M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement important rejoint la discussion que nous avons eue tout à l’heure.

Il s’agit ici d’ouvrir la possibilité, en l’encadrant strictement, de créer des structures associant des professionnels du droit et de l’expertise comptable.

L’objectif est de permettre la constitution de structures interprofessionnelles couvrant l’ensemble des besoins des clientèles, entreprises comme particuliers. Au-delà de la mise en commun de moyens entre des personnes appartenant à des professions libérales différentes, la loi du 28 mars 2011 a créé des structures interprofessionnelles capitalistiques. Cependant, ces structures interprofessionnelles d’exercice, qui pourraient offrir aux entreprises un point d’entrée unique pour la réalisation de leurs affaires, ne se sont jamais développées, en raison de plusieurs obstacles que cet amendement vise à lever, en prévoyant plusieurs garanties.

D’abord, il convient de préserver les règles déontologiques spécifiques et applicables à chaque profession. Seront ainsi précisées par voie réglementaire l’absence de relation de contrôle hiérarchique par un professionnel autre que ceux exerçant la même profession, l’interdiction d’intervenir dans un domaine pour lequel un autre professionnel détient une compétence exclusive en application des dispositions législatives ou réglementaires, ou encore l’interdiction de la facturation globale.

Pour être très clair, un avocat peut créer une société interprofessionnelle avec un notaire, mais il ne peut avoir aucune influence sur l’action de celui-ci dans son champ de compétence exclusif. Le texte garantit une étanchéité complète. De la même façon, il ne peut avoir aucune influence sur les tarifications appliquées par le notaire. Je ne reviens pas sur les éléments déontologiques qui ont déjà été évoqués.

En outre, cet amendement vise à conserver la faculté d’associer la profession de conseil en propriété intellectuelle à la liste des professions admises à constituer de telles structures.

Enfin, il tend à rétablir au 1° de l’article le dispositif de rémunération au succès pour la profession d’expert-comptable tel que prévu par l'Assemblée nationale.

Le texte issu des travaux de la commission spéciale du Sénat prévoit d’appliquer la rémunération au succès aux activités principales des experts-comptables, celles qui sont visées à l’article 2 de l’ordonnance de 1945. Toutefois, cette mesure est contraire à l’intention du Gouvernement, qui est d’exclure, dans l’ordonnance qui sera prise sur le fondement de cette habilitation, la rémunération au succès pour les missions de tenue de comptabilité et de révision comptable qui sont précisément prévues aux alinéas 1 et 2 de ladite ordonnance. Il s’agit là de missions encadrées.

Autoriser la rémunération au succès des prestations de tenue de comptabilité, de révision comptable ou d’accompagnement des personnes physiques dans leurs démarches à caractère fiscal ou social pourrait présenter des risques importants de dérives déontologiques. Je pense qu’il y a eu là une incompréhension entre nous. À l’inverse, nous voulons que la rémunération au succès vaille pour les activités autres que celles qui sont définies par l’ordonnance de 1945. C’est pourquoi il est proposé de supprimer toute référence, dans l’habilitation législative, à l’article 2 de cette ordonnance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Eu égard aux débats que nous avons déjà eus, je me contenterai de dire que l’amendement est contraire à la position de la commission spéciale en ce qu’il tend à supprimer des mesures que nous considérons être des avancées.

En outre, cet amendement vise à ajouter une demande d’habilitation supplémentaire, ce qui ne plaît pas à tous…

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. À ce stade, je souhaite transformer mon amendement n° 729 en un sous-amendement à l’amendement du Gouvernement, afin d’apporter une précision que je crois utile. Cela n’en changera pas l’esprit.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 1760 à l’amendement n° 1630 du Gouvernement, présenté par M. Bigot et ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) En garantissant leur mission liée à leur statut d’officier public ou ministériel ou d’auxiliaire de justice ;

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. François Pillet, corapporteur. Je ne comprends pas : votre sous-amendement est totalement contraire à l’amendement du Gouvernement. La commission y est défavorable, par cohérence, alors qu’elle aurait émis un avis favorable sur votre amendement…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1760.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1630.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 1072 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1474 est présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé, Placé et Dantec.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 1072.

