Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Revet, Mme Canayer, MM. Huré, Chaize, P. Leroy, D. Laurent, Pierre, Mandelli, Kennel et Bouchet, Mme Deroche et MM. Savin et Reichardt, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Le troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils peuvent procéder à une réduction de débit, sauf pour les personnes ou familles mentionnées au premier alinéa du présent article, et à l’exclusion des branchements alimentant plusieurs logements d’un immeuble collectif d’habitation. »

II. – Après l’article L. 2224-12-2-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2224-12-2-… ainsi rédigé :

« Art. L. 2224-12-2-… – Les agents du service d’eau potable ont accès aux propriétés privées pour procéder aux réductions de débit prévues par l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles. Ce droit d’accès s’exerce en présence de l’occupant ou de son représentant, et avec son accord. Lorsque l’occupant n’autorise pas l’accès ou en cas de modification frauduleuse du système de réduction de débit, le service d’eau potable peut procéder à la fermeture du branchement. »

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Le présent amendement vise à rétablir, en la complétant, la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale de l’article 60 bis A, autorisant les réductions de débit en cas de facture impayée par l’abonné du service d’eau potable, y compris à l’égard de la résidence principale, à l’exclusion toutefois de celle des personnes et familles en situation de précarité. Les personnes visées par les réductions du débit d’eau potable sont ainsi uniquement les mauvais payeurs en situation irrégulière non justifiée.

Techniquement, l’intervention entraînant une réduction de débit consiste à poser un petit dispositif, appelé généralement « pastille » ou « lentille », qui limite le diamètre du branchement des abonnés concernés de façon à maintenir leur alimentation en eau potable, mais avec une pression et un débit restreints.

Il est important de relever que l’adoption du présent amendement ne contraindrait pas les collectivités et les services publics d’eau potable à procéder à ces réductions de débit ; il s’agirait seulement d’en laisser la possibilité aux collectivités qui le souhaitent, puisque les modalités d’organisation du service public d’eau potable sont définies à l’échelon local.

Par ailleurs, cet amendement vise à compléter le texte adopté par l’Assemblée nationale sur deux autres points également importants.

Tout d’abord, il est précisé que la mise en œuvre de réductions de débit est exclue dans le cas des immeubles collectifs d’habitation. Lorsque la facture d’eau correspondant à un tel immeuble n’est pas payée, c’est le syndic de la copropriété ou le gestionnaire de l’immeuble qui doit faire l’objet de procédures de recouvrement et, le cas échéant, de sanctions, mais les occupants de l’immeuble ne sont pas directement responsables.

Ensuite, la pastille ou la lentille réduisant le débit d’un branchement ne peut très souvent être mise en place qu’en accédant aux parties privatives d’un terrain ou d’un immeuble. Une habilitation législative autorisant l’accès doit donc être attribuée aux agents du service public d’eau potable pour leur permettre de réaliser ce type d’intervention.

Toutefois, comme toute personne a droit au respect de sa vie privée et de son domicile sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, il est proposé de laisser un choix à l’abonné visé par une mesure de réduction de débit : soit il laisse l’agent du service d’eau potable pénétrer dans sa propriété pour procéder à la réduction de débit, soit il refuse l’accès et il peut se voir appliquer une coupure d’eau. La même mesure de coupure est prévue lorsque le système de réduction de débit mis en place par le service d’eau est modifié sans autorisation.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, seuls les mauvais payeurs sont visés, c'est-à-dire les personnes qui ont les moyens de payer, mais qui, sachant que l’eau ne peut leur être coupée, profitent allègrement de la situation.

M. Jean-Claude Requier. Vous avez bien raison !

M. Charles Revet. J’ai récemment rencontré un collègue responsable d’un syndicat d’eau qui a voulu appliquer cette disposition dans sa collectivité, et le nombre de personnes n’acquittant pas leur facture d’eau a doublé en un an !

