M. Christian Namy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » traduisent la reconnaissance de la nation envers celles et ceux qui ont eu le courage d’affronter les épreuves de l’histoire. Nous savons tous, sur les travées de cet hémicycle, que, au-delà des légitimes et nécessaires indemnités versées à nos anciens soldats et aux victimes de persécutions lors de la Seconde Guerre mondiale, cette mission est devenue indispensable à l’entretien du lien mémoriel entre la nation et l’armée.

L’État consacre un peu moins de 1 % de ses dépenses au financement de l’effort à destination des anciens combattants, soit près de 3,51 milliards d’euros, dépenses fiscales incluses. L’essentiel de cet effort est néanmoins matérialisé par cette mission, dotée de 2,61 milliards d’euros.

Cela a été dit, la baisse des crédits de 4,9 % constatée cette année n’a rien à voir avec l’assainissement de nos finances publiques. Elle est principalement liée à la disparition progressive de nos anciens combattants, qui sont les principaux bénéficiaires des dépenses d’intervention prévues par cette mission. Au sein des associations d’anciens combattants, outre la diminution progressive des effectifs – à titre d’exemple, la Fédération nationale André Maginot aurait perdu près de 10 000 membres l’année dernière –, on trouve de plus en plus de nouveaux membres anciens militaires, mais qui n’ont pas connu l’épreuve du feu.

Notre rapporteur spécial, Marc Laménie, explique dans son rapport que, en dépit de cette baisse, le volume des crédits reste à la hauteur des enjeux et s’adapte mécaniquement à l’évolution démographique de la communauté du souvenir combattant.

Je crois, pour ma part, que nous abordons un véritable tournant dans la définition des objectifs stratégiques de la mission. Le temps passant et emportant avec lui nos anciens combattants, les témoins de notre histoire sont de moins en moins nombreux. La transmission de notre mémoire nationale et la préservation du lien entre l’armée et la nation sont indissociables de leurs piliers traditionnels que sont nos anciens combattants. Toutefois, ces piliers ont besoin d’être consolidés à mesure que le temps passe. Cela est devenu cruellement vrai des anciens combattants de la Première Guerre mondiale, et ce le sera dans quelques années de ceux de la Seconde.

Nous ne pouvons pas laisser les générations futures et actuelles dans l’ignorance du tribut payé par notre pays et par l’ensemble de l’Europe. C’est pourquoi la question des commémorations tend à devenir cruciale, car elles sont nos meilleurs outils pour parvenir à combler le vide laissé par la disparition des témoins directs de notre passé.

Le Président de la République et le Gouvernement ont lancé, dès juillet 2014, à l’occasion du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, ce qui est sans doute le plus grand cycle commémoratif de notre histoire.

Je tiens à saluer cette initiative, historique tant par sa durée – plus de quatre années de commémorations prévues – que par son champ, qui ne se limite pas à notre seul pays. Toute l’Europe participe à ce vaste mouvement de commémoration, à une époque où, depuis la disparition de Lazare Ponticelli, en 2008, nous n’avons plus de témoins vivants de la Grande Guerre.

Il semble raisonnable de dire que, au regard du bilan des opérations et des cérémonies conduites depuis juillet 2014, ce cycle de commémoration est un véritable succès. Plus de 2 000 projets ont été labellisés depuis juillet 2014, dont des centaines d’expositions sur l’ensemble du territoire et la publication de près d’un millier d’ouvrages spécialisés.

Au-delà de ces chiffres, ces premières commémorations ont été un vrai succès populaire, que ce soit sur les sites de la Première Guerre mondiale ou sur ceux de la Seconde.

Pour 2016, près de 23 millions d’euros de crédits sont prévus au titre l’action 02 du programme 167, dédiée à nos politiques de mémoire. Bien que ces crédits diminuent de 5 % par rapport à 2015, du fait de la clôture des cérémonies pour le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils contribueront au financement de deux vastes cycles de commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale liés à deux des plus terribles batailles de notre histoire : la Somme et Verdun.

