M. Didier Guillaume. Ils ne paient pas d’impôts !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … dont beaucoup partent sans doute pour des raisons professionnelles. Cela semble logique, eu égard à la mondialisation des échanges, des études ou des premières expériences professionnelles. En tout état de cause, monsieur le rapporteur général, soyez assuré que nous surveillons de près l’évolution de ces chiffres.

Vous prétendez, monsieur Delahaye, que le produit de l’impôt sur le revenu augmentera de 2,8 milliards d’euros l’an prochain. Je maintiens que, en net, la hausse ne sera que de 800 millions d’euros, du fait de la suppression de la prime pour l’emploi, laquelle constitue une dépense fiscale de 2 milliards d’euros. Il est faux de dire que le produit de l’impôt sur le revenu augmentera de 2,8 milliards d’euros.

Enfin, on peut discuter à perte de vue de la notion de classe moyenne. Vous dites que la classe moyenne relève de la tranche à 30 %. Pour y entrer, il faut gagner 27 000 euros par part fiscale. Chacun appréciera, sachant que, en outre, seule la part des revenus excédant ce seuil est assujettie au taux de 30 %, et non l’ensemble des revenus, contrairement à ce que pensent souvent les Français. Pour payer 30 % d’impôt sur l’ensemble de ses revenus, il faut donc que ceux-ci soient beaucoup plus élevés, d’autant que la décote s’applique de surcroît.

Bien entendu, on peut avoir des points de vue radicalement différents sur la définition de la classe moyenne, mais, pour l’ancien professeur de mathématiques que je suis, la moyenne, c’est ce qui se situe au milieu… Dans la mesure où plus de la moitié des Français ne payent pas d’impôt sur le revenu, je ne crois pas que ce soit le cas de ceux de nos concitoyens qui relèvent de la tranche à 30 % !

En conclusion, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.

En ce qui concerne l’impôt minimum, qui serait l’impôt citoyen, beaucoup ont anticipé ma réponse ! Oui, la TVA rapporte près de 160 milliards d’euros ; tout le monde la paie, pas toujours au même taux, la consommation des uns n’étant pas identique à celle des autres. Oui, la CSG rapporte 90 milliards d’euros ; tout le monde la paie aussi, au même taux, hormis pour les revenus de remplacement. Au total, on peut estimer que c’est trop progressif ou pas assez.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite, en conclusion, à bien regarder les chiffres, qui vont souvent à l’encontre des idées reçues, ou répandues avec plus ou moins d’honnêteté intellectuelle… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes habile à manier les statistiques, d’autant que vous êtes effectivement un ancien professeur de mathématiques…

Pour autant, vous raisonnez sur la part du produit de l’impôt sur le revenu acquittée par le dernier décile, tandis que, pour notre part, nous visons les classes moyennes. Or nous constatons que, à la suite des mesures que vous avez décidées, telles que la création de la tranche à 45 % ou la suppression de la tranche à 5,5 %, les classes moyennes ou moyennes supérieures payent davantage d’impôt sur le revenu, à revenus et situation identiques. Je comprends que vous préfériez parler du dernier décile, mais, pour la classe moyenne, il est certain que la fiscalité s’est alourdie.

Quant au sparadrap de la fiscalité, vous avez, vous aussi, du mal à le décoller, même si vous vous y essayez avec un certain talent !

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Je veux d’abord saluer la réponse très précise et concrète de M. le secrétaire d’État sur des sujets imaginés…

L’augmentation des impôts a été la même durant la période 2009-2012 et depuis 2012, mais il y a une différence très claire : ce gouvernement est le premier à mettre en œuvre concrètement, depuis deux ans, des baisses d’impôt sur le revenu, à hauteur de 5 milliards d’euros au total, au profit des deux tiers des ménages. Ce n’est tout de même pas rien, et il serait étonnant que les classes moyennes ne se trouvent pas en grande partie dans ces deux tiers…

À l’occasion de l’examen du dernier grand budget de la mandature, nous serons très attentifs aux propositions de réduction d’impôts de la droite. Il y a déjà 2,3 milliards d’euros au compteur, à mettre en regard des 100 milliards à 150 milliards d’euros d’économies à venir annoncés par ses différents leaders

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Il est difficile pour moi, qui suis plus familier des questions sociales, d’intervenir après M. le secrétaire d’État.