M. Hervé Maurey. Tout à fait !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, la commission souhaite que vous apportiez deux modifications importantes à cet amendement et s’en remettra, sous cette réserve, à la sagesse du Sénat.

Elle vous demande d’abord de supprimer le paragraphe II, qui est inutile ; effectivement, il est flagrant que les services d’eau ne peuvent s’introduire dans un domicile privé qu’avec l’accord des occupants. La loi n’a donc pas à le préciser.

La commission vous demande également de supprimer la fin de la première phrase du I. Il est bien évident que l’on ne peut pas réduire le débit d’eau dans tous les logements d’un immeuble collectif sous prétexte qu’il y a un mauvais payeur parmi les habitants.

Pour le reste, le I vise à rétablir la possibilité de réduction de débit en cas d’impayés, introduite en nouvelle lecture par les députés. Nous avions un doute sur cette possibilité. Or, d’après les informations qui me sont parvenues, non seulement de telles réductions de débit sont possibles, mais elles se pratiquent d’ores et déjà.

M. Hervé Maurey. Tout à fait !

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. C’est notamment le cas sur le territoire du Grand Lyon, où la réduction de débit est pratiquée depuis dix-sept ans, les compteurs d’eau étant équipés pour ce faire. Environ 1 700 réductions de débit y seraient effectuées chaque année, généralement pour des durées courtes.

Si une telle réduction est possible, il pourrait être utile que la loi le précise explicitement.

Cela dit, madame la ministre, la commission en a longuement débattu, car un doute existe sur la constitutionnalité de la première partie du I, même si de telles réductions de débit se pratiquent déjà sur certaines parties du territoire national.

C'est la raison pour laquelle la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat sur les éléments de votre amendement dont nous n’avons pas sollicité la suppression, mon cher collègue.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends bien la préoccupation qui est la vôtre.

Néanmoins, le dispositif que vous proposez paraît très compliqué à mettre en place.

D'abord, il porterait atteinte à la vie privée, parce qu’il obligerait à entrer dans les domiciles.

Ensuite, comment adapter la diminution du débit d’eau ? En fonction de la taille de la famille ? Y aurait-il un quota de débit d’eau par enfant ? Cela me semble totalement impraticable.

Par ailleurs, un élément nouveau est intervenu depuis que nous avons commencé à débattre du présent projet de loi, puisque le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 mai 2015, a jugé parfaitement conforme à la Constitution l’interdiction des coupures d’eau pour factures impayées lorsqu’il s’agit de résidences principales. Le dispositif est donc maintenant bien calibré.

Au surplus, il y a des moyens de recouvrer un impayé.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Revet, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 20 rectifié dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?

M. Charles Revet. Je répondrai tout d’abord à Mme la ministre, madame la présidente.

Madame la ministre, il n’est pas question de rationner l’eau en comptant le nombre d’enfants au foyer ; il s’agit simplement de doter les responsables des collectivités d’un moyen dissuasif à l’égard des mauvais payeurs, qui ont les moyens de payer, mais entendent profiter de l’interdiction des coupures d’eau, que tout un chacun peut invoquer. Ce genre de situation ne manque jamais d’attirer les profiteurs…

S’ils disposaient au moins de cette possibilité, les responsables de collectivités pourraient ainsi inciter les mauvais payeurs à accepter de payer et en limiteraient probablement le nombre.

Certes, il existe des moyens de recouvrement, mais ils sont toujours très lourds à mettre en œuvre. (Mme la ministre manifeste son scepticisme.)

Bien entendu, le dispositif que nous proposons ne concernera pas les familles nombreuses, modestes ou en difficulté. Et la collectivité n’aura pas d’obligation de l’appliquer : elle n’y aura recours à l’égard d’un mauvais payeur qu’en dernière nécessité.

