M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je souhaite que l’on adopte ce dispositif.

La méthode prétorienne, consistant à laisser au juge, quel qu’il soit, le soin de donner toute leur portée aux textes, a ses limites.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas, dans un même mouvement, nous inviter à légiférer, à nous saisir des problèmes – d'ailleurs, je vous retourne cette invitation, puisque vous savez que le législateur et le Gouvernement partagent l’initiative législative sous la Ve République, même si c’est de façon très inégale –, et nous demander de ne pas le faire !

Pour ce qui me concerne, je souhaite que nous prenions nos responsabilités en inscrivant un encadrement dans le texte que nous examinons. En effet, je pense que c’est le moment, pour le législateur, de rappeler que notre pays se situe désormais, sauf erreur de ma part, au quinzième rang en matière de désindustrialisation, non loin de la Grèce !

Monsieur le ministre, je ne demande à personne de prendre une tonalité « montebourienne », si j’ose dire. À chacun sa personnalité ! Simplement, je souhaite que l’on puisse réaffirmer dans cette enceinte ce soir des perspectives pour nos industries.

On peut parfaitement protéger la concurrence et encourager la compétition, sans que soient pour autant rendues des décisions, qui, parfois, nous paraissent déséquilibrées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux faire trois remarques.

Premièrement, on ne réindustrialisera pas le pays par des cartels ou des ententes illégales.

Mme Nicole Bricq. Absolument !

M. Emmanuel Macron, ministre. Deuxièmement, légiférez, mais légiférez bien ! M. le corapporteur vous a indiqué que le présent amendement était mal rédigé.

Troisièmement, vous pouvez décider de l’adopter afin d’envoyer un signal, mais on ne réindustrialisera pas le pays, on ne donnera pas de la confiance à nos acteurs économiques en envoyant des signaux brouillons. C’est au quotidien qu’on le fait, par l’action !

Vous pouvez compter sur moi pour ce faire, mais pas pour contracter des engagements qui ne valent pas au-delà de la discussion de ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 847 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 59 quater.

Article additionnel après l’article 59 quater
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Article 60 A

Article 59 quinquies

I. – L’article L. 464-2 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le III est ainsi rédigé :

« III. – Lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité de tout ou partie des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée pour les griefs non contestés. Lorsque l’entreprise ou l’organisme s’engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans la proposition de transaction qu’il lui soumet. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l’organisme ou l’entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l’Autorité de la concurrence, qui entend l’entreprise ou l’organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction. » ;

2° À la dernière phrase du IV, après le mot : « peut », sont insérés les mots : « , après avoir entendu le commissaire du Gouvernement et l’entreprise ou l’organisme concerné sans établissement préalable d’un rapport, et ».

II (nouveau). – Le présent article est applicable aux procédures pour lesquelles les griefs ont été notifiés, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, postérieurement à la publication de la présente loi.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 60 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 664 rectifié est présenté par MM. Kern et Médevielle.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 60.

M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à supprimer l’article 59 quinquies. Nous n’approuvons pas la forme de justice parallèle que celui-ci conforte. Par ailleurs, nous sommes en désaccord total avec les dispositions relatives au plafond des sanctions.

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l'amendement n° 664 rectifié.

M. Claude Kern. Cet amendement est le résultat d’une erreur d’interprétation. De ce fait, je le retire, monsieur le président.

M. François Pillet, corapporteur. Exemplaire, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 664 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 60 ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement de suppression est évidemment contraire à la position de la commission spéciale.

Monsieur Bosino, vous proposez de supprimer ce qui apparaît comme une certaine modernisation du pouvoir de transaction de l’Autorité de la concurrence et qui nous semble, d'ailleurs, aller dans le sens des préoccupations qui ont été exprimées tout à l'heure du côté de l’hémicycle où vous siégez.

Personne ne sera donc étonné que la commission spéciale soit défavorable à cet amendement !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1574, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

de tout ou partie

et les mots :

pour les griefs non contestés

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de la transaction partielle.

L’objectif, quand on fait une transaction, est de ne pas avoir à y revenir. Or la transaction partielle laisserait ouverts les débats sur les griefs qui demeureraient contestés, ainsi que les recours devant la cour d’appel. Une telle contestation irait à l’encontre de l’objectif même de la procédure de transaction, qui consiste précisément en une économie procédurale, liée à l’absence de discussion sur les faits et leur qualification une fois la notification des griefs adressée à l’entreprise.

L’enjeu n’est pas majeur si l’on considère le projet de loi dans son ensemble.

