M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, trois rapporteurs de l’UMP se sont exprimés au début de la discussion générale. Ces rapporteurs, madame la ministre, ont été très bienveillants à l’égard de votre texte. Méfiez-vous cependant : leur bienveillance a des jalons, peut-être même des limites.

Louis Nègre s'est exprimé avec passion, avec amour même lorsqu’il s'agit des voitures, des transports et des maisons, mais il a appelé notre attention collective sur un sujet majeur : la complexité réglementaire et administrative susceptible de découler de cet excellent catalogue d’intentions qui risquent de souffrir à l’épreuve des faits.

Ladislas Poniatowski, pour sa part, était un rapporteur apaisé, et il a voulu – avec raison – situer votre texte dans la ligne des textes précédents de votre majorité et aussi de la nôtre – au fond, une tendance commune s'est dessinée depuis « Grenelle » –, mais il est resté très ferme sur l’article 1er, ne comprenant pas la rapidité avec laquelle vous pensez pouvoir – j’ai presque envie de dire : vous prétendez pouvoir – mettre en œuvre le plafond de 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité totale.

Quant à Jean-François Husson, je le cite parce c'est un rapporteur très avisé. Il vient de la commission des finances, il a regardé les chiffres et il s'est rendu compte que tout cela revenait très cher, et qu’il y avait au moins un sujet sur lequel il était bon que le Parlement reprenne la main, c’était l’importance de la CSPE.

Madame la ministre, vous le voyez, vous n’avez pas d’adversaires, mais vous avez des partenaires qui sont exigeants.

Sur un point, vous avez cependant un adversaire : moi-même. En effet, et mon intervention concernera ce seul point, je suis résolument opposé à l’article 1er, alinéa 28, et à l’article 55, alinéa 18, dispositions plafonnant respectivement la part du nucléaire dans la production électrique nationale, et d’une façon générale le volume de la production d’électricité d’origine nucléaire dans notre pays. Pourquoi cette opposition ?

Je m'exprimerai, madame la ministre, avec des sentiments très personnels. Le nucléaire, c'est une belle histoire française. Au début, il y a le général de Gaulle et un savant communiste, qui s'entendent pour créer le CEA (M. Michel Le Scouarnec opine.), le Commissariat à l’énergie atomique, puis on assistera tout au long de la IVe et de la Ve République, malgré les alternances, à une continuité dans cet effort qui sur le plan militaire comme sur le plan civil donnera à la France les éléments de son indépendance.

J’ai moi-même vécu beaucoup d’alternances depuis que je suis parlementaire : sur l’essentiel en matière de nucléaire, nous avons gardé la ligne. Cette continuité, je l’ai vécue comme ministre de l’industrie, pour avoir eu la responsabilité de mettre en œuvre la loi de 1991 – le texte en avait été proposé par le député Christian Bataille dont je salue la fille, qui siège dans cet hémicycle –, dont personne ne voulait. Il a fallu non seulement un ministre de droite pour la mettre en œuvre, mais aussi deux départements modérés pour accueillir le seul site, ce qui prouve que le nucléaire, tout le monde est pour, à condition de ne pas toujours en assumer la responsabilité…

Or c'est exactement, madame la ministre, ce que vous allez casser à travers ce signal fort de contestation, de refus et, au fond, de rejet implicite du nucléaire ainsi donné au pays. Vous n’allez pas plus loin que 50 %, mais on plafonne inutilement au moins cela.

Les parlementaires et les sénateurs en particulier ont regardé l’excellent document de décembre 2011 de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce n’est pas un rapport de maniaque du nucléaire, c'est un rapport ouvert, qui dit qu’en effet après Fukushima, compte tenu de la sensibilité de l’opinion et parce que les technologies évoluent, on peut, à côté du nucléaire, chercher une relève. Toutefois, ce rapport propose une date – 2050, on est loin de 2025 –, retient un pourcentage ouvert – 50 % à 60 % – et, surtout, in fine n’encadre pas la production électrique.

Vous, vous avez en même temps l’idée de plafonner la part du nucléaire, de plafonner la production et, si j’ai bien compris – mais avec les 650 pages de chacun des rapports, c'est assez lourd à comprendre –, de plafonner, et si possible de réduire, la production électrique, en incitant les industriels à ne pas l’utiliser. Vous me direz, au rythme auquel ferment les usines, il risque de ne plus y avoir d’électro-intensifs en France dans quelques années. (M. Bruno Retailleau sourit.)