Je voudrais cependant partager avec vous les conclusions d’une très récente étude de l’INSEE : en 2014, on a constaté une réduction, faible mais réelle, des inégalités dans notre pays. Le niveau de vie des 10 % les moins favorisés, ceux dont le revenu est inférieur à 9 000 euros par an, a ainsi légèrement progressé l’an dernier, alors que celui de la moitié la plus modeste des ménages est resté globalement stable.

Des mesures telles que la revalorisation du revenu de solidarité active ou celle du minimum vieillesse ont permis cette évolution. Sans les dispositions fiscales et sociales prises au titre de 2014, le niveau de vie des 10 % des Français les plus riches aurait été 6,4 fois – et non 6,32 fois – supérieur à celui des 10 % les plus pauvres. Sans surprise, l’INSEE ajoute que, pour les trois quarts, la réduction des inégalités est imputable aux réformes de l’impôt sur le revenu.

Ces évolutions restent bien sûr modestes, mais elles vont dans le bon sens. Je suis de ceux qui ne sont pas insensibles au fait que les inégalités se réduisent dans notre pays !

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. L’orateur précédent n’a pas dit que cette étude de l’INSEE montre aussi que 80 % des ménages, soit 19 millions, ont vu leur niveau de vie baisser. On réduit donc les inégalités en baissant le niveau de vie de 80 % des ménages ! C’est une précision d’importance…

Monsieur le secrétaire d’État, je demeure en désaccord total avec votre manière de calculer l’augmentation du produit de l’impôt sur le revenu ! Certes, la suppression de la prime pour l’emploi représente une réduction de 2 milliards d’euros, mais celle-ci est annulée par la modification du calcul de la décote. Le produit de l’impôt sur le revenu augmentera donc bien de 2,8 milliards d’euros en 2016, et non de 800 millions d’euros, comme vous le prétendez. D’ailleurs, le projet de budget prévoit qu’il atteigne 72,3 milliards d’euros l’an prochain, contre 69,6 milliards d’euros en 2015.

En outre, s’il est vrai que, en 2010 comme en 2016, 46 % des foyers payaient l’impôt sur le revenu, le produit de ce dernier a toutefois augmenté de 25 milliards d’euros durant la même période… C’est considérable, et ce surcroît d’impôt n’est pas supporté uniquement par le dernier décile !

Je reconnais que cette situation résulte en partie de dispositions prises avant votre arrivée aux responsabilités. Mon groupe ne les avait d’ailleurs pas nécessairement approuvées. Pour ma part, je préfère une baisse de la dépense publique à une hausse des impôts.

Je retire l’amendement n° I-373, qui constituait plutôt un amendement d’appel, et l’amendement n° I-389, au profit de celui de la commission des finances.

M. le président. Les amendements nos I-373 et I-389 sont retirés.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Si l’on veut vraiment redonner toute sa place à l’impôt et le faire accepter par nos concitoyens, il faut que ceux-ci comprennent bien qu’il contribue à procurer à l’État les moyens d’assumer ses responsabilités et de financer les services publics. Il faut aussi qu’il soit juste et à proportion des revenus des foyers.

Or, on ne parle que de l’impôt sur le revenu, en oubliant le poids de la CSG et de la TVA pour les plus modestes ; il est alors facile de prétendre que certains contribuables sont trop imposés. Pour analyser correctement la situation, il faut prendre en compte l’ensemble des impôts payés par les ménages.

Je disais tout à l’heure que le taux réel d’imposition des titulaires des plus hauts revenus, compte tenu de l’ensemble des déductions fiscales dont ils peuvent bénéficier, n’est que de 12,9 %.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est plutôt 13,9 %.

Mme Marie-France Beaufils. Je vous laisse le soin de préciser les chiffres, monsieur le secrétaire d’État, mais on ne peut pas prétendre qu’il y a confiscation. Je ne partage pas du tout le point de vue du rapporteur général à cet égard.

