M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1130, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 23 et 24

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés

6° L’article 24 est ainsi rédigé :

« Art. 24. - Les opérations par lesquelles l’État se porte acquéreur d’une participation sont décidées par décret.

« Il en est de même pour les créations de sociétés dans lesquelles l’État est détenteur de tout ou partie du capital. » ;

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à assurer la transparence dans la gestion des actifs publics.

La Cour des comptes a consacré un chapitre de son rapport public annuel pour 2014 aux prises de participations publiques, dénonçant « une opération mal conduite dans le secteur de l’armement » ; plus précisément, elle a employé les mots d’« incohérences », « faiblesses », « confusion » et « ambiguïté » au sujet de l’entrée de deux entreprises publiques, GIAT Industries et SOFIRED, au capital de Manurhin. La Cour a également souligné « les difficultés rencontrées par l’État pour exercer pleinement ses pouvoirs d’actionnaire et pour arbitrer entre ses intérêts patrimoniaux et stratégiques ».

Dans une partie de son rapport public annuel pour 2008 intitulée « L’État actionnaire : apports et limites de l’Agence des participations de l’État », la Cour des comptes a critiqué notamment une « ligne stratégique peu lisible » et une « information budgétaire insuffisante ». Elle a également constaté que les cessions de titres ont assez souvent servi à financer des politiques qui relevaient normalement, pour leur financement, du budget général de l’État.

La Cour des comptes conclut sans appel : « L’impératif de transparence devrait pourtant obliger le ministère à énoncer clairement, à l’appui de la loi de finances, les objectifs assignés à la gestion des participations financières de l’État, et à rendre compte ensuite dans le détail de toutes les opérations significatives, notamment pour l’utilisation des produits de cession. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1130.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1131, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 25 à 31

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

7° Les articles 34, 37, 38 et 39 sont abrogés.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le rapport de la commission spéciale du Sénat est peu disert sur l’article 43 B du projet de loi. Il se borne à expliquer que cet article, comme les articles 43 A et 43 C, corrige ou complète l’ordonnance du 20 août 2014 afin de clarifier le droit applicable, notamment en ce qui concerne les règles de représentation des salariés au sein des organes de gouvernance des sociétés à participation publique.

Cette série d’articles est censée permettre « l’élaboration d’une doctrine de l’État actionnaire et le renforcement du pilotage stratégique de l’Agence des participations de l’État ». Tout un programme ! Reste que ces dispositions, disons-le tout net, vont permettre à l’État de faciliter la mise sur le marché de 5 à 10 milliards d’euros d’actifs de sociétés dans lesquelles il détient des parts.

Si nous proposons l’abrogation des articles 34, 37, 38 et 39 de cette ordonnance, c’est parce qu’ils alignent les règles relatives à la composition de l’ensemble des conseils d’administration sur celles qui sont fixées par le code de commerce ; ces modifications toucheraient notamment le nombre des administrateurs publics et des représentants des salariés.

Nous appelons le Sénat à faire échec à ces nouvelles règles qui s’appliqueraient dans un terrible jeu de Monopoly !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1131.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1132, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Les six premiers alinéas de l’article 7 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement sont ainsi rédigés :

« Le conseil d’administration de la société anonyme Bpifrance comprend vingt et un administrateurs :

« 1° Huit représentants des actionnaires, dont quatre représentants de l’État nommés par décret et quatre représentants de la Caisse des dépôts et consignations ;

« 2° Quatre représentants des régions, nommés par décret sur proposition d’une association représentative de l’ensemble des régions ;

« 3° Quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière économique et financière ainsi que de développement durable, nommées par décret ;

« 4° Une personnalité qualifiée choisie en raison de sa compétence en matière économique et financière, nommée par décret pour exercer les fonctions de directeur général de la société anonyme Bpifrance ;

« 5° Deux hommes et deux femmes comme représentants des salariés de la société et de ses filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital, élus dans les mêmes conditions que celles prévues au chapitre II du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, les modalités du scrutin permettant de respecter l’élection de deux femmes et de deux hommes étant précisées par les statuts. »

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Cet amendement vise à modifier la composition du conseil d’administration de Bpifrance.