Concernant la bataille de la Somme, une saison spéciale est prévue dès le mois de février 2016 afin de rappeler la dureté de cet affrontement qui a vu les lignes des belligérants se fracasser les unes contre les autres.

Je rappellerai simplement qu’avec 141 jours de combats et près d’un million de pertes humaines, cette bataille fut l’une des plus meurtrières de l’histoire. Devant de tels chiffres, devant un tel bilan, on ne peut qu’être stupéfait, mais comment rendre un tel événement compréhensible par les générations à venir ? Il est de notre devoir d’élus de veiller à ce que notre politique mémorielle demeure vivante et dynamique, afin de ne pas exclure nos jeunes de ce récit que nous devons à nos morts.

En tant que sénateur de la Meuse, vous comprendrez également que je porte une attention toute particulière à la préparation des commémorations de la bataille de Verdun.

Verdun demeure le symbole ultime d’une guerre de positions implacable. En dépit de son bilan accablant, avec 300 jours de combats et 600 000 morts ou disparus, Verdun a également su s’imposer, dès 1984, comme le symbole de la réconciliation franco-allemande.

La commémoration du centenaire de cette bataille donnera lieu en 2016, dans le département de la Meuse, à de très nombreuses opérations préparées depuis plusieurs mois en liaison avec la mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, présidée par le général Irastorza, qui fait un excellent travail, et le conseil départemental. Le label « Verdun 2016 » permettra ainsi de mettre en évidence les événements les plus notables qui viendront rythmer l’année, les célébrations internationales du 29 mai constituant le point d’orgue de ce cycle.

Aussi ne puis-je que me féliciter que, à cette occasion, le mémorial de Verdun soit inauguré par le Président de la République, François Hollande, en présence de la Chancelière allemande, Angela Merkel, et de vous-même, monsieur le secrétaire d'État.

L’enjeu de ces commémorations est fondamental pour mon département, comme pour la transmission de la mémoire nationale. Nous observons en effet une diversification de l’origine des visiteurs. Il y a traditionnellement une forte affluence de visiteurs allemands ; depuis quelques années, nous accueillons de plus en plus de visiteurs américains ou asiatiques, ce qui prouve la diffusion et l’internationalisation de la mémoire de la Grande Guerre.

L’année 2016 sera principalement consacrée à la requalification des forts de Vaux et de Douaumont, ainsi que de la Voie sacrée.

Nous avons également pour objectif, à l’horizon 2018, de conduire des cérémonies pour commémorer les événements de l’Argonne et du saillant de Saint-Mihiel, sans oublier, bien évidemment, les commémorations du centenaire de l’armistice, qui seront l’aboutissement de ces quatre années d’engagement de la nation pour le souvenir de nos morts et des guerres passées.

Toutefois, cet effort national pour le centenaire ne saurait s’arrêter brutalement en 2018. Nous avons besoin de relais dans la transmission de la mémoire nationale au moyen d’une politique ambitieuse de commémoration. Cette politique sera difficilement amplifiée par l’État, du fait de sa situation financière. Elle sera également difficilement soutenue par nos territoires, qui connaissent une trajectoire financière tout aussi délicate.

Il existe toutefois des moyens innovants pour atteindre nos objectifs, au travers de l’éducation et du tourisme historique. À ce titre, j’ai engagé avec notre collègue Yves Daudigny, lorsque nous étions présidents de nos conseils généraux respectifs, une action spécifique en vue de faire inscrire au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO l’ensemble des sites mémoriels de la guerre de 1914-1918 situés sur les territoires national et européen. Vous avez d’ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, largement encouragé et soutenu cette entreprise.

C’est à la fois une forme de reconnaissance du travail effectué par le passé, une reconnaissance de la spécificité de ces lieux et une incitation forte pour nos visiteurs à venir découvrir notre histoire.

