M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Gérard Bailly. … avec des conséquences graves sur l’emploi, mais aussi, à moyen terme, pour la sécurité alimentaire dans notre pays et la qualité de notre environnement. (Très bien et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le rôle et la place de la grande distribution. Cependant, vous avez omis certains éléments dans votre propos. (Ah ? sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Fouché. Notre collègue dit des choses vraies !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Plusieurs sanctions ont, en effet, été prises à l’encontre des organisations de producteurs, mais vous avez oublié de rappeler que des sanctions ont aussi porté sur les distributeurs, qui se sont d’ailleurs exprimés à ce sujet. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je rappelle simplement, à tout hasard, qu’un grand distributeur souvent cité s’est vu infliger une sanction de 60 millions d’euros, supérieure à celle qui a été évoquée précédemment.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la loi sur la modernisation de l’économie, dite loi LME, qui à l’époque a été adoptée par la majorité du Sénat – vous reconnaissez vous-même qu’il s’agissait d’une bonne loi – visait justement à renforcer le rôle et la place de la grande distribution.

Je constate avec étonnement que vous découvrez seulement aujourd’hui, après avoir voté cette loi, l’enjeu du problème de la grande distribution, à savoir l’équilibre qu’il faut trouver entre la transformation et la grande distribution.

Bien avant le 17 juin, nous avons engagé un travail afin de modifier ces rapports de force et de renégocier, notamment dans le cadre de la loi Hamon, des accords commerciaux conclus entre la grande distribution et les transformateurs dès lors que les coûts de production évoluent. Nous devons discuter autour d’une table afin de trouver ensemble la manière d’augmenter les prix tout en permettant aux producteurs d’en bénéficier.

Monsieur le sénateur, ces mesures sont bien la preuve d’un rééquilibrage, et, même si nous sommes encore loin de l’objectif, un réel engagement a été pris par l’ensemble des acteurs concernés.

Conformément aux propos tenus par M. le président ce matin sur ces questions, je vous rappelle que, si nous voulons sortir de la crise, nous ne pourrons le faire que collectivement,…

M. Michel Magras. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … et à condition de ne plus nous renvoyer mutuellement la responsabilité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le sénateur, je vous le redis, la responsabilité est d’abord collective ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

agriculture

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.

M. Jacques Mézard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Nous savons tous aujourd’hui, quelle que soit notre sensibilité politique, les difficultés que connaissent nos exploitants agricoles. Ceux-ci vivent de plus en plus mal les crises, cycliques, auxquels ils sont confrontés. En effet, les coûts de production sont supérieurs aux coûts de vente ; personne ne peut accepter de telles situations.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, comme nous vous l’avons dit, vous avez très judicieusement négocié la politique agricole commune. Néanmoins, le problème aujourd’hui est que, au sein de la trilogie entre producteurs, transformateurs et distributeurs, tout le monde n’est pas traité sur un pied d’égalité.

Lorsque nos exploitants agricoles lisent dans la presse que les grandes fortunes appartiennent souvent à la grande distribution, alors qu’eux n’arrivent pas à assumer la simple rentabilité de leurs coûts de production, la fièvre monte ! Ce n’est pas de la démagogie ; c’est une simple constatation. Le thermomètre s’élève désormais à 40 degrés !

La responsabilité n’incombe pas au seul Gouvernement ; elle est collective. Nous avons l’obligation de répondre à cette inquiétude, d’autant que dans certains territoires, en particulier les territoires ruraux, d’autres difficultés s’y ajoutent, monsieur le ministre. Chaque fois qu’une exploitation ferme et qu’une lumière s’éteint dans une ferme chez nous, c’est la vie qui s’en va.

M. Jacques Mézard. Nous nous devons d’apporter des réponses à cet égard.

Pour ma part, je souhaiterais simplement vous poser quatre questions précises, parce que nous avons besoin d’éléments précis pour répondre aux situations les plus urgentes avant d’envisager la situation à moyen et à long terme.