C’est pourquoi nous proposons de rendre l’impôt sur le revenu beaucoup plus progressif et de mieux prendre en compte toutes les formes d’imposition qui pèsent sur les ménages.

Voilà quelques années, j’avais calculé, avec les services de la direction générale des finances publiques, le produit cumulé de l’impôt sur le revenu, de la TVA et de la CSG selon les différentes tranches du barème. Il serait intéressant de mettre ce travail à jour !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je ne surprendrai personne en disant que mon groupe ne votera aucun des amendements présentés, pour les raisons excellemment indiquées par le secrétaire d’État : soit ils remettent en cause la progressivité de l’impôt sur le revenu, soit ils sont confiscatoires. En effet, madame Beaufils, je doute que les relèvements de taux que vous proposez trouvent grâce aux yeux du Conseil constitutionnel !

Mme Marie-France Beaufils. Ce n’est pas ce qui nous arrêtera !

M. Richard Yung. Monsieur Delahaye, un grand quotidien du soir indiquait hier que la France se classe au troisième rang mondial en termes de niveau de vie, derrière les États-Unis et l’Allemagne.

M. Vincent Delahaye. Je citais l’étude de l’INSEE !

M. Richard Yung. Les descriptions apocalyptiques de la situation de notre pays ne me semblent donc guère fondées…

Quant à l’expatriation fiscale, il s’agit d’une vieille lune, d’une antienne dont on nous rebat les oreilles, à nous représentants des Français de l’étranger. Certains de nos compatriotes partiraient à l’étranger parce que la France est devenue un pays invivable : c’est le grand thème du déclinisme !

M. Philippe Dallier. C’est vous qui le disiez quand vous étiez dans l’opposition !

M. Richard Yung. Les exilés fiscaux, s’il en existe, partent à cause non pas de l’impôt sur le revenu, car celui-ci se situe dans la moyenne européenne, mais de la fiscalité pesant sur le patrimoine ! Ils s’installent dans les quartiers chics de Bruxelles en vue de réaménager la structure de leur patrimoine et de préparer leur succession. Il n’est donc pas pertinent, monsieur le rapporteur général, d’invoquer la lourdeur de l’impôt sur le revenu à leur propos. Pour avoir été exilé pendant trente-cinq ans, je sais ce qu’il en est !

M. Philippe Dallier. Pas pour des raisons fiscales, quand même ?

M. Richard Yung. Allez savoir ! (Sourires.)

J’ajoute que l’on ne compte pas non plus les personnes qui viennent s’installer en France. Je ne sais pas comment on pourrait les appeler…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les « impatriés » !

M. Richard Yung. Voilà ! Ils ont même un statut particulier…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ils sont rarement motivés par des raisons fiscales !

M. Richard Yung. Ce qui compte, c’est le solde entre les entrants et les sortants.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Mme Beaufils a exposé notre position mieux que je n’aurais su le faire.

Je ferai observer à nos collègues du groupe socialiste et républicain que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, nous avions voté ensemble un certain nombre de mesures tendant à renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu. Or, depuis, les choses ont certes changé, mais pas dans un sens progressiste. Avant 2012, vous étiez d’accord pour rétablir la demi-part fiscale des veuves : une fois aux responsabilités, vous ne l’avez pas fait. Je pourrais aussi évoquer, dans le même ordre d’idées, l’aide juridictionnelle ou la suppression de la taxation des indemnités perçues par les accidentés du travail.

Prenez les positions politiques et économiques qui vous paraissent indiquées, mais restez humbles et ne venez pas nous dire, dans cette enceinte, que les inégalités seraient en diminution en France et que nos concitoyens paieraient moins d’impôts ! En tout cas, ce n’est pas ce que ressent le peuple de France. C’est pour cette raison que nous avons déposé ces amendements visant à accroître la progressivité de notre système fiscal et à remettre notre pays sur la voie du progressisme.

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.

