Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1792, la Convention a voulu écraser Lyon, la contre-révolutionnaire. Un petit rappel historique peut toujours être utile, monsieur Mercier ! À cette occasion, Lyon perdait la moitié de son département, puisque la Convention décida de scinder le département de Rhône-et-Loire en créant, d’une part, un département du Rhône à la superficie bien inférieure à la moyenne et, d’autre part, un département de la Loire. Lyon n’a pas oublié !

À la suite de l’adoption de la loi du 27 janvier 2014, dite MAPTAM, la communauté urbaine de Lyon a fait place à la métropole de Lyon.

Fruit d’un consensus entre des élus locaux, sinon de tous bords, du moins de différents bords politiques – je ne veux pas faire de peine à Mme Cukierman ! –, particulièrement entre deux d’entre eux, qui siègent parmi nous et que nous saluons. Cela témoigne du fait que l’intérêt général transcende parfois les intérêts particuliers.

La nouvelle collectivité réunit les champs d’action du département et de la communauté urbaine pour les 59 communes qui composent le territoire du Grand Lyon. Le département du Rhône continue, pour sa part, d’exercer ses compétences pour les 228 autres communes.

Nous avions, lors de la discussion de la loi MAPTAM, approuvé cette innovation institutionnelle. Bien que la plupart des élus de notre groupe représentent des territoires ruraux, ils étaient conscients de la nécessité d’une telle évolution, emblématique d’une modernisation de l’action locale.

Sur les conseils avisés des deux grands élus auxquels je viens de faire allusion, le législateur a effectué un travail de dentellière, à rebours du dogme de l’uniformité institutionnelle.

Le premier volet de l’ordonnance du 19 décembre 2014 concerne plus spécifiquement l’adaptation du droit en vigueur à cette nouvelle collectivité.

La loi a ainsi créé une collectivité à statut particulier, la métropole de Lyon, conformément à ce que permet l’article 72 de la Constitution. Elle diffère très profondément des métropoles de Marseille-Aix-en-Provence et de Paris, qui constituent des EPCI.

De manière symbolique, cette collectivité, qui repose sur une structure intercommunale, pourra mettre en symbiose la plupart des politiques publiques locales : développement et aménagement économique, social et culturel ; aménagement de l’espace métropolitain ; politique locale de l’habitat ; politique de la ville ; gestion des services d’intérêt collectif ; protection et mise en valeur de l’environnement. Elle devient de plein droit délégataire de l’État en matière de politique de logement, se substituant au département pour l’exercice de ces compétences. Ce choix d’un partage aménagé des compétences départementales, notamment en matière de mineurs étrangers isolés, d’espaces, sites et itinéraires sportifs, et de tourisme, est judicieux.

L’article 9 de cette ordonnance précise les modalités de transfert des voies départementales et intercommunales au domaine public routier de la métropole de Lyon. Alors que nous examinerons bientôt en deuxième lecture le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit NOTRe, nous ne pouvons manquer de souligner l’originalité ou l’ironie qu’il y a à justifier ce transfert de compétence par le rôle « départemental » joué à certains titres par la métropole… L’absence de cohérence de certaines politiques nationales ou de certains projets de loi nous apparaît ainsi clairement !

La métropole de Lyon ne veut pas de la tutelle du futur conseil régional Rhône-Alpes, en particulier dans le domaine économique, et elle a parfaitement raison.

Nous le savons, cette fusion emporte également de nombreuses conséquences en matière de fiscalité locale, de concours financiers de l’État et de fonds de péréquation. Ces difficultés techniques seront réglées au moins provisoirement par la ratification, par le Parlement, de cette ordonnance.

Dans ce grand projet, qui dépasse la seule métropole de Lyon, il faut que la solidarité et la coopération soient les maîtres mots. La concurrence entre territoires ne pourrait se faire qu’au détriment de ceux qui, parmi eux, sont les plus fragiles. La création d’une métropole, dotée des armes institutionnelles et financières, constitue une avancée par rapport à l’hypertrophie francilienne, mais il faut que cela s’équilibre par rapport aux autres territoires qui l’entourent.