Il est en effet fondamental que notre mémoire nationale s’incarne dans des lieux dédiés et ouverts au public. C’est une forme incontournable de transmission de notre mémoire. Cette dimension semble évidente pour des sites comme Verdun ou les grandes nécropoles nationales, liés à des conflits qui se sont déroulés sur notre propre sol.

La problématique est différente en ce qui concerne nos soldats disparus lors d’opérations extérieures. Ces opérations, qui sont de véritables guerres, paraissent lointaines et abstraites à nombre de nos concitoyens. Aussi est-il important que nos soldats ayant participé à des OPEX bénéficient de la même reconnaissance que les autres anciens combattants.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Christian Namy. Je conclus, monsieur le président, mais le sujet mérite peut-être quelques secondes supplémentaires !

Nous avons également besoin de lieux pour commémorer leur engagement au service de la France. À ce titre, je ne peux que me féliciter que le projet d’édification d’un monument aux morts en opérations extérieures progresse.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Namy !

M. Christian Namy. Après plusieurs années de rebondissements, il semble qu’un consensus ait été trouvé sur l’érection d’un monument en l’honneur de nos soldats disparus en opérations extérieures.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » connaît aujourd’hui un véritable tournant. En dépit d’une situation financière difficile, le budget qui nous est présenté cette année est à la hauteur de l’effort que nous devons à notre histoire et à nos anciens combattants. Dès lors, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le contexte dramatique que nous connaissons a rappelé aux Français la nécessité de défendre les valeurs de la République. La mobilisation de notre pays à la suite des odieux attentats du 13 novembre dernier nous conforte dans l’idée que le combat pour ces valeurs impératives de liberté, d’égalité, de fraternité est toujours d’actualité. Nous devons plus que jamais rendre hommage à ceux qui, au cours des différents conflits, ont sacrifié leur jeunesse, parfois leur vie, pour les défendre.

Monsieur le secrétaire d'État, ce budget, nous l’attendions ! En effet, l’année dernière, vous nous aviez fait un certain nombre de promesses. Vous aviez ainsi annoncé la mise en place de groupes de travail sur les sujets les plus importants pour lesquels des réponses concrètes n’avaient pas été encore apportées. Je pense au bénéfice de la campagne double, aux veuves de grands invalides, aux mesures d’aide sociale en faveur des plus démunis et des plus fragiles, conjoints survivants ou anciens combattants, aux mesures destinées aux harkis ou aux soldats ayant participé à des OPEX. Votre projet de budget témoigne que ces problématiques ont été prises en compte. Vous êtes ainsi le ministre des engagements tenus, à l’instar de vos prédécesseurs socialistes, Jean-Pierre Masseret, Jacques Floch ou Kader Arif : votre action s’inscrit dans la lignée de la leur !

Ces mesures sont prises dans un contexte financier difficile. Tout le monde doit faire un effort pour le rétablissement des comptes de la nation, mais vous avez su faire des choix permettant de répondre aux préoccupations du monde combattant. Ces mesures sont toutes inspirées par les mêmes principes directeurs : la justice sociale et l’équité.

S’agissant du bénéfice de la campagne double, nous avions observé, l’an dernier, que le décret avait peut-être été pris un peu à la hâte. Que de chemin parcouru depuis ! Vous avez pris en compte les préoccupations exprimées par les groupes de travail et, aujourd’hui, les revendications des anciens combattants sont satisfaites : tous ceux qui remplissent les conditions requises pourront bénéficier de la campagne double, soit 5 500 personnes, contre moins d’une dizaine précédemment.

Votre projet de budget comporte également une mesure ciblée de justice sociale en faveur des veuves de grands invalides, qui ont sacrifié leur vie à leur conjoint grande victime de guerre. Jusqu’à présent, si elles avaient soigné celui-ci pendant neuf ans et onze mois avant que le décès ne survienne, elles n’avaient droit à rien ! Désormais, elles pourront toucher jusqu’à 7 000 euros par an. Le montant de l’aide sera modulé en fonction du nombre d’années consacrées à l’assistance à leur conjoint, la durée minimale ouvrant droit au bénéfice de la mesure étant de cinq ans. Ce dispositif tout à fait remarquable profitera à 1 400 personnes, pour un coût total de 1,9 million d’euros en 2016, montant qui doublera en 2017.