Premièrement, en ce qui concerne l’étiquetage, pouvez-vous faire quelque chose de plus pour préserver nos productions de viande ?

Deuxièmement, vous avez parlé de cellule de crise, mais nous en avons très peu observé sur le terrain. Néanmoins, l’important réside dans la réponse apportée par ces cellules de crise dans les départements face à l’urgence du problème que rencontrent nos agriculteurs.

Troisièmement, pour résoudre le problème de la contractualisation, il faut impérativement tenir compte des coûts de production. Qu’allez-vous faire de plus à ce niveau-là ?

Quatrièmement, pouvez-vous accélérer la mise en place de la PAC, dont nous avons besoin ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC, et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. J’ai été élu d’une commune de 256 habitants dans un canton de Loué : ce n’est pas le Cantal, ni le Calvados, ni la Drôme. Néanmoins, je suis parfaitement conscient des difficultés que traverse l’agriculture.

En ce qui concerne la grande distribution, on peut continuer à penser qu’il existe un unique responsable, dont la condamnation suffirait à résoudre le problème.

M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas du tout ce que dit M. Mézard !

M. Stéphane Le Foll, ministre. On pourrait aussi considérer que la question des grandes fortunes mérite un accord concernant l’impôt de solidarité sur la fortune,…

M. Alain Fouché. Je ne vois pas le rapport !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … de telle sorte que chacun paie à la hauteur de son revenu. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Ladislas Poniatowski. Vous bottez en touche !

M. Jean-Noël Cardoux. C’est n’importe quoi !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, le problème ne sera réglé que si on parvient en France, comme dans d’autres pays européens, à trouver des compromis avec les agriculteurs entre des intérêts souvent divergents.

Vous m’avez interrogé sur les cellules de crise. Celles-ci existent, je l’ai dit, depuis le 18 février. (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Ne dites pas « non », la parole de l’État est engagée ! (Exclamations sarcastiques sur les mêmes travées.) Les préfets ont mis en place ces cellules d’urgence depuis le 18 février, et je vous invite à vérifier rapidement auprès d’eux cette information.

Ensuite, 25 millions d’euros ont été mobilisés pour ces cellules de crise à la fois pour l’effacement des cotisations de charges MSA et le fonctionnement du fonds d’allégement des charges pour les agriculteurs. Avec le Premier ministre, nous travaillerons pour augmenter les moyens susceptibles d’être mis en œuvre par ceux qui ont investi, notamment les jeunes agriculteurs, et risquent d’échouer à pérenniser leur exploitation du fait de la crise.

Vous m’avez aussi interrogé sur un certain nombre de questions relatives à l’ensemble des filières, mais des divergences importantes apparaissent entre elles.

En ce qui concerne le lait, par exemple, le problème se situe à l’échelle internationale et touche autant des entreprises privées que des coopératives. Nous devrons travailler aussi bien sur l’aspect conjoncturel que sur le moyen et le long terme.

L’étiquetage que vous avez évoqué se pose, quant à lui, à l’échelle européenne. Toutefois, les industriels étant implantés partout en Europe, aucune majorité ne se dégage à ce sujet.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous ferons tout pour mettre en œuvre un étiquetage volontaire de l’origine du produit à travers la segmentation. La création du label « Viandes de France », mis en place en 2014 lors du salon de l’agriculture, va dans ce sens.

Notre stratégie consiste donc à soutenir les prix en segmentant notre production et en affinant les indications d’origine. C’est ainsi que le consommateur acceptera de payer plus cher. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Fabienne Keller et M. André Reichardt applaudissent également.)

accord avec l’iran

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Bariza Khiari. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Monsieur le ministre, depuis presque douze ans, la crise du nucléaire iranien remet en cause le traité de non-prolifération nucléaire, élément essentiel de l’ordre international et de notre sécurité collective.

En dix ans, les sanctions n’ont permis ni d’enrayer le programme nucléaire ni de fragiliser le régime. En revanche, elles ont pesé lourd dans le quotidien de près de 80 millions d’Iraniens.