Comme je sais que nos collègues, en particulier ceux du groupe socialiste, accordent une grande importance à cette institution, peut-être aurons-nous la chance d’obtenir une réponse – à moins que la consigne de silence qui a visiblement été négociée à la suspension entre la commission spéciale, le Gouvernement et le groupe socialiste au sujet des articles portant sur les privatisations, ne nous en prive, ce qui serait dommage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Nous proposons de porter de quinze à vingt et un le nombre des administrateurs de Bpifrance afin de faire respecter la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. Cette loi, comme le précise son article 1er, s’applique de droit aux « établissements publics industriels et commerciaux de l’État autres que ceux dont le personnel est soumis à un régime de droit public » et aux « autres établissements publics de l’État qui assurent tout à la fois une mission de service public à caractère administratif et à caractère industriel et commercial lorsque la majorité de leur personnel est soumise aux règles du droit privé ».

Bpifrance, société anonyme publique sous contrôle de l’État et exerçant une mission de service public en faveur du financement et du développement des entreprises, entre manifestement dans le champ d’application de cette loi. Elle est donc tenue d’appliquer les règles que celle-ci prévoit en ce qui concerne la composition de son conseil d’administration. Or la composition actuelle du conseil d’administration de Bpifrance est très en deçà des exigences démocratiques fixées par la loi du 26 juillet 1983, puisque, sur quinze administrateurs, seuls deux représentent les salariés.

Nous proposons que le conseil d’administration de Bpifrance soit composé de la façon suivante : huit représentants des actionnaires, quatre pour l’État et quatre pour la Caisse des dépôts et consignations, quatre représentants des régions, quatre personnalités qualifiées, une personnalité qualifiée choisie en raison de sa compétence en matière économique et financière et quatre représentants des salariés, deux hommes et deux femmes.

Il serait étonnant que cette proposition ne recueille pas l’assentiment de ceux qui, comme nous, attachent de l’importance au développement de l’action publique de Bpifrance dans un cadre démocratique donnant une voix importante aux salariés dans la gestion de l’institution !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je veux d’abord préciser à M. Laurent qu’aucune consigne n’a circulé entre la commission spéciale, le Gouvernement ou le groupe socialiste.

M. Pierre Laurent. Je fais un constat !

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je l’ai rappelé à l’occasion de la discussion de votre premier amendement sur l’article 43 B : vous avez adopté une position de principe ; pour notre part, nous avons fait de même, au nom de la commission spéciale.

Vous considérez qu’il ne fallait pas aller plus loin que l’ordonnance du 20 août 2014. Or nous avons estimé que l’ordonnance était utile, et nous en avons donné les raisons. Dès lors, nous ne pouvons qu’être défavorables à ces amendements et je ne vois pas ce que je pourrais ajouter.

Concernant l’amendement n° 1132, sa justification ne me paraît pas évidente, puisqu’il ne tend qu’à augmenter le nombre de membres de chacune des catégories composant les conseils d’administration.

Pour cette raison, l’avis est également défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je suis très étonné par cet amendement.

Soyons clairs : d’une certaine manière, la BPI est issue du regroupement du Fonds stratégique d’investissement, d’OSEO et de CDC Entreprises. Or la représentation demandée par nos collègues communistes ne se retrouvait dans aucune de ces structures.

J’attire votre attention sur le fait que, si nous devions nous orienter vers ce type de répartition des membres du conseil d’administration, sur vingt et un administrateurs, nous n’en retrouverions que quatre de la Caisse des dépôts et consignations, alors que cette dernière apporte la moitié des financements en capital de la BPI. Cela pose un vrai problème !

Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations étant sous le contrôle et la tutelle du Parlement, comment des parlementaires pourraient-ils demander un affaiblissement de la représentation de la Caisse dans l’une de ses principales filiales, qui participe aux résultats et à son modèle économique ?

J’appelle donc mes collègues à ne pas adopter, en tant que parlementaires, une position qui affaiblisse la représentation d’une institution placée sous notre propre contrôle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 43 B.

(L'article 43 B est adopté.)

Article 43 B (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 43 C

Article 43 CA

(Supprimé)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article dont nous débattons ici a été supprimé par la commission spéciale du Sénat au motif de son imprécision et d’un caractère normatif pour le moins limité.

Selon les attendus du rapport au fond, la notion d’« intérêts essentiels de la Nation », invoquée dans l’article et l’amendement de notre collègue Clotilde Valter, rapporteure de cette partie du projet de loi, souffrirait d’imprécision et pourrait être combattue au plan juridique.