Cela étant, j’accepte la rectification suggérée par M. le rapporteur, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mme Canayer, MM. Huré, Chaize, P. Leroy, D. Laurent, Pierre, Mandelli, Kennel et Bouchet, Mme Deroche et MM. Savin et Reichardt, et ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils peuvent procéder à une réduction de débit, sauf pour les personnes ou familles mentionnées au premier alinéa du présent article. »

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Nous sommes défavorables à tout amendement visant à permettre que soit procédé à une réduction du débit de l’eau, tout comme nous étions défavorables, en première lecture, à l’amendement qui avait pour objet de permettre des coupures d’eau, d’autant plus que, d’après les informations dont nous disposons, la mesure ne serait techniquement applicable que dans 20 % des cas.

Par ailleurs, de telles réductions de débit ne pourraient avoir lieu dans les immeubles collectifs, pour des raisons qui ne sont pas difficiles à comprendre.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Roland Courteau. Bref, l’adoption de cet amendement conduirait à une totale inégalité de traitement face à la loi.

En outre, même si les auteurs de l’amendement prévoient que la mesure ne concernera pas les personnes en situation de précarité, certaines familles en difficulté pourraient être frappées, les distributeurs d’eau ne les connaissant pas toutes.

MM. Daniel Chasseing et Charles Revet. Non !

M. Roland Courteau. En effet, toutes les personnes en difficulté ne figurent pas sur les listes de bénéficiaires de dispositifs sociaux, sans compter celles qui sont victimes de ce que l’on appelle « les accidents de la vie », comme le chômage ou le divorce, qui les plongent du jour au lendemain dans la précarité.

Que ces personnes puissent être sanctionnées et voir leur débit d’eau réduit est bien la preuve qu’il faut un véritable bouclier social dès lors qu’il s’agit du maintien d’un bien de première nécessité. En l’occurrence, le meilleur bouclier, c’est de ne pas mettre en œuvre un tel dispositif et d’en rester à la loi d’avril 2013, qui, comme l’a rappelé Mme la ministre, vient d’être confortée par le Conseil constitutionnel.

Au reste, je veux dire à ceux de nos collègues qui disent craindre une ruée de mauvais payeurs qu’il n'y aura pas davantage d’effet d’aubaine pour l’eau qu’il n’y en a avec la trêve hivernale pour l’électricité !

Par ailleurs, a-t-on mesuré les conséquences d’une réduction de pression et de débit sur le fonctionnement d’un chauffe-eau ou d’une douche pour les familles nombreuses ? Celles-ci devront-elles remplir des bassines et des casseroles à l’avance ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

MM. Didier Guillaume et M. Jacques Chiron. Il a raison !

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Roland Courteau. Bref, nous maintenons que la réduction du débit est une humiliation, au même titre qu’une coupure d’eau, et nous nous opposons à cet amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jackie Pierre, pour explication de vote.

M. Jackie Pierre. Contrairement à ce que vient de déclarer mon collègue et ami Roland Courteau, je trouve que la gestion de nos collectivités et surtout des syndicats qui les alimentent en eau risquent de pâtir de la situation actuelle. Je suis favorable à ce que l’on institue une possibilité de recours.

Je me souviens qu’il y a quelques mois, dans cette même enceinte, nous avions voté un amendement présenté par M. Cambon et, si mes souvenirs sont exacts, il avait reçu le soutien de Mme la ministre.

M. Hervé Maurey. Tout à fait !

M. Jackie Pierre. Toutefois, quelques jours plus tard, Mme la ministre revenait sur le soutien qu’elle lui avait apporté publiquement ici.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas tout à fait la réalité…

M. Jackie Pierre. Aujourd'hui, les syndicats qui distribuent l’eau ou les communes qui le font directement ont l’obligation d’équilibrer leur budget.

Dès lors, ouvrir la possibilité de ne pas payer l’eau à ceux qui n’ont pas envie de la payer sans que l’on puisse procéder à une coupure marquerait vraiment une dégradation de notre système : la légalité ne serait plus respectée.