L’accord signé à Vienne éloigne la menace de la prolifération, et vous avez œuvré pour cela.

Je dois avouer, monsieur le ministre, que j’avais du mal à comprendre votre intransigeance lors des négociations de Genève, mais, mea culpa, force est de constater que cette inflexibilité a été constructive, puisque vous êtes finalement parvenu à un accord solide.

L’option militaire contre l’Iran avait été envisagée voilà quelques années, et c’est finalement la voie diplomatique qui a prévalu. Ce succès ne consacre pas un camp contre un autre, mais garantit la non-prolifération, qui est un bien commun de l’humanité. Je salue, monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste et républicain, cette magnifique victoire diplomatique.

Vous n’avez jamais dévié de votre ligne puisque les points centraux de cet accord, très technique, portent essentiellement sur la transparence et les vérifications, y compris sur les sites militaires, la limitation durable d’enrichissement d’uranium et de production de plutonium, le maintien de l’embargo sur les armes conventionnelles et les missiles balistiques, la levée progressive des sanctions, ainsi que le rétablissement automatique des celles-ci en cas de non-respect de l’accord par l’Iran.

Bien sûr, se sont élevées des voix dissonantes : le parti républicain américain, la droite dure de Benyamin Netanyahou, l’aile ultraconservatrice des mollahs et quelques autres, bref, une « internationale des faucons » qui avait intérêt à maintenir l’état de crise.

En Iran, la perspective de renouer des échanges économiques et commerciaux avec le monde s’est exprimée dans la joie.

Monsieur le ministre, les conditions sont maintenant réunies pour répondre à l’invitation de votre homologue iranien. Comment peuvent évoluer nos relations bilatérales ? Par ailleurs, quelles pourraient être les retombées de cet accord sur les équilibres régionaux et sur le cours des conflits qui ravagent le Moyen-Orient ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la sénatrice, un mot sur cet accord et un mot sur le futur.

Vous avez parlé d’intransigeance ; je n’aurais pas choisi ce terme. Avec le Président de la République, nous avons défini quelle devait être l’attitude de la France : nous avons parlé de fermeté constructive. Pourquoi ? Parce qu’il s’agissait de savoir si oui ou non, l’Iran, qui a parfaitement le droit de disposer du nucléaire civil, pouvait ou non se doter de la bombe atomique. Nous avons répondu « non ».

C’est une affaire extrêmement sérieuse, technique, précise. Il fallait donc que, sur les points en discussion – vous en avez cité quelques-uns –, nous soyons fermes, qu’il s’agisse de la limitation à la fois du stock d’uranium et du niveau d’enrichissement – nous sommes passés de plusieurs tonnes d’uranium à 300 kilogrammes et leur taux maximum d’enrichissement est passé de 20 % à 3,67 % – ou du nombre de centrifugeuses, dont le nombre est passé de 20 000 à 5 060.

Il fallait faire en sorte également que le réacteur d’Arak ne puisse plus dégager de plutonium de quantité et de qualité militaires. C’était une condition – parmi d’autres – que posait la France, et elle a été satisfaite.

Telle était la raison de notre fermeté constructive. Mais il en existait une autre : si l’accord avait été signé – on pouvait tous signer – mais qu’il n’avait pas été robuste, quelle aurait été la réaction des pays voisins ? Je pense à l’Arabie Saoudite, je pense à l’Égypte, je pense à la Turquie ou à d’autres pays. Ils nous auraient dit ceci : « Vous avez signé, mais nous ne croyons pas à l’efficacité de votre signature, et nous-mêmes, nous allons nous doter de l’arme nucléaire. » À ce moment-là, le Moyen-Orient, qui est déjà éruptif, serait devenu entièrement nucléarisé. C’est la raison pour laquelle la fermeté constructive de la France, avec d’autres, a permis cet accord.

