M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. D’abord sur la forme, monsieur le ministre, je considère que déposer un amendement technique et complexe de cinq pages – même la commission a jugé qu’il était difficile d’en mesurer la portée ! – la veille du débat et le modifier le jour même du débat, ce n’est quand même pas, vous en conviendrez, très satisfaisant. Le numérique mérite peut-être mieux que ces amendements de dernière minute. J’ai entendu plusieurs fois le président de la commission spéciale et Mme la corapporteur dire qu’on tentait, au détour de ce texte, de régler ou de prétendre régler un peu trop de problèmes et, là, je crois que c’est vraiment le cas.

Des amendements « numériques » nous sont arrivés dans le projet de loi NOTRe, et il nous en arrive dans celui-ci. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Sénat a adopté, en 2012, une proposition de loi – elle a ensuite été rejetée purement et simplement, à la demande du Gouvernement, par l’Assemblée nationale – qui comportait des mesures visant à améliorer la couverture du territoire en téléphonie mobile. Donc, on a perdu trois ans pour arriver aujourd'hui à cet amendement !

Cet amendement va bien sûr dans le bon sens, et il est évidemment souhaitable de rouvrir le dossier de la couverture des zones blanches en 2G, même si, comme cela a été dit, la 2G, c’est aujourd'hui très insuffisant. Mais bien des élus me disent, surtout après avoir entendu à la radio la publicité pour la 4G alors qu’ils n’ont pas de 2G – cela a le don de les horripiler… – qu’il y a quand même un véritable problème.

Sur la 3G, vous évoquez dans votre amendement l’accord de RAN sharing – pour partage de réseau d’accès radioélectrique – 3G qui avait été signé en 2010 et qui devait être réalisé pour 2013. Aujourd'hui, en 2015, à peine un quart des engagements pris par les opérateurs ont été tenus, ce qui montre bien, monsieur le ministre, comme vous l’avez dit hier – j’espère que ce n’était pas qu’une formule –, qu’il faut mettre la pression sur les opérateurs.

Ce que vous proposez pour les centres-bourgs est opportun, mais, comme l’a indiqué notre collègue Philippe Adnot, il n’y a pas que les centres-bourgs, il y a aussi toute la partie rurale, pour laquelle rien n’est prévu si ce n’est de faire appel aux collectivités pour le financement. Évidemment, cela ne peut pas nous donner entière satisfaction !

J’aimerais vous poser un certain nombre de questions, auxquelles je n’ai trouvé de réponse ni dans le texte lui-même ni dans vos propos.

Quelle sera exactement l’aide de l’État ? On nous parle de la création d’un guichet, mais nous ne savons pas du tout comment cela va fonctionner. Quels seront le montant de l’aide et le pourcentage par rapport au projet ? De tout cela nous ne savons rien.

Quel sera le financement des opérateurs ? On a bien compris que ces derniers seraient allégés d’un certain nombre de charges, avec la suppression des cabines téléphoniques – et c’est très bien –, mais nous ignorons à quelle hauteur ils participeront. Comme je l’ai dit, la seule chose dont nous sommes sûrs, c’est qu’il sera fait appel aux collectivités pour le financement.

L’amendement du Gouvernement prévoit des conventions, mais tout cela m’a l’air un peu complexe : il y aurait des conventions entre les opérateurs et, semble-t-il, une seule convention entre les opérateurs, l’État et les collectivités. J’aimerais que vous m’apportiez des précisions sur ce point. Que se passera-t-il si les opérateurs ne veulent pas signer ? On ne peut pas forcer une partie à signer ! J’appelle votre attention sur le fait que certaines collectivités – j’ai des exemples dans mon département – sont dans une telle situation qu’elles sont prêtes à financer l’implantation d’une antenne-relais pour avoir une couverture en téléphonie mobile. Mais les opérateurs leur répondent : faites ce que vous voulez, nous ne l’utiliserons pas ! C’est un peu fort ! Va-t-on inscrire dans la loi que les opérateurs auront l’obligation d’utiliser ces équipements ?