Pour pouvoir redistribuer, mes chers collègues, il est d’abord nécessaire de produire. Équiper institutionnellement les métropoles pour les aider à résoudre les problèmes qui se posent à elles en unifiant leur gouvernance constitue une solution, à la condition toutefois que des mécanismes de péréquation soient le réacteur d’un projet de développement équitable et équilibré des territoires, et d’une coopération renforcée.

Monsieur le président de la métropole de Lyon, il ne faudra pas oublier les territoires ruraux de Rhône-Alpes. Nous sommes prêts à partager le bien des autres ! (M. Gérard Collomb rit.)

Un sénateur du groupe UMP. Comme c’est bien dit ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Le nouveau cadre budgétaire et comptable a fait l’objet d’une concertation approfondie, engagée dès 2013. À partir de 2015, la métropole de Lyon sera éligible, dans les conditions de droit commun, aux concours financiers de l’État et aux dispositifs de péréquation des départements. Comme l’a souligné Charles Guené, la création d’un département particulièrement urbain, aux ressources multiples et au développement florissant, et d’un département privé de son territoire métropolitain pourrait, si ce modèle était généralisé, mettre à mal les mécanismes de péréquation départementaux. Une « remise à plat » de la péréquation au niveau départemental devrait alors être envisagée.

Nous voterons, bien sûr, ces deux textes. Nous sommes toujours convaincus de la pertinence de la création de cette métropole. Nous souhaitons simplement que l’on puisse avancer avec plus de force dans le domaine de la péréquation, pour que chacun puisse y trouver son compte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Michel Mercier et Gérard Collomb applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la métropole de Lyon est née le 1er janvier 2015, comme la loi l’avait prévu. Les ordonnances ont été prises à peu près à temps, en tout cas avant le 31 décembre 2014, puisque c’est la date à laquelle cessait l’habilitation du Gouvernement. Nous sommes aujourd'hui ici, en vertu de la réforme constitutionnelle de 2008, pour ratifier ces ordonnances de manière expresse.

Je voterai, bien sûr, ces deux projets de loi de ratification, mais je voudrais formuler quelques brèves remarques.

Tout d’abord, comme cela a été rappelé, un accord avait été conclu localement pour créer cette métropole. À défaut d’un tel accord local, rien ne se serait probablement passé. En tout cas, si cet accord a pu voir le jour, nous en avons parfaitement conscience, c’est parce que la situation locale était particulière : la métropole de Lyon existait intellectuellement, elle existait sur le plan scientifique, sur le plan humain, sur le plan économique, mais elle n’existait pas sur le plan juridique. Il fallait donc lui donner cette existence juridique. Pour ce faire, pour que la métropole puisse voir le jour, il fallait que le département disparaisse sur le territoire de la métropole de Lyon.

J’étais, naturellement, très attaché au département, mais je savais aussi que cet attachement n’avait pas de sens en lui-même et qu’il faut toujours rechercher l’utilité des institutions. Or, sur le territoire de la métropole de Lyon, l’utilité du département, c’était de disparaître !

Je suis encore, pour quelques semaines, le plus ancien conseiller général du Rhône, élu depuis fort longtemps – je me garderai d’indiquer aucune date, car personne ici ne s’en trouverait rajeuni ! (Sourires.) – d’un canton très éloigné de Lyon. Néanmoins, mon attachement au département n’a jamais été aveugle, sachant bien qu’il fallait faire bouger les choses, que nos concitoyens étaient prêts autant que nous, voire davantage, au changement.

Aussi Gérard Collomb et moi-même avons-nous pris tous deux des initiatives, et nous les assumons pleinement, car, si nous n’avions rien fait, rien n’aurait bougé.