Mme Jacky Deromedi. Vivant à l’étranger depuis vingt-six ans, je puis témoigner que jamais nous n’avons vu autant de Français s’expatrier, notamment des jeunes et des cadres. Il ne s’agit pas d’exilés fiscaux, mais de personnes qui ont envie de travailler beaucoup et de vivre convenablement, sans être obligées de consacrer la plus grande partie de ce qu’elles gagnent au paiement de leurs impôts.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je n’ai pas grand-chose à ajouter après l’intervention de M. Foucaud, si ce n’est que nos collègues socialistes donnent le sentiment d’essayer de se rassurer… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Souvenez-vous de l’état de panique dans lequel vous vous trouviez, il y a quelques semaines, lorsque vous vous êtes rendu compte que vous aviez oublié de prendre en compte les conséquences de la suppression de la demi-part des veuves ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Comme l’a dit notre collègue Foucaud, que n’avez-vous rétabli la demi-part des veuves depuis que vous êtes revenus au pouvoir ? Vous ne l’avez pas fait, alors ne venez pas nous raconter d’histoires aujourd’hui !

M. Didier Guillaume. C’est comme les 35 heures : vous avez été dix ans au pouvoir et elles sont toujours là !

M. Philippe Dallier. Plongés dans la panique la plus complète, vous avez présenté un nouveau dispositif. Maintenant, à coup de statistiques, vous essayez de vous rassurer.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison : nous avons traîné le sparadrap de la loi TEPA pendant cinq années. Pour votre part, c’est du sparadrap du matraquage fiscal que vous aurez du mal à vous défaire ! Quoi que vous en pensiez, quoi que vous en disiez, les Français garderont en mémoire que vous avez écrasé d’impôts particuliers et entreprises. Aujourd’hui, vous tentez plus ou moins de corriger le tir, mais les Français n’oublieront pas. En 2016, de nombreux maires seront contraints d’augmenter les impôts locaux, parce que vous étranglez financièrement les collectivités territoriales. Vous en porterez la responsabilité. Or ceux qui paient la taxe d’habitation sont à peu près les mêmes que ceux qui paient l’impôt sur le revenu. Au total, à la fin de ce quinquennat, il est certain que les prélèvements obligatoires n’auront pas baissé.

Je vous donne rendez-vous l’année prochaine. Vous verrez que, quelles que soient les statistiques que vous produirez, les Français ne vous croiront pas, parce qu’ils auront le sentiment justifié que leurs impôts ont largement augmenté !

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. M. le secrétaire d’État a produit des chiffres très intéressants : il faudrait les envoyer à tous les contribuables, pour les convaincre que leurs impôts baissent depuis que vous êtes arrivés au pouvoir… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela ne manquerait pas de les réconforter !

M. Daudigny n’a cité qu’une partie des conclusions du rapport de l’INSEE, qui, comme l’a souligné à juste titre notre collègue Delahaye, montre en réalité que la situation des Français n’est pas aussi brillante qu’il l’a dit. Ainsi, le nombre des chômeurs a augmenté de plusieurs centaines de milliers ces deux ou trois dernières années. Les Français qui rencontrent des difficultés, qui souffrent sont beaucoup plus nombreux qu’auparavant. Par conséquent, n’essayez pas de nous démontrer que la situation de nos compatriotes s’améliore parce que l’on relève une amélioration infinitésimale du niveau de vie moyen !

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Je voudrais expliquer pourquoi il importe de voter l’article 2 sans modification, comme le Gouvernement nous propose de le faire.

Ce débat est technique, certes, mais il est surtout politique.

En présentant ses vœux aux Français, en décembre 2013, le Président de la République a annoncé le pacte de responsabilité et de solidarité. Ce pacte prévoyait 41 milliards d’euros de baisses de charges pour les entreprises, afin d’améliorer leur compétitivité, qui s’était considérablement dégradée après des années de laisser-aller. Il comportait en outre un effort de solidarité en faveur des plus modestes, se traduisant par une augmentation de pouvoir d’achat de 5 milliards d’euros.

Ce programme sera achevé l’année prochaine, ce qui témoigne d’une continuité dans l’action permettant de donner de la visibilité aux acteurs économiques. Depuis trois ans, nous faisons ce que nous avons annoncé. En l’occurrence, la baisse de l’impôt sur le revenu permettra à 12 millions de contribuables parmi les plus modestes de bénéficier d’une amélioration sensible de leur pouvoir d’achat. Pour beaucoup de Français, une baisse d’impôt de 300 à 400 euros, ce n’est pas rien. Cela permet d’améliorer l’ordinaire.

