M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je suis lassé d’entendre les mêmes discours depuis vingt ans sur les transports en Île-de-France, publics ou non, sans que rien ne bouge jamais !

Comme j’aurai l’occasion de le répéter lors de l’examen d’amendements ultérieurs, tant que l’on ne confiera pas la gestion et la gouvernance des transports publics en Île-de-France à un seul acteur, on tournera en rond !

Voilà des années – j’ai bien entendu l’intervention de notre collègue du groupe CRC –, au sein du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, j’ai participé à la mise en place du schéma de la ligne B Nord à destination de Roissy. Il y a dix ou quinze ans, ce projet était déjà en concurrence avec le CDG Express : on nous disait déjà que celui-ci serait financé par les banques et que l’on allait améliorer le RER B nord.

Je soutiens le CDG Express depuis le début, car – je le dis à nos collègues du groupe CRC – je suis favorable à l’amélioration des réseaux RER et je me bats depuis longtemps en ce sens au sein de la région.

Mais si nous avons besoin de ce projet, ce n’est pas à cause de l’Exposition universelle ou des jeux Olympiques. Nous ne sommes même pas certains de les accueillir ; attendons un peu !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Bien sûr !

M. Roger Karoutchi. Nous en avons besoin pour soutenir le tourisme et l’activité économique, qui s’effondrent dans la région d’Île-de-France ! (M. Jean-Claude Lenoir acquiesce.) Or ce n’est pas le cas chez nos concurrents, Londres, Barcelone et Berlin.

Notre région s’effondre ! Il nous faut donc des moyens pour faire revenir les investisseurs, pour donner confiance aux touristes et pour pouvoir dire que Paris est, à l’instar de Londres, Barcelone et Berlin, une véritable destination. Pour ces raisons, nous avons besoin d’améliorer parallèlement les transports publics. (M. le président de la commission spéciale acquiesce.)

Pourquoi sommes-nous hésitants ? Parce que, dans le secteur des transports publics, que ce soit la gauche ou la droite, l’État prend à chaque fois des engagements et, au final, ne fait rien !

M. Bruno Sido. Voilà !

M. Roger Karoutchi. On nous promet toujours monts et merveilles ! Et je signe, comme d’autres, des conventions à ne plus savoir qu’en faire...

Puis, au bout du bout, l’État nous dit que c’est bien dommage et qu’il a certes signé, mais qu’il n’y a pas un sou. Il promet alors de mettre en place une concession « d’enfer », de nous autoriser à prélever des impôts et taxes supplémentaires sur les entreprises et les particuliers. Voilà ce qu’est la contribution de l’État !

Il faut que tout le monde le sache, l’État ne consacre pas un centime au Grand Paris Express, ce fameux Grand Paris à 30 milliards d’euros ! Ce sont en réalité les prélèvements sur les entreprises et les particuliers d’Île-de-France, et non l’argent de l’État, qui financent le transport francilien ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le ministre, vous dites qu’une société SNCF-ADP sera créée et qu’elle représentera la contribution de l’État. La SNCF, qui est particulièrement endettée et qui n’est pas capable de faire les travaux courants d’amélioration du réseau, devrait prendre en charge ce grand projet ? Vous comprendrez que je m’inquiète ! Et ADP cherche avant tout à ce qu’on l’oublie, préférant que l’on ignore jusqu’au nom de son président, afin d’éviter tout prélèvement ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Encore une fois, je veux ce projet, mais cela fait vingt ans qu’on en parle ! Je ne sais pas s’il faut une ordonnance ou non. On a envisagé tous les systèmes possibles depuis vingt ans. Pour le moment, il n’y a pas le début d’un coup de pioche !

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas nouveau !

Mme Éliane Giraud. La droite a été au pouvoir pendant dix ans !

M. Roger Karoutchi. Je veux bien vous faire confiance, monsieur le ministre. Mais, franchement, cela m’inquiète que l’on envisage ADP et la SNCF comme acteurs du projet !

Je préférerais que la SNCF s’occupe de l’amélioration du réseau, du Transilien, c’est-à-dire qu’elle fasse son travail. Or elle ne le fait pas. Certes, elle commence à réinvestir en Île-de-France depuis quatre ou cinq ans. Mais elle ne l’avait pas fait pendant vingt ans ! Or, s’il y a eu autant d’accidents, de retards et de problèmes divers, c’est parce que la SNCF a financé le TGV, mais a délaissé le transport en Île-de-France ! Du coup, quand j’entends qu’elle sera l’actrice principale de ce projet, cela ne me rassure pas !