Madame la secrétaire d’État, la métropole de Lyon est la seule vraie métropole qui ait été créée par la loi. C’est aussi la seule qui ne coûte rien à l’État : la vérité oblige à dire que vous avez largement distribué les crédits à ceux qui n’ont rien fait. La seule métropole qui n’a obtenu aucune nouvelle dotation particulière, c’est la métropole de Lyon ! Toutes les autres ont bénéficié peu ou prou de largesses gouvernementales. Vous pourriez évidemment trouver dans cette situation une justification à la diminution des crédits ! Mais il faut se méfier de ce qui est un peu trop logique…

S’agissant des ordonnances, je tiens à souligner l’énorme travail qui a été accompli tant au niveau local qu’au niveau national. Localement, nous nous sommes réunis régulièrement, chaque semaine ou tous les quinze jours, suivant les périodes, sous la houlette de Mme de Kersauson, présidente de la chambre régionale des comptes. Les fonctionnaires de la communauté urbaine et ceux du département ont examiné, trié, affecté plus de 600 000 mandats.

Nous avons dialogué en permanence avec la direction générale des collectivités locales, qui, se sentant parfois dépossédée de son droit de « faire » la loi, nous rappelait régulièrement que cette tâche lui incombait à elle, et non pas à nous. C’est sans doute pourquoi, de temps en temps, juste pour nous montrer que c’est elle qui disposait du pouvoir, elle écrivait précisément le contraire de ce que nous lui proposions ! (Sourires.)

Eh oui, chacun doit se sentir heureux dans la vie ! (Mêmes mouvements.)

Ce travail, long, a été bien mené. Il a eu pour principal avantage de démontrer ce que nous savions tous : que la métropole de Lyon était viable, qu’elle avait des potentialités énormes. Il a aussi démontré que le département du Rhône était lui aussi viable et qu’il était non pas un « sous-département », mais un vrai département, de 440 000 habitants – un peu plus que la Savoie –, disposant de ressources et abritant plus de 35 000 entreprises.

Je voudrais maintenant faire quelques remarques sur le mode d’organisation retenu par l’État pour ses propres services.

On pourrait dire que, celui-ci ayant décidé de faire des économies, sa réponse consiste à ne rien changer. Or, en ne changeant rien, en réalité, il change tout ! Depuis la loi du 28 pluviôse an VIII, madame la secrétaire d’État, l’organisation territoriale de l’État repose sur un système simple : certaines collectivités territoriales sont aussi les collectivités d’action de l’État et le représentant de l’État, c’est le préfet.

Or vous avez décidé de faire exactement le contraire, sans le dire et sans voir toutes les conséquences de cette profonde innovation. La loi du 28 pluviôse an VIII est-elle toujours en vigueur ? On n’en sait rien ! À la lecture de l’article 1er de l’ordonnance, on peut supposer qu’elle ne l’est plus.

Sur le plan de l’organisation juridictionnelle, le département du Rhône compte un tribunal de commerce dont le ressort s’étend sur une très petite partie du territoire de celui-ci, le tribunal de commerce de Lyon étant compétent sur le reste du département.

L’organisation est identique s’agissant des tribunaux de grande instance.

Je le rappelle, il n’est désormais plus possible de parler d’arrondissement puisque l’État en est venu à transformer le département du Rhône en un arrondissement, comme cela est indiqué au Journal officiel. Il a d’ailleurs fait la même chose pour la métropole. On ne peut pas à la fois dire de cette métropole qu’elle est la meilleure de toutes et la transformer en un arrondissement comme celui de Largentière ! Or c’est ce que vous avez fait sur le plan juridique, madame la secrétaire d'État. Vous venez d’ailleurs de nommer un sous-préfet chargé de la métropole et un sous-préfet chargé du département.