En ce qui me concerne, je serai assez content, à la fin de ce quinquennat, d’avoir porté le sparadrap du pacte de responsabilité et de solidarité, et je plains ceux qui regrettent toujours, tant d’années après, de n’avoir pu se défaire du sparadrap du bouclier fiscal.

L’amendement de M. le rapporteur général s’inscrit bien dans une logique consistant à favoriser certaines catégories aisées. Quant à nous, nous souhaitons améliorer le pouvoir d’achat des plus modestes. Il s’agit bien là de choix politiques !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Les Français sont en état de « saturation fiscale » : ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Président de la République.

M. Didier Guillaume. C’est pour cela que nous baissons les impôts !

M. Roger Karoutchi. Manuel Valls, le Premier ministre que vous avez choisi, dit regretter infiniment la masse d’impôts supplémentaires créés depuis 2012. Et vous venez nous dire que tout va très bien, madame la marquise ! On se demande même pourquoi les Français ne viennent pas vous manifester leur gratitude devant le Sénat ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Oserai-je évoquer M. Macron, qui, de conférence en conférence, n’a de cesse d’affirmer qu’il faut montrer, par des gestes forts, que l’on inverse la tendance en matière de fiscalité ? En réalité, M. le rapporteur général, en défendant un amendement qui s’inscrit dans la ligne tracée par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des finances, ne veut que vous aider ! Suivez Albéric de Montgolfier, et vous aurez quasiment l’impression de soutenir le Président de la République ! (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il est vraiment convaincant !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Ce débat sur la répartition du poids de l’impôt sur le revenu est somme toute habituel. Cette année, la mesure positive sera la restitution, d’une manière ou d’une autre, d’une partie des hausses de fiscalité subies par les Français depuis quelques années. Pour ma part, j’ai l’humilité de reconnaître que la crise a conduit les gouvernements successifs à augmenter la fiscalité pesant sur les citoyens et les entreprises : il faut maintenant mettre en place un mécanisme de restitution, parce que la pression fiscale est devenue un frein trop important pour notre économie, au point de constituer un handicap pour la croissance.

La concentration de l’impôt sur le revenu est évidente. Cela nous amène au débat, déjà engagé depuis quelques semaines au sein de la majorité et à l’Assemblée nationale, sur le prélèvement à la source et l’éventuelle fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Une remise à plat plus globale de notre fiscalité s’impose, parce que, à l’évidence, les choses ne peuvent pas rester en l’état.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que l’on puisse sortir du débat quelque peu répétitif et polémique sur l’optimisation fiscale. Celle-ci a longtemps été uniquement le fait de grands groupes multinationaux et de quelques très grandes fortunes. Aujourd’hui, la problématique de l’optimisation fiscale est devenue plus large et concerne vraisemblablement un nombre plus important de nos concitoyens. Cela mériterait qu’un travail approfondi soit entrepris pour évaluer l’incidence réelle de la concurrence fiscale entre pays. Certes, le mouvement de mondialisation de l’économie pousse des jeunes à s’installer à l’étranger, mais il ne faut pas négliger le fait que certains pays, comme le Maroc ou le Portugal, ont adopté des mesures fiscales très incitatives pour attirer des retraités. Nous avons besoin d’évaluer ces phénomènes avec précision et en toute transparence, afin de pouvoir faire demain des choix avisés, au-delà des préférences des uns et des autres pour le renforcement de la concentration de l’impôt, au nom de la justice, ou pour une plus large répartition de l’impôt, au nom du devoir civique de contribuer aux charges de la société.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Le groupe socialiste et républicain, je tiens à le souligner, n’éprouve aucune autosatisfaction. Nous ne prétendons pas que tout va bien ; il existe des difficultés. Pour autant, chers collègues de la majorité sénatoriale, ne dites pas non plus que tout va mal !

