M. le président. L'amendement n° 1576, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – À la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier, le mot : « moitié » est remplacé par les mots : « un tiers ».

II. – Le présent article est applicable au renouvellement du conseil de surveillance suivant d’au moins six mois, de date à date, la publication de la présente loi.

La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1103.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 1576 vise à rétablir l’équilibre du texte initial, qui prévoyait un ratio maximal d’un tiers de représentants de l’entreprise dans les conseils de surveillance des fonds commun de placement d’entreprise, les FCPE. Je ne vais pas aussi loin que Dominique Watrin : il est normal que l’entreprise ait des représentants puisqu’elle abonde le fonds. Le ratio de deux tiers de représentants des salariés me semble satisfaisant. J’invite donc Dominique Watrin à retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements. La nouvelle composition a été introduite par l’Assemblée nationale. Aujourd'hui, la parité au sein des conseils de surveillance des FCPE, dont, par ailleurs, la présidence est systématiquement assurée par un salarié, apporte la confiance indispensable à leur bon fonctionnement. Elle apporte également la confiance indispensable aux actionnaires et aux dirigeants.

Rompre avec cette règle de parité alors qu’aucun dysfonctionnement n’a été mis en lumière par nos auditions enverrait un signal négatif aux actionnaires et dirigeants d’entreprise qui s’apprêteraient à faire le choix de l’ouverture du capital aux salariés. Ce serait particulièrement vrai pour les actionnaires et dirigeants de PME, qui, ne disposant pas toujours de moyens et ressources juridico-techniques suffisants, hésiteraient encore plus que les autres à franchir le pas.

Surtout, la modification apportée par l’Assemblée nationale poserait un problème aux entreprises non cotées qui ont développé l’actionnariat salarié. En effet, dans ces entreprises, il est de la responsabilité des dirigeants d’assurer le rachat ou l’apport de titres au FCPE dans la durée, ce qui permet à chaque collaborateur détenteur de titres de l’entreprise d’acheter ou de vendre ces titres. Or, contrairement à ceux des entreprises cotées, les dirigeants des entreprises non cotées ne peuvent pas faire appel au marché boursier pour assurer cette liquidité. L’exercice de leur responsabilité n’est pas sans difficulté : s’ils décident du moment et du montant maximal des achats des collaborateurs, ils ne décident ni du moment ni du montant de leurs ventes.

Il y aurait donc un risque majeur pour l’équilibre financier des entreprises non cotées si la règle de parité était remise en cause. Composé en majorité de représentants de salariés, un conseil de surveillance pourrait en effet décider d’une composition de fonds entre titres et liquidités ne permettant pas au dirigeant d’anticiper les conséquences de cette évolution. Le dirigeant devrait alors gérer une situation critique sans disposer des moyens d’y faire face.

Remettre en cause les règles de fonctionnement des conseils de surveillance ne serait donc pas sans conséquence sur le développement des entreprises non cotées et, surtout, ne constituerait pas un bon signal si l’on veut développer l’actionnariat salarié.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 1103.

Mme Nicole Bricq. La commission spéciale a modifié le texte de l’Assemblée nationale afin de conserver les dispositions en vigueur, qui prévoient que les conseils de surveillance des FCPE sont composés pour moitié de représentants des salariés et pour moitié de représentants de l’entreprise.

Le groupe CRC nous propose une solution radicale, consistant à confier exclusivement aux représentants des salariés la gestion des FCPE. Cependant, les entreprises abondent ces fonds ; il est donc normal qu’elles aient des représentants.

Le Gouvernement propose pour sa part que les représentants des salariés constituent les deux tiers des membres du conseil de surveillance. En effet, il s’agit de l’épargne des salariés ; il est donc normal que leurs représentants soient plus nombreux. C’est déjà le cas dans certains fonds, notamment ceux qui gèrent de l’épargne socialement responsable. Notre groupe votera l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1103.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1576.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. En conséquence, l’article 35 quinquies demeure supprimé.

Article 35 quinquies (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 35 septies (Texte non modifié par la commission)

Article 35 sexies

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1104, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le troisième alinéa de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« Les représentants des salariés au conseil de surveillance du fonds sont élus sur listes syndicales par les salariés porteurs de parts. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement se situe dans le droit fil de nos considérations sur le fonctionnement des fonds gérant l’épargne salariale. Notre position est constante. À notre sens, toute réforme de l’épargne salariale devrait prendre en compte quatre objectifs : la non-substitution de l’épargne salariale au salaire, l’affectation des fonds collectés au développement de l’emploi, le renforcement des pouvoirs des salariés dans la gestion de l’épargne salariale et l’absence de confusion entre épargne salariale et épargne retraite.