Je reviens à un aspect plus sérieux. Vous avez donc un système contraignant qui ne peut être mis en œuvre qu’au prix de fermetures d’unités de production, ce que le rapporteur Ladislas Poniatowski a d'ailleurs évoqué d’une façon très précise avec Flamanville – mais il y a d’autres centrales concernées, je pense à Penly un jour. Si vous voulez retirer un tiers des capacités électriques, comme il y a cinquante-huit réacteurs, cela fait, à la louche, dix-neuf réacteurs à supprimer en dix ans. Faites le calcul, c'est simplement absurde. Je suis sûr, madame la ministre, que vous m'apporterez des apaisements.

On peut assurer une relève du nucléaire, mais certainement pas en organisant une débandade et, pourquoi ne pas le dire, une « casse » des installations existantes.

La mise en œuvre de ces dispositions prévues aux articles 1er et 55 n’est ni possible ni souhaitable. C'est impossible à cause du coût financier (M. le président de la commission des affaires économiques acquiesce.) Notre collègue René Danesi l’a dit avec beaucoup de raison : sur Fessenheim, il ne se passe rien. Pourquoi ? Parce que chacun mesure qu’une fermeture serait inutile et ruineuse.

Chaque centrale que vous voudrez fermer avancera les mêmes arguments, qu’il s’agisse des arguments économiques ou des arguments d’impact social sur l’emploi localement, et vous serez dans l’impossibilité d’agir.

En outre, – ce point a d'ailleurs été également évoqué – la substitution n’est pas au rendez-vous. On le voit très bien outre-Rhin, où les Allemands, suivant une tradition de discipline, d’organisation et d’efficacité, ont abandonné le nucléaire comme un seul homme : l’Allemagne est devenue le pays du lignite, du charbon, c'est-à-dire le pays de l’énergie carbonée – la plus condamnable de votre point de vue.

Vous parviendriez donc à faire exactement le contraire de ce que vous souhaitez si vous poursuiviez ce projet absurde d’encadrer pour 2025 la production nucléaire et, en fait, de démanteler un certain nombre de réacteurs dont on ne connaît ni la localisation ni le nombre exact.

Pourquoi la mise en œuvre de telles dispositions n’est-elle pas souhaitable ? Là, mon propos se fera plus grave. La France, c'est 1 % de la population mondiale. Nous avons une économie qui représente 3 % à 4 % de la production mondiale et un commerce extérieur aujourd'hui déficitaire, avec des parts de marché qui diminuent. Or nous avons manqué, ces dix dernières années, – à l’exception de la Grande-Bretagne – la plupart des grandes exportations de réacteurs nucléaires, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, parce l’État n’a pas fait son devoir d’actionnaire. C'est tout de même extraordinaire ! On veut du dirigisme, du volontarisme, et voilà un secteur dominé par l’État – pour EDF, pour Areva, pour la science avec le CEA – et qui arrive en désordre dans des négociations internationales où l’on estime en général que le pouvoir politique a un rôle à jouer. Mais le nucléaire, ce sont des dizaines de milliers d’emplois, le grand carénage, ce sont 100 000 emplois directs et indirects qui pourraient être mobilisés extrêmement rapidement…

Ou bien l’on choisit le chômage (M. Joël Labbé s'exclame.) et la poursuite de préoccupations de type idéologique, ou bien l’on choisit le travail. Si on choisit le travail, on choisit le nucléaire, car il y a des demandes immédiates, des besoins immédiats, des capacités immédiates ainsi qu’un savoir-faire qui doit être entretenu.

Comment croyez-vous que l’on puisse vendre des centrales nucléaires à l’étranger ? Et d’ailleurs, quelles centrales ? Il faut en effet diversifier l’offre, ce qui suppose d’investir et de soutenir avec le marché national les centrales que l’on pourrait vendre à l’extérieur.