Cette possibilité me semble véritablement aller à l’encontre de la bonne gestion de nos collectivités – mais ce n’est pas étonnant de la part de certains… Pour ma part, je la trouve ridicule ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Je voterai donc cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à rappeler à mon tour qu’en première lecture nous avions voté un amendement, présenté par M. Cambon, visant à ce que l’interdiction de couper l’eau s’applique uniquement à « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence. »

Cet amendement, qui avait recueilli, ici, un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, n’a pas survécu à l’Assemblée nationale, où, sur l’initiative de M. Brottes, président socialiste de la commission spéciale, un autre amendement a été adopté, tendant à substituer à ce dispositif de coupure un dispositif de limitation du débit, c'est-à-dire de mise en place d’un filet d’eau.

En supprimant l’article 60 bis A, la commission des affaires économiques revient en fait à l’interdiction généralisée de couper l’eau, ce que je regrette.

M. Hervé Maurey. Je pense que cette interdiction généralisée, quelle que soit la situation patrimoniale ou de revenu des personnes concernées, n’est pas bonne, raison pour laquelle je voterai l’amendement de M. Revet.

Monsieur le rapporteur, la possibilité de limiter le débit n’existe pas qu’à Lyon ! Cela se fait depuis 2010 dans la ville de Bernay, que vous connaissez bien et dont j’ai l’honneur d’être maire, et cela se passe très bien.

Il est très important d’éviter une interdiction généralisée des coupures d’eau, car on voit bien, dans les communes comme Bernay, où le service de l’eau fonctionne en régie, que certaines personnes n’acquittent pas leurs factures, alors qu’elles pourraient le faire sans difficulté. Un tel dispositif constitue une incitation à ne pas payer ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Qui en ferait les frais ? Non seulement les collectivités territoriales et les syndicats d’eau, mais aussi ceux des usagers qui, eux, payent. (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Car il faut bien in fine répercuter les impayés, mes chers collègues, et sur qui donc, sinon les usagers qui acquittent leurs factures ?…

Ce n’est pas admissible !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bosino. Je partage évidemment l’argumentation de M. Courteau.

De quoi parle-t-on ? Des personnes en difficulté ? Elles ne sont pas concernées par le dispositif ! Non, il s’agit ici de celles qui seraient de mauvaise foi.

Chers collègues, nous avons passé un temps considérable à débattre des professions réglementées lorsque nous avons examiné le « projet de loi Macron »… Les huissiers, cela vous dit quelque chose ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il est tout à fait possible de poursuivre par voie d’huissier un usager de mauvaise foi qui ne règle pas ses factures d’eau !

M. Daniel Gremillet. Le recouvrement est plus cher que les factures à recouvrer !

MM. Michel Raison et Rémy Pointereau. Et qui paie ?

Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas cela qui ruine les collectivités !

M. Jean-Pierre Bosino. Les moyens existent, notamment la saisie.

Il est indigne de priver d’eau des familles ou de réduire le volume de leur consommation. Je rejoins les interrogations de Mme la ministre : comment, concrètement, répartir la consommation d’eau restante entre les membres d’une même famille ? Celui qui pourra prendre une douche pourra-t-il aussi tirer la chasse d’eau ? Comment fait-on ?

Je pense que cette idée de réduire la consommation d’eau traduit, en fait, une volonté de punir.

M. Jean-Pierre Bosino. C’est intolérable !

M. Hervé Maurey. Zola est parmi nous…

M. Jean-Pierre Bosino. Supprime-t-on les feux rouges et les stops au prétexte que certains automobilistes ne les respectent pas ?

Mme Cécile Cukierman. On ne fait pas la loi en pensant à ceux qui ne la respecteront pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Chers collègues, il y a toujours eu des profiteurs, et nous disposons déjà des moyens de les identifier.