S’agissant du futur, pour ce qui est des relations entre l’Iran et la France, nous espérons qu’elles ne vont pas cesser de s’améliorer. Je me rendrai moi-même bientôt dans ce pays pour examiner l’ensemble de nos relations. Cependant, gardons-nous de tout pronostic, car, comme le disent certains, l’Histoire n’en sait jamais rien.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Nous verrons et jugerons la politique extérieure de l’Iran sur pièces. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)

agriculture

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Raison. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Monsieur le ministre, je vous pose cette question avec gravité, mais également avec une sérénité que je souhaiterais réciproque.

Nos paysans sont en désespérance, mais je sais que vous en êtes conscient, ce dont je vous remercie. Je sais aussi que la crise, vous n’en êtes pas la cause, monsieur le ministre ; mais vous en êtes le médecin. (Sourires.)

Nos paysans ont besoin d’être entendus, écoutés et défendus : défendus à tous les niveaux, pour toutes leurs causes, y compris lorsque leur honneur est attaqué tout au long de l’année, même en l’absence de crise, car le moral d’un chef d’entreprise, c’est aussi très important.

Je reviens à la crise.

Vous nous avez dit que vous aviez donné l’ordre aux préfets de mettre en place des cellules de crise, et c’est une bonne chose. Quelques problèmes de connexion internet doivent néanmoins se poser par-ci par-là (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.), car, après quelques vérifications, y compris dans mon propre département, la Haute-Saône, il apparaît qu’aucune consigne n’a été donnée, ni à la direction départementale des territoires ni au préfet. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.) Je le répète, dans certains départements peut-être, les connexions ne se sont pas faites.

Ces cellules de crise sont importantes pour étudier les problèmes de court terme, de trésorerie, de désendettement. Au demeurant, monsieur le ministre, vous avez aussi un rôle important à jouer à brève échéance. À la suite de l’accord essentiel qui a été conclu le 17 juin, j’ai cru comprendre, au travers de vos interventions, que vous aviez commencé à sortir de votre rôle de greffier. En effet, il va falloir faire appliquer cet accord.

Si l’on prend l’exemple du lait, il manque une trentaine d’euros par tonne pour obtenir un chiffre à peu près décent permettant aux agriculteurs de survivre.

Les banques se seraient quant à elles engagées à moduler les emprunts. Cela me semble très important dans la période actuelle.

Je m’arrêterai quelques instants sur le dossier européen.

Après l’instauration des quotas laitiers, tous les systèmes de régulation ont été mis en sommeil, ce que l’on peut comprendre. Aujourd’hui, monsieur le ministre, il faut réveiller ces régulateurs, car ils se révèlent indispensables en permanence lorsqu’un marché s’est libéralisé, a fortiori en période de crise conjuguée à une période de sécheresse.

Vous allez me répondre que les pays du Nord, que l’Allemagne ne sont pas très chauds pour mettre en place ces régulations.

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

M. Michel Raison. Or, depuis le 14 juillet, je suis rassuré, car j’ai entendu le Président de la République dire qu’il était devenu quasiment le président de l’Europe et qu’il était capable de faire plier les autres pays européens, y compris l’Allemagne. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) La situation est suffisamment grave pour qu’il vous accompagne, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez entamé votre question avec beaucoup de sérénité et vous avez souhaité une réponse aussi sereine de ma part, parce que la situation est grave.

M. Bruno Sido. Il vous taquinait !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez conclu de manière un peu plus ironique, mais on ne vous en voudra pas : je pense que vous êtes là pour la bonne cause. En tout cas, c’est ce que vous avez souhaité indiquer.

S’agissant des quotas laitiers, monsieur le sénateur, à l’occasion d’un bilan de santé de la PAC en 2008, leur disparition avait été prévue. Je vous le dis au passage : étant député européen à l’époque, j’ai voté contre la suppression de ces quotas, ce qui me permet de vous en parler aujourd’hui en toute tranquillité.

François Patriat me rappelait comment ont été mis en place ces quotas laitiers et les reproches adressés à l’époque à ceux qui en avaient été chargés. Je ne vous fais pas de dessin, chacun en a un souvenir sûrement très précis.