Je ne sais pas si ce texte est aujourd’hui nécessaire. Encore une fois, nous sommes favorables au projet de CDG Express. Je suis bien conscient que nous avons besoin d’une jonction parallèlement au RER B. Mais vous devez trouver une solution qui inspire confiance !

Confier cette mission à la SNCF et ADP reviendrait à enterrer le projet. Et, monsieur le ministre, vous ou votre successeur viendrez nous voir dans deux ou trois ans en espérant trouver une nouvelle solution ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.

Mme Christine Prunaud. Nous souhaitons la suppression de l’article 3 bis A.

D’abord, l’article dispose que l’ordonnance modifiera l’article L. 2111-3 du code général de la propriété des personnes publiques, mais il ne précise pas en quoi. De même, les financements qui seront mobilisés, les entreprises qui seront associées et le montage juridico-financier qui sera retenu ne sont pas mentionnés. Selon nous, cette seule raison justifierait que le Parlement supprime l’article 3 bis A.

En outre, nous avons toujours été à cet article L. 2111-3, et nous le demeurons aujourd’hui.

Par ailleurs, l’article 3 bis A prévoit la réalisation d’un projet pour le moins contestable. Le STIF est totalement dépossédé des compétences qui lui sont dévolues par la loi ; l’autorité organisatrice des transports de la région ne sera nullement associée au projet. Nous réfutons cette mise à l’écart.

Enfin, nous contestons le projet sur le terrain social et sociétal, car il crée un transport des riches, séparé de celui des pauvres. Un système tarifaire différent de celui des autres modes de transport ferroviaire en région serait mis en place, et les capacités de développement de la future ligne 17 du Grand Paris Express et de la ligne B du RER seraient freinées.

À ce propos, je vous reconnais une certaine constance, monsieur le ministre : pour justifier votre projet de créer des lignes de bus privées, vous indiquez que ceux qui n’auront pas les moyens de prendre le train pourront tout de même voyager. Avec cet article, vous vous apprêtez à permettre aux voyageurs les plus riches de rejoindre la capitale rapidement et dans de meilleures conditions ! Que devient la promesse républicaine d’égalité lorsque l’on réfute au plus grand nombre la possibilité de voyager dans de bonnes conditions ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur Dominati, le compte rendu de nos réunions de commission montre que le débat a été fourni. Je peux d’ailleurs en témoigner sans enjoliver mes souvenirs.

Mme la corapporteur m’a fait remarquer à juste titre que j’étais arrivé en séance un quart d’heure en retard ce matin. Il y avait en effet des difficultés sur le RER B en raison d’un accident voyageur. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

Il m’est souvent arrivé, comme à Roger Karoutchi, de faire part de ce genre d’expériences. Quand Frédéric Cuvillier était ministre délégué d’État chargé des transports, il avait d’ailleurs coutume de dire que je portais « la poisse » : à chaque fois que je devais prendre le train pour venir débattre des transports au Sénat, il y avait un problème ! (Sourires.)

Je souhaite que nous ayons tous à l’esprit l’ensemble des éléments du débat. Chacun a essayé d’y contribuer à sa manière.

Je suis maire d’une commune riveraine de la future ligne de CDG Express. Avec mes collègues, nous avons eu le débat sur le sujet soulevé par le groupe CRC : s’agit-il d’un transport de riches ? Nous nous sommes aussi demandé si nous allions continuer à regarder passer les trains.

Le débat me semble en partie derrière nous. Un grand chantier a été lancé depuis par Christian Blanc et Nicolas Sarkozy, qui ont décidé de prendre à bras-le-corps le problème des transports en Île-de-France. La nouvelle majorité a continué en ce sens.

Certes, monsieur Karoutchi, l’État tient difficilement ses engagements. Toutefois, le Premier ministre a annoncé que, s’agissant de la fameuse ligne 17 reliant le CDG Express avec le Grand Paris Express, les délais seraient raccourcis, même si c’est de peu. Quoi qu’il en soit, la ligne est solidifiée. C’est un élément positif.

Dans ce secteur de l’Île-de-France, comme partout ailleurs, le Grand Paris Express avance. Les échéances, qu’il nous faudra consolider, sont fixées à 2024.