Par ailleurs, vous parlez du pouvoir de sanction de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Mais, on le sait très bien – l’ARCEP elle-même le reconnaît –, elle a peu d’appétence à sanctionner les opérateurs. D’ailleurs, je crois qu’elle ne l’a jamais fait ou, en tout cas, elle ne l’a fait que très rarement. C’est bien de donner des pouvoirs de sanction à l’ARCEP, mais encore faudrait-il que celle-ci en use en cas de besoin ! Or cela aurait été nécessaire dans un certain nombre de cas.

En outre, je regrette que votre amendement ne définisse pas les critères de couverture en téléphonie mobile. Nous l’avions évoqué dans la proposition de loi adoptée par le Sénat en 2012, et certains de mes collègues l’ont souligné ce matin, le fait de considérer qu’une commune est couverte dès lors qu’un seul point l’est – éventuellement, le haut du clocher de l’église du village – n’est pas satisfaisant. Les chiffres relatifs au taux de couverture par rapport à la population ou au nombre de communes sont très flatteurs, mais la réalité est tout autre : le nombre de communes n’ayant pas de couverture est bien plus important qu’on ne le dit. J’ai découvert un jour que l’ARCEP considérait qu’il n’y avait aucun problème dans mon département. Venez dans l’Eure, monsieur le ministre, et vous verrez que ce n’est malheureusement pas le cas.

Enfin, vous avez parlé d’un consensus. Certes, le constat fait consensus, mais, sur ce sujet, comme sur bien d’autres d’ailleurs, il faut passer des paroles aux actes, pour reprendre le titre du rapport d’information que nous avions déposé en 2011 !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. L’intervention de notre collègue Philippe Adnot était pleine de bon sens,…

M. Charles Revet. Comme d’habitude !

M. Thierry Foucaud. … et nous partageons son sentiment.

Cela étant, après avoir entendu Mme la rapporteur et M. le ministre, je suis prêt à retirer l’amendement n° 1400, pour reformuler notre demande différemment, mais encore faut-il que les collectivités puissent accéder au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. Lorsque les communes investissent dans ce domaine, il importe qu’on leur rembourse la TVA.

Il ne s’agit pas, un jour, de verser de grosses larmes sur les collectivités et, le lendemain, de repousser des amendements visant à leur permettre de récupérer un peu d’argent, de l’argent qu’on leur a d’ailleurs retiré. Comme l’a souligné hier soir notre collègue Hervé Maurey, il y a, d’un côté, les opérateurs, qui profitent, et, de l’autre, les collectivités, qui sont en difficulté. Or on rajoute des difficultés aux difficultés en ne voulant pas que celles-ci bénéficient du FCTVA pour ce qui concerne les travaux qu’elles réalisent en matière de téléphonie.

Bien sûr, il y a heureusement, madame la rapporteur, quelques subsides et subventions, mais, vous le savez très bien, cela ne suffit pas, car les collectivités sont déjà largement pénalisées eu égard à la baisse des dotations allouées aux collectivités, notamment de la DGF.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Tout le monde semble convaincu : l’amendement du Gouvernement va dans le bon sens. Mais que de temps perdu !

Toutes les villes sont couvertes par la 4G, alors que le déploiement de la 2G n’est même pas terminé dans une partie des campagnes. Je souscris donc tout à fait au diagnostic fait par les intervenants précédents. J’ai même parfois l’impression que la situation se dégrade,…

M. Pierre-Yves Collombat. … c’est en tout cas ce qui se passe dans mon département. Je suis aussi d’accord pour dire que les estimations sont complètement bidonnées, mais c’est le cas de toutes les statistiques...

Je partage les propos de notre collègue Adnot : on ne réglera pas le problème si l’on ne fait pas une interprétation un peu extensive de cet amendement.