M. François Pillet, corapporteur. En effet ! La France n’est pas en danger !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens à souligner que la commission spéciale n’a pas dénaturé le texte, mais, sur ce point précis, je trouve qu’elle a apporté un élément de complexité.

Par ailleurs, les entreprises qui s’engageaient dans la procédure actuelle de non-contestation des griefs, à laquelle la transaction se substitue, ne disposaient pas d’une telle faculté et pouvaient seulement contester les modalités de calcul de la sanction.

La transaction partielle rouvrirait la possibilité de poursuivre la procédure, ce qui me semble contraire à son objectif même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas d’accord sur ce point, mais, comme vous l’avez fait remarquer, l’enjeu n’est pas de taille à mettre la France en danger !

La commission spéciale a proposé d’instituer la possibilité d’une transaction partielle. En effet, il est possible que l’entreprise ne reconnaisse qu’un certain nombre des griefs retenus à son encontre par l’Autorité de la concurrence. Je trouve qu’il serait un peu dommage de ne pas permettre une transaction partielle sur ces griefs. Cela n’empêchera pas, comme je l’ai dit tout à l'heure, que la cour d’appel statue sur les griefs qui ne sont pas reconnus ! Cette souplesse peut être intéressante.

Cette procédure existe aussi en matière de contributions indirectes, qui relèvent désormais du domaine des douanes.

Pour vous être agréable, mes chers collègues, je vais prendre l’exemple d’une infraction commise en matière viticole. À l’occasion d’un contrôle de cave, l’administration s’aperçoit que les stocks déclarés par l’entreprise ne correspondent pas aux stocks existants. Elle s’aperçoit également qu’il y a, dans le hangar à côté, des quantités de sucre que la chaptalisation permise à l’occasion d’une certaine récolte ne peut guère expliquer. Si l’entreprise admet qu’il y a un problème à propos des stocks, elle pourra alors parfaitement transiger avec l’administration fiscale – en l’espèce, les douanes. En revanche, elle peut contester l’existence d’une infraction à l’égard du sucre, si, par exemple, une partie du sucre stocké correspond à une autorisation de chaptaliser qui lui a été accordée l’année précédente en raison de très mauvaises conditions climatiques. Dans ce cas de figure, soit l’administration poursuivra la procédure, et c’est alors le tribunal correctionnel qui décidera, soit elle y renoncera. On le voit, la transaction partielle n’a rien de choquant ! Et, juridiquement, c’est tout à fait possible.

La commission spéciale a voulu donner de la souplesse en ce domaine. Nous permettrions ainsi aux entreprises d’accepter de battre leur coulpe lorsqu’elles ont fait une erreur, et de ne pas la battre lorsqu’elles n’en ont pas commis.

L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1574.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 877 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern, Pozzo di Borgo et Tandonnet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de ne pas contester la réalité des griefs qui lui sont notifiés en application de l’alinéa précédent ne constitue ni un aveu ni une reconnaissance de responsabilité par l’entreprise en cause. »

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Cet amendement a pour objet de préciser que, à l’instar de la procédure de non-contestation des griefs, qu’elle entend remplacer, la procédure de transaction ne suppose pas une reconnaissance préalable de culpabilité. Sans une telle précision, cette procédure ne sera pas attractive pour les entreprises.

L’Autorité de la concurrence a toujours considéré que la non-contestation des griefs ne constitue ni un aveu ni une reconnaissance de culpabilité – je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport d’activité de 2005 du Conseil de la concurrence. Ainsi, elle estime que les entreprises victimes de pratiques contestables ne peuvent pas se prévaloir devant les juridictions civiles d’une participation à une procédure de non-contestation des griefs.

Toutefois, certaines décisions de jurisprudence isolées ont semblé, dans le cadre d’actions indemnitaires engagées par des victimes de pratiques anticoncurrentielles, assimiler une non-contestation des griefs à une reconnaissance de l’infraction.

C’est pourquoi, afin de garantir l’effectivité de la nouvelle procédure de transaction introduite par le présent projet de loi, il est nécessaire de préciser que le fait, pour une entreprise ou un organisme, de ne pas contester la réalité des griefs qui lui sont notifiés ne constitue pas un aveu ou une reconnaissance de culpabilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à ce que l’acceptation, par une entreprise, d’une proposition de transaction, dans le cadre d’une enquête de concurrence, ne vaille pas aveu ou reconnaissance de culpabilité. Au reste, on peut se demander ce qu’une entreprise qui accepte une transaction sans être responsable allait faire dans cette galère… (Sourires.)