Les propos qui ont été tenus m’agacent et me laissent penser que, sur le plan de l’humanité, nous faisons un sacré bond en arrière ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. Je suis d’accord avec mes collègues de gauche : nous devons traiter les accidentés de la vie de façon la plus humaine possible.

Cela étant, nous nous trompons ici de budgets : ces cas relèvent des budgets sociaux des communes, et non des budgets annexes, économiques, qui doivent être traités comme tels. (Absolument ! sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Si nous commençons à mélanger les budgets économiques et les budgets sociaux, nous allons couler nos collectivités ! (Tout à fait ! sur les mêmes travées.)

Chers collègues, nous sommes aussi humains que vous, mais peut-être sommes-nous de meilleurs gestionnaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Ne nous donnons pas de leçons sur ce sujet.

Mes chers collègues, le gros problème des syndicats d’eau, aujourd'hui, ce sont les fuites. Certains syndicats perdent jusqu’à 40 % de leur eau à cause de ces fuites ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Gérard Miquel. Certains de ces syndicats n’ont pas fait d’amortissement, alors que les réseaux doivent être renouvelés. C’est là qu’est le problème !

M. Michel Raison. Cela n’a rien à voir !

M. Gérard Miquel. Nous avons déjà la possibilité de poursuivre les mauvais payeurs s’ils disposent de revenus, et nous le faisons, avec succès, pour un certain nombre de services.

Dès lors, je ne vois pas pourquoi nous nous battons sur ce sujet, qui, à mon sens, n’en est pas un.

M. Jackie Pierre. Ce n’est plus la peine d’installer des compteurs, dans ces conditions !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Chers collègues, je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris la stratégie des auteurs de l’amendement.

Le droit actuel interdit toute coupure d’eau.

Nos collègues députés, à la suite de la manœuvre qu’a rappelée Hervé Maurey, ont introduit un dispositif amené à remplacer le droit en vigueur, que nous adoptions cet amendement ou non. L’article en question dispose : « Ils peuvent procéder à une réduction de débit, sauf pour les personnes ou familles mentionnées au premier alinéa du présent article. »

Si j’ai bien compris, vous êtes d’accord avec le droit actuel qui exclut toute coupure, mais opposés au dispositif adopté par la majorité des députés.

M. Didier Guillaume. Ce ne serait pas la première fois !

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Or, selon ces derniers, il doit être possible de « procéder à une réduction de débit ».

Stratégiquement parlant, si vous rejetez l’amendement ou toute modification, c’est le couperet : le dispositif adopté par l’Assemblée nationale l’emportera et l’interdiction des coupures sera levée.

M. Roland Courteau. Il s’agit non pas de coupure d’eau mais de réduction du débit !

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. En adoptant une modification quelconque, ne serait-ce qu’à la marge, nous tendons une perche aux députés pour leur permettre de rectifier leur erreur.

Cela étant dit, je ne suis pas certain que la majorité de l’Assemblée nationale ait envie de corriger quoi que ce soit dans le texte qu’elle a adopté. À vous d’être aussi convaincants à l’égard des députés socialistes que vous l’avez été au mien, car ce sont bien ces députés qui ont introduit un droit de coupure qui n’existait pas en droit positif.

Charles Revet a accepté de modifier son dispositif en supprimant le II et une partie du I. Pourquoi ne pas adopter son amendement pour permettre aux députés de corriger ce qui est, à mon avis, une erreur ? Si nous ne faisons rien, ils n’auront aucune raison de se saisir de cet article. Nous sommes en dernière lecture, non en deuxième lecture, ce qui signifie que les députés ne seront de toute façon pas obligés de tenir compte de nos travaux d’aujourd’hui ; tendons-leur tout de même cette perche !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont souligné, à juste titre, que j’avais soutenu un amendement visant à autoriser les coupures d’eau.