M. Didier Guillaume. C'est ainsi que l’on a perdu Abou Dhabi !

M. Gérard Longuet. Cette diversification, nous ne l’avons pas faite, l’État ne l’a pas faite – c'est du moins ce que je constate. Mais si nous annonçons la fin du nucléaire dans notre pays,…

M. Roland Courteau. Qui l’a annoncé ? C'est vous qui le dites !

M. Didier Guillaume. Personne ne dit cela, en effet !

M. Gérard Longuet. … il est évident que l’abandon du nucléaire ne nous rendra plus crédibles à l’extérieur.

Je voudrais terminer en évoquant l’idée de justice, cher collège Didier Guillaume ! Dans les années quatre-vingt, le frère du milliardaire Jimmy Goldsmith – qui était à l’époque propriétaire de l’Express et qui est décédé depuis – fut l’un des pionniers de l’écologie en Grande-Bretagne et dans le monde. Son frère en France mena une croisade fondée sur le prix excessif de l’électricité nucléaire payée par les Français. De fait, entre 1970 et 1990, les Français ont payé l’électricité plutôt plus cher que ceux qui – comme les Allemands – fonctionnaient à l’énergie thermique, parce qu’ils investissaient.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. C'est exact.

M. Gérard Longuet. Aujourd'hui, au moment où les consommateurs pourraient récupérer les fruits d’un investissement qu’ils ont financé par le biais de leurs factures – l’État n’a rien apporté –, on va leur en retirer le bénéfice pour satisfaire des préoccupations politiques (M. Ronan Dantec le conteste.), cher collègue Ronan Dantec, qui n’ont pas le moindre fondement logique, rationnel, technique, scientifique ou économique !

Voilà les raisons pour lesquelles, madame la ministre, avec conviction – et dans la limite des sept minutes qui m'étaient imparties –, je ne peux en aucun cas voter les articles 1er et 55 tels qu’ils avaient été adoptés par l’Assemblée nationale, et sans doute tels que vous aurez à cœur de les défendre, ce qui créera alors un fossé entre nous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur de nombreuses travées de l'UDI-UC. – M. le président de la commission des affaires économiques et M. le rapporteur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une chose me paraît certaine : le XXIe siècle ne saurait être la répétition du précédent, au cours duquel la consommation d’énergie a été multipliée par deux avec abondance d’émissions de gaz à effet de serre.

Alors, parce que notre pays fait face à des défis climatiques et énergétiques sans précédent, parce que la lutte contre le réchauffement climatique est non seulement une cause planétaire, européenne, nationale, mais peut être aussi un nouveau levier de sortie de crise et de croissance durable et solidaire, je tiens à saluer, d’emblée, l’esprit ambitieux de ce texte, son audace et sa force.

C'est une belle opportunité historique de s'orienter vers un autre modèle énergétique, plus participatif, plus sobre, plus équilibré. C'est aussi une belle opportunité de lutte contre l’écolo-scepticisme qui se développe depuis le sommet de Copenhague, en réaffirmant que non, l’environnement, ça ne commence pas à bien faire...

Oui, la transition énergétique est à la fois une nécessité et une formidable opportunité pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, réduire nos importations d’énergies fossiles ainsi que cette facture énergétique de quelque 69 milliards d’euros. Ne vaut-il pas mieux consacrer des dizaines de milliards à nos territoires plutôt qu’aux pays producteurs d’hydrocarbures ?

M. Roland Courteau. Oui, c’est une belle opportunité d’améliorer notre compétitivité, de créer des emplois non délocalisables et des filières nouvelles, d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages et de lutter contre la précarité énergétique qui frappe huit millions de nos compatriotes.

Oui, madame la ministre, ce texte est de première importance, et je vous en félicite, car il nous donne, d’une certaine manière, rendez-vous avec l’histoire. La France doit avoir pour ambition de devenir une grande puissance écologique, un modèle et une référence.

Ce texte le permet en conciliant économie et écologie. Il peut aussi, dans le même temps, porter la transition énergétique comme un projet de relance de la dynamique de construction européenne. Bref, la France, par son exemplarité en ce domaine, peut contribuer à assurer le succès de l’ordre de mobilisation mondiale des nations contre le changement climatique qui doit être signé à Paris.

Mes chers collègues, est-ce si exagéré de considérer que le sort du monde se joue en partie dans la capacité des pays à se mobiliser dans la lutte contre le changement climatique ? Qui n’a déjà constaté que les catastrophes climatiques survenues partout sur la planète démontrent largement la vulnérabilité des sociétés humaines devant la force de la nature, lorsque ces sociétés sont construites dans le déni de l’environnement ?

M. Roland Courteau. Oui, les sirènes de l’urgence climatique sont de plus en plus stridentes ! On dit que la planète terre est en danger… Non, la Terre, elle en a vu d’autres depuis quatre milliards et demi d’années. En fait, ce qui est en danger, c’est la biodiversité, et peut-être même l’humanité. Voilà pourquoi nous devons passer d’une société fondée sur une consommation abondante d’énergies fossiles à une société plus sobre et écologiquement plus responsable.