Qui paiera ? C’est la question qui fâche. (Sourires.) Et là, c’est un flou impressionniste ! J’ai cru comprendre que, comme d’habitude, les collectivités seraient chargées de l’installation de l’antenne-relais, d’amener l’énergie, etc. On espère que les opérateurs financeront les réémetteurs. Mais ce n’est pas certain…

Pourquoi ne pas généraliser la technique de financement mise en place pour La Poste, par le biais d’un fonds de péréquation, pour permettre au service public, appelé aujourd'hui universel, de couvrir tous les coins de notre territoire ? On prendrait un peu d’argent là où les opérateurs en gagnent beaucoup pour financer les opérations là où elles ne leur rapportent rien. Car il n’aura échappé à personne que le libéralisme, c’est très bien là où on peut gagner des sous ; ailleurs, ça ne marche pas !

M. Pierre-Yves Collombat. Faire semblant de croire qu’on va régler ce problème sans poser la question financière, ce n’est pas sérieux !

Dans les territoires ruraux, auxquels nous sommes un certain nombre à nous intéresser, le développement d’un réseau de communication performant concerne évidemment les particuliers, les entreprises, mais aussi la sécurité civile. Aussi serait-il souhaitable d’engager une réflexion commune pour voir quels dispositifs seront susceptibles de répondre à toutes les préoccupations. Or force est de constater que même les équipements existants ne sont pas utilisés de manière optimale. Notre collègue Hervé Maurey a rappelé le problème qu’il rencontre dans son département ; je pourrais moi aussi vous parler de l’utilisation des investissements réalisés en matière de fibre optique. Orange refuse de délivrer le service de la télévision à un endroit où les communes ont réalisé un investissement en fibre optique. Il y aurait là une obscure raison législative…

Monsieur le ministre, on ne pourra progresser que si l’on met cette question à plat et qu’on cesse de prendre, de temps en temps, ici ou là, des mesures, en espérant que la main de Dieu ou du marché finira par régler le problème, d’autant que, à y regarder de plus près, les sommes en jeu ne sont pas extraordinaires. Il faut donc s’y prendre autrement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je voterai l’amendement du Gouvernement, qui va dans le bon sens, et je salue l’engagement de M. le ministre de venir tous les trois mois devant la commission compétente.

Rappelons-nous que le réseau électrique a été développé par les grandes compagnies dans les centres urbains. Les campagnes ayant été abandonnées, on a créé des syndicats intercommunaux. En 1936, au travers du FACÉ, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, qui existe encore, les communes urbaines ont davantage contribué au financement de l’équipement électrique des communes rurales. Il s’agit, selon moi, d’un bon système. Et n’oublions pas non plus que, contrairement aux lignes téléphoniques, les lignes électriques appartiennent aux collectivités, ce qui est une bonne chose !

Par ailleurs, permettez-moi de proposer à notre collègue Desessard de lancer un appel à projets pour savoir quelles zones souhaitent rester blanches, sans téléphonie mobile : on verra si le Marais, le VIe ou le VIIIe arrondissement sont candidats à l’expérimentation… (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Je voterai cet amendement avec l’enthousiasme d’un médecin qui met un cataplasme sur une jambe de bois.

Je vous ferai part d’une grande déception et d’une colère vive.

Ma déception porte sur la téléphonie mobile. Le département de la Haute-Loire – cet exemple est transposable dans toutes les zones rurales – a mis en place trois plans d’installation de la téléphonie mobile, qui ont très bien fonctionné, avec des contrats d’itinérance entre les opérateurs. Or, depuis lors, le service se dégrade de mois en mois. La téléphonie mobile fonctionne beaucoup moins bien qu’il y a deux ou trois ans.

J’étais chez SFR. Je pensais que le réseau ne fonctionnait pas bien parce que cet opérateur mettait en place la 4G. Aussi, je suis allé chez Orange. Mais, si je puis dire, l’orange est très amère… Le réseau de téléphonie mobile ne marche pas mieux.