Ce matin, dans le RER B, je n’ai pas pu prendre le premier train, car un accident voyageur s’était produit plus loin sur la ligne nord. Quand la rame est arrivée à quai, elle était complète. Pour ma part – peut-être est-ce aussi le cas de Roger Karoutchi ? –, j’ai pris l’habitude de pousser, ce que je n’osais pas faire auparavant. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Mais, aujourd’hui, il était impossible de le faire tant le wagon était plein ; la personne qui me précédait était littéralement coincée par la porte. J’y ai donc renoncé. Il faut désaturer tout cela !

Lorsque j’ai pris le train suivant, j’y ai vu deux voyageurs arrivant de Roissy avec leurs bagages, qui se trouvaient, comme moi, dans ce train bondé.

Je comprends ce que dit Philippe Dominati : la relation entre la capitale, ville-monde, et son aéroport international constitue un sujet majeur pour Paris. Il faut donc régler ces problèmes de transport. Lorsque vous allez à Londres, vous rejoignez facilement le centre. Quand on arrive dans un aéroport international, on souhaite pouvoir vite rejoindre sa destination. Il faut que les voyageurs de Roissy-Charles-de-Gaulle puissent se rendre rapidement dans la capitale. Désaturons les transports !

La relation entre Paris et ses aéroports constitue un enjeu majeur pour la capitale. La qualité de service de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle a longtemps été fustigée. (Mme Nicole Bricq acquiesce.) Elle s’est améliorée – nous avons des indicateurs très fins – grâce à l’ancien et à l’actuel président d’ADP, MM. Pierre Graff et Augustin de Romanet.

Nous sommes sortis des classements idiots selon lesquels l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle était le pire aéroport du monde. C’est en partie fini. Il n’en reste pas moins qu’il est difficile d’y accéder. Cela constitue un élément de fragilité majeur. Il faut donc y remédier.

Je mettrai un bémol à l’excellente intervention de Roger Karoutchi. M. Augustin de Romanet – moi, je le nomme ! (Sourires.) – a pris ce dossier à bras-le-corps, et il le booste. Il a déclaré qu’ADP s’engageait dans ce projet ; c’est vital pour un aéroport international français.

J’ai retrouvé les dates dans l’excellent rapport de la commission spéciale. La déclaration d’utilité publique date de 2008. Le débat public a eu lieu en 2003. Je comprends l’impatience de Philippe Dominati, pour qui nous piétinons un peu.

M. Bruno Sido. « Un peu » ?

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si la disposition que nous prenons est de nature à débloquer la situation ou non. (M. Philippe Dominati s’exclame.)

Pour ma part, j’ai le sentiment que nous avançons. Une piste privée, avec Vinci, qui faisait peur à tout le monde, avait été envisagée. Elle n’a pas abouti. Tant mieux ! Personne n’y croyait vraiment, et chacun avait conscience qu’une telle solution comportait des risques.

ADP et SNCF Réseau ont trouvé un accord. Des engagements ont été pris. Certes, on peut s’étonner de l’intervention de ce dernier opérateur. Pourtant, sans lui, on se demanderait si ce montage ne serait pas privé. Une telle tâche incombe au gestionnaire d’infrastructures que nous avons créé. Il lui revient de le faire.

Le contexte a évolué. ADP et SNCF Réseau s’engagent. Avec la création du Grand Paris Express et le plan de mobilisation sur le RER B, une amélioration des transports au quotidien est attendue pour répondre aux besoins légitimes des populations.

Nous devons construire ce projet ensemble. Pour ma part, je me réjouis qu’il ne soit pas fait appel à des fonds publics. Si tel était le cas, les riverains trouveraient que cela les prive des moyens destinés à moderniser le RER B ou à réaliser le Grand Paris Express. Il n’en est rien.

Le rapport de la commission spéciale soulève très légitimement la question, que nous n’avons pas esquivée lors de nos réunions, de l’existence d’engagements clairs en matière de financements.

Ayant la chance d’être le rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », j’ai pris l’initiative de réinterroger les initiateurs du projet. Je confirme les propos de M. le ministre : le projet est pris en charge à 50 % par ADP et à 50 % par SNCF Réseau. Le texte que nous examinons permet la création du gestionnaire d’infrastructures. À ce stade, le budget est évalué à 1,7 milliard d’euros en euros constants en 2019. SNCF Réseau doit normalement retrouver ses fonds propres dans ce montage, avec un taux de rentabilité interne estimé à 8 %, ce qui est plutôt intéressant. (M. Bruno Sido s’exclame.)