Le présent texte semble cependant accorder une forme de priorité au développement d’une épargne salariale devenue épargne retraite, c’est-à-dire d’une épargne obligatoirement de longue durée. Nous sommes au cœur d’un débat de fond. Le texte nous amène notamment à nous poser deux questions majeures sur le plan du dialogue social : l’épargne salariale est-elle du salaire ou bien, comme des études très fouillées le prétendent, joue-t-elle contre les salaires ? La mise en place de l’épargne salariale dégage-t-elle les entreprises de leurs obligations en termes de politique sociale et de relance du dialogue social ?

Attendu que l’épargne salariale s’apparente de plus en plus à une sorte de substitut à la progression normale des salaires, elle se compose, dans les faits, de sommes qui auraient normalement dû être attribuées aux salariés à raison du travail accompli pour le compte de l’entreprise. Les salariés en auraient alors eu la pleine et libre jouissance ; ils auraient par exemple pu les placer sur des livrets réglementés.

Comme un tel droit leur est retiré par l’actuelle architecture des fonds de gestion, il convient de leur rendre la possibilité de donner leur avis sur la gestion de cette épargne assez particulière. Cela implique que les représentants des salariés dans l’organe de gestion soient démocratiquement élus par l’ensemble des salariés sur des listes syndicales reconnues.

La démocratie sociale doit être la raison d’être, la clef de voûte, le fondement de tout développement de l’épargne en entreprise. Élus sur listes syndicales, les administrateurs du fonds feront les choix de gestion que leurs mandants attendent. Ensuite, il s’agira simplement de faire confiance à la sagesse des salariés eux-mêmes.

C’est pour ces motifs que je vous invite à adopter notre amendement, mes chers collègues.

M. le président. L'amendement n° 1577, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À la première phrase du premier alinéa du V de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier, après le mot : « éthiques », sont insérés les mots : « ainsi que celles tenant aux types d’entreprises financées ».

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’idée, c’est de réussir à flécher la gestion de l’épargne salariale, ou du moins à donner des indications en la matière. L’amendement du groupe CRC vise à ce que les représentants des salariés au conseil de surveillance du fonds soient directement élus sur listes syndicales. J’ai une réserve : l’esprit de l’épargne salariale n’est pas de faire coïncider strictement la représentation syndicale et l’accès à l’épargne salariale.

Néanmoins, sur le fond, si votre objectif est que les représentants des salariés puissent faire des choix en termes d’allocation des fonds levés, je vous rejoins. Le Gouvernement poursuit en effet le même objectif à travers son amendement, qui vise à compléter les considérations que doivent respecter les gestionnaires d’épargne salariale lors de l’achat ou de la vente des titres, afin notamment de flécher ces opérations vers les parts de PME et d’entreprises de taille intermédiaire, ou ETI.

Nous souhaitons également inscrire dans la loi l’obligation pour les sociétés de gestion de rendre annuellement des comptes. En effet, l’épargne salariale est une forme d’épargne un peu particulière. Il est donc normal qu’il soit possible d’indiquer une préférence et que le gestionnaire n’ait pas une liberté complète dans le choix de l’allocation des fonds.

J’invite les auteurs de l’amendement n° 1104 à le retirer au profit de l’amendement du Gouvernement, qui le satisfait pour partie. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1104. Il n’y a pas lieu d’instaurer un monopole syndical pour la représentation des salariés porteurs de parts. Des élections libres parmi les salariés sont tout aussi transparentes et démocratiques.

L’amendement n° 1577 vise à rétablir l’article 35 sexies, supprimé par la commission spéciale, qui prévoyait de permettre aux règlements des FCPE de préciser les considérations liées aux types d’entreprises financées que les sociétés de gestion devront appliquer. Le dispositif proposé est particulièrement flou. En outre, l’amendement est satisfait par le droit existant : le règlement d’un FCPE peut déjà définir une politique d’investissement prenant en compte la taille des entreprises ; il peut notamment prévoir des quotas d’investissement dans les PME. Le Gouvernement souhaite rétablir le texte de l’Assemblée nationale, mais il n’a pas répondu aux arguments de la commission spéciale. Notre avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'amendement n° 1104.

M. Dominique Watrin. On parlait tout à l’heure de principe de réalité. Nous prenons en compte la difficulté de dégager une majorité (M. Robert del Picchia s’exclame.) dans cette assemblée sur des dispositions qui améliorent un peu les choses. C’est pourquoi, au nom de notre groupe, je retire l’amendement n° 1104. Manifestement, il n’a en effet aucune chance d’être adopté.