Le service de la téléphonie mobile se dégrade. Pourtant, nous avons investi de l’argent, nous avons installé des poteaux, nous avons passé des conventions d’itinérance avec les opérateurs. Le pire, c’est que les opérateurs disent aux habitants qui se plaignent : allez voir le conseil général ; c’est lui qui a monté le projet ! Non seulement on est « cocu », mais en plus on se fait attraper par-derrière !

Voilà pour la déception, mais ma colère est pire encore concernant le très haut débit.

Les quatre départements, la Haute-Loire, le Cantal, l’Allier, le Puy-de-Dôme, et la région ont monté une opération pour le très haut débit afin d’arriver à 100 mégabits soit par la fibre optique, le wifi ou le satellite. Nous avons mis en place un très beau projet, très innovant, qui fonctionne bien pour l’instant. J’espère que cela va continuer.

En tant que président du conseil général de la Haute-Loire, j’avais alors demandé 20 euros par habitant et par an pendant vingt-cinq ans. Dès lors, comment expliquer à nos concitoyens que les opérateurs se cantonnent aux grandes agglomérations, qui, parce qu’elles offrent une bonne rentabilité, leur permettent de s’en mettre plein les poches, laissant les zones rurales se débrouiller seules pour avoir cette autoroute du XXIe siècle propice au développement rural ? Mais c’est un service public quand même ! Où est la République française ?

Comment peut-on accepter de défendre le service public si l’on ne donne pas à la ruralité les moyens de s’équiper ? Pourtant, c’est essentiel pour attirer de nouveaux actifs ? Il s’agit là non pas d’une question annexe, mais d’une question essentielle pour sauver la ruralité. Or nous sommes totalement hors du service public. Et on s’étonnera ensuite que la ruralité se réfugie dans le vote protestataire ! Mais c’est le corollaire. C’est en œuvrant ainsi que cela arrive ! Le service public est actuellement bafoué pour ce qui concerne l’installation du très haut débit ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je veux remercier M. Retailleau d’avoir retiré son amendement et Mme la rapporteur d’avoir émis un avis de sagesse sur l’amendement du Gouvernement.

Nos collègues arguent du fait qu’il faut faire plus eu égard aux problèmes techniques et financiers posés, mais je tiens à rappeler que c’est la première fois qu’un gouvernement s’engage vraiment – nous l’avons dit durant toute la séance hier soir – à mettre la pression sur les opérateurs.

M. Hervé Maurey. On verra ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Pierre-Yves Collombat. C’est des sous qu’il nous faut !

Mme Nicole Bricq. M. le ministre vient de s’engager…

M. Hervé Maurey. Les paroles, ce n’est pas assez !

Mme Nicole Bricq. … à venir devant les commissions compétentes, avec une carte, présenter l’avancée des travaux. Il s’est aussi engagé à ce que les 170 communes en zone blanche soient couvertes par la 2G d’ici à la fin de l’année 2016. Mme la rapporteur a d’ailleurs relevé qu’il s’agit d’un véritable défi. Moi, je fais confiance au Gouvernement pour soutenir les collectivités.

Nous sortons de la campagne électorale pour les élections départementales. C’est encore tout frais ! Et, dans vos départements, mes chers collègues – je parle notamment aux présidents de conseil général –, vous vous êtes tous engagés, durant cette campagne, à ce que les zones blanches soient couvertes !

Mme Nicole Bricq. En la matière, l’État et les collectivités territoriales ont un intérêt commun. Ma région, l’Île-de-France, est aussi engagée aux côtés de mon département de la Seine-et-Marne.