M. Christian Favier. Il s’agit d’un amendement de repli.

Nous sommes opposés aux ordonnances. Néanmoins, le Gouvernement persistant dans la généralisation du recours à cette pratique antidémocratique, nous proposons a minima de supprimer l’alinéa 3, qui prévoit de moderniser la profession d’expert-comptable par ordonnance, en instaurant une rémunération au succès.

N’oublions pas que ce projet de loi élargit les domaines de compétence des experts-comptables, en les étendant aux conseils et services juridiques en lieu et place des avocats pour les clients dont ils ont par ailleurs la charge concernant les activités du chiffre. Nous sommes donc formellement opposés au principe de la rémunération au succès pour cette profession, tel qu’introduit par le Gouvernement.

Le principe de la rémunération au succès est exclu du droit positif français, notamment pour les avocats. Il est donc incohérent de l’autoriser pour les experts-comptables au moment même on leur permet d’élargir le champ de leurs activités au-delà de l’expertise comptable, pour empiéter sur le domaine juridique, qui relève précisément de la compétence des avocats.

Cette possibilité de rémunération au succès renforce la différence de traitement entre les avocats et les experts-comptables en matière de conseil juridique, au détriment des avocats, qui sont pourtant, par définition, les mieux à même de dispenser des conseils juridiques de qualité. Au-delà, l’introduction de cette exception pourrait conduire à la généralisation d’un mode de rémunération incompatible avec les principes déontologiques édictés par l’ensemble des professions réglementées proposant des prestations de conseil juridique.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 1474.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à supprimer le principe de la rémunération au succès pour les experts-comptables, qui est exclu du droit positif français, notamment en ce qui concerne les avocats, et on comprend bien pourquoi !

Outre qu’elle crée une rupture d’égalité entre les avocats et les experts-comptables, l’introduction de cette exception pourrait conduire à la généralisation d’un mode de rémunération incompatible avec les principes déontologiques édictés par l’ensemble des professions réglementées proposant des prestations de conseil juridique.

En outre, ce mode de rémunération soulève des interrogations déontologiques, dans la mesure où il pourrait y être recouru pour des prestations de conseil en optimisation fiscale réalisées par les experts-comptables.

S’agissant des experts-comptables, quelle est la signification d’une rémunération au succès ? Qu’ils ont bien fait leur travail ? Encore heureux ! Sinon, qu’ils se fassent charcutiers ou coiffeurs ! (Exclamations amusées.)

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas gentil pour les charcutiers !

M. Alain Joyandet. Vous pensez que les charcutiers ne font pas bien leur travail ?

M. Jean-Pierre Grand. Le premier des charcutiers, c’est le ministère de l’intérieur !

M. Jean Desessard. Bien sûr que les charcutiers, les coiffeurs et les experts-comptables font bien leur travail ! Tout le monde est à féliciter !

Pour les experts-comptables, la rémunération au succès peut concerner une activité de conseil aux entreprises en matière d’optimisation fiscale. Certes, ce n’est pas interdit, mais pourquoi devrions-nous les encourager à aider des entreprises à payer moins d’impôt ? L’État roule sur l’or ? Il n’y a pas de déficit budgétaire ?

La rémunération au succès peut également concerner une aide à l’optimisation de la rentabilité.

En tout état de cause, quels critères permettent de mesurer le succès ? Monsieur le ministre, vous m’avez précédemment reproché de vous faire un procès a priori. Il y a tout de même des divergences politiques, au sein de cette enceinte ! Même si, je le reconnais, nous sommes moins nombreux que d’autres, nous n’en défendons pas moins un certain nombre de principes. Ainsi, nous refusons le libéralisme : écologie et libéralisme ne vont pas dans le même sens !

Mme Éliane Assassi. Cela dépend pour qui !

M. Jean Desessard. À une certaine époque, à droite, le gaullisme ne prônait pas le libéralisme.

M. Jean-Claude Lenoir. Vous n’avez pas tort !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean Desessard. Je conclus, monsieur le président.

Il nous est proposé de « moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expertise comptable en instaurant la rémunération au succès » : c’est tout de même formidable !...

M. le président. L'amendement n° 206 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

en instaurant la rémunération au succès pour leurs activités définies à l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable et

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Nul n’ignore que le droit est l’une des armes de l’affrontement culturel, industriel et commercial actuel. Or le droit continental, qui est au fondement de notre culture européenne, est aujourd’hui en passe de perdre la bataille menée depuis deux siècles contre la common law. Et pourtant, ce naufrage n’est pas inéluctable !