Un budget reflète des orientations politiques : en l’occurrence, la volonté du Gouvernement est de baisser les impôts. Quoi que vous en disiez, quand les gens reçoivent leur avis d’imposition, ils s’aperçoivent que la baisse des impôts est une réalité. Nous ne rencontrons peut-être pas les mêmes personnes, mais je peux l’affirmer ! S’agissant des veuves, il y a peut-être eu un couac, mais le nécessaire a été fait, fût-ce tardivement.

Par ailleurs, certains dénoncent une augmentation des impôts locaux en raison d’une diminution des dotations de l’État aux collectivités territoriales. Quand j’ai quitté la présidence du conseil général de la Drôme, l’État devait au département 325 millions d’euros de dépenses sociales non compensées.

M. Philippe Dallier. Sont-elles compensées aujourd’hui ? Et les communes ?

M. Didier Guillaume. Ne dites pas qu’aujourd’hui tout est noir et qu’auparavant tout était blanc. La baisse des dotations est beaucoup moins importante pour les communes que pour les départements.

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

M. Didier Guillaume. M. Doligé pourrait le confirmer.

Quelles sont nos orientations ? Nous ne souhaitons pas changer notre modèle social. Nous avons fait des choix politiques, que vous avez contestés.

Ainsi, nous avons souhaité créer des postes dans l’éducation nationale, estimant que vous en aviez trop supprimés, ce qui a entraîné des fermetures de classes en zones rurales. Dans tous les départements, les maires, de droite comme de gauche, manifestaient devant l’inspection d’académie pour obtenir des ouvertures de postes. De même, nous avons aussi souhaité créer des postes dans la justice, dans la police, dans la gendarmerie, toujours pour compenser les suppressions de postes que vous aviez décidées.

Tout cela coûte de l’argent, c’est pourquoi nous avons augmenté les impôts de 18,7 milliards d’euros les deux premières années du quinquennat, en établissant la fiscalité des revenus du capital au même niveau que celle des revenus du travail. Pour votre part, vous les aviez accrus de 19 milliards d’euros durant les deux dernières années du quinquennat précédent, mais en instaurant le bouclier fiscal : ce n’est pas la même chose !

En tout état de cause, quoi que vous en disiez, cette année, les Français bénéficieront d’une nouvelle baisse d’impôt sur le revenu. M. le secrétaire d’État l’a excellemment démontré tout à l’heure. Elle ne sera pas suffisante pour revenir au niveau de 2010, mais le Président de la République et le Premier ministre ont décidé qu’il n’y aurait plus aucune augmentation d’impôts.

Nous soutenons la position de M. le secrétaire d’État et ce projet de budget, qui prévoit une baisse de l’impôt sur le revenu pour les classes populaires et les classes moyennes.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. L’impôt sur le revenu est un sujet extrêmement sensible, qui renvoie aux notions de justice ou d’équité. Il y a un gros effort de pédagogie à faire. À cet égard, je tiens à exprimer ma considération à l’ensemble des personnels des services de la direction générale des finances publiques, qui sont à l’écoute des redevables et leur expliquent à quoi sert l’impôt sur le revenu et comment il est établi. Il faut reconnaître que les dispositifs fiscaux sont de plus en plus complexes.

On a toujours le sentiment de payer trop d’impôts, mais les mesures de l’article 2 me semblent aller dans le sens de la justice et de l’équité, en redonnant du pouvoir d’achat aux contribuables modestes. Je voterai donc en faveur de l’adoption de cet article.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. On ne peut pas parler de l’impôt sur le revenu sans évoquer la CSG, que tout le monde paie et qui ne comporte pratiquement aucune progressivité.

Le vrai problème de l’impôt sur le revenu, aujourd’hui, tient à l’importance de la tranche à 30 %. Il faudrait créer des tranches supplémentaires, afin de renforcer la progressivité.

Pour ma part, je suis assez favorable à ce que tout le monde acquitte l’impôt sur le revenu, fût-ce pour un montant symbolique, mais il faut assurer davantage de progressivité, fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG.

C’est pourquoi, même si je ne suis pas d’accord avec les taux proposés, je voterai les deux amendements présentés par nos collègues du groupe CRC. Il faudra bien un jour repenser le barème, en segmentant la tranche à 30 %, aujourd’hui trop large, et en créant des tranches plus basses.