Madame la secrétaire d'État, il faut que vous nous disiez clairement les choses : comment l’État va-t-il s’organiser ? Y aura-t-il un inspecteur d’académie pour les deux collectivités ? Appliquera-t-on, dans la métropole et dans le nouveau département les mêmes règles que dans le département de l’Ain et dans celui de la Loire, qui relèvent du même recteur ? On ne sait pas !

Nous avons besoin que l’État clarifie véritablement son rôle. Il donne le sentiment que, mécontent que la réforme des collectivités locales ait réussi à se faire, il boude et refuse de s’adapter !

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Michel Mercier. En ce qui concerne l’organisation juridictionnelle, il y a tout de même eu une décision : vous avez prévu qu’il y aurait à Lyon une cour d’assises, et cela à titre dérogatoire puisque les jurés doivent être désignés au sein des cantons et qu’il n’y a pas de cantons…

Quoi qu'il en soit, nos collectivités sont prêtes, elles ont bien travaillé et la métropole va prendre son envol. Plus celle-ci sera prospère et se développera, plus le département en profitera. Il n’y a donc pas d’opposition entre les deux collectivités, qui, au contraire, sont pleinement associées. (M. Gérard Collomb opine.)

Je le répète : nous ne sommes pas là pour dire aux autres de faire comme nous ; nous demandons simplement qu’on nous laisse faire, qu’on nous laisse libres. Nous ne demandons rien de plus à l’État, nous ne demandons aucun crédit particulier. Ainsi, le projet de loi NOTRe, par exemple, ne doit pas remettre en cause la loi MAPTAM. Je le dis aussi pour Mme Cukierman, qui a bien vu toutes les possibilités qu’offrent ces nouveaux textes.

C’est une belle aventure qui commence et je remercie le Parlement, en particulier le Sénat, de nous avoir permis de la vivre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE. – M. Gérard Collomb applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Michel Mercier vient de le dire, c’est une belle aventure que la création de la métropole de Lyon.

Dans cette aventure, nous nous sommes lancés, Michel Mercier et moi, au nom d’une conception que je vais m’efforcer d’expliciter, mais qui a très vite rencontré un large écho, ne serait-ce que dans notre assemblée puisque, je le rappelle, la création de cette métropole de Lyon y a recueilli une quasi-unanimité, le groupe CRC faisant seul exception.

Aujourd’hui, le vote de ces deux projets de loi de ratification des ordonnances relatives aux aspects institutionnels et financiers de la métropole doit permettre à celle-ci de vivre cette vie commencée le 1er janvier dernier.

Pourquoi avons-nous voulu créer cette métropole de Lyon ? Vous permettrez au président de l’ancienne communauté urbaine de Lyon que je suis de vous exposer sa vision.

Nos métropoles constituent largement l’armature d’une France urbaine. Aujourd’hui, c’est pour une très grande part dans les métropoles de notre pays que se fait la création de richesse. Un économiste comme Laurent Davezies montre, à partir de l’exemple de l’Île-de-France, comment cette région permet de créer de la richesse et comment cette richesse est ensuite redistribuée sur le reste des territoires grâce à des mécanismes de péréquation.

Par conséquent, il n’y a pas, d’un côté, les métropoles et, de l’autre, le reste du territoire ; il faut penser dans un ensemble à la fois les métropoles, les régions et les territoires ruraux.

Pour ce qui concerne la métropole de Lyon, il fallait lui permettre de rester un territoire dynamique sur le plan économique, un territoire où l’on continuerait à créer de l’emploi, où de grands projets urbains pourraient continuer à germer.

Il fallait cependant lui donner une autre dimension. Au sein de la communauté urbaine, nous promouvions une dynamique économique et d’aménagement urbain, mais c’était le conseil général qui avait en charge les politiques en direction des personnes, en particulier les plus fragiles : le département, c’étaient le revenu de solidarité active, les personnes âgées, l’enfance et l’adolescence en difficulté. Bref, le département intervenait là où notre société présentait des failles.