Le droit continental répond à une identité très forte, sous-tendue par des logiques vertueuses, ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas ou ne doit pas évoluer. Ce qui différencie, au premier chef, le droit romano-germanique de la common law, c’est l’affirmation de la primauté du code civil et de ses droits dérivés. Cela se traduit par la prééminence de la loi sur la volonté des parties, que l’on retrouve cantonnée dans le contrat.

Plus largement, la loi est perçue comme l’expression de la volonté générale, raison pour laquelle elle a une valeur absolue. A contrario, le droit coutumier, qui est une traduction de la common law, fait prévaloir le contrat en tant qu’affirmation de la liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté des parties. Par conséquent, le juge ne peut défaire ce que les cocontractants ont voulu, tandis que le droit continental prévoit une immixtion du juge dans le contrat au nom de l’ordre public, expression de l’intérêt général et supérieur.

La question de la rémunération au succès des experts-comptables participe de cette guerre, si l’on veut filer la métaphore belliciste. L’interdiction des honoraires intégralement proportionnels au résultat, encore appelés pacte de quota litis, limite les risques de dérives liées aux intérêts économiques, ainsi que les conflits d’intérêts au regard de la déontologie des experts-comptables. Il y va également de la protection du consommateur.

M. le président. L'amendement n° 183, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

en instaurant la rémunération au succès

2° Remplacer les mots :

et en transposant

par les mots :

en transposant

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je considère que la rémunération au succès des experts-comptables pose problème au regard des conflits d’intérêts, d’autant que, si j’ai bien compris, on a élargi le champ de cette rémunération.

Je ne suis pas opposé par principe à la rémunération au succès, mais il n’est ni raisonnable ni responsable, me semble-t-il, de la prévoir pour les experts-comptables, eu égard aux activités de conseil en matière d’optimisation fiscale qu’ils peuvent avoir. Même pour leurs activités accessoires, cela poserait problème : je pense par exemple à la cession de parts ou d’actions soumise à des success fees fondés sur le prix de cession, alors que ce dernier aura été calculé au vu du bilan établi et certifié par le même expert-comptable…

C’est pourquoi il me semble raisonnable de supprimer cette disposition tant pour les activités principales que pour les activités accessoires des experts-comptables.

M. le président. L'amendement n° 1661, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

pour leurs activités définies à l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable

2° Remplacer le mot :

précitée

par les mots :

du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1661 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. François Pillet, corapporteur. Je donnerai d’abord l’avis de la commission sur l’amendement n° 206 rectifié. Si celui-ci est adopté, les autres amendements seront satisfaits.

L’amendement n° 206 rectifié, qui rejoignait pour partie l’amendement n° 1661 du Gouvernement, vise à supprimer l’instauration, au bénéfice des experts-comptables, d’une rémunération au succès en matière de prestations comptables.

La commission spéciale avait initialement limité la possibilité de rémunération au succès aux seules prestations comptables, estimant qu’on ne pouvait ouvrir aux experts-comptables, qui ne pratiquent le droit qu’à titre accessoire, un dispositif faisant l’objet d’un encadrement très strict pour ce qui concerne les avocats et dont sont exclus les autres praticiens du droit.

Les préoccupations soulevées par nos collègues quant aux dérives qu’une telle pratique pourrait entraîner en matière comptable paraissent tout à fait fondées. Elles devraient aussi conduire à plus de circonspection encore s’agissant d’une rémunération au résultat en matière juridique.

Finalement, tout cela montre que l’idée d’une rémunération au succès n’est pas si pertinente que cela, s’agissant des experts-comptables.

C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 206 rectifié.

M. François Pillet, corapporteur. S’il est adopté, tout le monde sera satisfait ! (Exclamations amusées.)

Mme Éliane Assassi. Magnifique !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je crains que tout le monde ne soit satisfait, sauf le Gouvernement ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. C’est bien ce qui me semblait…

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme je l’ai indiqué tout à l'heure en évoquant la prévention d’éventuels conflits d’intérêts, il s’agit ici des missions autres que celles visées par l’ordonnance de 1945. D'ailleurs, M. Bouvard l’a bien compris, qui a fait mention de certaines d’entre elles.