M. Dominique Watrin. Par ailleurs, même si l’amendement n° 1577 du Gouvernement est en deçà des ambitions que nous exprimions à travers notre amendement, nous nous y rallions, car il constitue néanmoins un progrès. (M. Jean Desessard s’exclame.)

M. le président. L'amendement n° 1104 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1577.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 35 sexies demeure supprimé.

Article 35 sexies (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 35 octies (Texte non modifié par la commission)

Article 35 septies

(Non modifié)

Le deuxième alinéa du III de l’article L. 214-165 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° La première phrase est supprimée ;

2° Au début de la seconde phrase, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le règlement du fonds ».

M. le président. L'amendement n° 1105, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Comme le précise le rapport de la commission spéciale : « L'article L. 214–165 du code monétaire et financier régit les fonds communs de placement d'entreprise dits “ d'actionnariat salarié ” dont plus du tiers de l'actif est composé de titres émis par l'entreprise.

Il dispose notamment que « le règlement du fonds prévoit que les dividendes et les coupons attachés aux titres compris à l'actif du fonds sont distribués aux porteurs de parts, à leur demande expresse, suivant des modalités qu'il détermine ».

Cette disposition permet aux salariés de percevoir immédiatement le produit des actifs investis dans un FCPE, alors même que les sommes issues des versements réalisés sur ce fonds restent indisponibles.

Cette obligation a été instaurée par la loi n° 2006–1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social.

Antérieurement, les salariés actionnaires devaient attendre la fin de la période d’indisponibilité des fonds pour percevoir les sommes correspondant aux dividendes versés.

Il s’agissait, selon notre collègue député Patrick Ollier, alors rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, sur l’initiative duquel cette disposition a été introduite par l’Assemblée nationale,…

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Dominique Watrin. … de « renforcer la perception par les salariés du lien entre leur travail et le résultat de l’entreprise ».

Le présent article, introduit par la commission spéciale à l’initiative des rapporteurs et avec l’avis favorable du Gouvernement, vise à revenir sur cette obligation. »

L’objectif de l’article 35 septies est donc tout à fait clair : il s’agit, en pratique, d’empêcher les salariés participant à un plan d’épargne entreprise, ou PEE, de percevoir immédiatement l’un des produits de leur épargne, à savoir les dividendes qui peuvent leur être attribués en raison de la détention d’actions de leur propre entreprise.

L’idée qui sous-tend cet article est de procéder à la capitalisation éventuelle de ces dividendes et de faire en sorte que le règlement du fonds décide de l’utilisation ou non des sommes ainsi réunies.

Si les dividendes d’une société, qu’elle soit cotée ou non, ne sont pas toujours d’un très haut niveau ni d’un montant unitaire élevé – tout dépend de la valeur initiale de l’action et in fine du nombre d’actions détenues comme du pourcentage du résultat financier que l’entreprise décide de consacrer à la rémunération du capital –, il n’en demeure pas moins que les dispositions de cet article visent à donner de l’épargne salariale l’image d’une épargne « captive » en plus de constituer une sorte d’« épargne bloquée ».

Notons enfin, mes chers collègues, que cet article est directement inspiré des travaux du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, le COPIESAS, et qu’il s’inscrit dans le cadre des propositions formulées par le MEDEF et par lui seul !

Cette disposition ne faisant pas l’unanimité des partenaires sociaux, il ne nous semble donc pas utile de la retenir. D’où le présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis est défavorable, puisque l’article 35 septies rend facultative la distribution par les FCPE des dividendes attachés aux actions de l’entreprise. Le choix appartiendra désormais au conseil de surveillance du fonds. Il s’agit d’une mesure de simplification et de souplesse, qui, comme l’a dit notre collègue Dominique Watrin, est en effet préconisée par le COPIESAS. La commission est donc opposée à la suppression de cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, j’entends vos arguments mais je pense qu’ils vont à l’encontre des reproches que vous adressez ordinairement à l’épargne salariale.

En effet, vous défendez avec constance l’idée que l’épargne salariale ne doit pas se substituer au salaire. Vous avez d’ailleurs raison : cela ne doit pas viser ce but !

C’est pourquoi, du reste, l’épargne salariale est abondée par l’employeur, selon des modalités dont on va continuer à discuter. Il faut rester vigilant et veiller à ce qu’il n’y ait aucun effet de substitution.

Elle permet – c’est la force de la philosophie de l’épargne salariale – de réunir l’ensemble des « productifs » autour de la table et en alignement d’intérêts, puisqu’elle fait du salarié potentiellement un actionnaire – c’est l’une des options possibles, mais ce n’est pas la seule. Pour être sûr que ce soit le cas, ce qui est important, c’est que les éventuelles plus-values, les fonds que l’on peut tirer, aient une pérennité, puissent être réinvestis.