À mon avis, la faculté qu’ouvrirait l’adoption de cet amendement ne serait pas conforme aux principes du droit français et poserait sans doute un problème de constitutionnalité au regard du principe de responsabilité.

Si des griefs sont notifiés, c’est que l’Autorité de la concurrence constate des faits constitutifs, selon elle, d’une infraction au droit de la concurrence. Admettre avoir commis des faits constitutifs d’une infraction et considérer que l’on n’est pas responsable de celle-ci serait très contradictoire ! Or la procédure de transaction ne vise qu’à accélérer la procédure, dans le cadre d’une reconnaissance de culpabilité.

Aller au-delà en exonérant l’entreprise de toute responsabilité pour l’infraction commise serait excessif, en particulier au regard des consommateurs ou des autres entreprises lésés.

Vous estimez sans doute, mon cher collègue, que si la transaction ne vaut pas reconnaissance de responsabilité, on peut être à l’abri d’une action de groupe. Je ne le pense pas : le seul fait d’avoir transigé, sur la base des constatations de l’Autorité de la concurrence, n’empêchera pas l’entreprise de faire l’objet d’une telle action.

Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je ne suis pas du tout d’accord avec vous, monsieur le corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je n’en suis pas étonné !

M. Olivier Cadic. Il faut savoir se montrer pragmatique : tout le monde sait qu’un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès.

Il est en l’espèce question d’une procédure qui peut engager l’entreprise sur le long terme, et la transaction sert justement à sortir d’une situation conflictuelle, à faire gagner du temps à tout le monde. Pour autant, elle ne vaut pas reconnaissance de culpabilité.

Voilà quelque temps, un grand personnage de l’État, attaqué en justice, a fini par transiger. Or cette transaction ne valait pas reconnaissance de culpabilité.

Vous êtes féru de ces questions, vous savez que l’on se dirige de plus en plus vers une procédure à l’anglo-saxonne. Vous devez l’accepter : il faut bien être moderne et reconnaître que l’approche française que vous évoquez a vécu. Encore une fois, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès.

Je le répète, je suis totalement en désaccord avec vous, monsieur le corapporteur.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je crains que notre désaccord ne persiste, monsieur Cadic.

La transaction en matière pénale existe à travers le dispositif de la composition pénale, mais elle vaut bien reconnaissance de la responsabilité.

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

M. François Pillet, corapporteur. Je pense avoir trouvé l’un des meilleurs défenseurs qui soit ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Surtout, ne parlons pas de la justice américaine. Si l’on part dans cette direction, je peux vous assurer que les bases de notre système juridique seront très menacées. Je pense que personne dans cet hémicycle n’en veut !

Ne pas contester, c’est admettre. Pourquoi accepter la sanction si l’on n’a rien fait ? Ou bien on refuse la sanction, ou bien on l’accepte.

Il est question en l’espèce non pas de responsabilité pénale, monsieur le corapporteur, mais de responsabilité civile, même si les choses ne sont pas très claires en raison du caractère mixte des avis de l’Autorité de la concurrence.

Monsieur Cadic, je pense que vous allez trop loin. Le rapport de l’Autorité de la concurrence que vous évoquez ne concernait pas la transaction. Il y était seulement question du fait de ne pas contester. S’il y a transaction, il faut bien admettre qu’il existe des griefs, autrement ça n’a aucun sens !

Je veux bien que l’on fasse du droit ce soir, mais il s’agit d’un drôle de droit ! (Sourires.)

Tâchons de garder quelques principes de base simples : on est responsable de ce que l’on a commis, même si l’on peut transiger par la suite. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 877 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 59 quinquies.

(L'article 59 quinquies est adopté.)

Section 3

Faciliter la vie de l’entreprise

Article 59 quinquies
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Article 60

Article 60 A

(Non modifié)

Le III de l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises est ainsi rédigé :

« III. – Les systèmes de garantie et les labels de commerce équitable sont reconnus par une commission selon des modalités définies par décret. » – (Adopté.)

Article 60 A
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Article additionnel après l'article 60

Article 60

(Non modifié)

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi permettant de mettre à la disposition des entreprises un dispositif permettant, dans leurs relations dématérialisées avec l’administration et les tiers, de justifier de leur identité et de l’intégrité des documents transmis. – (Adopté.)