Franchement, votons de bon cœur et en toute confiance l’amendement du Gouvernement, qui va faire avancer la cause des collectivités, que nous défendons. Pour ma part, je suis sûre qu’une pression très forte sera exercée sur les opérateurs, dont nous connaissons la difficulté à dépasser les bourgs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Quand je pense que, hier, nous avons su apporter la lumière sur l’ensemble du territoire et, que, aujourd’hui, nous ne sommes pas capables d’apporter les nouvelles technologies partout…

Il est certain que l’adoption de l’amendement du Gouvernement marquerait une avancée. Néanmoins, madame Bricq, je n’ose imaginer la réaction des présidents de conseil départemental quand on va leur annoncer que le dispositif se limite aux centres-bourgs… Regardons la réalité ! Il y a dans tous nos départements des entreprises qui ne sont pas situées en centres-bourgs et qui sont donc complètement éliminées. Dans les départements ruraux, nous connaissons tous des délocalisations d’entreprises liées au fait que celles-ci n’avaient ni la téléphonie mobile ni internet.

Je pense aussi à la plupart des actes administratifs. Combien d’artisans répondent à des appels d'offres ? Or, aujourd'hui, ils ne peuvent le faire que par internet. S’ils ne bénéficient pas d’une couverture numérique, ils sont exclus de ces procédures, et donc d’une potentielle croissance de leur activité.

Il est absolument nécessaire d’aller plus loin que l’irrigation limitée aux centres-bourgs que vise votre amendement, monsieur le ministre, et de tenir compte de l’activité rurale qui a lieu sur nos territoires.

M. Daniel Gremillet. Certes, mais il faut le préciser.

M. Daniel Gremillet. On ne peut pas mettre en péril autant d’activités économiques. C’est pourquoi je souhaite des engagements complémentaires de votre part. Si l’on en reste à ses dispositions actuelles, cet amendement n’est pas satisfaisant.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Si j’ai cosigné l’amendement présenté par Bruno Retailleau, c’est parce qu’il visait les zones non couvertes en services de radiocommunication mobile de deuxième et troisième génération.

Il y a deux ans, j’ai rédigé, avec notre ancienne collègue Renée Nicoux, un rapport consacré à l’avenir des campagnes. Déjà, à l’époque, toutes les personnes que nous avons auditionnées étaient intervenues sur le sujet des communications – la téléphonie, bien sûr, mais aussi, vous vous en doutez, le haut débit. C’est pourquoi je regrette que notre collègue Bruno Retailleau ait retiré son amendement, dont le dispositif différait très fortement de celui du Gouvernement, qui, comme Daniel Gremillet vient de le dire, ne vise que les centres-bourgs des communes. Mais combien y a-t-il de communes où moins du quart des habitants habitent dans le centre-bourg ? Dans mon département, qui compte soixante hameaux, à Chapelle-Voland ou encore à Longchaumois, 700 des 1 000 habitants n’habitent pas dans le centre-bourg ! Imaginez leur déception si un tel amendement était adopté.

Pour ma part, le fait de voter un amendement qui ne concerne que les centres-bourgs me pose un problème de conscience. C’est pourquoi je ne le voterai pas, au risque de vous décevoir, madame Bricq. Ce serait abandonner encore des pans entiers de notre ruralité. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.) Comme Daniel Gremillet l’a indiqué, les exploitations agricoles sont aussi concernées par la dématérialisation – certes, nous débattons pour l’heure de la téléphonie mobile, mais il en ira de même pour le haut débit. En outre, on demande encore à des collectivités qui, souvent, n’ont pas beaucoup de ressources de mettre la main à la poche pour s’équiper, alors qu’on n’a rien demandé, sur ce plan, à des communes beaucoup plus riches.

Je le répète, je ne voterai pas cet amendement. À moins que M. le ministre ne le modifie pour y intégrer les « zones non couvertes » figurant dans l’amendement de M. Retailleau. C’est capital, mes chers collègues !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je ne pense pas que l’on puisse rejeter un amendement, fût-il du Gouvernement, qui constitue un réel progrès et permet la reconnaissance d’une situation territoriale problématique, celle des zones rurales. Il y a, sur ce sujet, une prise de conscience de la part du Gouvernement, relayée par l’ensemble des élus, qu’ils soient de droite, de gauche ou d'ailleurs. Je voterai donc sans aucune difficulté cet amendement, qui ne règle pas tout, mais qui constitue un progrès certain.