S’il était adopté, votre amendement de suppression, monsieur Watrin, faciliterait le déblocage systématique des dividendes, et donc la liquidité permanente ou quasi permanente de ces fonds, et par conséquent encouragerait la substituabilité de l’épargne au salaire.

Or l’épargne salariale a d’abord vocation à mettre le salarié autour de la table potentiellement des actionnaires et cette « poche », avec les règles de gouvernance que j’évoquais et qui sont importantes, et les règles de représentation sur lesquelles nous nous accordons largement, doit elle-même avoir vocation à investir durablement.

La souplesse qui permet le réinvestissement me semble plutôt aller dans le sens de cette philosophie et constituer un frein, en quelque sorte un rempart, au risque de substituabilité de l’épargne salariale au salaire.

C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J’interviens afin d’être certain de bien comprendre nos débats. L’amendement du groupe CRC consisterait à permettre aux salariés de profiter des dividendes annuels liés à leur épargne salariale. Cela me paraît tout à fait logique !

Imaginez que l’on annonce aux patrons qu’ils ont des dividendes mais qu’ils ne peuvent pas les toucher avant dix ou quinze ans ! Je n’ai jamais entendu personne défendre une telle position ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

C’est une étrange idée que d’empêcher des personnes en difficulté – je n’affirme pas pour autant qu’elles doivent obligatoirement débloquer leurs dividendes – d’être associés à la bonne santé de leur entreprise et à ses activités.

Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas de l’actionnariat, mais de l’épargne !

M. Jean Desessard. Je suis d’accord avec vous, il ne faut pas les confondre, mais à quoi comparer l’épargne salariale ? Ce n’est pas un salaire, ce n’est pas de l’actionnariat, c’est…

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. De l’épargne !

M. Jean Desessard. Lorsque vous épargnez, vous avez en général la possibilité de retirer les sommes épargnées quand vous le désirez ou quand vous en avez besoin !

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Ça dépend de la forme d’épargne !

M. Jean Desessard. Nous sommes d’accord : ça dépend de la forme d’épargne.

Si j’ai bien compris les propos du groupe CRC, ça dépend ; vous, vous dites : ça ne dépend pas, ça doit obligatoirement…

Mme Isabelle Debré. Il y a des cas de déblocage !

M. Jean Desessard. Prenez la parole si vous souhaitez apporter des explications. Cela ne me dérange pas d’être interrompu. Il faut simplement que je puisse ensuite aller jusqu’au terme de mon propos. Mais, en l’occurrence, ça tombe bien : j’avais terminé ! (M. Marc Daunis s’esclaffe.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Exceptionnellement, je serai plutôt d’accord avec ce qu’a dit le ministre.

Pour une raison très simple : à partir du moment où on introduit ce qu’on a appelé l’intéressement, on prend un peu – le mot est excessif – les employés en otage. Si les salariés ne sont pas bien gentils, ils perdront eux-mêmes au niveau de l’épargne qui est constituée pour eux. C’est absolument indéniable.

En revanche, dès lors qu’on institue ce type de dispositif, permettre de mobiliser presque instantanément ces dividendes augmente véritablement la tentation de s’en servir comme un équivalent de salaire. C’est d’ailleurs toute l’ambiguïté du dispositif.

On peut regretter et être en désaccord avec un tel dispositif, mais, dès lors qu’il existe, il est préférable que ce soit vraiment un investissement pour l’entreprise, plutôt qu’un substitut de salaire.

Encore une fois, dès lors que l’on a admis qu’il y a de l’intéressement salarial, le mieux, c’est que ça serve à l’investissement.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas clair !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Une certaine confusion règne dans nos débats.

D’un côté, il y a l’intéressement, qui est fonction des résultats de l’entreprise. On peut donc en disposer comme on l’entend et le toucher immédiatement. De l’autre côté, il y a la participation et l’épargne salariale. Cela signifie qu’épargne salariale et intéressement sont deux choses différentes. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) Mon cher collègue, je ne m’adressais pas à vous en particulier, je m’exprimais d’une manière générale.

L’épargne salariale veut bien dire ce qu’elle veut dire : elle est faite pour épargner. Par conséquent, à mes yeux, les mesures de déblocage anticipé de l’épargne, décidées par le gouvernement actuel mais aussi par les gouvernements précédents, étaient totalement absurdes !