Les grandes métropoles – c’est vrai dans toutes les métropoles du monde – ont une face brillante, parce qu’elles créent de la richesse et qu’elles attirent les compétences, mais ont aussi une face sombre, celle de la pauvreté. Il faut donc pouvoir à la fois mener de grandes politiques économiques, de grandes politiques urbaines, et prendre en charge les plus fragiles dans notre société, en particulier ceux qui sont éloignés de l’emploi.

Si l’agglomération lyonnaise peut sembler, quand on observe les choses de loin, extrêmement riche et prospère, elle compte sur son territoire, je le rappelle, 46 000 bénéficiaires du RSA. Aussi, faire travailler ensemble ceux qui pensaient le développement économique et le développement urbain, et ceux qui étaient chargés de l’insertion sociale et professionnelle, cela avait évidemment du sens.

C’est ce que nous avons commencé à faire le 1er janvier dernier. Nous avons réuni l’ensemble des services de manière à apporter un meilleur service à nos concitoyens, tout en nous efforçant de mutualiser les moyens.

En effet, nous le savons, nous sommes dans une période de grande disette financière. Madame la secrétaire d'État, je vous l’avais dit lorsque vous êtes venue à Lyon : sur les six prochaines années, le cumul de la baisse des dotations de l’État et de l’augmentation de notre contribution au fonds de péréquation représentera pour nous 1 milliard d’euros en moins sur un budget annuel de la métropole de 3 milliards d’euros. Le choc est tout de même considérable !

Voilà pourquoi il est important de rechercher les mutualisations possibles tout en continuant à offrir plus de services au public. C’est d’autant plus nécessaire que, si le conseil général et l’ancienne communauté urbaine menaient parfois des actions complémentaires, il arrivait aussi que l’un et l’autre exercent des compétences identiques et déploient en conséquence des services de même type. Il faut donc repenser le cadre de l’action publique.

J’en viens à un autre point qui me semble fondamental et sur lequel Michel Mercier et moi-même avons beaucoup travaillé ensemble : l’opposition, souvent invoquée, entre l’urbain et le rural.

D’aucuns se demandent si la métropole de Lyon ne va pas se construire au détriment du département. Je réponds par la négative, car nous avons voulu accompagner le processus d’une dotation de compensation, de telle sorte que, chaque année, la métropole verse au département 75 millions d’euros. Au départ, nous n’avions pas prévu d’égaliser l’autofinancement, mais nous nous sommes rendu compte que la nouvelle organisation allait entraîner pour le département du Rhône une perte d’environ 40 millions d’euros en capacité d’autofinancement. Cette égalisation a donc eu pour objet de faire partir chacun avec les mêmes chances au moment de la création de la métropole.

Enfin, nous n’avons pas voulu tout séparer : il n’y a pas de « mur de Berlin » entre la métropole et le nouveau département du Rhône ! Nous avons entendu garder un certain nombre de services en commun : le service départemental d'incendie et de secours ou la maison départementale des personnes handicapées, par exemple.

Nous avons même voulu élargir le champ de nos compétences exercées en commun, en instaurant une autorité compétente en matière de transports qui soit celle non pas simplement de l’agglomération, mais de l’ensemble constitué par le département et la métropole. D’ailleurs, monsieur Patriat, vous qui êtes un président de région soucieux des complémentarités, sachez que nous avons formé un syndicat métropolitain des transports avec la nouvelle autorité compétente au sein de l’agglomération et du département, mais également avec la région, afin de mettre en œuvre une mobilité sur la grande aire urbaine de Lyon.

Voilà, mesdames, messieurs, ce que nous avons essayé de réaliser et qui va véritablement entrer dans la loi grâce à ces deux ratifications. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne referons pas cet après-midi le débat que nous avons eu à l’occasion de l’examen de ce projet de loi sur la mise en place des métropoles, j’allais dire de « la métropole », puisque la communauté urbaine de Lyon, qui était un EPCI à fiscalité propre, est devenue, à l’issue de la promulgation de la loi le 27 janvier 2014, une collectivité locale de plein exercice au 1er janvier 2015.