Vous n’avez pas non plus oublié de tenir la promesse, faite l’année dernière, d’inscrire dans le budget le financement de la deuxième tranche de la revalorisation de cette allocation, à compter du 1er janvier 2016. Cette revalorisation s’élève à cinquante points d’indice : la valeur du point étant de 14 euros, cela représente 700 euros supplémentaires par an pour ces femmes qui ont sacrifié une partie de leur vie pour soigner leur mari.

Par ailleurs, vous réparez, au travers de ce projet de budget, une injustice. Les conjoints survivants les plus démunis, dont les revenus sont inférieurs au seuil européen de pauvreté, bénéficient d’une garantie de ressources, mais pas les anciens combattants se trouvant dans la même situation. Vous y remédiez en substituant à l’aide différentielle au conjoint survivant un dispositif élargi, adapté aux besoins réels de chaque allocataire. L’étude des dossiers sera menée au plus près de la réalité de la situation des demandeurs, puisqu’elle sera confiée aux commissions départementales de solidarité de l’ONACVG. On peut donc être sûr que l’argent sera bien employé et équitablement réparti. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir pris cette mesure, qui était attendue par le monde combattant.

Le problème douloureux des harkis, odieusement abandonnés par la République à l’issue de la guerre d’Algérie, nous préoccupe depuis des années. Vous consolidez la reconnaissance de la nation en accordant aux conjoints et ex-conjoints survivants des anciens membres des forces supplétives une rente annuelle d’un montant de 3 415 euros, indexé de surcroît sur l’inflation.

Une autre mesure importante vise à instaurer l’égalité entre les différentes générations du feu. Il a fallu beaucoup travailler pour obtenir que la troisième génération du feu, celle des anciens d’Algérie, bénéficie de la carte du combattant ; il a fallu attendre longtemps pour que la France reconnaisse enfin que, en Algérie, c’était la guerre. J’ai d’ailleurs eu l’honneur de rapporter, à l’Assemblée nationale, la proposition de loi portant reconnaissance de la guerre d’Algérie, qui fut adoptée à l’unanimité par les deux chambres. Il s’agit là de l’un de mes meilleurs souvenirs de parlementaire.

Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, nous voterons votre projet de budget avec enthousiasme. Permettez-moi cependant de formuler deux observations, qui pourront inspirer nos travaux de l’année à venir.

Premièrement, la valeur du point d’indice est figée à 14 euros depuis un certain nombre d’années. Je crois qu’il serait temps que nous réfléchissions ensemble à la façon dont nous pourrions la rehausser.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Alain Néri. Je sais que ce serait une mesure coûteuse, puisqu’elle emporterait la revalorisation non seulement des rentes et pensions militaires, mais également de toutes les aides aux anciens combattants.

Deuxièmement, dans votre remarquable discours du 11 novembre dernier, vous nous avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, l’importance des décorations, en indiquant qu’elles constituent « un lien intergénérationnel indélébile entre celles et ceux qui ont fait la démonstration de leur courage, de leur sens du devoir et de leur esprit de sacrifice de 1915 à nos jours ».

Un effort a été fait, nous le reconnaissons, au travers d’un certain accroissement des contingents au titre de l’Ordre national du mérite, de l’Ordre national de la Légion d’honneur et de la médaille militaire. Néanmoins, le retard à rattraper est très important, monsieur le secrétaire d’État… Ceux qui attendent impatiemment la reconnaissance de leur engagement au service de la nation par le biais de l’attribution de la médaille militaire vieillissent.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Alain Néri. Il serait peut-être utile que le Sénat, par votre intermédiaire, demande à M. le grand chancelier de la Légion d’honneur de faire preuve de davantage d’ouverture, en augmentant les contingents au titre de la médaille militaire, pour que soient enfin récompensés ceux qui n’ont pas reculé devant les risques de blessures au combat.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Néri !