Pour ce qui est de la régulation de la production laitière, depuis que j’ai pris mes fonctions, en 2012, et avant même que la crise du lait n’éclate, j’ai demandé quatre fois au conseil des ministres européens de discuter de la gestion « post-quotas ». J’avais bien conscience que la crise du lait que vous aviez vécue en 2008 alors que vous et vos amis politiques étiez aux responsabilités pouvait se reproduire.

Or, entre 2012 et aujourd’hui, pas un seul pays n’a souhaité discuter de ce problème, car tout le monde s’est tourné vers le grand marché chinois. Comme l’a rappelé l’une de vos collègues, même les Chinois viennent investir en France pour produire de la poudre de lait destinée à leur marché. Ainsi, tous les pays européens – l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Irlande, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Pologne – se sont fixé un objectif : exporter de la poudre de lait en Chine.

Comme tout le monde a eu la même idée en même temps, on a fini par saturer l’offre et la demande. C’est ce qui explique la difficulté dans laquelle on se trouve aujourd’hui. Cela fait trois ans que je dis à tous mes collègues : « Vous allez voir, si nous ne nous coordonnons pas – et il ne s’agit pas d’en revenir aux quotas – sur les objectifs visés par l’Europe en matière d’exportation, nous finirons par nous marcher les uns et les autres sur les pieds et avec des conséquences pour les producteurs laitiers. » Nous y sommes !

Il va donc falloir trouver des solutions « post-quotas ». J’ai proposé à la Commission d’augmenter le prix d’intervention sur le lait, qui est un élément du signal envoyé vers le marché laitier. En même temps, j’ai dit que, lorsqu’un pays demandait cette intervention, il fallait qu’il soit capable de maîtriser sa propre production ; à défaut, la production augmentera et on produira pour l’intervention : ce sera le retour aux années qui ont conduit aux quotas laitiers ! Il faut mettre en place ce nouveau mécanisme.

Je le dis aujourd’hui devant le Sénat : voilà la proposition que j’ai faite. Si vous la trouvez judicieuse, je vous propose de m’aider à convaincre tous nos partenaires,…

M. Michel Raison. D’accord !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … en particulier l’ensemble des parlements à l’échelle européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jean-Claude Requier et Michel Le Scouarnec applaudissent également.)

agriculture

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains.

M. Daniel Gremillet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Monsieur le ministre, c’est également avec une certaine solennité que je vous interroge.

Monsieur le président, ce n’est pas le fruit du hasard si a eu lieu ce matin, organisée par le Sénat des territoires, cette conférence agricole consacrée notamment à l’élevage. Si je l’évoque à cet instant, c’est parce qu’effectivement l’élevage est souvent le dernier rempart avant la désertification d’un certain nombre de territoires. C’est un enjeu stratégique pour les éleveurs bien sûr, c’est un enjeu stratégique pour l’économie locale, c’est un enjeu stratégique pour nos territoires.

Actuellement, pour ne parler que du grand Ouest, chaque jour une exploitation porcine ferme ses portes. Fragilisées, ces exploitations disparaissent les unes après les autres, souvent en silence.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure le budget de l’Union européenne. Oui, je fais partie de ceux qui ont admis que la France s’était bien défendue et avait obtenu un bon budget pour la politique agricole commune. Vous n’avez fait que poursuivre l’œuvre du gouvernement précédent et du ministre compétent. (M. le ministre se montre dubitatif.)

Monsieur le ministre, je vous vois hocher la tête. Sincèrement, c’est ainsi que les choses se sont passées, et votre action s’est révélée tout à fait positive. Toutefois, il ne faut pas s’arrêter à ces questions budgétaires, car, au-delà, il faut tenir compte de la réalité de la vie ; et la réalité est celle-ci : dans quelques jours, ce sera le premier anniversaire de l’embargo russe, dont les éleveurs et les producteurs de fruits et légumes supportent seuls les conséquences économiques, dans leurs fermes, dans leurs territoires. Cela nécessite des mesures spécifiques.