M. Roland Courteau. Il n’y a pas de meilleure réponse à la raréfaction des ressources naturelles ! Il n’y a pas de meilleure réponse dans cet environnement mondial tourmenté au plan climatique ! Il n’y a pas de meilleure réponse dans ce monde plein d’incertitudes géopolitiques – je pense notamment au Moyen-Orient et à l’Ukraine ! Il n’y a pas de meilleure réponse, enfin, face à cette précarité énergétique qui touche 13 % des Françaises et des Français !

Car une politique sociale-écologique consiste à articuler enjeux sociaux et défis environnementaux.

Oui, il y a bien urgence climatique, comme on l’a dit avant moi, il y a bien urgence sociale, et il y a bien urgence économique !

L’article 60 crée le chèque énergie, qui profitera à tous les consommateurs d’énergie en situation de précarité énergétique – y compris ceux qui se chauffent au fioul ou au bois, qui avaient été oubliés. C’est une avancée importante. Toutefois, nous proposerons, par voie d’amendement, d’en améliorer l’application.

Cela dit, je crois fortement en l’idée selon laquelle la plus grande marge de manœuvre que nous ayons pour améliorer le pouvoir d’achat des ménages et lutter contre la précarité énergétique se situe dans les économies d’énergie, et donc dans la rénovation thermique des millions de logements passoires. (M. Jacques-Bernard Magner opine.)

Force est de le constater, nous avons en France un immense gisement d’énergie. Je veux parler du gisement des économies d’énergie.

Je reste persuadé que, dans ce domaine, nous disposons d’énormes marges de progression, car, en matière d’efficacité énergétique, nous sortons depuis peu de la préhistoire. Je vous félicite, madame la ministre, d’avoir fait de la rénovation thermique des bâtiments une priorité. Il y a là vraiment une urgence écologique, économique et sociale. Je pense à la lutte contre les logements passoires, à la crise du bâtiment, au droit de chacun à un logement décent. Les outils pour atteindre ces objectifs sont bien là, démultipliés.

Toutefois, il m’est arrivé d’entendre dire que l’objectif d’une réduction de 50 % de la consommation d’énergie d’ici à 2050 serait susceptible de nuire à la compétitivité et à la croissance. C’est tout simplement le contraire, car il ne s’agit en aucun cas de restrictions, mais bien d’efficacité énergétique et de maîtrise de l’énergie.

L’efficacité énergétique, c’est consommer mieux, en consommant moins et en produisant autant ou plus.

Même préoccupation en ce qui concerne les gaz à effet de serre ou la réduction de la consommation des énergies fossiles. Le secteur transports sera notamment traité par mon collègue Jean-Jacques Filleul.

« L’avenir de l’automobile, c’est l’électricité », affirmait Thomas Edison. Il s’adressait à un certain Henry Ford, que nous connaissons bien. Ainsi, quatre-vingt-cinq ans plus tard, nous lui donnons raison !

Vous avez eu raison de le souligner, le système linéaire de notre économie, qui consiste à extraire, fabriquer, consommer puis jeter, a atteint ses limites. Voilà pourquoi il était temps de promouvoir l’économie circulaire.

Mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur un point qui a fait débat en commission des affaires économiques et qui fera débat ici même, à savoir l’objectif affiché par le texte initial, qui fixe la part du nucléaire dans le bouquet énergétique à 50 % à l’horizon 2025. C’est un objectif ambitieux et mobilisateur, qui doit requérir l’action des acteurs publics.

En revanche, je ne suis pas certain que l’objectif de ramener la part du nucléaire à 50 % « à terme », c'est-à-dire aux calendes grecques, soit particulièrement mobilisateur. Pourtant, le texte issu des travaux de la commission reconnaît d’une certaine manière qu’un rééquilibrage à 50 % est souhaitable.

La volonté de réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025 est motivée par la nécessité d’amorcer sa décroissance, afin de rééquilibrer plus rapidement le bouquet énergétique.

Notre groupe considère que notre modèle de transition est celui d’une complémentarité entre le nucléaire, d’une part, et les énergies renouvelables, d’autre part.