Il s’agit d’une évolution institutionnelle importante, et je suis de ceux qui ont défendu cette évolution, puis voté le texte permettant de la mettre en œuvre. Il n’en demeure pas moins que quelques difficultés persistent s’agissant notamment des limites territoriales de cette métropole, par exemple pour son aéroport international implanté en dehors de son territoire.

Par ailleurs, la prise de compétences nouvelles qui nous étaient étrangères au sein de la communauté urbaine – singulièrement les dépenses sociales – constitue pour nous à la fois une découverte et une dépense importante. Or il s’agit d’une dépense de guichet, ce qui implique, pour la nouvelle collectivité locale, d’avoir une vision financière très différente de celle d’un EPCI, susceptible de produire un effet de levier extrêmement important en termes d’aménagement du territoire. Nous sommes devenus une collectivité locale presque « classique », qui va devoir faire face à l’ensemble de ces demandes. Toutes les annonces de mutualisation de moyens et d’économies ne sont pas, de mon point de vue, à l’ordre du jour.

Cela étant, l’article 39 de la loi du 27 janvier 2014 prévoyait que le Gouvernement pouvait, dans un délai d’un an, à la faveur d’ordonnances, régler un certain nombre de problèmes.

Trois ordonnances ont ainsi été élaborées : une ordonnance à caractère financier, que notre collègue Charles Guené a commentée tout à l’heure et sur laquelle je ne reviendrai pas ; une ordonnance d’organisation institutionnelle, sur laquelle je formulerai deux observations ; enfin, une ordonnance concernant les questions électorales, prise également au mois de décembre, mais qui, pour l’instant, n’a pas encore fait l’objet du dépôt d’un projet de loi de ratification.

Concernant l’ordonnance n° 2014-1543 du 19 décembre 2014, je ferai miens les propos de M. le rapporteur Jean-Patrick Courtois et de Michel Mercier : quid de la difficulté, pour l’État, de ne pas avoir suivi le rythme de cette évolution institutionnelle, singulièrement dans son organisation propre, et plus particulièrement son organisation judiciaire ?

Force est de constater que les inquiétudes ont été immenses, par exemple au sujet de la cour d’assises : la question s’est posée de savoir comment nos magistrats allaient pouvoir rendre la justice, notamment dans le département du Rhône. Sur ce point extrêmement important, les solutions qu’a retenues le Gouvernement ne sont pas réellement satisfaisantes.

Se pose également la question du tribunal de commerce, vrai sujet pour notre territoire compte tenu à la fois de l’importance du tribunal de commerce de Lyon, mais également de l’activité non négligeable que connaît Villefranche-sur-Saône. Nous nous trouvons actuellement dans une situation délicate, et l’on peut regretter que le Gouvernement n’en ait pas mesuré les effets, qu’il soit objectivement à la traîne. Madame la secrétaire d’État, vous devez agir rapidement pour trouver des solutions.

J’évoquerai maintenant l’article 6 de l’ordonnance précitée. Il y est fait état de la mise en place d’une commission permanente au sein de la métropole. Sur le principe, dont acte ! En revanche, la composition de cette commission est problématique puisque, au moment où je vous parle, elle n’est pas constituée à parité, ce qui soulève des difficultés au regard de deux textes.

Le premier est le code général des collectivités territoriales. Un article introduit par la loi du 17 mai 2013 dispose que, dans un département, la commission permanente doit être impérativement constituée à parité.

Le Conseil constitutionnel, se prononçant sur la loi MAPTAM, a par ailleurs indiqué très clairement, dans une décision du 23 janvier 2014, d'une part, que le président de la métropole devait être assimilé au président d’un conseil départemental, d'autre part, que l’article 1er de la Constitution affirmait le principe de parité.