M. Alain Néri. La nation rendrait ainsi un juste hommage à ceux qui ont défendu les valeurs de la République, la liberté, l’égalité et la fraternité, pour que vive la République et que vive la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ainsi que l’a souligné M. le rapporteur spécial, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » respecte la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et apporte son concours au redressement des comptes publics.

Cette mission présente la particularité d’afficher des crédits significativement en baisse tout en comportant des mesures nouvelles. En effet, la diminution du nombre des bénéficiaires de la pension militaire d’invalidité et de la retraite du combattant offre mécaniquement une marge d’action, qui permet de renforcer la politique de solidarité à l’égard des anciens combattants.

Ainsi, comme l’ont souligné les différents rapporteurs, on observe, à périmètre constant, une baisse des crédits de 4,9 % par rapport à 2015. Pour autant, 5,2 millions d’euros supplémentaires seront alloués aux dispositifs de réparation et de reconnaissance en faveur du monde combattant, qui constituent un volet essentiel de la mission.

Cet effort budgétaire permet de compléter les droits existants ou de rendre plus équitable l’accès à certains d’entre eux ; on ne peut que s’en réjouir.

La plupart d’entre nous sommes à l’écoute des anciens combattants, et il faut reconnaître que les mesures nouvelles prévues par la mission ont été globalement bien accueillies, même si les associations d’anciens combattants auraient souhaité une revalorisation du point d’indice de la pension militaire d’invalidité. Il s’agit d’une demande récurrente.

En attendant un retour à meilleure fortune – pour reprendre une expression désormais consacrée –, les mesures nouvelles visent principalement les plus modestes. Le RDSE y est bien sûr très favorable, car – faut-il le rappeler ? – l’État a une dette imprescriptible à l’égard de tous ceux et toutes celles qui ont consenti des sacrifices au service de la France.

Je salue l’extension du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord dont les pensions ont été liquidées avant le 19 octobre 1999. C’est une mesure de justice devant profiter à environ 5 800 personnes et dont le coût sera pris en charge par le compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Pour ce qui relève strictement du ressort de la mission, je souligne l’attention portée aux conjoints et ex-conjoints survivants d’anciens membres des formations supplétives touchés par la forclusion des demandes d’allocation de reconnaissance. Cette mesure entre dans le cadre de la politique plus générale de réparation en faveur des harkis, que nous devons soutenir eu égard aux drames que ceux-ci ont vécus en raison de leur attachement à la France.

Les conjoints survivants des grands invalides de guerre font également l’objet d’une mesure nouvelle, avec l’élargissement au plus grand nombre de la majoration spéciale prévue à l’article L. 52-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. Là aussi, il s’agit de rétablir l’équité et de prendre en compte l’abnégation dont ont pu faire preuve les conjoints de grands invalides, qui ont dû parfois mettre de côté leur carrière professionnelle.

Enfin, toujours en ce qui concerne le droit à réparation, j’espère que la refonte de la politique sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre permettra de garantir à la fois le niveau de l’aide et son affectation selon le principe d’équité.

J’évoquerai maintenant rapidement la politique de mémoire, consacrée au travers du programme 167, dont 40 % des crédits sont destinés à financer la journée défense et citoyenneté. Les crédits de l’action correspondante diminuent fortement en raison, cela a été dit, d’un transfert à la mission « Défense » et du non-renouvellement du marché de la formation au secourisme. Quoi qu’il en soit, au-delà de la discussion budgétaire, nous pouvons nous demander si la JDC est toujours un format adapté aux enjeux de la défense.