Cependant, s’il fallait trouver une illustration de ce principe, peut-être le pourrions-nous dans le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, élément du bloc de constitutionnalité : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Je rappellerai ici que c’est au motif de ce texte que l’État ne peut, dans la gestion de moyen et long terme de ses participations, décider de se délester de plus de la moitié du capital d’Aéroports de Paris, ou de plus de 70 % de celui d’EDF.

Toujours est-il que la commission spéciale a voulu faire disparaître cette disposition. Pour notre part, si nous n’avons pas souhaité la réinscrire dans le texte, nous en comprenons parfaitement les attentes.

Quoi qu’il en soit, la véritable question au cœur de la controverse est bel et bien d’une autre nature. Sur le fond, la proclamation de l’article 43 CA constituait une sorte d’aveu de reconnaissance sur la nature et les effets d’une cession d’entreprise publique au privé.

Nous l’avons dit, le cadre apparemment protecteur fixé par l’ordonnance d’août 2014 ne concerne in fine qu’un nombre réduit d’entreprises cotées à participation publique, alors même que ces entreprises constituent une part importante du patrimoine industriel et commercial de la Nation.

Pour le reste, nous nous situons presque dans le droit commun, qui viendra à s’appliquer partout ou presque, en fonction du bon vouloir du ministre de l’économie ou des estimations d’une commission indépendante dont les membres seront peut-être d’anciens spécialistes de la gestion d’actifs…

Le recours à la loi, le passage des projets de cession et leur contrôle par le Parlement, tout cela sera secondaire. Et le dispositif d’action privilégiée – ce que les Anglais appellent « golden share » – ne fera pas le compte.

À la vérité, mes chers collègues, nous sommes dans une période où il convient de faire un choix clair.

Les sociétés cotées dans lesquelles l’État dispose de parts ont rapporté l’an dernier 4 milliards d’euros de dividendes, soit un rendement proche de 4 % pour un portefeuille valant environ 100 milliards d’euros et, pour l’essentiel, largement incessible.

Dans le même temps, depuis le 25 août 2014, France Trésor émet des bons du Trésor sur formule dont le taux d’intérêt est négatif, et le TEC 10, le taux à échéance constante à dix ans, se positionne désormais aux alentours de 0,45 %.

Cela n’est pas sans inspirer – nous l’avons vu – quelques intrépides parlementaires pour faire en sorte que nous assistions à la diversification des placements de l’épargne salariale. Comme les titres d’origine publique ne rapportent plus suffisamment, il faut trouver autre chose !

Mais la vérité est que la France, dans un tel contexte, renforcé par la mise en œuvre du quantitative easing de la BCE – c'est-à-dire la création monétaire –, n’a strictement aucun intérêt à céder son patrimoine pour payer une dette dont le service s’amenuise et la progression se ralentit.

C’est aussi cela qu’il convenait de rappeler ici : la situation actuelle a beaucoup à voir avec les tendances déflationnistes qui affectent l’économie de la zone euro, tendances que les politiques de rigueur budgétaire imposées aux peuples européens conduisent d’ailleurs peu à peu à renforcer, et l’on en voit les effets.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je souhaite simplement préciser que, sur cet article, le Gouvernement avait déposé un amendement visant à rétablir l’article 43 CA, que la commission avait rejeté. À la suite d’échanges informels avec votre cabinet, monsieur le ministre, vous avez retiré cet amendement, ce dont nous vous remercions.

M. le président. L’article 43 CA demeure supprimé.

Article 43 CA (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 43 C

Article 43 C

I. – (Non modifié) Le II de l’article 41 de la même ordonnance est abrogé.

II. – Les opérations par lesquelles une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales transfère au secteur privé la majorité du capital d’une société réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 75 millions d’euros ou employant plus de 500 personnes, appréciés sur une base consolidée, sont décidées par l’organe délibérant de cette collectivité territoriale ou de ce groupement sur avis conforme de la Commission des participations et des transferts.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.

M. Jean-Pierre Bosino. Le présent article porte sur l’encadrement des cessions des participations détenues par des collectivités territoriales.

Les différentes structures créées pour mettre en œuvre des actions économiques sous statut privé font partie du paysage. Sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales, sociétés d’économie mixte à opération unique servent à les mettre en œuvre. Elles peuvent avoir leur intérêt, à condition de ne pas glisser vers une conception totalement privée où les élus ne seraient que des faire-valoir.