En fait, il s’agit d’étaler dans le temps les investissements, nécessaires mais colossaux, dans les centrales, tout en encourageant les recours aux énergies renouvelables. En effet, même si l’on prolonge la vie des centrales jusqu’à 40, 50 ou 60 ans, il faudra bien les changer un jour ! Nous aurons moins de difficultés si nous sommes dépendants du nucléaire à 50 % plutôt qu’à 78 %.

Une telle volonté n’est pas contradictoire avec celle de maintenir l’excellence de la filière nucléaire,…

M. Roland Courteau. … en achevant Flamanville, en soutenant les exportations, ou en travaillant, comme le fait le CEA, pour la quatrième génération, celle des réacteurs à neutrons rapides.

À cet égard, l’amendement présenté par le Gouvernement nous satisfait. Il répond à la crainte que la baisse de la part du nucléaire ne puisse être compensée par les seules énergies renouvelables. Il précise que la baisse du nucléaire accompagne la montée en puissance des énergies renouvelables et il rétablit l’horizon de 2025, qui fixe un cap ambitieux pour mobiliser l’ensemble des acteurs. Nous le soutiendrons.

L’objectif de 50 % à l’horizon 2025 est-il possible ou impossible ? Nelson Mandela disait : « Cela paraît toujours impossible jusqu’à ce que ce soit fait. » Justement, ce texte vise à renforcer le soutien aux énergies renouvelables, victimes par le passé de « vents contraires », à savoir l’absence d’un cadre prévisible et stable ou la multiplication des recours juridiques de ses opposants, vent debout contre les éoliennes, notamment.

J’en suis convaincu, les énergies renouvelables et les nouvelles technologies de l’énergie offrent l’opportunité d’une nouvelle révolution industrielle et sociétale. La première révolution industrielle s’est appuyée sur le charbon ; la deuxième, c’est l’alliance de la communication électrique avec le moteur fonctionnant au pétrole. Nul doute que la troisième révolution industrielle alliera la technologie d’internet et les énergies renouvelables.

M. Gérard Longuet. Et les énergies tout court !

M. Roland Courteau. Or ce texte lève bien des freins au développement des énergies renouvelables, libère les initiatives en faveur des nouvelles technologies de l’énergie, et favorise le financement participatif des collectivités et des habitants, pour donner à ces énergies un véritable essor.

Mes chers collègues, évitons que les débats conflictuels sur le nucléaire ou les gaz de schiste occultent l’existence d’énergies vraiment consensuelles à portée de main. Avant d’aller chercher des gaz de schiste à 1 000 ou 2 000 mètres sous terre, commençons par valoriser les énergies dont on connaît l’existence, là, sur terre, à portée de main, qui se trouvent dans une matière organique abondante et accessible.

Alors n’hésitons pas, en ce domaine, « à faire feu de tout bois » !

M. Gérard Longuet. C’est le cas de le dire !

M. Roland Courteau. Et je ne pense pas seulement à la biomasse, énergie stockable et non intermittente, ou à la forêt, véritable puits de carbone, qui séquestre 12% des 540 millions de tonnes de CO2 que nous produisons chaque année.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Roland Courteau. Avant de terminer, je voudrais simplement vous poser une question, madame la ministre.

Aujourd’hui, les producteurs d’énergies renouvelables intermittentes sont les seuls à ne pas appliquer le statut national des industries électriques et gazières, qui constitue la réglementation sociale des producteurs d’électricité.

M. Gérard Longuet. Heureusement, sinon ils seraient ruinés !

M. Roland Courteau. Or le programme éolien offshore va donner une dimension industrielle à ce type d’énergie.

Pouvez-vous m’indiquer s’il est dans les intentions du Gouvernement de veiller à ce que ce statut soit appliqué aux personnels travaillant pour l’exploitation des éoliennes offshore ?

M. le président. Merci, monsieur Courteau !

M. Roland Courteau. J’en termine.

Certes, la transition énergétique aura un coût, mais ne rien faire coûterait mille fois plus à nos sociétés. Cette législation est d’avant-garde. Ce texte créera un élan, celui d’une écologie positive.

« Le futur n’attend pas », ai-je pu lire quelque part. Alors, mes chers collègues, inventons-le maintenant, avec vous, madame la ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Ronan Dantec applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la transition énergétique fera date dans l’histoire de notre pays. Évidemment, nous aurons l’éternelle querelle entre les partisans du tout-nucléaire et ceux qui souhaitent le réduire, voire en sortir. Je sais que nous resterons sur un désaccord sur ce sujet. Heureusement, beaucoup de points de convergence se font jour par ailleurs s’agissant de ce projet de loi.