Par ailleurs, les attentats tragiques du 13 novembre dernier ont déclenché une forme d’élan patriotique, manifesté par la mise en lumière de nos symboles républicains, mais pas uniquement. En effet, lors du débat sur les crédits de la mission « Défense », le ministre a indiqué que, chaque jour, 1 500 jeunes se renseignaient sur les carrières de l’armée de terre, contre 500 avant les attentats. C’est le signe que l’esprit de défense est encore bien vivant quand la France est menacée par les ennemis de la liberté, de la tolérance et de l’humanisme.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ardent défenseur des valeurs républicaines, le RDSE apportera son soutien à l’adoption des crédits de la présente mission. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » occupe une place limitée dans le projet de loi de finances, son importance symbolique est très grande ; c’est encore plus vrai dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons.

Malheureusement, cette mission n’échappe pas au dogme de la réduction de la dépense publique, que nous dénonçons avec constance. Relativiser la baisse de 4,7 % des crédits en raison des évolutions démographiques, c’est oublier que les attentes des anciens combattants deviennent toujours plus pressantes compte tenu de leur âge : 76 ans en moyenne pour les anciens d’Afrique du Nord.

Or le simple maintien de l’enveloppe de 2015 aurait permis de satisfaire nombre de leurs demandes. Certes, on peut aussi se rassurer en disant que les crédits ne baisseront que de 130 millions d’euros, après une baisse de 250 millions d’euros en 2015, mais il n’en reste pas moins que cette diminution est à comparer aux 165 millions d’euros reçus par le groupe Auchan au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

Ce propos n’est pas en décalage avec notre débat, mes chers collègues, bien au contraire, puisque le patron multimilliardaire de ce groupe, Gérard Mulliez, a déclaré, au sujet du CICE, qu’il n’avait rien demandé et qu’il n’en avait de toute façon pas besoin…

Les anciens combattants apprécieront ce choix d’affectation des ressources de la nation. On ne peut pas toujours arguer que le contexte financier est difficile : notre pays n’a jamais été aussi riche ! Ce projet de loi de finances est donc aussi affaire de choix quant à la répartition des richesses.

Monsieur le secrétaire d'État, je le reconnais volontiers, vous êtes un excellent communicant ! Vous avez mis en exergue les quelques avancées de ce budget, que M. le rapporteur pour avis a jugées symboliques devant la commission des affaires sociales. En réalité, ces mesures nouvelles ne représenteront, au mieux, que quelques millions d’euros, pour un total de crédits de 2,6 milliards d’euros. Encore faudra-t-il, du reste, qu’elles soient suivies d’effet…

Globalement, ce projet de budget ne contient que très peu de mesures nouvelles ; il procède surtout à des adaptations.

Je pense aux modalités de calcul plus favorables de la majoration de pension pour les conjoints de grands invalides de guerre. Il s’agit en fait d’une mesure de lissage dont l’effet est difficile à apprécier.

Je pense également à l’extension du bénéfice de la campagne double pour certains anciens fonctionnaires et assimilés. C’est une bonne chose.

Je pense enfin à l’allocation de 3 145 euros par an pour les conjoints et ex-conjoints de harki. Cette mesure est tout à fait bienvenue.

En revanche, monsieur le secrétaire d'État, vous vous êtes très peu étendu sur une mesure qui, d'ailleurs, avait déjà été engagée en 2015 : la substitution d’une aide de solidarité à l’aide différentielle aux conjoints survivants. Depuis le mois de juin, les veuves d’anciens combattants ne peuvent plus prétendre qu’aux aides sociales de l’ONACVG, dont le bénéfice est subordonné à la présentation des justificatifs nécessaires.

Pourtant, en août dernier, vous affirmiez encore que cette allocation était nécessaire. En 2014, il avait même été promis que son bénéfice serait étendu aux anciens combattants eux-mêmes. Il n’en sera donc rien. On revient à la case départ des aides facultatives, aussi bien, d'ailleurs, pour les veuves d’anciens combattants que pour les anciens combattants eux-mêmes. Je développerai mon point de vue sur ce sujet lorsque j’expliquerai mon vote sur l’amendement n° II-147.