Monsieur le ministre, vous me demandez de vous citer des exemples. Je vais vous en citer trois, très rapidement.

Premièrement, les OGM.

Deuxièmement, la sécheresse. La France est un pays qui a la chance de pouvoir disposer d’eau ; si au moins on avait la capacité de la stocker ! Il n’y a qu’à voir les difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans nos territoires pour prendre des mesures permettant à l’agriculture d’être effectivement productive !

Troisièmement, la fiscalité.

Monsieur le ministre, et ce sera là ma question, comment expliquez-vous que la France, auparavant sur le podium, soit passée pour l’agroalimentaire et l’élevage de la deuxième à la troisième place, et qu’elle se trouvera bientôt au quatrième rang de l’Union européenne ?

Monsieur le ministre, nous avons débattu hier dans cet hémicycle de la solidarité communautaire à l’égard du peuple grec. Plus proches de nous, certaines souffrances nécessitent des réponses, lesquelles ne peuvent pas se limiter à la simple nomination d’un rapporteur. Considérez-vous que l’élevage français doive désormais être confiné pour occuper une place de strapontin au sein de la zone euro et sur la scène internationale ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, j’ai déjà eu l’occasion de répondre à cette question : je n’envisage pas que l’élevage en soit réduit à occuper un strapontin. Je vous rappelle que le décrochage de la France au niveau agricole et agroalimentaire date des années 2008-2009.

Vous vous êtes montré tout à fait correct, et donc je le serai moi aussi, mais voici la réalité : c’est à ce moment-là que nous avons décroché. Nous allons devoir rattraper le retard que nous avons pris. Pour cela, il sera nécessaire de mobiliser la politique agricole sur l’ensemble du territoire, et il faudra du temps pour restructurer et réorganiser l’ensemble de nos filières.

Il faudra également investir.

Si je prends la filière porcine, voire la filière laitière, le constat que j’ai dressé quand nous sommes arrivés était très clair : c’est le manque d’investissement non pas depuis 2012 mais depuis plusieurs années qui explique en partie que nous ayons perdu de la productivité et de la compétitivité, qui sont essentielles pour permettre à l’agriculture française d’assurer sa place et de tenir son rôle au sein de l’Europe et dans le monde.

En relation avec la profession et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, ou FNSEA, nous avons dégagé 200 millions d’euros sur les aides du premier pilier pour investir dans les bâtiments.

Une mobilisation est aujourd’hui nécessaire.

Vous avez parlé des différentes contraintes et vous avez évoqué à cette occasion les OGM. Monsieur le sénateur, je l’ai déjà dit : dans le domaine de la génétique et des OGM, une page a été tournée. Le fait de disposer d’OGM résistant à un herbicide ou d’être producteur de pesticides donne-t-il de la compétitivité ? Personne n’est capable de le dire ou de le démontrer ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.) Aussi, ne prenez pas cet exemple !

S’agissant de la question de l’eau, dès ma prise de fonctions, j’ai fait partie de ceux qui ont défendu la sortie du moratoire sur la construction de retenues. Je l’ai déjà exposé dix fois, en particulier aux écologistes : les retenues d’eau ne sont pas destinées à l’irrigation des cultures de maïs ; aujourd’hui, on a besoin d’eau pour maintenir le pâturage et l’élevage partout dans les régions de France. Voilà l’enjeu ! Ce débat doit être dépassionné et replacé dans une juste perspective. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.) L’eau est pour l’agriculture et l’élevage un enjeu majeur.

Jamais il n’a été question pour moi de donner à l’élevage français une place équivalant à un strapontin. Au contraire, depuis que je suis au ministère de l’agriculture, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, j’ai remis sur la table – et contrairement à ce qui avait été engagé – le couplage des aides, en particulier pour l’élevage.

L’élevage doit être considéré comme un enjeu spécifique dans l’agriculture de notre pays. Il y va de l’aménagement de son territoire et de notre capacité économique à peser sur les grands choix alimentaires du monde de demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

projet de loi notre (nouvelle organisation territoriale de la république)