Si le président de la métropole est l’équivalent de ce qu’était le président du département, l’organisation de cette métropole, et singulièrement de sa commission permanente, doit relever des règles qui s’appliquaient pour le département.

Comment peut-on avancer de manière cohérente que cette collectivité territoriale est sui generis et, dans le même temps, que, en vertu de la décision du Conseil constitutionnel, le président de la métropole est l’équivalent, en tout cas structurellement, du président du département.

Telles sont mes observations au sujet de l’ordonnance du 19 décembre 2014.

Mais le plus délicat est à venir puisqu’il concerne la troisième ordonnance, celle qui organise les élections, dont les premières se dérouleront en 2020, mettant en jeu les conférences territoriales. Tout cela a été réglé dans la plus grande précipitation.

Au demeurant, j’ai bien compris l’astuce juridique qui a été révélée tout à l’heure par Charles Guené : le dépôt de l’ordonnance dans le délai imparti, c’est-à-dire avant le 31 décembre, quel que soit son contenu, évite la caducité de ladite ordonnance. La loi d’habilitation qui sera votée ultérieurement permettra en outre de donner à cette mesure un effet rétroactif. Les moindres détails ont été prévus !

S’agissant de cette troisième ordonnance dont la ratification ne nous est pas encore soumise, nous avons été consultés localement par les représentants de l’État. En ce qui me concerne, cela a duré quelque vingt minutes, et j’ai reçu une lettre très courtoise prenant acte de cet entretien. Toutefois, madame la secrétaire d'État, vous ne devez pas oublier que 43 communes, sur un total de 59, sont hostiles à cette ordonnance et à son contenu, et ce pour deux raisons.

La première me paraît fondamentale. En effet, dans la loi MAPTAM, il est bien précisé qu’il appartient à l’assemblée délibérante de déterminer elle-même les limites de ces conférences territoriales, qui existaient déjà au sein de la communauté urbaine de Lyon et qui sont aujourd'hui consacrées par la loi. C’est parce que la détermination des limites de ces conférences territoriales incombe à l’assemblée communautaire qu’elles peuvent ensuite servir de base électorale pour l’élection de 2020.

En l’occurrence, le fait que l’État ait voulu imposer, sans discussion possible, un mode électoral sur la base de conférences territoriales qui n’ont pas d’existence légale aujourd’hui, puisqu’elles sont anciennes et que la métropole n’a pas délibéré de nouveau sur ce sujet, alors que la loi le prévoit explicitement, ce fait soulève une réelle difficulté. Le Gouvernement a dessaisi l’assemblée délibérante de la métropole de ses compétences.

La seconde raison tient au problème de la représentation des territoires. Dans cette ordonnance, il apparaît clairement qu’un certain nombre de communes vont « disparaître de la circulation » au regard de leur représentation au sein de la métropole. Le Gouvernement a choisi de privilégier la représentation de la population au détriment des territoires. C’est un choix ! Cependant, je le rappelle, un débat s’est engagé au Sénat la semaine dernière sur une proposition de loi constitutionnelle de MM. Gérard Larcher et Philippe Bas tendant à inscrire dans la Constitution la nécessité de prendre en compte, outre la représentation des habitants en fonction de leur nombre, celle des territoires, proposition de loi qui a été adoptée par notre assemblée.

Dès lors, il me paraîtrait judicieux que ce problème ne soit pas réglé par voie d’ordonnance, celle-ci étant ensuite ratifiée au terme de débats très brefs. Qu’on laisse au Parlement la possibilité de débattre sérieusement sur ce point et qu’on prenne en considération la position des élus locaux concernés !

Sans doute le président de la métropole de Lyon va-t-il s’empresser de vous expliquer, madame la secrétaire d'État, que ce que je dis n’est pas exact. Je pense que mon propos est, au contraire, respectueux à la fois des élus de notre métropole et de la légalité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)