Monsieur Desessard, la rémunération au succès existe en droit positif. D'ailleurs, vous l’avez déjà votée à l’article 13, alinéa 11, pour ce qui concerne les avocats.

M. Jean Desessard. Vous suivez mes votes à la trace ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous proposons maintenant de l’instaurer pour les experts-comptables. Cela ne me semble pas être un crime. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces différents amendements.

Demande de priorité

Article 21
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 21

M. le président. J’ai été saisi par la commission d’une demande de priorité de mise aux voix de l’amendement n° 206 rectifié.

Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

Je mets aux voix l'amendement n° 206 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean-Claude Requier. C’est mon premier succès sur ce texte ! (Sourires et applaudissements.)

M. Jean-Claude Lenoir. L’obstination paie toujours !

M. le président. En conséquence, les amendements nos 1072, 1474 et 183 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 1497, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Créer le titre d’expert-comptable en entreprise en définissant les conditions dans lesquelles les personnes répondant aux conditions de qualification prévues au 4° de l’article 3 de l’ordonnance n° 45-2138 précitée peuvent être salariées d’une entreprise non inscrite à l’ordre pour réaliser au profit de cette entreprise des missions d’ordre comptable, afin d’améliorer la sécurité financière et la gestion des entreprises, de façon à concilier les caractéristiques inhérentes à la situation de salarié d’une entreprise non inscrite à l’ordre et les règles déontologiques propres à l’exercice de la profession d’expert-comptable ;

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Au travers de cet amendement, le Gouvernement sollicite encore une fois une habilitation à légiférer par ordonnance, ce qui ne manquera pas de réjouir la Haute Assemblée… (Exclamations ironiques.)

Je ne pouvais manquer de soulever ce sujet, qui relève de l’entreprise de modernisation que nous avons engagée. Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission spéciale, cette réforme voulue par le Gouvernement, concernant les avocats en entreprise, a besoin d’être mûrie au sein de la profession : pour l’heure, seule une partie du barreau y est favorable.

En revanche, pour ce qui concerne les experts-comptables, la moitié des diplômés d’expertise comptable exercent aujourd'hui en qualité de salarié dans une entreprise, et non en tant que professionnel libéral. Les fonctions qu’ils occupent les placent très souvent au cœur de la gouvernance des entreprises. Pour l’heure, ils n’ont aucun titre et n’entretiennent que peu de relations avec l’Ordre des experts-comptables. Nous proposons de remédier à cette situation, en leur donnant un statut.

Les diplômés qui le souhaiteraient signeraient une convention leur conférant le droit d’utiliser le titre d’expert-comptable en entreprise et s’engageraient, en contrepartie, au travers d’une convention, à respecter le code de déontologie des experts-comptables en entreprise, directement inspiré du code de déontologie applicable aux experts-comptables et, plus généralement, des règles de l’International federation of accountants, l’IFAC.

L’adhésion volontaire à ce code soumettrait les professionnels à une obligation d’information à l’égard de leur employeur. Ils seraient tenus d’agir avec honneur, probité et discrétion et de se former régulièrement.

Je pense que cette mesure entraînera tôt ou tard une évolution parallèle du statut d’avocat en entreprise, profession au sein de laquelle le sujet demeure pour l’heure moins consensuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Il est trop tard pour intégrer au texte une disposition totalement nouvelle, qui n’a fait l’objet d’aucune étude d'impact et dont le Gouvernement n’a à aucun moment évoqué la possibilité lors des travaux de la commission.

C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement, d'autant que le Gouvernement procéderait par voie d’ordonnances.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour prévenir tout malentendu, j’indique que cet amendement a été déposé par le Gouvernement dans les délais et a été examiné par la commission spéciale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1497.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 444, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Les alinéas 4 à 9 de l’article 21 prévoyaient initialement d’habiliter le Gouvernement à faciliter, par ordonnance, la création de sociétés au sein desquelles pourraient exercer plusieurs professionnels du droit – avocats, huissiers, notaires –, mais aussi du chiffre, comme les experts-comptables.

Cette première version posait un problème déontologique majeur. En effet, elle permettait l’émergence de grands cabinets dans lesquels auraient cohabité des experts-comptables, chargés de l’établissement des comptes, et des avocats, notamment des avocats d’affaires.