Une demande de financement de l’ordre de 400 millions d’euros, soutenue par l’État, a été adressée à la Banque européenne d’investissement. Je pense que c’est positif. Il faudra défalquer cette somme du montant total du projet. Par conséquent, il faut trouver un peu moins de 1,3 milliard d’euros.

Aucune subvention publique n’est donc prévue. Le gestionnaire d’infrastructures et ADP s’engagent sur le fait que les investissements consacrés à CDG Express serviront aussi pour partie à améliorer la robustesse du RER B et de la ligne 4, car ce sont des lignes communes.

Souhaitons que nous puissions franchir ce cap et faire en sorte que le projet trouve sa concrétisation ; c’est un serpent de mer.

Mme Catherine Procaccia. C’est un serpent de terre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Le projet est utile pour tout le pays.

On affirme souvent qu’il s’agit d’un problème parisien. Or le provincial qui atterrit à l’aéroport d’Orly pour faire une liaison nationale ou qui a besoin de se rendre à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle pour partir à l’étranger se demande comment relier les deux aéroports. Il s’agit bien d’un problème de compétitivité. Je me réjouis que le projet de loi contienne des dispositions qui contribuent ainsi à la croissance.

Monsieur Desessard, vous avez évoqué la « fracture territoriale », un sujet que vous connaissez bien. Oui, elle existe ! C’est un habitant de la Seine-Saint-Denis qui l’affirme. Pour notre part, nous souhaitons la réduire ; même si cela ne semble pas évident en apparence, l’adoption de cet article y contribuera indirectement. C’est un élément majeur pour nous.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Il n’est pas anormal que le représentant du département le plus enclavé de France s’exprime sur le projet CDG Express. (Sourires.)

Mme Catherine Procaccia. Vous prenez peut-être l’avion ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. Je pourrais m’exprimer longuement sur le sujet, surtout aujourd’hui. M. le ministre le sait bien.

Faut-il réaliser le CDG Express. J’ai cru comprendre que tout le monde, de la droite à une grande partie de la gauche, était d’accord sur ce point.

M. Jean-Claude Lenoir. Il faut le faire !

M. Jacques Mézard. Le projet est d’un intérêt national. Dans la mesure où Paris est une ville-monde, il nous faut un aéroport à la hauteur. C’est une véritable priorité. Pour autant, je ne pense pas que le reste soit accessoire : le quotidien des Franciliens aussi est important.

Mais, monsieur le ministre, gouverner, c’est choisir et dégager les grandes priorités ! Cet article prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour permettre la réalisation du projet. Allons-y !

L’examen de l’article nous donne l’occasion de constater que ces grandes infrastructures ne fonctionnent pas parfaitement. Ce projet est donc nécessaire pour que, comme l’a très justement rappelé Roger Karoutchi, nous soyons « concurrentiels » – vous le savez, je n’aime pas trop ce terme ; je l’emploie avec précaution – avec Londres ou d’autres capitales.

Monsieur le ministre, puisque nous sommes très majoritairement d’accord pour agir, prenez le plus rapidement possible les dispositions nécessaires pour que ce projet se fasse. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

Vous attendez sans doute la suite, mes chers collègues ! (Sourires.) Ce projet de loi a pour objet la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Lorsque je pleure pour obtenir quelques milliers d’euros afin de créer une liaison aérienne une fois par jour, et même pas toute l’année, pour la préfecture la plus enclavée de France, on me rétorque que l’argent manque.

La croissance n’est pas réservée qu’aux territoires où la population est nombreuse, même s’il faut savoir dégager des priorités.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je donne acte à M. le président de la commission spéciale et à Mme la corapporteur : le débat a bien eu lieu en commission. J’y ai d’ailleurs pris une part active. M. Philippe Dominati a eu l’occasion d’exposer ses craintes, certes rapidement ; il avait annoncé qu’il reviendrait sur le sujet en séance publique.

Dans un contexte de concurrence mondiale, cet investissement est une nécessité objective pour l’attractivité de la France.

M. Bruno Sido. Personne ne dit le contraire !

Mme Nicole Bricq. Si ! Les différentes interventions ont montré que tout le monde n’était pas sur cette ligne. (M. Gérard Longuet acquiesce.)

Dans la mesure où l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle figure parmi les sept ou huit premiers aéroports du monde, il faut des voies de dégagement rapides pour la capitale. Comme M. Mézard l’a rappelé, il s’agit là d’un investissement national qui intéresse toute la représentation nationale.