Article 60
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Article 60 bis

Article additionnel après l'article 60

M. le président. L'amendement n° 837, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bignon, Bouchet, Bouvard, Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Chasseing, Commeinhes, Danesi et Darnaud, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. B. Fournier, Frassa, Genest, Gilles, Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Kennel, Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller, Nougein, Pierre et Pintat, Mme Primas, MM. Reichardt, Revet, D. Robert, Savary, Savin, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Leleux, Courtois et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 60

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter du 1er janvier 2016, l’application des nouvelles normes prises par l’État et les collectivités territoriales s’imposant aux entreprises se fait chaque année à dates fixes : une première date ouvre le préavis de mise en œuvre, pendant lequel l’administration porte à la connaissance des entreprises une information sur ces mesures et leurs conséquences procédurales ; la seconde est la date de mise en œuvre effective de ces dispositions.

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de mise en place de ce dispositif.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Personne, pour l’instant, n’a trouvé le moyen de réduire le poids normatif réglementaire qui pèse sur nos entreprises, notamment les plus petites d’entre elles.

Cet amendement, assez simple, s’inspire d’un exemple britannique. Je lisais, voilà quelques jours, une interview de Thierry Mandon, qui envisageait lui-même d’avoir recours à plusieurs dispositifs inspirés de cet État membre de l’Union européenne.

Il s’agit d’instituer deux dates anniversaires. La première vaudrait, pour les entreprises, préavis et annonce des changements que prévoit le droit législatif ou réglementaire. L’administration serait tenue, à la première date anniversaire, d’envoyer aux entreprises une sorte de memento pour les prévenir que dans trois ou six mois, par exemple, tel point normatif va changer.

La seconde date anniversaire serait celle de mise en œuvre des nouvelles contraintes, des nouvelles obligations.

Ce dispositif présente un double avantage. D’une part, les entreprises ayant des services administratifs réduits seront plus facilement au courant des changements normatifs de l’année à venir. D’autre part – cet avantage n’est pas le moindre –, en envoyant ces préavis, l’administration pourra vérifier simplement le poids des nouvelles contraintes en question.

Tout cela est très vertueux, assez simple et ne coûte rien.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. L’idée est intéressante. Il s’agit d’un domaine où notre vigilance ne doit pas se relâcher.

Les auteurs de l’amendement proposent que toute nouvelle norme s’imposant aux entreprises s’applique chaque année à des dates fixes, avec un mécanisme d’entrée en vigueur différée. La première date concerne l’information de l’entreprise de la nouvelle norme et la seconde la mise en œuvre effective de celle-ci.

Si ce dispositif peut s’envisager à l’échelon réglementaire, il ne saurait s’appliquer au niveau législatif. En effet, le législateur ne peut se lier lui-même, comme le Conseil constitutionnel l’a souvent répété.

Il faudrait plutôt veiller, dans chaque loi concernant les entreprises, à prévoir un différé d’entrée en vigueur et une entrée en vigueur à date unique, par exemple le 1er janvier. Votre amendement, monsieur Retailleau, nous invite donc à réfléchir à la mise en place d’une telle procédure à l’avenir.

S’agissant des normes de niveau réglementaire, l’amendement me paraît satisfait par une circulaire de François Fillon du 23 mai 2011 relative aux dates communes d’entrée en vigueur des normes concernant les entreprises. Selon cette circulaire, chaque texte doit comporter un différé d’entrée en vigueur, laquelle doit s’opérer à un nombre réduit d’échéances prédéterminées au cours de l’année. Les dates retenues sont le 1er janvier et le 1er juillet ; à défaut, il s’agit du 1er avril et du 1er octobre, avec un différé d’entrée en vigueur d’au moins deux mois.

En matière réglementaire, la circulaire de François Fillon – efficace et respectée, les services y veillent – répond exactement à l’objectif souhaité. Un suivi rigoureux est assuré au sein du secrétariat général du Gouvernement.

Mon cher collègue, je vous suggère de bien vouloir retirer cet amendement, qui a eu le mérite d’attirer notre attention sur cette question. Puisque nous ne pouvons le faire de manière générale, veillons à faire respecter ces deux dates relatives à l’application des normes dans chaque loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je partage l’objectif poursuivi par les auteurs de cet amendement. Tout ce qui met de la discipline dans l’organisation collective, en particulier de l’administration, et qui donne de la visibilité aux acteurs économiques va dans le bon sens.

Les arguments de droit ont été rappelés par le corapporteur. Chacun rendant les hommages qui conviennent à ses mânes et ses lares, je ferai référence à la mesure présentée au mois d’avril 2014 et visant à ce que les instructions fiscales soient produites à date fixe, ce qui permet de rationaliser les dates d’annonce et de prise d’effet des normes.

Je peux vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il s’agit d’une mesure extrêmement importante et concrète pour les entreprises, preuve que nous continuons à progresser en la matière et que tout n’est pas réglé.