Le point clé de cette transition énergétique, ce sont les économies d’énergies. L’électricité la moins chère, c’est celle que l’on ne consomme pas,…

M. Ronan Dantec. C’est vrai !

M. Joël Labbé. … on le dit souvent, et il faut le redire encore.

J’ajouterai simplement quelques mots, pour compléter l’excellente présentation, par mon collègue Ronan Dantec, des positionnements écologiques de notre groupe.

Nous avons de grands défis à relever, notamment dans le domaine du bâtiment, avec 500 000 logements par an à construire et autant à rénover d’ici à 2017.

Ce chantier est immense. Outre le fait d’être vertueux pour le climat, il doit permettre une véritable relance durable de l’activité du bâtiment, avec le maintien et la création d’emplois associés, durables et non délocalisables.

J’évoquerai une fois encore l’activité agricole. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) L’agriculture intensive est aujourd’hui responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre :…

M. Rémy Pointereau. Ça, c’est vrai !

M. Joël Labbé. … engrais et intrants chimiques, surlabours, monoculture, tassement et stérilisation des sols, concentration d’élevages intensifs, importation de soja à 80 % transgénique d’Amérique du Sud… autant de pratiques qui contribuent au dérèglement climatique.

Par effet « boomerang », l’agriculture sera évidemment une des principales activités à subir les conséquences des changements climatiques, s’il n’y a pas de transition agricole.

À l’inverse, des activités agricoles adaptées, qui protègent la vie des sols en en reconstituant l’humus, qui préservent des prairies permanentes, qui pratiquent la polyculture, permettent aux sols et aux productions agricoles d’être de formidables puits de carbone.

À l’échelle mondiale, on estime par exemple qu’une augmentation relative des stocks de carbone des sols de 4 ‰ par an permettrait de compenser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de la planète. C’est un levier formidable, que nous devons mesurer et dont nous devons tirer parti.

Aussi, l’agriculture familiale, en France comme partout dans le monde, doit être préservée comme garante des sols vivants,…

Mme Pascale Gruny. On n’aura plus à manger !

M. Joël Labbé. Je regrette, cette agriculture peut et doit nourrir la planète !

L’agriculture familiale joue un triple rôle : elle produit une alimentation de qualité, respecte la biodiversité et préserve les équilibres climatiques.

M. Ronan Dantec. Absolument !

M. Joël Labbé. Il faudra nécessairement reconnaître et rémunérer les services environnementaux rendus par une agriculture respectueuse de la planète.

M. Gérard Longuet. Il n’y a pas d’argent !

M. Joël Labbé. Ce que vous dites est irresponsable !

J’évoquerai brièvement d’autres amendements que je défendrai au cours de la discussion de ce texte.

L’un d’entre eux concerne la transition vers les agrocarburants dits « avancés » de deuxième génération, qui visent à remplacer ceux de première génération. Alors que 800 millions d’êtres humains ne mangent pas à leur faim, il est insensé de sacrifier des millions d’hectares de terre nourricière, en particulier dans les pays du sud, pour faire rouler nos voitures. (M. Gérard Longuet s’exclame. – Mme Marie-Noëlle Lienemann ainsi que MM. Thani Mohamed Soilihi et Ronan Dantec applaudissent.)

Mme Cécile Cukierman. Il a raison !

M. Joël Labbé. S’agissant de la méthanisation, il convient selon nous d’interdire l’utilisation de cultures dédiées pour alimenter les digesteurs, et ce pour les mêmes raisons.

Enfin, nous voulons interdire les pesticides sur les voiries des collectivités territoriales, afin de compléter la loi portant mon nom, qui ne concerne que les espaces naturels. Certaines collectivités l’ont déjà fait, notamment des départements alors qu’ils gèrent des milliers de kilomètres de routes. En effet, interdire le traitement des espaces naturels et autoriser le traitement des espaces imperméabilisés que sont les voiries, cela ne tient pas !

Nous accueillerons à Paris à la fin de l’année la conférence mondiale sur le climat. La France doit montrer l’exemple dans ce domaine (M. Gérard Longuet s’exclame.), et dégager des pistes originales pour maintenir un équilibre atmosphérique vivable pour nos enfants et les générations futures. Madame la ministre, vous avez un rôle essentiel à jouer dans ce cap de la fin de l’année 2015 aux yeux de la France et du monde. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)