Sortons des clichés ! Non, chers collègues du groupe CRC, ce n’est pas un investissement pour les riches ! Les puissants hommes d’affaires prennent des avions d’affaires. Ils atterrissent…

M. Michel Bouvard. Au Bourget ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Bricq. … au Bourget, et tout ce dont ils ont besoin les attend à l’arrivée. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Ils ont des voitures de fonction !

Mme Nicole Bricq. J’ai souvent eu l’occasion d’arriver vers six heures du matin à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. J’y ai vu, certes, des touristes, mais également des ingénieurs des bureaux d’études qui, à l’heure de la mondialisation, vont et viennent et se déplacent en classe économique. Celui qui arrive à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle d’Asie ou d’Amérique du Sud est en droit d’avoir une liaison rapide vers Paris. La circulation routière est infernale à partir de six heures et demie : il faut deux heures pour rejoindre la capitale. Pour celui qui vient de Chine et qui n’est pas forcément riche, ce n’est pas facile de trouver le RER !

J’ai entendu les arguments de Roger Karoutchi, qui connaît bien l’Île-de-France. J’ai bien compris aussi que nous étions en campagne électorale... (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Ah bon ? (Mêmes mouvements.)

M. Roger Karoutchi. D’autres sont en campagne ! Pas moi !

Mme Nicole Bricq. Vous avez beaucoup fustigé l’État.

Permettez-moi de vous rappeler un élément, assez récent. Alors que toutes les régions ont obtenu la compétence transports dès 2001, la région Île-de-France a dû attendre 2006 pour que l’État accepte de transférer cette compétence au STIF. Qui était au pouvoir à l’époque, monsieur Karoutchi ? Ce n’était pas nous ; c’était vous. Souvenez-vous des difficultés qu’il a fallu surmonter pour obtenir un tel transfert. Il a fallu établir un état des lieux sur lequel nous ne sommes pas parvenus à nous accorder ; même le comité des finances locales est intervenu. Avant de voter, il a fallu que notre ancien collègue Jean-Pierre Fourcade mène un travail d’investigation, ce qui était loin d’être facile à l’époque.

Les rapports de la région capitale avec l’État ont toujours été difficiles.

M. Jean Desessard. C’est-à-dire ?

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas un point d’histoire ; c’est la vie parlementaire. Nous l’avons vécu.

Il faut aussi se souvenir du contrat de plan État-région qui a été signé.

Monsieur Karoutchi, vous dites que l’État ne met pas un sou. Mais ce n’est pas vrai ! Plus d’un milliard d’euros viendront de l’État pour la modernisation du réseau entre 2015 et 2020.

M. Roger Karoutchi. Pas sur le Grand Paris Express !

Mme Nicole Bricq. Vous connaissez mieux que moi tous les projets. Vous êtes féru de la région Île-de-France. Vous savez que des rocades et des lignes sont prévues.

Nous sommes parvenus à un accord État-région. Ne dites pas aujourd’hui que l’État ne met pas un sou. Ce n’est pas acceptable, car ce n’est pas la réalité. (M. Roger Karoutchi le conteste.)

Je rejoins Jacques Mézard. Si nous sommes d’accord pour le faire, avançons !

M. Jean-Claude Lenoir. Il faut le faire !

Mme Nicole Bricq. Ne faisons pas comme à l’opéra, où le chœur entonne « Marchons, marchons ! » alors qu’il reste sur place. Maintenant, on bouge à l’opéra ; on peut donc bouger au Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je pense également que nous devons avancer. On ne peut avoir une vision binaire de la situation. Pour autant, que de contradictions !

Quand il est question de la desserte de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, tout le monde est d’accord pour trouver des solutions afin de faire avancer le projet. Plusieurs d’entre nous ont d’ailleurs rappelé que ce projet était dans les cartons depuis bien longtemps. Dans le même temps, on fait fi du travail réalisé par le STIF et la société du Grand Paris pour améliorer le réseau existant, y compris le fait de dégager des moyens en faveur du CDG Express. Je trouve que c’est un mépris des élus, non seulement parlementaires, mais également conseillers régionaux ou représentants au STIF.

Lorsque l’on monte des projets sans concertation avec les acteurs concernés, on commet nécessairement des impairs. C’est bien joli de nous dire qu’il faut avancer ! Après tout, 1,9 milliard d’euros, ce n’est pas grand-chose… (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC.) Mais, à l’heure où l’on ne cesse de nous opposer des « budgets contraints », à l’heure, où il faut, paraît-il, réaliser des économies dans tous les secteurs, que ce soit à l’hôpital ou dans les transports, nous nous demandons d’où sortira cet argent !