M. Requier m’a devancé en évoquant le Fonds d'amortissement des charges d'électrification. Effectivement, le FACÉ constitue un bon exemple. Il faudrait s’en inspirer pour résoudre la question du financement de la téléphonie mobile et, même, du très haut débit, à tout le moins pour accélérer son traitement.

Au-delà, se pose également la question de la fiscalité de tout ce qui est lié à la fois à la téléphonie mobile et au très haut débit et de la fiscalité assise sur le développement de l’économie du numérique. L’émergence de cette nouvelle économie joue un grand rôle dans la manière dont notre pays doit se réorganiser. Cette question doit être traitée.

Ma dernière remarque touche à l’aspect technique, si ce n’est technologique du sujet. Je m’interroge sur la question des coûts tout à fait considérables du développement des réseaux filaires, en particulier pour le très haut débit. On sait que, si la fibre optique peut constituer une solution presque idéale à la question du transport du très haut débit, des techniques, notamment satellitaires, se développent en parallèle, qui, à terme, seront peut-être tout aussi performantes et à des coûts probablement bien moindres. Le montant de l’argent public qui sera dépensé pour développer ces réseaux ne risque-t-il pas d’être reconsidéré dans quelques années ? C’est une vraie question, qui renvoie à celle de l’efficacité des sommes qui pourraient être engagées sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Chers collègues, je regrette que vous n’ayez pas manifesté cette véhémence, cette passion, cet attachement au secteur rural lorsque vous étiez au pouvoir et lorsque M. Sarkozy confiait aux organismes privés le soin de desservir les secteurs les plus rentables, en oubliant complètement le monde rural ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Si nous en sommes là aujourd'hui, si nous sommes amenés à payer les erreurs du passé, c’est bien parce que vous vous targuez d’une virginité que vous donnerait votre appartenance à l’opposition.

Mme Sophie Joissains. Cela fait trois ans que vous êtes au pouvoir !

M. Jean-Louis Tourenne. Je sais que la mémoire est parfois volatile. C’est, semble-t-il, le cas de la vôtre : vous avez oublié que vous êtes à l’origine du péché originel qui nous place dans cette situation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Or, pour une fois qu’un gouvernement fait les efforts nécessaires, l’appétit vous vient et vous réclamez encore davantage… Je vous invite à un peu d’humilité, de modestie et de mémoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Chers collègues, vous passez votre temps à nous parler de concurrence, de privatisation et de libéralisation et, quand vous passez à l’action, vous confiez au privé les secteurs urbains rentables – encore que les secteurs urbains ne sont pas toujours bien desservis –, avant de constater que, dans les secteurs moins rentables, notamment dans un certain nombre de zones rurales, l’intervention publique doit jouer les pompiers. Cette vision ne peut pas tenir, pour plusieurs raisons.

Vous avez accepté des directives européennes sans exiger des directives-cadres pour les services d’intérêt général. D'ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite que le gouvernement français reprenne l’initiative, afin d’obtenir, en matière de réseaux et de ce que nous appelons, en France, les services publics, une directive-cadre relative aux services d’intérêt général. En effet, il faut parfois des compensations financières, des aides publiques, que les textes communautaires ne prévoient pas actuellement.

Monsieur le ministre, j’approuve la détermination à peser sur les opérateurs que vous avez exprimée hier. Le Gouvernement doit se faire entendre et s’en donner les moyens. Je me félicite aussi que vous ayez constaté que le fait de détenir du capital public dans une entreprise permet d’avoir du pouvoir – vous débattez aujourd'hui de ce sujet avec l’entreprise Renault. Mais les gouvernements passent et les opérateurs restent. Il faut donc que des moyens d’intervention, en particulier financiers, soient gravés dans la loi.