Il faut dire que le terrain juridique a été bien préparé pour permettre la disparition de services publics, pour en faciliter aujourd’hui la vente. Les collectivités locales seraient-elles dans l’incapacité de gérer de tels secteurs ? Ou est-ce un outil facilitateur pour des privatisations futures ?

De notre point de vue, monsieur le ministre, la société publique locale devient ainsi, à partir de 2010, le cheval de Troie de la privatisation des services publics. Ces sociétés anonymes dirigées par des élus auraient été créées pour être plus efficaces, plus réactives et plus sûres afin de démontrer, comme vous le répétez à l’envi, l’incapacité a priori des établissements publics à accomplir leurs missions.

C’est là toute votre analyse, qui transpire par tous les articles de ce texte de loi : le privé serait économiquement plus efficace que le public ! Et vous vous acharnez contre tout ce qu’il peut y avoir de public dans nos territoires.

Vous n’avez pas compris, ni vous ni votre gouvernement, que les différentes défaites électorales de votre majorité sont essentiellement dues à vos politiques destructrices du lien social et destructrices de nos services publics.

Mme Sophie Primas. N’avez-vous pas appelé à voter Hollande ?...

M. Jean-Pierre Bosino. Nous avons bien compris que l’objectif est en réalité de servir la finance et l’industrie, qui ne supportent pas que des activités publiques puissent être gérées financièrement de façon positive tout en remplissant leur objectif d’égalité de traitement.

Vous estimez donc qu’il est temps, avec ce texte, de faire fonctionner ces services non pas au nom de l’intérêt général, mais au seul bénéfice de quelques intérêts particuliers, tout cela sous couvert d’harmonisation européenne.

Faciliter ces transferts d’actifs, afin qu’ils puissent se faire sans aucune contrainte : telles sont vos ambitions.

Depuis 1986, différents textes ont permis de construire par paliers cette privatisation qui est la finalité même de toutes les politiques libérales développées.

Vous semblez ignorer que les services publics jouent un rôle indéniable dans le développement économique de notre pays. Le dogme est de les détruire au nom de la primauté du marché par rapport à l’intérêt de nos territoires.

Puisqu’il est aussi question d’emploi, dans ce projet de loi, précisons que le maintien des services publics, c’est le maintien de 800 000 emplois, y compris dans le privé, comme l’a démontré une étude qu’il faudrait réactualiser.

Notre pays a surmonté la crise de 2008 grâce à l’existence de ses différents services publics, chacun s'accorde à le reconnaître. Investir dans les services publics, c’est répondre aux besoins des habitants, c’est répondre au besoin d’aménagement du territoire. Pour vous, ce ne serait qu’une dépense qu’il faudrait réduire.

Votre souci est de mettre en concurrence nos communes, nos départements et nos régions, pour susciter plus d’activité et plus de croissance. La disparition des services publics dans nos campagnes et nos territoires périurbains est la conséquence directe des politiques libérales.

Avec votre texte, vous finalisez ainsi la destruction de nos services publics et faites la preuve que les services rentables financièrement ne peuvent rester dans le giron public, qu’ils doivent être obligatoirement cédés au privé – aucun opérateur privé ne décidera d’acquérir une société qui ne serait pas rentable, vous le savez aussi bien que moi. Pour cela, il suffit pour vous de leur faciliter la tâche. C’est tout l’objet de cet article 43 C.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, sur l'article.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, vous allez entendre un discours totalement différent : il y a en effet deux lectures de cet article 43 C.

Un certain nombre de services publics ont pu être transformés en sociétés, et il se rencontre aussi des collectivités qui ont développé un domaine privé, des actifs patrimoniaux et des sociétés, au capital desquelles elles peuvent souhaiter un jour réduire leur participation.

Ce qui me préoccupe, c'est que cet article va limiter l’autonomie et la libre gestion des collectivités territoriales. En effet, il résulte du II de l’article 43 C qu’un avis conforme de la Commission des participations et des transferts est nécessaire pour effectuer une opération faisant passer sous le seuil de détention de 50 % du capital.

Pour le coup, je m'interroge : que devient la libre administration des collectivités territoriales si nous devons, lorsqu’une assemblée délibérante élue au suffrage universel a statué sur la gestion d’actifs qu’elle détient – actifs financés et constitués au fil des années –, recueillir un avis conforme de la Commission des participations et des transferts pour pouvoir réaffecter telle ou telle ressource dans des investissements patrimoniaux différents – en fonction, par exemple, des besoins du développement économique de son territoire ?