On nous a maintes fois répété que les règles de déontologie seraient scrupuleusement respectées, mais, lorsque l’appât du gain est fort, mieux vaut ne pas prendre de risque. Si, par exemple, une société souhaite en racheter une autre, elle va s’adjoindre les services d’un avocat d’affaires. Si cet avocat exerce dans le même cabinet que l’expert-comptable qui a établi les comptes de l’entreprise cible, on comprend très vite où se situe le risque.

La commission spéciale du Sénat a réduit la multiprofessionnalité initialement prévue en retirant du texte la mention des experts-comptables. Il s’agit certes d’une avancée, mais elle demeure, à nos yeux, insuffisante.

En effet, en maintenant les officiers ministériels dans le dispositif, on mettra en péril le rôle qu’ils jouent dans notre société. Quand de grands cabinets à l’anglo-saxonne auront fait émerger des « supermarchés du droit » regroupant des avocats, des notaires ou encore des huissiers, on s’apercevra que les notaires ne serviront plus qu’à valider des actes et à apposer des tampons. Or ces officiers ministériels assurent aujourd'hui une mission de service public indispensable. Par conséquent, il faut veiller à leur indépendance de manière stricte et ne pas déroger à ce principe.

La multiprofessionnalité ne garantissant pas cette indépendance, nous vous proposons de ne pas nous engager dans cette voie dangereuse.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 727 est présenté par MM. Guillaume, Lalande et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 842 rectifié est présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César, Commeinhes, de Nicolaÿ, Delattre et Doligé, Mme Gruny, MM. Houel, Houpert, Laménie, Lefèvre, P. Leroy et Longuet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Perrin et Pierre, Mme Primas et MM. Raison, Trillard et Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

1° Après le mot :

notaire

remplacer le mot :

et

par le signe :

,

2° Compléter cet alinéa par les mots :

d’expert-comptable et de commissaire aux comptes

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 727.

M. Jacques Bigot. Cet amendement vise simplement à ce que l’on n’empêche pas les experts-comptables et les commissaires aux comptes de constituer des sociétés interprofessionnelles.

Ces professionnels craignent que la rédaction actuelle du texte ne leur permette plus d’exercer en commun leurs fonctions, ce qui serait tout à fait gênant compte tenu de l’organisation française actuelle.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l'amendement n° 842 rectifié.

M. Jean Bizet. Depuis une cinquantaine d’années, les professionnels du chiffre vivent au quotidien l’interprofessionnalité évoquée par M. Bigot, dont je fais mienne l’argumentation.

M. le président. L'amendement n° 182, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Dans lesquelles ne pourraient être associées que des personnes physiques ou morales qui exercent ces professions soumises à un statut législatif ou réglementaire, légalement établies dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse ;

II. – Alinéas 8 et 9

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

d) En assurant la protection la plus élevée du secret professionnel ;

e) En prévoyant qu’ils soient dépourvus de la personnalité morale ;

f) En prévoyant un exercice professionnel des membres du groupement exclusivement en son sein ;

g) En prévoyant que chaque membre du groupement ne puisse accomplir un quelconque acte professionnel relevant de la compétence exclusive d’un autre membre suivant les règles applicables à son statut professionnel ;

h) En prévoyant que chaque membre ne puisse effectuer à titre accessoire des actes professionnels relevant de l’activité principale d’un autre membre suivant leurs statuts professionnels respectifs ;

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Si je suis favorable à l’interprofessionnalité, j’estime qu’elle doit être quelque peu encadrée.

Au travers de cet amendement, je propose de préciser l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances donnée au Gouvernement.

Premièrement, aucun professionnel ne doit pouvoir exercer à titre accessoire l’activité principale d’un autre professionnel membre du même groupement. Comme M. le ministre l’a dit tout à l'heure, il s’agit de garantir que les dossiers seront traités par un professionnel de la meilleure qualité.

Deuxièmement, il faut que chaque professionnel exerce exclusivement dans la structure, pour éviter les conflits d’intérêts.

Troisièmement, le groupement ne doit pas être doté de la personnalité morale, de manière à assurer la responsabilité individuelle des professionnels, l’adhésion à leurs régimes sociaux propres et, surtout, le lien direct avec leurs organes de contrôle déontologiques et disciplinaires respectifs.