Je n’ai aucune gêne à vous expliquer pourquoi j’avais adopté cette position avant d’avoir approfondi la question. Comme vous le savez, j’essaie de travailler de manière non sectaire, et couper l’eau quand elle n’est pas payée me paraissait de bon sens.

Au regard des réactions des associations de consommateurs, j’ai creusé la question et réalisé que ces coupures concerneraient principalement des familles très précaires. Or l’accès à l’eau est une condition fondamentale de l’hygiène de base. Couper l’eau à une famille en situation de précarité, c’est porter atteinte à la dignité humaine.

Par ailleurs, rien n’empêche que ces familles soient prises en charge par la suite. Des difficultés de paiement identifiées peuvent être à cet égard révélatrices d’un certain nombre de problèmes qui doivent être réglés autrement qu’en coupant l’eau.

Il peut également s’agir – le cas est très fréquent – de personnes venant d’emménager dans un logement dont le précédent locataire n’a pas réglé les factures d’eau. L’accès au réseau est donc coupé, en raison des impayés, et le nouveau locataire se retrouve sans eau.

Tout cela montre bien que le dispositif manquait de cohérence. J’ajouterai que le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’interdiction des coupures et qu’il existe, comme pour toute créance, des mécanismes de recouvrement à l’égard des mauvais payeurs auxquels il est préférable de recourir.

Je voudrais enfin dire combien j’ai apprécié la réaction du sénateur Gérard Miquel. Nous sommes face à un scandale de gaspillage d’eau – qui plus est, d’eau traitée ! Dans certains territoires, deux litres sur trois d’eau traitée n’arrivent pas jusqu’au robinet en raison de fuites sur les réseaux. La question du gaspillage de l’eau…

M. Michel Raison. Cela n’a rien à voir !

M. Jackie Pierre. Ce n’est pas la question !

Mme Ségolène Royal, ministre. Si, c’est bien la question ! Le consommateur paie des redevances pour épurer l’eau qui est gaspillée, faute d’interventions nécessaires, le long des réseaux. Or la Caisse des dépôts et consignations a mis en place un crédit de 20 milliards d’euros pour la réalisation des travaux sur ces réseaux. Je reconnais que de tels travaux ne sont pas gratifiants, qu’ils sont difficiles à réaliser, qu’il faut creuser des tranchées, mais c’est bien là qu’est l’urgence au regard du gaspillage et du coût de l’eau. Cette enveloppe budgétaire de 20 milliards d’euros ne demande qu’à être utilisée. De tels travaux, qui sont de la responsabilité des communes, permettraient de faire baisser les redevances et donc les factures d’eau des consommateurs.

Le dispositif arrêté est cohérent. Le droit à l’eau est un droit à l’hygiène de base, notamment pour les familles nombreuses. Nous n’allons pas leur couper l’eau ! C’est une question de salubrité et de santé publiques. Les coupures d’électricité sont interdites pendant la trêve hivernale, en reconnaissance de la dignité de la personne humaine et de son droit de se nourrir, de se chauffer… Nous sommes dans la même logique.

J’ai étudié l’ensemble des rapports des associations de consommateurs, des associations caritatives, des associations d’élus : autoriser les coupures d’eau serait non seulement une erreur, mais aussi une atteinte à la liberté individuelle.

Par ailleurs, il s’agit d’une question très complexe : doit-on autoriser une ou deux douches par jour ? Et quid s’il s’agit de familles avec plusieurs enfants ? Une demi-douche ou un quart de douche par enfant ? Une chasse d’eau par jour et par personne ?

M. Didier Guillaume. Mme la ministre a raison, cela ne tient pas debout !

Mme Ségolène Royal, ministre. Une telle solution ne me paraît pas réalisable, même si j’en comprends l’idée, qui semble de bon sens : la mise en œuvre porterait atteinte à la dignité élémentaire de tout être humain et à son droit d’accéder à l’eau et donc à l’hygiène publique. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)