D’ailleurs, on a bien vu ce qui s’est passé : ça a été débloqué et l’essentiel a été rebloqué dans d’autres possibilités de capitalisation, notamment dans l’assurance vie ; très peu a été consacré à la consommation !

Pour répondre à notre collègue Jean Desessard, il existe d’ores et déjà des possibilités de déblocage anticipé. On peut prendre les cas du PEE ou du PERCO, plan d'épargne pour la retraite collectif. En pratique, les deux principaux cas de déblocage concernent, d’une part, la cessation de travail et, d’autre part, l’achat de sa résidence principale.

Dans le premier cas, lorsque vous perdez votre contrat de travail, vous pouvez tout débloquer et disposer d’une somme qui vous permet de tenir pendant un petit moment.

Le second cas concerne 227 000 personnes qui ont débloqué leur épargne en 2014 afin de pouvoir acheter une résidence principale et donc préparer leur retraite.

Par conséquent, la philosophie de l’épargne salariale n’est pas de retirer immédiatement les dividendes qu’elle rapporte !

Je répondrai, enfin, à M. Dominique Watrin. Vous indiquiez, cher collègue, que les salariés devraient pouvoir récupérer toute leur épargne et en faire ce qu’ils veulent. Vous oubliez simplement une chose : si cette épargne se fait dans l’entreprise, elle peut faire l’objet d’un abondement, alors que placée en dehors de l’entreprise, vous n’en bénéficiez pas !

Il ne faut pas perdre de vue l’objectif de la participation voulue par le général de Gaulle : rapprocher les dirigeants des entreprises et les salariés.

M. Jean Desessard. Si le général de Gaulle est appelé dans la discussion… (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Il est souvent appelé, et depuis toutes les travées !

Mme Isabelle Debré. Voilà les précisions que je tenais à apporter et les raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. C’est un peu fort de café ! Certes, l’épargne salariale et un certain nombre de mesures ont été mises en œuvre, mais je vous rappelle, au passage, qu’une bonne partie de ces dispositifs profitent aux entreprises puisqu’ils sont en grande partie exonérés du forfait social.

S’agissant de l’épargne salariale et de l’intéressement, les salariés n’ont pas le choix. La participation est ainsi obligatoire dans les entreprises de cinquante salariés et plus, dès lors qu’un accord existe. Personne n’a demandé leur avis à ces salariés ! On épargne pour eux, pour leur retraite. Si on ne le faisait pas, ils seraient probablement au minimum vieillesse… Ils doivent certainement avoir besoin d’aide pour construire leur avenir ! Ils ne doivent pas être capables de savoir ce qui est bon pour eux puisqu’on cherche à faire leur bonheur à leur place !

Dès lors qu’on les oblige à placer ces sommes,…

Mme Isabelle Debré. On ne les oblige pas !

Mme Annie David. … pour quelle raison ne pas les autoriser à utiliser cet argent comme ils le désirent ?

Il est probablement plus intéressant de faire de l’optimisation fiscale ! Seuls les gens riches pourraient donc choisir de réaliser des placements qui rapportent beaucoup d’argent ? Les salariés, de leur côté ne pourraient-ils pas bénéficier du peu dont ils disposent ?

Oui, l’épargne salariale est un substitut de salaire. Mais que l’on augmente les salaires et les gens laisseront leur argent dans les placements qui permettent de préparer leur retraite !

Lorsque les salariés disposent de très faibles revenus et qu’on les oblige à placer leur argent,…

Mme Isabelle Debré. On ne les oblige pas !

Mme Annie David. … la moindre des choses est de leur permettre de bénéficier de ce placement comme ils en ont envie.

Hier, on nous disait qu’il fallait vivre à notre époque ! En effet, il faut vivre à son époque ! Aujourd’hui, les gens ne veulent plus que l’on fasse leur bonheur à leur place, ils veulent eux-mêmes construire leur bonheur !

Il faut permettre aux salariés d’employer leur argent comme ils le souhaitent. Toutefois, les sommes en jeu sont si faibles que cela ennuierait les entreprises. En effet, laisser les salariés débloquer leur épargne leur coûterait de d’argent ! Cela leur coûterait même davantage que cela ne leur rapporterait. Du coup, cela les embête de reverser ces sommes qui sont minimes. Mais, aux yeux des personnes concernées, ces petites sommes sont très importantes pour leur quotidien.

C’est pourquoi nous souhaitons que cette épargne salariale soit laissée à la disposition des salariés puisqu’on les oblige déjà à épargner alors qu’ils ne l’ont pas forcément demandé.

M. Claude Raynal. C’est obligatoire !

Mme Isabelle Debré. Non, seule la mise en place est obligatoire !