Pour ma part, j’approuve la proposition de notre collègue Collombat : la constitution d’un fonds de péréquation permettrait au moins qu’on ait des outils pour compenser le financement des zones qui ne sont pas couvertes. Je trouve cette solution efficace, et elle est probablement, pour l’heure, l’une des rares à être compatibles avec les règles européennes. (MM. Pierre-Yves Collombat et Bernard Lalande applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je constate que la réforme du règlement voulue par le président du Sénat et soutenue par tous les groupes sera une bonne chose.

M. Didier Guillaume. Elle nous contraindra à nous organiser différemment, surtout lorsque chacun souhaite prendre la parole et qu’il reste 900 amendements à examiner. Cela étant, je vais prendre ma part dans la discussion. (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Profitons-en ! (Nouveaux sourires.)

M. Didier Guillaume. Nous avons tous la même volonté : la couverture numérique et en téléphonie mobile partout sur nos territoires, mais pas seulement pour les villes ou les métropoles.

MM. Gérard Bailly et Charles Revet. Ou les centres-bourgs !

M. Didier Guillaume. Comme disait ma grand-mère, « il pleut toujours là où c’est mouillé ». (Sourires.) La preuve, les zones AMII, les zones d’appel à manifestations d’intentions d’investissement, c’était déjà dans les villes. Dès qu’on en sortait, il n’y avait plus rien !

Que s’est-il passé ? Toutes les collectivités locales ont fait un travail remarquable. Je pense aux agglomérations et, surtout, aux conseils généraux. Je veux d’ailleurs saluer le travail réalisé par Bruno Retailleau dans son département, qui, certes, n’est pas montagneux – c’est un peu plus simple –, et son engagement sur ces questions pendant toutes ces années.

Je veux aussi rendre hommage à Hervé Maurey, l’un des très rares sénateurs à s’être exprimés de manière forte. Nous l’avions d’ailleurs soutenu. Il y a quelques années, notre collègue a déclaré que les mesures prises pour assurer la couverture numérique du territoire étaient inadaptées. En effet, alors que nous avons tous été favorables à la création du schéma national d’aménagement numérique du territoire, quand le Fonds d’aménagement numérique des territoires a été créé, il a été doté de zéro euro. L’État n’a donc pas été capable de nous accompagner.

Beaucoup de nos collègues présidents de conseil général ont rappelé hier la mobilisation des collectivités locales, notamment des départements. Je pense à Bruno Sido, qui a été l’un des premiers à avancer. Nous avons donc pris nos responsabilités. Dans la mesure où les opérateurs ne finançaient rien, les collectivités locales ont payé des antennes-relais pour la téléphonie mobile et mis en place des réseaux publics de fibre optique. Tous ces équipements appartiennent maintenant au patrimoine départemental, au même titre que les lignes électriques et les routes.

Comme Mme Bricq l’a souligné, lors des récentes élections départementales, tous les candidats, de droite comme de gauche, y compris les nombreux présidents de droite qui viennent d’être élus, ont inscrit dans leur programme leur volonté forte d’une couverture numérique, en particulier dans les zones rurales.

Reste que nous avons déjà beaucoup avancé : la plupart des bourgs reçoivent aujourd’hui la fibre et le haut débit. Dans mon département, par exemple, c’est le cas de tous les centres-bourgs sans exception et des 135 zones artisanales et d’activité. En revanche, le problème persiste dans la ruralité.

Je ne vais pas défendre une politique des petits pas, mais l’amendement du Gouvernement, même s’il ne suffit peut-être pas, représente quand même une avancée. Ses dispositions offriront pour la première fois un cadre. Hervé Maurey se demande s’il ne s’agit pas que d’intentions. On verra bien !