Enfin, ce projet de budget ne comporte aucune revalorisation des pensions militaires d’invalidité, de la retraite du combattant ou du plafond majorable des rentes mutualistes. Nous le regrettons. Vous avez déclaré que ces mesures coûteraient trop cher à l’État ; pourtant, comme je l’ai déjà montré, d’autres choix ont été faits qui sollicitent bien plus lourdement les finances publiques. Les membres du groupe CRC voteront donc contre les crédits de la mission.

Permettez-moi de conclure en évoquant le lien entre armée et nation.

En commission des affaires sociales, M. le rapporteur pour avis a souligné son importance, notamment en cette période où la jeunesse doit être pleinement sensibilisée aux enjeux de la défense de notre pays et des valeurs de la République. Il a également insisté à juste titre sur l’intérêt, en termes de dialogue social et d’insertion, de la journée défense et citoyenneté. Nous saluons nous aussi l’expérimentation d’un service militaire volontaire.

Toutefois, nous voyons bien les limites de ces dispositifs, le lien entre armée et nation ayant été sérieusement ébranlé, depuis trente ans, par la priorité donnée à la projection d’une armée de professionnels sur des théâtres d’opérations extérieures, le plus souvent, d'ailleurs, dans le cadre de l’OTAN et en l’absence de lien réel avec des menaces pesant sur l’indépendance et la souveraineté de la France.

Toutes ces considérations militent aujourd'hui pour l’ouverture d’un débat sur la création d’un service national civique mixte universel, destiné aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-six ans, rémunéré et pris en compte au titre de la retraite. De notre point de vue, les appelés pourraient ainsi être sensibilisés aux enjeux de la défense nationale, mais aussi de solidarité, de fraternité et de paix en France et dans le monde. Ce serait une évolution positive, à condition toutefois, bien entendu, que les organisations de jeunesse, dont on connaît les réticences, soient associées à la démarche. En tout état de cause, il faudrait, à tout le moins, qu’une réflexion commune s’engage sur toutes ces questions, le format de la JDC nous paraissant à tous trop étriqué, surtout dans les circonstances actuelles.

En conclusion, pour les raisons que je viens de résumer, nous ne pourrons voter les crédits de cette mission, qui manque selon nous d’ambition. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard.

M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après la chute du mur de Berlin, beaucoup ont cru en une paix définitive, pariant sur la réduction de l’effort de défense et la diminution mécanique et progressive des politiques en faveur des anciens combattants.

Dans nos communes, nous avons tous constaté la baisse de fréquentation des commémorations. Finalement, nous n’assistions à rien d’autre qu’à l’une des manifestations du délitement du lien entre armée et nation.

Pourtant, jamais depuis plus de cinquante ans nos armées n’auront été engagées simultanément sur autant de théâtres extérieurs : le Sahel, le Levant, la Centrafrique, après les dures années passées en Afghanistan… Aujourd’hui, elles sont également engagées sur le sol national, devenu un front intérieur dans la lutte contre le terrorisme.

Nos concitoyens redécouvrent, dans des circonstances tragiques, ce besoin de communion et de solidarité, de partage d’idéaux pour la défense desquels s’engagent nos soldats, dans nos rues comme dans les montagnes des Ifoghas.

Au nom de mon groupe, je veux rendre un hommage solennel à ceux, toutes générations du feu confondues, qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la France.

En cette année tragique, nos soldats ont en quelque sorte réintégré le quotidien des Français. Ils leur rappellent à quel point la paix et la sécurité sont des biens précieux. Dans ce contexte, nous devons faire preuve d’un esprit de responsabilité encore plus grand, car les militaires d’aujourd’hui sont les anciens combattants de demain.

Le lien entre armée et nation constitue, à mes yeux, l’un des éléments du pacte républicain. Aussi devons-nous impérativement trouver les moyens de le réaffirmer, de le développer. L’heure est à la réappropriation.

