sache quel dispositif prendra sa suite.

J’en viens enfin à l’AFP. Évidemment, je suis préoccupé, car nous devons nous prononcer sur le budget de l’Agence sans connaître le contenu exact du prochain contrat d’objectifs et de moyens, et alors même que l’Assemblée nationale devra discuter, le 17 décembre prochain, la proposition de loi déposée par le député Michel Françaix, qui tend à prévoir, en particulier, une réforme de l’Agence. Le COM étant en voie de finalisation, il serait souhaitable, à mes yeux, qu’il prévoie au minimum un rythme de revalorisation de la subvention de l’AFP régulier, du même ordre que les deux millions d’euros de cette année.

Si l’on peut se féliciter que l’accord trouvé avec la Commission européenne pérennise pour l’instant la subvention de l’État pour les missions d’intérêt général, il reste du chemin pour porter à 100 % la compensation de ces missions, que j’appelle de mes vœux, d’autant que la négociation du COM semble programmer l’érosion progressive de la revalorisation de cette subvention.

Or l’AFP ne pourra survivre sans le maintien d’aides publiques. Je rappelle, à cet égard que, contrairement à ce qui est souvent dit, aucune des grandes agences mondiales ne vit uniquement de ses seules ressources propres.

En conclusion, mes chers collègues, je vous rappellerai que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».