Pour les raisons juridiques qu’évoquait le corapporteur et compte tenu de sa rédaction, je ne peux pas être favorable à cet amendement. Toutefois, je m’engage à continuer à cogiter en ce sens. Je pense que le terme « normes » est trop large et vous expose, monsieur Retailleau, aux reproches formulés par la commission spéciale. Peut-être que celui d’« obligation » serait préférable… En tout cas, j’estime que nous pouvons faire œuvre collective sur ce mécanisme. Je suis sûr que Thierry Mandon continuera à travailler sur ce sujet.

Pour autant, la philosophie qui sous-tend cet amendement est la même que celle qui a inspiré la circulaire de 2011 et la mesure de 2014, ainsi que la meilleure organisation que nous nous efforçons de mettre en œuvre.

On peut encore aller plus loin et prévoir un mécanisme de ce type, à même d’assurer une meilleure visibilité, pour les obligations pesant sur les entreprises. Je m’engage à y travailler avec Thierry Mandon.

M. le président. Monsieur Retailleau, l’amendement n° 837 est-il maintenu ?

M. Bruno Retailleau. Oui, monsieur le président. Je connais la circulaire susvisée, inspirée au Premier ministre de l’époque par un rapport que j’avais rédigé sur les entreprises de taille intermédiaire, ou ETI.

Mes chers collègues, on n’en finit pas de créer des normes. Dès que l’on essaie de faire preuve d’un peu d’imagination pour simplifier, il y a toujours un écueil pour vous en empêcher dans ce pays ! En revanche, dès qu’il s’agit de normes, il n’y a pas de problème. Tous les jours, de nouveaux impôts, de nouvelles taxes, de nouvelles normes !

Ce que je vous propose, ce n’est pas une nouvelle circulaire ; ce que je vous propose, c’est de graver dans le marbre de la loi une volonté politique. À défaut, nous nous enfoncerons chaque jour un peu plus dans ce flux continuel.

Savez-vous comment s’écrit « France » en mandarin ? Avec deux idéogrammes signifiant le pays des lois, c’est-à-dire le pays des normes.

M. Marc Daunis. Cela vaut mieux que le pays de la junte !

MM. Jean Desessard et Patrick Abate. Ce n’est pas négatif !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 837.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 60.

Article additionnel après l'article 60
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Article 60 ter

Article 60 bis

(Supprimé)

Article 60 bis
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 60 quater

Article 60 ter

(Supprimé)

Article 60 ter
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 61

Article 60 quater

(Supprimé)

Article 60 quater
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 61 bis (supprimé)

Article 61

Ne sont pas soumis à l’article 2 de l’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation numérique :

1° La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités ;

2° La Caisse des dépôts et consignations.

M. le président. L'amendement n° 1575, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités ne sont pas soumis à l’article 2 de l’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à la suppression de l’exonération d’utilisation de la plateforme commune de facturation électronique mise à disposition par l’État pour la Caisse des dépôts et consignations.

L’ordonnance du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique organise, d’une part, la dématérialisation progressive de l’ensemble des échanges de factures entre les personnes publiques et leurs fournisseurs et, d’autre part, l’utilisation d’une plateforme commune mise à disposition par l’État.

L’article 61 prévoit une exemption pour la Caisse des dépôts et consignations à l’obligation d’utilisation de cette plateforme commune. Or une telle exemption conduirait à limiter très significativement l'incidence de la mesure en termes de simplification. Il est donc proposé de revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et de supprimer cette exemption.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Par cet amendement, monsieur le ministre, vous proposez de revenir sur une modification apportée par la commission spéciale à l’article 61. Celle-ci a étendu à la Caisse des dépôts et consignations la dérogation prévue à cet article concernant l’obligation, pour les établissements publics, d’utiliser la plateforme de facturation électronique instituée par l’État.

En effet, la Caisse des dépôts et consignations est déjà engagée dans un processus de dématérialisation de ses factures, et ce depuis 2011. Elle a mis en place une solution pour le traitement dématérialisé des factures de ses fournisseurs fondée sur un système d’échange de données informatisé lui permettant de dématérialiser 50 % de ses factures. C’est donc dans un souci d’accélérer et non de freiner la dématérialisation des factures que la commission spéciale a pris cette décision.

Il convient de ne pas faire perdre de temps à la Caisse des dépôts et consignations, eu égard aux investissements qu’elle a consentis et qui ont déjà porté leurs fruits.

La commission spéciale est donc défavorable à cet amendement.