À cet égard, la journée défense et citoyenneté représente un défi. Je tiens à saluer l’implication personnelle, sur ce dossier, de notre rapporteur pour avis, Jean-Baptiste Lemoyne. À mon sens, cette journée doit être repensée. En effet, en dépit du professionnalisme des intervenants militaires, elle ne saurait répondre efficacement aux nombreux objectifs qui lui sont assignés : diffuser l’esprit de défense chez les jeunes, les initier aux questions stratégiques, détecter les cas d’échec scolaire, la désocialisation, la radicalisation… le tout en moins de vingt-quatre heures ! N’est-ce pas trop ?

Si l’on veut renforcer la citoyenneté et l’esprit de défense et lutter en amont contre la radicalisation, comme l’a très justement suggéré notre rapporteur pour avis, il faut trouver un format adapté. Pour certains de ces objectifs, il me semble que l’éducation nationale devrait également prendre sa part.

Je profiterai de cette intervention pour remercier les associations du monde combattant du travail remarquable qu’elles réalisent en faveur de la transmission de la mémoire et de la défense des droits de ceux qui se sont battus pour notre pays.

Je tiens à saluer l’avancement de l’érection du monument dédié aux soldats morts en opérations extérieures, dont la construction fut décidée en 2011. La France doit honorer la mémoire de ces soldats. À cet égard, j’espère que des actions pédagogiques seront menées auprès des jeunes pour qu’ils comprennent l’engagement de nos militaires.

Les années 2014 et 2015 ont été marquées par un cycle mémoriel très dense. En tant qu’élu du département du Calvados, où les sites de mémoire sont nombreux, j’y suis très attentif. Pour les collectivités locales, le tourisme de mémoire est aussi un levier de croissance économique, c’est vrai, mais c’est avant tout un moyen de transmission de notre héritage historique.

Monsieur le secrétaire d'État, les cérémonies de commémoration ont été de véritables succès. Nous nous en félicitons.

Avant de conclure, je souhaite attirer votre attention sur des problèmes précis, qui méritent que nous leur donnions des solutions rapidement.

Je veux d'abord évoquer la situation de l’Institution nationale des invalides, dont le renouvellement du contrat d’objectifs et de performance est urgent. Je souligne l’intérêt que lui porte notre rapporteur spécial, Marc Laménie, qui a engagé une mission de contrôle sur le sujet. Cette institution est « la maison des combattants âgés, malades ou blessés au service de la patrie ». La prise en charge physique et psychologique et l’accompagnement des nombreux soldats blessés lors des OPEX sont des nécessités absolues.

Je rappelle que, en 2013, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, l’amendement de notre collègue André Trillard visant à la mise en place d’une politique de détection, de prise en charge et de suivi des symptômes post-traumatiques chez les soldats revenus d’OPEX avait été adopté à l’unanimité.

Monsieur le secrétaire d'État, je sais que vous êtes très sensible à cette problématique. Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet des retours d’expérience, très inquiétants, de Centrafrique et, dans un autre contexte, d’Afghanistan ?

Devant la commission des affaires sociales, vous avez regretté la longueur excessive des délais de traitement des demandes de pension militaire d’invalidité. Je tiens à saluer votre engagement sur ce sujet et la priorité accordée aux blessés graves en OPEX. Mais, nous le savons tous ici, les concernant, les délais sont encore trop longs.

S’agissant des restructurations de l’ONACVG, les associations d’anciens combattants craignent un affaiblissement de l’établissement et une perte de lien avec le territoire. Je sais notre rapporteur spécial et notre rapporteur pour avis très mobilisés sur ce dossier.

Enfin, si le contingent de médailles militaires a été augmenté, il concerne autant l’armée d’active que les anciens combattants. Un effort supplémentaire serait souhaitable.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, vous l’aurez compris, les membres du groupe Les Républicains voteront en faveur de l’adoption des crédits de la mission. Toutefois, ils souhaiteraient que puisse être organisé un débat sur la délicate question du statut des troupes supplétives en Algérie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.