L’État, nous dit-on, ne versera pas un « kopeck » : j’emploie cette expression pour confirmer l’image que vous avez du groupe CRC et vous réveiller un peu, mes chers collègues. (Exclamations amusées.)

Il nous est demandé de signer un chèque blanc et d’accorder notre confiance sans savoir quel sera le montage et quelles en seront les parties prenantes. Avouez-le, c’est totalement contradictoire avec notre rôle de parlementaires, nous qui défendons ici et dans nos territoires la concertation entre les élus et les populations.

Je le rappelle, un travail a été réalisé sur le réseau du Grand Paris et la ligne 17 est prévue pour répondre à l’objectif de relier les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et d’Orly, grâce à une interconnexion avec la ligne 14, qui desservira Orly. Le texte parle des transports sans évoquer les liens ; il y a là quelque chose qui m’échappe.

On nous dit qu’il faut pouvoir aller vite. M. le président de la commission a évoqué les problèmes qu’il rencontre sur la ligne B du RER. Toutes celles et tous ceux qui empruntent les transports en commun – nous sommes nombreux dans ce cas, que nous soyons franciliens ou provinciaux – connaissent de telles difficultés. L’amélioration et le développement des dessertes existantes relèvent donc d’une nécessité absolue.

Ce qui me gêne, c’est que l’on oppose les uns aux autres. On est en train de faire fi de ce qui est la base même de la démocratie : la concertation. « Dormez tranquilles, chers parlementaires, nous allons vous sortir un projet digne de ce nom », nous dit-on. Nous dénonçons ce procédé, sur la forme – je fais référence aux ordonnances – comme sur le fond.

Il ne faut pas rester dans le flou. À cet égard, j’entends certains des arguments de M. Dominati, même si nous ne siégeons pas sur les mêmes travées. (Mme Nicole Bricq s’exclame ironiquement.) Madame Bricq, vous entretenez vous-même des liens avec des personnes qui ne partagent pas vos positions ! On peut parfois créer des passerelles.

Pour ma part, je suis constante, et je défends toujours des transports de qualité tant pour les voyages au quotidien et pour les voyages d’affaires. Moi, je ne passe pas mon temps à opposer les uns aux autres ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Je regrette de n’avoir pas reçu de réponses aux questions que j’avais soulevées.

Encore une fois, je soutiens le projet, au nom de l’efficacité. Il faut, me semble-t-il, avancer le plus rapidement possible. Nous sommes nombreux ici à partager ce point de vue.

Toutefois, la méthode choisie me paraît hasardeuse. L’alibi de la rapidité a déjà été maintes fois employé par les gouvernements, toutes tendances politiques confondues. C’est malheureusement toujours une entrave. On nous parle des ordonnances ? J’en accepte l’augure. Mais je doute que cela permette au projet d’aboutir…

L’État, nous dit-on, ne mettra pas un euro dans ce projet ; la SNCF et ADP n’en dépendent pas directement. Ces entités emprunteront. Il faut le savoir, le CDG Express ne créera pas de liaison entre les deux aéroports parisiens, contrairement à deux autres projets, qui, eux, le prévoyaient.

Je le rappelle, lors de l’examen du texte sur le Grand Paris, mon collègue Yves Pozzo di Borgo avait déposé un amendement, que j’avais soutenu avec un certain nombre d’élus franciliens, pour donner le choix à l’État ; il y avait un projet de liaison constructive entre Orly, le centre de l’agglomération et l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. L’État a choisi le Grand Paris. Nous avons donc pris acte du décès de l’autre projet, aujourd’hui chimérique, même s’il ressort de temps en temps.

Ce sont, nous dit-on, ADP et la SNCF, en bonne santé financière, qui paieront. Dont acte. Mais, monsieur le ministre, vous ne vous êtes pas engagé à ne pas instaurer un impôt spécifique local. J’espère que vous n’en créerez pas et que les ménages et entreprises d’Île-de-France n’auront pas à payer, comme cela avait été le cas pour le Grand Paris.

Nous aurons l’occasion de poursuivre le débat lorsque le Sénat examinera les propositions en faveur de la croissance que mon collègue Roger Karoutchi et moi-même avons formulées.

Quoi qu’il en soit, je m’abstiendrai, car je ne crois pas aux ordonnances.