Cela signifie qu’un droit de veto est exercé par un service de l’État sur la libre administration des collectivités territoriales. Dans ces conditions, cet article me semble clairement poser un problème de fond, celui de la libre administration des collectivités. Il peut constituer une entrave à la gestion des actifs patrimoniaux d’un certain nombre de collectivités, compte tenu du montant retenu pour le chiffre d'affaires.

Et j’ai en tête des exemples très précis d’opérations qu’un certain nombre de collectivités ont pu réaliser par le passé à la suite de délibérations concordantes et prises de manière consensuelle, et qui, aujourd’hui, nécessiteraient de passer sous les fourches caudines de la Commission des participations et des transferts. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 1134, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. L’alinéa 1 de cet article 43 C prévoit d’abroger le II de l’article 41 de l’ordonnance du 20 août 2014 que nous devons par la même occasion ratifier. Nous ne reviendrons pas sur ce point, vous savez ce que nous en pensons.

Dans le détail, de quoi s’agit-il exactement ? Le III de cette ordonnance procède à une réécriture des règles régissant les opérations en capital des sociétés à participation publique. Si cette partie n’emporte pas par elle-même privatisation, elle n’en a pas moins une portée significative.

En effet, le I de cet article 41 abroge la loi du 2 juillet 1986 et certaines dispositions de la loi du 6 août 1986, plus particulièrement son article 21. Celui-ci prévoyait, pour les opérations concernant des entreprises dont l’effectif ne dépasse pas mille salariés et le chiffre d’affaires 150 millions d’euros, un régime de déclarations et d’approbations qui compliquait inutilement les opérations de cession de faible envergure. L’article 21, quant à lui, n’est pas remplacé dans le dispositif de l’ordonnance.

Ainsi, l’ordonnance conduit à abroger formellement les lois de 1986 tout en maintenant en vigueur leurs dispositions pour les opérations non régies par le III. C’est-à-dire que le régime des cessions non significatives est enterré, mais, paradoxalement, ressuscité au paragraphe suivant avec, qui plus est, un champ d’application redéfini.

Cette incohérence serait assez comique si cette ordonnance du 20 août 2014 n’avait pas été prise au titre de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à « simplifier et sécuriser la vie des entreprises ».

Par notre amendement, nous tenons à souligner ces incohérences, mais, surtout, nous souhaitons maintenir la protection offerte par le II de l’article 41 initialement prévu, qui concerne le régime des cessions dites « non significatives ».

Outre les autres éléments que nous avons déjà développés sur cette ordonnance, le champ d’intervention de l’autorité réglementaire est élargi aux opérations non constitutives d’opérations de privatisation et portant sur des participations minoritaires de l’État qui seront décidées par le ministre de l’économie. On pourra dès lors vendre par petits bouts, sans l’aval du Parlement.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’avis est également défavorable.

Je voudrais en profiter pour apporter quelques précisions, notamment à M. Bouvard.

L’article 43 C prévoit d’abord de baisser le seuil d’autorisation à 75 millions d’euros, contre 150 millions d’euros aujourd’hui, ce qui est un point important, puisque cela accroîtra la transparence et facilitera le contrôle du Parlement.

En outre, la libre administration des collectivités territoriales ne sera pas entravée. La Commission des participations et des transferts rendra un avis…

M. Michel Bouvard. … conforme !

M. Emmanuel Macron, ministre. … conforme, en effet, monsieur Bouvard, parce que les collectivités territoriales doivent bien trouver le moyen technique de se conformer à un principe constitutionnel auquel elles sont aussi soumises, à savoir la préservation de la valeur de l’actif qui est à vendre.

Or, aujourd’hui, il n’y a pas d’équivalent de la Commission des participations et des transferts au niveau des collectivités territoriales, d’où ce seuil de 75 millions d’euros ou de plus de 500 personnes. C’est le même seuil auquel nous avons abaissé l’autorisation législative pour procéder à une privatisation.

Je le répète, en abaissant ce seuil, nous introduirons davantage de transparence au bénéfice du Parlement, puisque, jusqu’à la transposition de ces ordonnances, on pouvait tout à fait, pour une opération d’un montant de 80 millions d’euros, par exemple, procéder à une privatisation par décret.